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L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022.

(réalisé)
     
À Caroline ma fille et à Gaël mon petits-fils,     
  
De Besançon au cap Nord… Chiche !
 
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage !
« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas » Lao-Tseu. 
Il faut donc relever la bravade par un premier coup de pédale. Mes premiers voyages à vélo de cinq-cents kilomètres sur des durées courtes m’ont fait découvrir ce qui m’apportait de l’étonnement et de multiples surprises et surtout ce qui me procurait un véritable sentiment de liberté. Au fur et à mesure j’ai allongé mes distances avec néanmoins un sentiment de frustration, car à mon retour, ce n’était jamais assez…
 
Ce sera mon plus long voyage. Si je cumule tous les kilomètres que j’aurai faits depuis mon premier coup de pédale il y a déjà quelques années, j’aurai bouclé environ vingt-quatre-mille kilomètres soit 60 % du tour de l’Équateur. 
J’ai traversé dix pays de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie, j’ai suivi le Rhin d’Andermatt à Rotterdam, j’ai fait deux fois le tour de Bourgogne dont l’un avec mon petit-fils Gaël. Au cours d'un tour de la France, j’ai rejoint la côte Atlantique par la Camargue, le canal des Deux-Mers puis je suis remontée jusqu’à Saint-Nazaire et j’ai terminé par L’EuroVelo 6 jusqu’à Besançon.
 
Et début avril, en guise de reprise d’entraînement, j’ai aussi fait le tour d’Alsace, petite balade de sept-cents kilomètres… Enfin, pour ne pas perdre les bons réflexes et les muscles, petits moteurs qu’il faut indispensablement garder en forme, j’ai pris l’habitude de me rendre à vélo chez mes amis à Strasbourg, en Suisse… avec Gaël, grand garçon de cinq ans, qui m’accompagne dans sa remorque à vélo à pédales.

Tous ces voyages ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, de découvrir des paysages magnifiques, avoir des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste. Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Certains me disent que croiser une dame de mon âge -j’ai soixante-huit ans- seule, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très motivée et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon. Quand je rejoins mon point de chute, je retrouve quelques-unes de ces rencontres et je découvre d’autres cyclotouristes avec qui nous échangeons sur nos expériences.

 
Mais le plus amusant et un peu flatteur aussi je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne perchée à l’âme romantique. Mais tous font preuve d’humanité, ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout admiratifs ! 
Certaines amies m’ont attribué le terme de jeunior. D’autres sont subjuguées. Rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif. Ma fille Caroline, qui sait que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes, à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants ! Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi parce qu’il est sûr que je vais voir le père Noël au cap Nord et pouvoir cueillir les cadeaux poussant sur le sol comme autant de fleurs magiques.
 
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, lorsque je prendrai l’avion à Alta, mes sacoches, mon cœur, ma tête, mes jambes aussi, seront pleins de souvenirs de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en trois mois et demi. 
vélo de randonnée
Quand : 15/05/22
Durée : 94 jours
Distance globale : 5638km
Dénivelées : +26238m / -26332m
Alti min/max : -1m/488m
Carnet publié par Jacqueline25 le 09 mai 2022
modifié le 14 avr.
5288 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Section 14. Du 11 juillet au 15 .. (mise à jour : 14 avr.)

Distance section : 376km
Dénivelées section : +3583m / -3575m
Section Alti min/max : 1m/278m

Description :

Trondheim / Rørvika / Rissa / Årnes / Hofstad / Osen / Vassmoen / Fosslia / Namsos  / Lund / Kolvereid / Kjelda / Holm / Vennesund

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Le compte-rendu : Section 14. Du 11 juillet au 15 .. (mise à jour : 14 avr.)

Gaël devra bientôt grimper sur un tabouret pour me suivre.
Gaël devra bientôt grimper sur un tabouret pour me suivre.
Jour 58 - Lundi 11 juillet 2022
Trondheim / Rørvika / Rissa / Årnes  
95 Km

J’ai la nette impression que je vais dorénavant bénéficier d’un alignement des planètes très favorable pour la poursuite de mon voyage.

Je peux repartir en toute quiétude, avec sérénité. Je m’arrête chez un vélociste pour remplacer mon rétroviseur. J’en ai déjà cassé deux. C’est un élément indispensable pour moi. Je dois savoir ce qui se passe derrière moi. J’achète aussi un super éclairage pour l’avant de mon vélo, un vrai spot pour les tunnels à venir et une paire de gants imperméables car la pluie me glace les mains. Je quitte donc la ville à une heure bien avancée de la matinée.

