Une marche à travers l'Europe
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
voilier
randonnée/trek
/
Quand : 19/02/2023
Durée : 542 jours
Durée : 542 jours
Distance globale :
8526km
Dénivelées :
+204132m /
-201109m
Alti min/max : -1m/3013m
Carnet publié par SamuelK
le 08 oct. 2023
modifié le 01 oct.
modifié le 01 oct.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Précisions :
Pour me rendre au départ : bus Bordeaux > Tarifa.
Traversée d'Europe de Tarifa à Istanbul : 100% à pied !
Chemin retour d'Istanbul à la France : marche, voile, vélo, ferry et train.
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Vue d'ensemble
Le topo : Espagne : Riglos > France (Sierra de Guara, Pyrénées) (mise à jour : 08 oct. 2023)
Distance section :
256km
Dénivelées section :
+9125m /
-9115m
Section Alti min/max : 555m/2283m
Description :
12/05/2023 > 20/05/2023
262 km ; D+ 12,5 km ; D- 12,5 km
262 km ; D+ 12,5 km ; D- 12,5 km
Le compte-rendu : Espagne : Riglos > France (Sierra de Guara, Pyrénées) (mise à jour : 08 oct. 2023)
De Riglos j'entre dans le Parque Natural de la Sierra y los Cañones de Guara, situé au Nord de Huesca. Je traverse le parc d'Ouest en Est dans sa partie Nord, au creux d'une longue vallée cernée par deux chaînes de montagnes, perforées perpendiculairement par des canyons qui s'écoulent vers le Sud. Une route unique emprunte cette vallée et dessert des petits villages aux vieilles maisons en pierre. Rares sont les villages encore réellement habités. Certains possèdent quelques habitants isolés et maisons secondaires. Beaucoup de ces maisons sont laissées à l'abandon par les leurs héritiers multiples. Certaines sont alors squattées et entretenues par les gens qui y vivent. Enfin certains villages en ruine sont complètement abandonnés visiblement depuis plusieurs décennies. Cela me fait toujours un pincement au cœur de voir ces habitations détruites en pensant au travail qu'à nécessité leur construction, et de penser qu'il y avait là de la vie auparavant. Aujourd'hui, c'est ruines offrent un décors et une ambiance avec un certain charme.
Je me trouve souvent sur le GR1 qui traverse le Nord du pays, que je quitte pour prendre des racourcis ou au contraire pour faire des détours afin d'approcher les canyons. Je croise quelques touristes français en ballade ou en VTT sur le GR1, autrement je suis complètement seul. Il est impressionnant de voir la taille de ces canyons au regard du faible debit des rivières qui s'écoulent dans leur fond, qui les ont pourtant creusés sous l'action lente et puissante du temps. Je longe une partie du cañon del Mascún à flanc de falaise. De manière similaire au canyon d'Ordessa non loin d'ici dans les Pyrénées, c'est un chemin vertigineux vu de loin. On se demande comment est-ce possible qu'il soit pratiquable, et puis une fois dessus ça passe sans problème et le chemin est grandiose. Les formations géologiques calcaires sont variées. Les parois du canyon forment parfois des rideaux ondulés rigides et minces, en haut des quels poussent quelques arbres braves et solitaires. Parfois, des stalactites géantes s'élèvent du fond du canyon jusqu'à ma hauteur.
En sortant de la Sierra se Guara, j'ai mes premières vues sur la chaîne des Pyrénées, une forteresse intimidante qui se dresse devant moi. J'ai du mal à réaliser que je suis venu ici à pieds depuis Tarifa. Lorsque j'y parviens, cela me procure une certaine émotion. Je rejoins un secteur que je connais : je vois l'arrière du cirque de Gavarnie et la face Nord du mont Perdu sur lequel j'étais monté en septembre denier. Cette fortesse pyrénéenne, je l'ai justement traversée d'Est en Ouest. Alors là, je peux bien la traverser du Sud au Nord. Sauf que nous sommes fin mai, et que depuis une semaine la météo s'est soudainement rafraichie. Il y a de la neige à partir de 2000m côté espagnol, et 1700m côté français. Je dois donc revoir mon itinéraire pour éviter les cols où je comptais passer. Chaque soir je passe du temps sur la carte à étudier plusieurs possibilités. Dans tous les cas, j'aviserai sur place en fonction de la météo et de l'enneigement local. Je souhaite passer la frontière à une date précise, et aller rendre visite à une amie qui habite juste de l'autre côté avant qu'elle ne s'absente. J'enchaîne alors des grosses étapes, visant quelques jours de repos ensuite pour récupérer. Cela m'est facilité par la présence régulière de cabanes non gardées, qui m'offrent un abri confortable et m'économisent du temps d'installation et de rangement du bivouac. J'enchaîne ainsi quatre nuits en cabane avec soirée devant un feu de cheminée. En plus de m'abriter des températures qui redeviennent négatives la nuit, ces cabanes me procurent surtout la paix d'être abrité du vent. L'Espagne est un pays très venteux. Depuis deux semaines, ce vent est particulièrement fort. Il est toujours là ou alors menaçant, soufflant la cime des arbres au dessus de moi, près à m'asaillir au prochain virage. Il m'empêche de prendre des pauses dignes de ce nom, il fait un vacarme dans mes oreilles, il fait s'envoler le moindre objet léger laissé libre une seconde, il me refroidit lorsque je m'arrête et me glace quand je me lave. Ce n'est rien de grave, mais c'est agressif et énervant. Pourtant, comme tout élément de la météo, le vent est, simplement, et il faut faire avec. Je suis autrement content d'être à nouveau en montagne, la haute montagne, de retrouver les Pyrénées !
