Une marche à travers l'Europe
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
voilier
vélo de randonnée
randonnée/trek
/
Quand : 19/02/2023
Durée : 542 jours
Durée : 542 jours
Distance globale :
9403km
Dénivelées :
+217327m /
-214737m
Alti min/max : -1m/3013m
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Précisions :
Pour me rendre au départ : bus Bordeaux > Tarifa.
Traversée d'Europe de Tarifa à Istanbul : 100% à pied !
Chemin retour d'Istanbul à la France : marche, voile, vélo, ferry et train.
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Vue d'ensemble
Le topo : Les Alpes : Vallone Popera - Monte Forno (Frioul-Vénétie Julienne, Alpes juliennes) (mise à jour : 09 oct. 2023)
Distance section :
157km
Dénivelées section :
+7030m /
-7833m
Section Alti min/max : 694m/2147m
Description :
12/09/2023 > 23/09/2023
163 km ; D+ 8,8 km ; D- 9,6 km
163 km ; D+ 8,8 km ; D- 9,6 km
Le compte-rendu : Les Alpes : Vallone Popera - Monte Forno (Frioul-Vénétie Julienne, Alpes juliennes) (mise à jour : 09 oct. 2023)
De mon dermier spot de bivouac dans les Dolomites, je descends dans une vallée vers l'Est et laisse enfin derrière moi le microcosme des Dolomites. J'arrive dans la Vénétie avant de passer rapidement en Frioul-Vénétie Julienne. La proximité de l'Autriche se fait toujours sentir par l'architecture des bâtiments agricoles. Comme ça fait du bien de retrouver une vraie region, avec ses montagnes et sa nature bien sûr, et ses habitants, ses chemins, ses villages. La population locale qui vit ici et la population tourisitque des Dolomites n'ont aucune chance de se côtoyer. En descendant dans la vallée ce matin-là, j'ai pris l'avion pour me téléporter d'un monde à un autre, même s'ils sont mitoyens géographiquement. Je suis vraiment heureux de retrouver de simples pistes forestières roulantes où je me laisse captiver par de nouvelles fleurs en bord de chemin. En arrivant dans cette vallée je n'ai encore aucun plan pour le lendemain mais je compte en trouver un, car ce sera le jour de mes 30 ans ! Alors arrivé au premier café, je m'installe et plonge dans la carte pour élaborer un plan. Je voudrais passer une journée off dans une cabane ou un hébergement, mais tous les hôtels sont encore bien trop chers et il n'y a pas de cabane suffisament proche. Je tourne en rond et trouve finalement une chambre dans une auberge a vingt kilometres d'ici. Ce n'est pas sur mon itineraire mais ça peut le devenir, et bien que ça me fasse enchaîner deux bonnes journées de marche, je suis en forme. Banco ! J'achète des victuailles sur le chemin et arrive à la tombée de la nuit au petit village de Costalta. Je m'installe dans cette auberge où se passe la vie du village, et de deux nuits prévues j'en passerai trois car une dame adorable de l'établissement m'offre cette nuit supplémentaire en apprenant mon périple. Ainsi je suis parvenu a mon simple objectif d'avoir un lieu confortable où passer cette journée paisible. Je lave mon materiel, me repose, et passe quelques longs coups de fil avec mes proches tout en regardant la pluie tomber. J'ai modestement marqué le coup sans ambition pour cette journée qui était aussi un jour comme les autres, c'est très bien comme ça.