 
Peu après Trondheim, en haut de la falaise de Flakk je vois le ferry au loin au milieu du fjord en contrebas. Je redouble d’efforts, je pédale à toute vitesse, et lorsque j’arrive il est à quelques mètres de moi, repartant en sens inverse. Heureusement ce ferry fait de nombreuses traversées au cours d’une journée.

Je circule aujourd’hui à l’intérieur des terres et pour la première fois je traverse une plaine, puis une vallée encaissée. Cela me fait penser à la vallée du Doubs ou du Dessoubre. Une petite pointe de nostalgie me chatouille le cœur.

 
Je traverse une région purement agricole, avec quelques fermes éparses. Au bord de la route, un petit abri occupé par de multiples objets, attire mon regard. Tout naturellement je prends le petit chemin et je découvre une jolie maison d’habitation couverte d’herbe offrant un spectacle enchanteur. Les coins et recoins du jardin regorgent d’objets décoratifs organisés parfois par thème ou par accumulation. Les tableaux accrochés aux arbres ne semblent pas trop défraîchis par les intempéries. Une petite cabane élégante, octogonale, blanche, vitrée, est une vraie maison du cristal. Ces centaines, voire des milliers d’objets dans ce jardin sont un vrai régal pour les yeux. Rien n’est à vendre. Je n’ose imaginer l’investissement financier que cela doit représenter, ni la présence d’un éléphant dans cette élégante maisonnette du cristal. 
 
J’arrive à proximité de Rissa. À un croisement de routes, isolée sur une légère hauteur, se trouve une église. Elle ne ressemble pas aux autres. C’est une grande et grosse bâtisse rouge. Deux femmes sont assises sur les marches. Je m’assieds à côté d’elles. L’une raconte en français l’histoire de l’église, la « Bojerkjerka », et comment l’écrivain Joyan Bojer est relié à cette dernière. 
 
La dame est une véritable conteuse avec un accent français du Haut-Doubs. Elle est Belge, de ma génération. Elle habite à Rissa, depuis les années soixante-dix, avec son mari norvégien rencontré sur les bancs de l’université à Bruxelles. C’était la bibliothécaire du village. Elle est engoncée dans son blouson de pluie, et son expression n’appelle pas le dialogue. Elle est habituée à ce qu’on l’écoute. L’autre dame est son amie, venue de Belgique pour quelques semaines de vacances. Nous sommes toutes deux suspendues aux paroles de celle qui est devenue norvégienne au fur et à mesure des années.
 
Elle nous explique que l’écrivain Johan Bojer vivait, jeune, dans une famille pauvre de la région. À la suite de la disparition de l’église de bois du village, il avait promis à sa mère adoptive Randi, qu’un jour il construirait une nouvelle église. Et c’est sur ses fonds personnels qu’en 1932, il fit construire cette « Bojerkjerka », copie fidèle de l’ancienne église.
Elle continue, enthousiaste et emportée par ses souvenirs de bibliothécaire, en nous racontant l’histoire de son ouvrage « Les émigrants », dans lequel Bojer relate, de façon romanesque, la migration des norvégiens vers le Dakota du Nord à la fin du dix-neuvième siècle. Le quart de la population quitta la Norvège qui à l’époque, était l’un des pays européens les plus pauvres, contrairement à ce qu’il est devenu aujourd’hui.
Voilà un livre que je ne manquerai pas de lire à mon retour !
 
J’ai une étape de quatre-vingt-quinze kilomètres aujourd’hui. Je ne pose pas trop les pieds par terre. Je me sens bien. Toutes mes émotions positives de cyclo-voyageuse sont revenues. J’arrive vers vingt-deux heures au camping d’Årnes ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je loue un petit chalet car il est trop tard pour monter ma tente. Le jour permanent me permet de circuler durant ce que nous appelons la nuit. 
 
Deux cyclo-voyageurs sont installés, nous nous saluons de loin. Bien des kilomètres après, après le cercle arctique, l’un deux deviendra un compagnon de route et me nommera avec beaucoup d’humour, « Sa tortue verte préférée ».
 
J’ai la nette impression que je vais dorénavant bénéficier d’un alignement des planètes très favorable pour la poursuite de mon voyage.