Je trace un itinéraire qui me fait passer trois cols légèrement au-dessus de 2000m. J'appréhende un peu le fait qu'ils soient pratiquables. Dans tous les cas, je me promets de faire demi-tour s'il y a des passages trop enneigés ou des névés trop pentus à franchir, même si cela me contraint à faire de longs détours et à reconsidérer à nouveau mes plans. Finalement, les trois cols sont bien orientés et ne sont absolument pas enneigés, même si des sommets voisins à la même altitude le sont. Je décide de passer la frontière dans la vallée de Vielha, où un important axe routier relie les deux pays grâce à un tunnel de qui perce la montagne. C'est ici que je croise le tracé de ma traversée des Pyrénées. C'est la troisième fois que je viens dans cette vallée, je commence à connaître les lieux. Les cols au-dessus du tunnel de Vielha sont largement trop enneigés pour imaginer les franchir sans équipement spécial. Depuis quelques jours, j'ai l'idée de traverser le tunnel à pieds. Un couple de français rencontré quelques jours plutôt m'ont dit que c'est dorénavant interdit à pieds et à vélo. Je souhaite tout de même tenter le coup. J'aviserai sur place si je passe le tunnel à pieds ou en stop. Peut-être extrémiste, ça m'embêterais de casser ici la l'intégralité de ma traversée à pieds à cause d'un interdit. Arrivé à l'entrée du tunnel, je stresse un peu. Comme dans tout tunnel, il y a un trottoir suffisamment large pour marcher sans danger. Je ne me rends pas compte d'à quel point je risque d'avoir des ennuis. Ce serait idiot de prendre des risques inutiles, mais après tout il ne s'agit pas de risques physiques. Je vais voir 300m plus loin, là où je vois sur ma carte le tunnel de secours parallèle. Le tunnel est ouvert, il n'y a personne, je m'y engage. À l'intérieur il fait noir, avec une lumière tous les 400m, là où sont situés les couloirs qui rejoignent le tunnel principal. Le tunnel est parfaitement rectiligne sur ces 5,4 km de longueur. Rapidement j'éteins ma frontale. Il fait alors tout noir autour de moi, je ne vois rien à part le prochain point lumineux qui suffit à m'orienter sans devier. Il fait 5°C avec un léger vent de face. Voilà une expérience et une sensation uniques que je suis content de m'offrir ! J'avance tranquillement. À chaque lumière, un panneau indique les distances vers les deux extrémités du tunnel. Cela me parait plus long que 5 km de plat sur une piste. À mi-chemin, je vois une lumière différente au loin qui s'avance bel et bien vers moi, il s'agit d'une voiture. Mince, je regagne le trotoir et rallume alors ma frontale pour me signaler. Mauvaise coïncidence temporelle, il s'agit d'un employé du tunnel. Il s'arrête brusquement, sort et m'engueule agressivement. J'essaye de lui montrer que je ne suis qu'un marcheur inoffensif mais il ne veut rien savoir. Il attrape son téléphone mais forcément, avec plus d'un kilomètre de terre au-dessus de notre tête, il n'y a aucun réseau. Il me laisse alors la paix, réalisant j'imagine qu'au delà de l'effet de surprise, je ne présente aucun danger pour autrui ou pour moi-même. À la sortie du tunnel, personne ne m'attend, cela n'aura été qu'une simple péripétie. C'est fait, demain je pourrai passer en France en ayant traversé l'Espagne à pieds, avec la fantaisie en plus d'avoir traversé un tunnel à pieds ! J'arrive de nuit à Vielha pour ma dernière nuit en Espagne. Le lendemain, je descends l'autre versant de la vallée de Vielha. Les villages sont très touristiques, avec une majorité de maisons de location. Je traverse aussi ces villes tristes où l'activité économique se résume à des supermarchés qui vendent tabac, alcool et essence aux français qui viennent s'approvisionner de l'autre côté de la frontière. Je passe la frontière dans la soirée et suis alors en Haute-Garonne, tout près de l'Ariège. Il est 20h30, et il me reste encore 800m de montée pour passer cette première soirée dans une cabane luxueuse repérée sur ma carte. Bien que mes muscles soient fatigués par les dernières journées, cette dernière montée passe très bien. J'arrive à la tombée de la nuit après avoir vu une vingtaine de biches sur le chemin. La cabane est déjà occupée par une famille, c'est avec eux que je célébrerai cette étape. Quand je pense que le matin même je me réveillais sous le porche d'une chapelle à Vielha, cela me paraît bien lointain !