En repartant j'entre dans des paysages très différents. Je traverse d'immenses forêts de conifères trouées par des clairières dans lesquelles de petits villages semblent vivre autour de l'exploitation du bois. Aux alentours se dressent des montagnes calcaires, c'est le début des Alpes juliennes qui s'étendent entre l'Italie et la Slovénie. J'entre ensuite dans ce massif en grimpant sur la frontière Italie-Autriche. Depuis que j'ai tracé un itinéraire global de cette traversée d'Eurpe, je suis curieux de cette longue chaîne de montagnes rectiligne d'une centaine de kilometres entre les deux pays, sur laquelle on peut marcher en restant dans une bonne fourchette d'altitude. Ces montagnes sont verdoyantes et très calcaires, je sais pas si on peut déjà parler de karstiques. Je marche en alternance sur les deux versants de la frontière, et parfois le pied gauche en Autriche et le pied droit en Italie. Dans cette region le pendant des bivaccos ou des malgas est la casera : une étable avec ou sans animaux, avec à côté ce qui était autrefois une habitation et maintenant est occupée par un berger, aménagée pour les marcheurs, ou abandonnée. J'enchaine quelques nuits dans ces caseras toujours bienvenues sur l'itinéraire. Un jour de brouillard complet et alors que je ne pensais croiser personne, je rencontre un cow-boy - c'est ainsi qu'il se présente - dont le job est de faire le tour de caseras pour vérifier si les vaches laissées en autonomie vont bien. Il est arrêté sur le chemin et me fait signe de regarder plus haut : trois faons sont là à une vingtaine de mètres. Bien qu'ils nous voient ils ne fuient pas, car le vent venant vers nous ils ne nous sentent pas m'explique le cow-boy. Nous nous regardons un moment dans ce brouillard épais et silencieux, puis chacun reprend sa route. Le temps se gâte, le vent et la pluie viennent et s'intensifient. À midi je passe par une casera très confortable. Il est tôt mais je m'arrête là pour aujourd'hui. La pluie se transformera progressivement en orage. Pendant l'après-midi je passe plusieurs heures simplement allongé à écouter la discographie de Leonard Cohen que je redecouvre, saupoudré par le bruit de la pluie sur le toit. Je suis bien, cela suffit.
Pendant les jours qui suivent je ne croiserai personne sur les sentiers. Ah si : un marcheur tchèque ultra-light aui enchaine des journées de 50km partiellement en courant, respect. Il me rapelle Paja, cet autre tchèque ultra-light que j'avais rencontré en Espagne quelques jours après mon départ, qui traversait l'Espagne en enchainant des étapes de 40-45km. J'aime cette zone montagneuse et verdoyante, naturelle et habitée, où la proximité des trois pays se fait sentir. Dans quelques jours je serai en effet en Slovénie ! J'écourte la fin de cette section en descendant dans la vallée italienne parallèle pour les dernières dizaines de kilomètres, car une journée de très fortes précipitations est annoncée et je voudrais la passer à l'abri dans une cabane juste avant la frontiere slovène. La deriniere journée pour atteindre cette cabane fût folklorique et diversifiée. Alors que j'ai 38km de marche jusqu'à la cabane, je snooze mon réveil le matin et part à 10h. Il n'y a que 10km de forêt pour rejoindre la vallée mais à trois reprises je perds le chemin qui n'est visiblement plus emprunté et entretenu, et m'obstine à faire du hors-piste parfois casse-gueule dans la forêt. La troisième fois je me retrouve stupidement dans un endroit plus que délicat et je ne suis vraiment pas fier de moi. Le reste du temps le chemin est souvent boueux et je n'avance guère plus vite. J'arrive enfin dans la vallée, sale, poussiereux et écorché. Il est 16h, il fait nuit à 19h, je n'ai avancé que de 10km en 6h, il me reste encore 28km à marcher, et j'ai super faim. Mais je me regarde avec auto-dérision et suis content d'être enfin sorti de ce pétrin. Je me sonde voir si je change mes plans mais non, j'ai envie de me réveiller dans cette cabane et de ne pas devoir marcher sous la pluie demain matin. Je me sens bien en fait. Je suis content de me lancer sur ces 20km de piste cyclable plate et peu importe la suite, j'arriverai dans la nuit et me reposerai demain. Ce moment suspendu des journées d'automne est très beau, mélancolique aussi. Lorque je vois les gens du coin rentrer chez eux en cet fin d'après-midi, je peux avoir envie moi aussi de me sentir chez moi avec mes proches. Mais ça passe et je rentre dans un super état méditatif en marchant sur cette piste après mes péripéties. Je suis ému et joyeux de me voir approcher la Slovénie après ces sept mois de marche à travers tant d'univers différents. Comme il est inutile de courrir apres le temps à present, je m'arrête en ville faire des courses généreuses et mager un kebab avant de monter les 800m de D+ jusqu'a cette cabane tant désirée. J'ai sommeil lorsque je monte de nuit dans cette nouvelle forêt par ses pistes forestières enherbées, alors je ne m'arrête pas. J'avance sans trop penser, j'imagine les animaux que j'entends, je regarde les vers luisants et découvrir encore de nouvelles fleurs avec ma lampe frontale. J'arrive à 2h à la cabane. En voyant l'herbe tondue autour et une serrure sur la porte, je crains soudainement qu'elle soit fermée. Ouf, elle est ouverte, et qui plus est confortable.