Fjord à Flakk
Fjord à Flakk
Flakk
Flakk
Grande Maison blanche et ferme rouge.
Grande Maison blanche et ferme rouge.
Petite exposition
Petite exposition
Bojerkjerka
Bojerkjerka
Camping Årnes. Ma cabane
Camping Årnes. Ma cabane
Salon et cuisine de ma cabane
Salon et cuisine de ma cabane
Chambre de ma cabane pour quatre personnes.
Chambre de ma cabane pour quatre personnes.
Petite terrasse de ma cabane.
Petite terrasse de ma cabane.
Jour 59 - Mardi 12 juillet 2022
Årnes / Hofstad / Osen 
62 Km

La Française poussant son vélo dans les montagnes norvégiennes. 

Je prends mon temps. J’ai une petite étape de soixante-deux kilomètres aujourd’hui. Le soleil est là ! Il fait trente degrés alors que les jours derniers la température oscillait entre dix et treize degrés. Le village de Årnes a, comme partout ailleurs, son unique commerce avec sa table en bois posée à l’extérieur devant l’entrée. Un couple de Zurichois à vélos est installé. Ils sont partis de Tromsø et descendent dans le sud de la Norvège. Lorsque je leur dis que je n’ai pas croisé grand monde dans la campagne du sud, le monsieur laisse exploser sa rancœur. Il dit qu’il en a marre de cette campagne, qu’on ne peut faire de pauses nulle part, ni prendre un café ou une bière sur une terrasse… que cela ressemble à l’Amérique. 

 
J’étais dans cette dynamique négative lors de mes premières étapes après Bergen. Depuis, la Norvège m’a adoptée. Je n’ai plus aucun ressenti pénible. Je suis fière de ce que je fais. J’ai la chance d’avoir cette bicyclette très fiable, ces jolies sacoches vertes, suffisamment de vigueur pour faire quatre-vingt-quinze kilomètres en une journée, d’avoir ma famille, mes amis, mes connaissances qui me suivent sur mon blog, qui me félicitent, qui m’envoient des messages d’encouragement, qui me disent vivre un voyage à travers moi. 
 
Ayant bien traînée ce matin sans savoir ce qui m’attend, je me retrouve confrontée, dans l’après-midi, à d’extrêmes longues côtes me retardant considérablement. Ce n’est pas un fait nouveau ! Les paysages changent au fur et à mesure de ma lente progression. Je vois des montagnes de sapins ou alors sans aucun arbre. 
Je suis surprise par d’immenses hauteurs de roches très étranges. Elles sont composées d’imposants rochers arrondis, polis.
Mon imagination s’emballe… Ces masses rocheuses me font penser à de la pâte. Les boulangers norvégiens, après avoir fermé leurs boulangeries lorsqu’elles furent absorbées par les grandes surfaces dans les années soixante-dix, ne se sont-ils pas retrouvés ici ? Et depuis cinquante ans, ils malaxent, pétrissent, laissent reposer une incommensurable pâte, qui monte, gonfle, enfle et retombe.
Toujours est-il, le spectacle est saisissant !
 
Je marche, je pédale, je freine dans de folles descentes et je rechigne à photographier car il pleut et il fait froid en cette fin de journée. Les voitures s’arrêtent derrière moi à des dizaines de mètres. Les automobilistes se déportent sur l’autre voie pour me doubler seulement lorsqu’ils ont une visibilité parfaite. Il arrive qu’une voiture puisse me suivre sur plusieurs kilomètres. Les Norvégiens ont vraiment l’art de la patience. Je ne verrai jamais une voiture doubler un autre véhicule à moteur durant mes longues semaines en Norvège. Incroyable !
 
J’arrive à dix-neuf heures au camping d’Osen. Le propriétaire me dit qu’il m’a vue cette après-midi poussant mon vélo dans des côtes à 12 %. Il me dit que je suis « La
Française poussant son vélo dans les montagnes norvégiennes pour aller au cap Nord ». Mais l’essentiel n’est-il pas d’arriver à bon port… C’est ce qu’il pense aussi au vu de son expression amusée.
Mais la journée n’est pas terminée ! 
Sur la toute petite terrasse de ma cabane sont installés à l’abri, les deux cyclo-voyageurs vus au camping de Årnes. Ils vont me chercher une chaise sans comprendre que j’ai la clef du lieu. Cela fait trois heures qu’ils sont arrivés. Bon ! Ils sont partis avant moi et n’ont pas discuté avec les Zurichois, mais le pneu de l’un a crevé deux fois. Rupert est Allemand et Paul Écossais. 
 