Je me trouve souvent sur le GR1 qui traverse le Nord du pays, que je quitte pour prendre des racourcis ou au contraire pour faire des détours afin d'approcher les canyons. Je croise quelques touristes français en ballade ou en VTT sur le GR1, autrement je suis complètement seul. Il est impressionnant de voir la taille de ces canyons au regard du faible debit des rivières qui s'écoulent dans leur fond, qui les ont pourtant creusés sous l'action lente et puissante du temps. Je longe une partie du cañon del Mascún à flanc de falaise. De manière similaire au canyon d'Ordessa non loin d'ici dans les Pyrénées, c'est un chemin vertigineux vu de loin. On se demande comment est-ce possible qu'il soit pratiquable, et puis une fois dessus ça passe sans problème et le chemin est grandiose. Les formations géologiques calcaires sont variées. Les parois du canyon forment parfois des rideaux ondulés rigides et minces, en haut des quels poussent quelques arbres braves et solitaires. Parfois, des stalactites géantes s'élèvent du fond du canyon jusqu'à ma hauteur.
En sortant de la Sierra se Guara, j'ai mes premières vues sur la chaîne des Pyrénées, une forteresse intimidante qui se dresse devant moi. J'ai du mal à réaliser que je suis venu ici à pieds depuis Tarifa. Lorsque j'y parviens, cela me procure une certaine émotion. Je rejoins un secteur que je connais : je vois l'arrière du cirque de Gavarnie et la face Nord du mont Perdu sur lequel j'étais monté en septembre denier. Cette fortesse pyrénéenne, je l'ai justement traversée d'Est en Ouest. Alors là, je peux bien la traverser du Sud au Nord. Sauf que nous sommes fin mai, et que depuis une semaine la météo s'est soudainement rafraichie. Il y a de la neige à partir de 2000m côté espagnol, et 1700m côté français. Je dois donc revoir mon itinéraire pour éviter les cols où je comptais passer. Chaque soir je passe du temps sur la carte à étudier plusieurs possibilités. Dans tous les cas, j'aviserai sur place en fonction de la météo et de l'enneigement local. Je souhaite passer la frontière à une date précise, et aller rendre visite à une amie qui habite juste de l'autre côté avant qu'elle ne s'absente. J'enchaîne alors des grosses étapes, visant quelques jours de repos ensuite pour récupérer. Cela m'est facilité par la présence régulière de cabanes non gardées, qui m'offrent un abri confortable et m'économisent du temps d'installation et de rangement du bivouac. J'enchaîne ainsi quatre nuits en cabane avec soirée devant un feu de cheminée. En plus de m'abriter des températures qui redeviennent négatives la nuit, ces cabanes me procurent surtout la paix d'être abrité du vent. L'Espagne est un pays très venteux. Depuis deux semaines, ce vent est particulièrement fort. Il est toujours là ou alors menaçant, soufflant la cime des arbres au dessus de moi, près à m'asaillir au prochain virage. Il m'empêche de prendre des pauses dignes de ce nom, il fait un vacarme dans mes oreilles, il fait s'envoler le moindre objet léger laissé libre une seconde, il me refroidit lorsque je m'arrête et me glace quand je me lave. Ce n'est rien de grave, mais c'est agressif et énervant. Pourtant, comme tout élément de la météo, le vent est, simplement, et il faut faire avec. Je suis autrement content d'être à nouveau en montagne, la haute montagne, de retrouver les Pyrénées !