Je passe trois nuits et deux jours dans cette cabane privée laissée ouverte par les propriétaires pour les marcheurs. Deux jours complets de solitude dans cette cabane et cette forêt. Je passe franchement du bon temps. Le deuxième jour la chasse aux trésor des champignons me prend et j'en cueille une quantité folle sans m'éloigner beaucoup. Lorsque la luminosité baisse toujours un peu par surprise et que je regagne alors la cabane, j'ai un vrai moment de blues cette fois en me voyant seul avec cette cueillette et personne pour la partager, ça a un côté franchement triste. Puis je m'active et la soirée prend le dessus, je passe une super dernière soirée en Italie en ma compagnie. À peine 150m au-dessus de moi se situe le Monte Forno où se rejoignent les frontières des trois pays. De là je passerai en Slovénie et ce sera une nouvelle aventure !
En repartant j'entre dans des paysages très différents. Je traverse d'immenses forêts de conifères trouées par des clairières dans lesquelles de petits villages semblent vivre autour de l'exploitation du bois. Aux alentours se dressent des montagnes calcaires, c'est le début des Alpes juliennes qui s'étendent entre l'Italie et la Slovénie. J'entre ensuite dans ce massif en grimpant sur la frontière Italie-Autriche. Depuis que j'ai tracé un itinéraire global de cette traversée d'Eurpe, je suis curieux de cette longue chaîne de montagnes rectiligne d'une centaine de kilometres entre les deux pays, sur laquelle on peut marcher en restant dans une bonne fourchette d'altitude. Ces montagnes sont verdoyantes et très calcaires, je sais pas si on peut déjà parler de karstiques. Je marche en alternance sur les deux versants de la frontière, et parfois le pied gauche en Autriche et le pied droit en Italie. Dans cette region le pendant des bivaccos ou des malgas est la casera : une étable avec ou sans animaux, avec à côté ce qui était autrefois une habitation et maintenant est occupée par un berger, aménagée pour les marcheurs, ou abandonnée. J'enchaine quelques nuits dans ces caseras toujours bienvenues sur l'itinéraire. Un jour de brouillard complet et alors que je ne pensais croiser personne, je rencontre un cow-boy - c'est ainsi qu'il se présente - dont le job est de faire le tour de caseras pour vérifier si les vaches laissées en autonomie vont bien. Il est arrêté sur le chemin et me fait signe de regarder plus haut : trois faons sont là à une vingtaine de mètres. Bien qu'ils nous voient ils ne fuient pas, car le vent venant vers nous ils ne nous sentent pas m'explique le cow-boy. Nous nous regardons un moment dans ce brouillard épais et silencieux, puis chacun reprend sa route. Le temps se gâte, le vent et la pluie viennent et s'intensifient. À midi je passe par une casera très confortable. Il est tôt mais je m'arrête là pour aujourd'hui. La pluie se transformera progressivement en orage. Pendant l'après-midi je passe plusieurs heures simplement allongé à écouter la discographie de Leonard Cohen que je redecouvre, saupoudré par le bruit de la pluie sur le toit. Je suis bien, cela suffit.