Tout naturellement ils organisent un petit apéritif dans ma cabane. Ils ont tout ce qu’il faut ! Nous avons une discussion vive et enjouée grâce au traducteur vocal, mais on réussit à bien communiquer. Paul trouve que la Norvège ressemble au Canada. Que tout a perdu son sens. Il n’a pas vu de piscine, de terrain de foot, de cinéma, de théâtre et les sempiternels supermarchés sont tous remplis des mêmes produits, rangés de la même façon du nord au sud. Nos conceptions initiales ne s’accordent pas avec la perception que nous avons de la Norvège. Nous ne comprenons pas le monde qui nous entoure ici !
 
Nous passons un excellent moment et si je ne les avais pas mis à la porte, ma cabane serait devenue un bar de nuit. Demain ils vont aussi à Namsos et espèrent bien me voir, moi aussi…


Jour 60 - Mercredi 13 juillet 2022
Osen / Vassmoen / Fosslia / Namsos 
82 Km

Le ciel prend plaisir à se déverser sur nous
 
Je pensais qu’après Trondheim ce seraient les Champs-Élysées des cyclo-voyageurs ! Mais non ! 
 
Les fermes sont vétustes dans cette région. Les maisons d’habitations ont perdu porches et balcons et auraient parfois besoin d’un petit ravalement, ce qui est inaccoutumé. Depuis Bergen, je n’ai traversé que des régions d’élevage.  De petits troupeaux de vaches et de moutons paissent dans les champs en me regardant béatement. Des montagnes de ballots de foin enveloppés dans du plastique sont entreposés dans les champs. Les hivers longs et rigoureux imposent de bonnes réserves car il faudra nourrir les animaux bien à l’abri dans les étables.
 
Je retrouve Rupert et Paul, déjeunant devant un supermarché. Stéphane, lyonnais, parti d’Oslo à vélo s’est joint à eux. Le trio s’en donne à cœur joie. Leurs plaisanteries portent sur mon vélo trop chargé, sur ma sacoche de guidon trop bien rangée à leur goût… 
 
Nous repartons tous les quatre, mais je ne sais pas et ne peux pas pédaler avec autant de vigueur qu’eux, je suis donc rapidement distancée. Je les retrouve plus tard au camping de Namsos. Stéphane arrive plus tardivement. Il a dû s’arrêter chez un vélociste pour réparer sa jante de vélo abîmée. Le ciel prend plaisir à se déverser sur nous. Stéphane et moi décidons de louer un chalet en commun. Ces derniers sont onéreux, prévus pour quatre ou six personnes, ils grèvent considérablement le budget d’une personne seule. Rupert et Paul préfèrent rester sous leurs tentes. Ce sont de vrais cyclo-voyageurs, aguerris à la pluie perpétuelle.

Camping d'owen.
Camping d'owen.
Stéphane et Rupert.
Stéphane et Rupert.
Jour 61 - Jeudi 14 juillet 2022
Namsos / Lund / Kolvereid 
85 km
 
Le sport intensif nous procure certainement de bonnes défenses immunitaires. Personne n’est malade !
 
Dommage que le soleil soit caché et ne puisse faire resplendir les paysages. Je me répète : les côtes sont rudes ! À plusieurs reprises des Norvégiens me diront qu’ils m’ont vu poussant ma bicyclette dans les montagnes. Je ne passe pas inaperçue ! Mais j’avance, je réalise des étapes tout à fait raisonnables en alliant la marche au pédalage. Lors de mes premiers jours en Norvège j’ai fortement douté de mes capacités pour mener à bien mon projet. Je n’ai plus d’inquiétude ! J’y arrive ! 


Aujourd’hui j’ai rendez-vous avec Rupert et Stéphane à Kolvereid. À seize heures ils sont déjà arrivés et moi j’en suis loin ! Le ferry me retarde, je dois l’attendre une heure, mais exceptionnellement un café-restaurant existe à l’embarcadère. Le jeune serveur apprend le Français à l’école et il est ravi de pouvoir converser avec moi. Un grand écran de télévision est allumé et permet de regarder… le Tour de France ! C’est vraiment un événement international.


J’arrive à vingt heures trempée comme une soupe. Le chalet est très spacieux avec deux chambres, un très grand salon-cuisine, une salle de bain et le chauffage pour sécher tous les vêtements. Cela sent bon ! Ils sont quatre attablés. Une délicieuse soupe norvégienne a été préparée par Knut, Stéphane et Rupert ont préparé de multiples salades et de la bière est évidemment présente sur la table.