Je trace un itinéraire qui me fait passer trois cols légèrement au-dessus de 2000m. J'appréhende un peu le fait qu'ils soient pratiquables. Dans tous les cas, je me promets de faire demi-tour s'il y a des passages trop enneigés ou des névés trop pentus à franchir, même si cela me contraint à faire de longs détours et à reconsidérer à nouveau mes plans. Finalement, les trois cols sont bien orientés et ne sont absolument pas enneigés, même si des sommets voisins à la même altitude le sont. Je décide de passer la frontière dans la vallée de Vielha, où un important axe routier relie les deux pays grâce à un tunnel de qui perce la montagne. C'est ici que je croise le tracé de ma traversée des Pyrénées. C'est la troisième fois que je viens dans cette vallée, je commence à connaître les lieux. Les cols au-dessus du tunnel de Vielha sont largement trop enneigés pour imaginer les franchir sans équipement spécial. Depuis quelques jours, j'ai l'idée de traverser le tunnel à pieds. Un couple de français rencontré quelques jours plutôt m'ont dit que c'est dorénavant interdit à pieds et à vélo. Je souhaite tout de même tenter le coup. J'aviserai sur place si je passe le tunnel à pieds ou en stop. Peut-être extrémiste, ça m'embêterais de casser ici la l'intégralité de ma traversée à pieds à cause d'un interdit. Arrivé à l'entrée du tunnel, je stresse un peu. Comme dans tout tunnel, il y a un trottoir suffisamment large pour marcher sans danger. Je ne me rends pas compte d'à quel point je risque d'avoir des ennuis. Ce serait idiot de prendre des risques inutiles, mais après tout il ne s'agit pas de risques physiques. Je vais voir 300m plus loin, là où je vois sur ma carte le tunnel de secours parallèle. Le tunnel est ouvert, il n'y a personne, je m'y engage. À l'intérieur il fait noir, avec une lumière tous les 400m, là où sont situés les couloirs qui rejoignent le tunnel principal. Le tunnel est parfaitement rectiligne sur ces 5,4 km de longueur. Rapidement j'éteins ma frontale. Il fait alors tout noir autour de moi, je ne vois rien à part le prochain point lumineux qui suffit à m'orienter sans devier. Il fait 5°C avec un léger vent de face. Voilà une expérience et une sensation uniques que je suis content de m'offrir ! J'avance tranquillement. À chaque lumière, un panneau indique les distances vers les deux extrémités du tunnel. Cela me parait plus long que 5 km de plat sur une piste. À mi-chemin, je vois une lumière différente au loin qui s'avance bel et bien vers moi, il s'agit d'une voiture. Mince, je regagne le trotoir et rallume alors ma frontale pour me signaler. Mauvaise coïncidence temporelle, il s'agit d'un employé du tunnel. Il s'arrête brusquement, sort et m'engueule agressivement. J'essaye de lui montrer que je ne suis qu'un marcheur inoffensif mais il ne veut rien savoir. Il attrape son téléphone mais forcément, avec plus d'un kilomètre de terre au-dessus de notre tête, il n'y a aucun réseau. Il me laisse alors la paix, réalisant j'imagine qu'au delà de l'effet de surprise, je ne présente aucun danger pour autrui ou pour moi-même. À la sortie du tunnel, personne ne m'attend, cela n'aura été qu'une simple péripétie. C'est fait, demain je pourrai passer en France en ayant traversé l'Espagne à pieds, avec la fantaisie en plus d'avoir traversé un tunnel à pieds ! J'arrive de nuit à Vielha pour ma dernière nuit en Espagne. Le lendemain, je descends l'autre versant de la vallée de Vielha. Les villages sont très touristiques, avec une majorité de maisons de location. Je traverse aussi ces villes tristes où l'activité économique se résume à des supermarchés qui vendent tabac, alcool et essence aux français qui viennent s'approvisionner de l'autre côté de la frontière. Je passe la frontière dans la soirée et suis alors en Haute-Garonne, tout près de l'Ariège. Il est 20h30, et il me reste encore 800m de montée pour passer cette première soirée dans une cabane luxueuse repérée sur ma carte. Bien que mes muscles soient fatigués par les dernières journées, cette dernière montée passe très bien. J'arrive à la tombée de la nuit après avoir vu une vingtaine de biches sur le chemin. La cabane est déjà occupée par une famille, c'est avec eux que je célébrerai cette étape. Quand je pense que le matin même je me réveillais sous le porche d'une chapelle à Vielha, cela me paraît bien lointain !