Pendant les jours qui suivent je ne croiserai personne sur les sentiers. Ah si : un marcheur tchèque ultra-light aui enchaine des journées de 50km partiellement en courant, respect. Il me rapelle Paja, cet autre tchèque ultra-light que j'avais rencontré en Espagne quelques jours après mon départ, qui traversait l'Espagne en enchainant des étapes de 40-45km. J'aime cette zone montagneuse et verdoyante, naturelle et habitée, où la proximité des trois pays se fait sentir. Dans quelques jours je serai en effet en Slovénie ! J'écourte la fin de cette section en descendant dans la vallée italienne parallèle pour les dernières dizaines de kilomètres, car une journée de très fortes précipitations est annoncée et je voudrais la passer à l'abri dans une cabane juste avant la frontiere slovène. La deriniere journée pour atteindre cette cabane fût folklorique et diversifiée. Alors que j'ai 38km de marche jusqu'à la cabane, je snooze mon réveil le matin et part à 10h. Il n'y a que 10km de forêt pour rejoindre la vallée mais à trois reprises je perds le chemin qui n'est visiblement plus emprunté et entretenu, et m'obstine à faire du hors-piste parfois casse-gueule dans la forêt. La troisième fois je me retrouve stupidement dans un endroit plus que délicat et je ne suis vraiment pas fier de moi. Le reste du temps le chemin est souvent boueux et je n'avance guère plus vite. J'arrive enfin dans la vallée, sale, poussiereux et écorché. Il est 16h, il fait nuit à 19h, je n'ai avancé que de 10km en 6h, il me reste encore 28km à marcher, et j'ai super faim. Mais je me regarde avec auto-dérision et suis content d'être enfin sorti de ce pétrin. Je me sonde voir si je change mes plans mais non, j'ai envie de me réveiller dans cette cabane et de ne pas devoir marcher sous la pluie demain matin. Je me sens bien en fait. Je suis content de me lancer sur ces 20km de piste cyclable plate et peu importe la suite, j'arriverai dans la nuit et me reposerai demain. Ce moment suspendu des journées d'automne est très beau, mélancolique aussi. Lorque je vois les gens du coin rentrer chez eux en cet fin d'après-midi, je peux avoir envie moi aussi de me sentir chez moi avec mes proches. Mais ça passe et je rentre dans un super état méditatif en marchant sur cette piste après mes péripéties. Je suis ému et joyeux de me voir approcher la Slovénie après ces sept mois de marche à travers tant d'univers différents. Comme il est inutile de courrir apres le temps à present, je m'arrête en ville faire des courses généreuses et mager un kebab avant de monter les 800m de D+ jusqu'a cette cabane tant désirée. J'ai sommeil lorsque je monte de nuit dans cette nouvelle forêt par ses pistes forestières enherbées, alors je ne m'arrête pas. J'avance sans trop penser, j'imagine les animaux que j'entends, je regarde les vers luisants et découvrir encore de nouvelles fleurs avec ma lampe frontale. J'arrive à 2h à la cabane. En voyant l'herbe tondue autour et une serrure sur la porte, je crains soudainement qu'elle soit fermée. Ouf, elle est ouverte, et qui plus est confortable.
Je passe trois nuits et deux jours dans cette cabane privée laissée ouverte par les propriétaires pour les marcheurs. Deux jours complets de solitude dans cette cabane et cette forêt. Je passe franchement du bon temps. Le deuxième jour la chasse aux trésor des champignons me prend et j'en cueille une quantité folle sans m'éloigner beaucoup. Lorsque la luminosité baisse toujours un peu par surprise et que je regagne alors la cabane, j'ai un vrai moment de blues cette fois en me voyant seul avec cette cueillette et personne pour la partager, ça a un côté franchement triste. Puis je m'active et la soirée prend le dessus, je passe une super dernière soirée en Italie en ma compagnie. À peine 150m au-dessus de moi se situe le Monte Forno où se rejoignent les frontières des trois pays. De là je passerai en Slovénie et ce sera une nouvelle aventure !