Un des Knut, car les deux ont le même prénom, nos voisins de chalet, me parle de la Norvège, c’est la première fois que je discute longuement avec un Norvégien. Il dit : « Les Norvégiens sont très réservés. Quatrième en 2016, la Norvège est arrivée cette année en tête du classement des pays les plus heureux du monde, devant le Danemark, l’Islande et la Suisse. »

En réalité c’est le huitième, c’est sans doute l’effet partisan de Knut me racontant fièrement sa Norvège.
  
Je suis complètement à l’écoute de Knut. Il poursuit : « Les Norvégiens sont riches depuis qu’ils ont découvert du pétrole en mer du Nord ». J’ajoute que la richesse ne fait pas le bonheur, tout dépend en effet de la façon dont l’argent public est dépensé. « 98 % de l’électricité produite dans le pays est d’origine renouvelable, essentiellement hydraulique ».

« Les Norvégiens ont le sentiment d’être à l’abri de tout accident et d’être accompagnés tout au long de leur vie. Ils disposent d’une bonne sécurité sociale, d’un enseignement gratuit jusqu’à l’université, de longs congés parentaux, d’une retraite garantie à soixante-sept ans… Tout cela, en contrepartie d’une imposition élevée. »

Knut est intarissable : « Des chercheurs ont montré qu’un climat froid et peu ensoleillé, comme celui de la Norvège, rend les habitants plus heureux sur le long terme parce que la nécessité de « survivre » les pousse à se soutenir les uns les autres. Les Norvégiens déménagent peu, entretiennent une relation spéciale avec leur lieu d’origine et restent souvent à proximité de leur famille. L’état d’esprit reste fortement empreint de protestantisme, ce qui autorégule la société, les comportements un tant soit peu déviants étant prohibés par le contrôle social ».


Knut parle aussi des problèmes, comme l’alcoolisme, un fléau de santé publique malgré les taxes et la réglementation de la distribution. Stéphane qui est médecin ajoute que dans les régions à hiver très gris comme l'Europe du Nord, c'est la baisse de luminosité hivernale (jours courts et gris) qui déclencherait une surproduction de mélatonine engendrant chez un grand nombre de personnes une asthénie, voire une dépression saisonnière qui devrait disparaître en principe au printemps. Pour lui ce facteur dépressif pourrait engendrer un abus d’alcool chez certains.


Puis vient le moment d’aller se coucher. Nous avons trop chaud dans ce chalet surchauffé. Nous avons aussi de nombreux jours derrière nous où nos nuits se sont passées sous nos tentes et au froid. Depuis que nous sommes en Norvège, hormis deux journées, la température est basse, entre dix et quatorze degrés. Nous sommes aussi toute la journée dehors, pédalant, réchauffés et transpirants dans les côtes puis glacés par la pluie et le vent dans les descentes. Le sport intensif nous procure certainement de bonnes défenses immunitaires. Personne n’est malade !


Bientôt j'entrerai dans les nuages.
Bientôt j'entrerai dans les nuages.
Une école
Une école
En attendant le ferry. Tour de France à la télévision
En attendant le ferry. Tour de France à la télévision
Un cyclotouriste en mode light
Un cyclotouriste en mode light
Kolvereid
Kolvereid
De G à D : Knut, Knut, Rupert, Stéphane
De G à D : Knut, Knut, Rupert, Stéphane
Jour 62 - Vendredi 15 juillet 2022
Kolvereid / Kjelda / Holm / Vennesund 
75 km

Il me regardait venir du haut de la pente.


Avant de quitter le camping je fais la connaissance de Marine et Damien. Ils sont partis de France et vont aussi au cap Nord. Ils tirent de lourdes remorques avec deux énormes chiens comme passagers. On aura tout vu ! Mais pas encore tout à fait tout !

 
Sur la route, je pousse ma bicyclette, c’est devenu une habitude. Il me vit avant que je ne le voie. Je lève la tête et je n’en crois pas mes yeux. Il est là ! À environ trente ou quarante mètres, au bord de la route, tout en haut de la côte. Il est sur le qui-vive ! Il est en alerte ! Imposant ! Noir ! Grand ! Les pattes d’une longueur inhabituelle, dans une position bizarre ! Ses bois sont larges et plats. Il me fixe et reste interdit.

Je me fige aussi… J’ai l’impression que cet instant est interminable, je ne sais ce qui va se passer. Il urine, cela me fait peur. Puis après quelques minutes, il tourne les talons et part tranquillement sur la route avec une démarche particulière, dégingandée. Vite ! Vite ! Mon appareil photo ! Il commence à s’éloigner, il risque de disparaitre après le virage. C’était un élan. Quel bonheur de l’avoir vu… J’attends un peu avant de repartir en espérant qu’il se soit enfoncé dans la forêt. Je sais qu’il peut être offensif s’il est accompagné de son petit. Je n’en mène pas large sur quelques kilomètres.


Puis voici une autre apparition… c’est le jeune Romain qui redescend du cap Nord. Il est parti de Lourdes et a traversé de multiples pays d’Europe. Ses bagages sont a minima. Il me dit qu’il n’a pas de tente. Il essaie quotidiennement de trouver des abris. Au cours de son voyage, il s’est fait dévorer par les midges et les moustiques. Il faisait trente degrés lorsqu’il est passé au cercle polaire. Cela ne fait que deux jours qu’il rencontre la pluie, contrairement à nous venant du sud de la Norvège ou les jours de beau temps se comptent sur les doigts d’une main. Mais cela a été bénéfique pour nous, car sous la pluie, les insectes sont restés bien cachés. 


Il vient de terminer ses études de chiropracteur et avant d’installer son cabinet il a entrepris ce voyage. Il rayonne de bonheur. Avant de partir il a passé un message sur Facebook pour être hébergé par des chiropracteurs et de façon inattendue il a eu des réponses en Suède… et également sur les îles Lofoten. 

 
Il a vingt-quatre ans. Il n’est pas très grand mais il est taillé comme un athlète. Stéphane nous rejoint, Il est parti bien après moi. Romain dit qu’en Suède, la route pouvait être bordée de sapins sur une centaine de kilomètres. Un couloir interminable de sapins ! Il fait cent-cinquante kilomètres par jour. Nous regardons Romain repartir en danseuse. Il a une magnifique allure, pédalant avec grâce et puissance. Stéphane dira : « C’est un champion ! ». Je le pense aussi. 
 
Je vois Rupert au camping de Vennesund. Chacun a repris ses habitudes de cyclo-voyageurs solitaires. Il fait vraiment froid ! Je dois porter quelques couches de vêtements chauds pour cette nuit sous ma tente.


Rupert et Stéphane au petit-déjeuner
Rupert et Stéphane au petit-déjeuner
Voici Rupert, voici Jacqueline
Voici Rupert, voici Jacqueline
Marion et Damien et leurs deux gros chiens. Ils sont partis de Rennes le 4 avril. Ils vont au Cap Nord
Marion et Damien et leurs deux gros chiens. Ils sont partis de Rennes le 4 avril. Ils vont au Cap Nord
Romain et ses deux bananes dans la poche de son cuissard
Romain et ses deux bananes dans la poche de son cuissard
Une Coop au milieu de nulle part.
Une Coop au milieu de nulle part.
Un élan
Un élan
Commentaires
Marie France - 12 juil. 2022
Les aventures extraordinaires de mamie Jacqueline !
Tu passionnes petits et grands , merci pour tes fabuleux récits journaliers ! Tu nous fais voyager de la plus belle des manières, en faisant l'éloge de la lenteur et en nous présentant des personnes aux parcours très enrichissants. Bon courage pour la suite.

Jacqueline25 - 13 juil. 2022
Merci Marie-France ! Merci à vous tous !

Josette - 13 juil. 2022
Coucou c'est Josette on est dans le train du retour. Je suis avec bonheur le voyage que j'aurai voulu faire. Mais plus le courage. Quand j'avais un petit moment de moins bien. Je pensais à toi et oups ça repartait. Trop forte. Mais quelle aventure vis tu👍j, espère que l'on se reverra dance beau Jura.

Odile Denis - 18 juil. 2022
Jacqueline quelle leçon de courage....quel beau voyage ns arrivons à faire grâce à vous.
Nous vous avons rencontré sur la Via Rhôna en 2021. Déjà nous vous avions trouvé exceptionnelle.
Courage dans votre périple vous êtes formidable.

domii70 - 19 juil. 2022
Coucou Jacqueline, c'est toujours avec autant de plaisir que je lis tes récits. Tu es formidable et force mon admiration, la Norvège n'est pas venue à bout de ta résistance. Bon courage, bisous.