L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022.
À Caroline ma fille et à Gaël mon petits-fils,
De Besançon au cap Nord… Chiche !
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage !
« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas » Lao-Tseu.
Il faut donc relever la bravade par un premier coup de pédale. Mes premiers voyages à vélo de cinq-cents kilomètres sur des durées courtes m’ont fait découvrir ce qui m’apportait de l’étonnement et de multiples surprises et surtout ce qui me procurait un véritable sentiment de liberté. Au fur et à mesure j’ai allongé mes distances avec néanmoins un sentiment de frustration, car à mon retour, ce n’était jamais assez…
Ce sera mon plus long voyage. Si je cumule tous les kilomètres que j’aurai faits depuis mon premier coup de pédale il y a déjà quelques années, j’aurai bouclé environ vingt-quatre-mille kilomètres soit 60 % du tour de l’Équateur.
J’ai traversé dix pays de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie, j’ai suivi le Rhin d’Andermatt à Rotterdam, j’ai fait deux fois le tour de Bourgogne dont l’un avec mon petit-fils Gaël. Au cours d'un tour de la France, j’ai rejoint la côte Atlantique par la Camargue, le canal des Deux-Mers puis je suis remontée jusqu’à Saint-Nazaire et j’ai terminé par L’EuroVelo 6 jusqu’à Besançon.
Et début avril, en guise de reprise d’entraînement, j’ai aussi fait le tour d’Alsace, petite balade de sept-cents kilomètres… Enfin, pour ne pas perdre les bons réflexes et les muscles, petits moteurs qu’il faut indispensablement garder en forme, j’ai pris l’habitude de me rendre à vélo chez mes amis à Strasbourg, en Suisse… avec Gaël, grand garçon de cinq ans, qui m’accompagne dans sa remorque à vélo à pédales.
Tous ces voyages ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, de découvrir des paysages magnifiques, avoir des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste. Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Certains me disent que croiser une dame de mon âge -j’ai soixante-huit ans- seule, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très motivée et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon. Quand je rejoins mon point de chute, je retrouve quelques-unes de ces rencontres et je découvre d’autres cyclotouristes avec qui nous échangeons sur nos expériences.
Mais le plus amusant et un peu flatteur aussi je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne perchée à l’âme romantique. Mais tous font preuve d’humanité, ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout admiratifs !
Certaines amies m’ont attribué le terme de jeunior. D’autres sont subjuguées. Rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif. Ma fille Caroline, qui sait que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes, à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants ! Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi parce qu’il est sûr que je vais voir le père Noël au cap Nord et pouvoir cueillir les cadeaux poussant sur le sol comme autant de fleurs magiques.
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, lorsque je prendrai l’avion à Alta, mes sacoches, mon cœur, ma tête, mes jambes aussi, seront pleins de souvenirs de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en trois mois et demi.
Quand : 15/05/22
Durée : 94 jours
Durée : 94 jours
Distance globale :
5638km
Dénivelées :
+26238m /
-26332m
Alti min/max : -1m/488m
Carnet publié par Jacqueline25
le 09 mai 2022
modifié le 14 avr.
modifié le 14 avr.
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Vue d'ensemble
Le topo : Section 13. Du 6 juillet au 10 ... (mise à jour : 14 avr.)
Distance section :
300km
Dénivelées section :
+2335m /
-2325m
Section Alti min/max : 0m/422m
Description :
Kristiansund / Leirvåg / Eidet / Kyrksæterøra / Ytre Snillfjord / Gagnås / Orkanger / Viggja / Øysandan / Trondheim
Le compte-rendu : Section 13. Du 6 juillet au 10 ... (mise à jour : 14 avr.)
Jour 53 - Mercredi 6 juillet 2022
Kristiansund / Leirvåg / Eidet
65 Km
Ne pas apparaître.
Je dois tout replier rapidement entre deux averses. Je quitte le camping de Kristiansund. Je suis encore aujourd’hui vêtue comme une cosmonaute, il ne me manque qu’une bulle sur la tête. Cet ensemble de pluie ne m’est pas ajusté, c’est le moins qu’on puisse dire ! Le pantalon bouffonne et la veste pourrait être portée par quelqu’un mesurant un mètre quatre-vingt-cinq. Mais c’est un bon matériel dans lequel je suis à l’aise et qui me protège bien.
Mes surchaussures Chiba ne valent rien, elles ne sont pas assez imperméables et partent déjà en lambeaux. Elles ne sont certainement pas prévues pour faire autant de marche. J’aurais dû prendre celles que j’utilise depuis dix ans. Pas la peine de le dire… il pleut. Celui qui a inventé l’adage « il n’y a pas de mauvais temps, mais que de mauvais vêtements » devait être un sédentaire qui séchait ses vêtements chaque jour. Les jours de pluie à répétition sont un souci lorsque l’on fait du camping et que l’on est un cyclo-voyageur.
Pourtant, la pluie ne me gêne pas si je peux tout faire sécher chaque jour !
Certains paysages sont grandioses, tout est gris mais c’est une couleur aussi. Sur deux ponts, dans l’entrelacement de plusieurs fjords, le vent hurle à faire frémir. Je ne sens pas ce vent, c’est très étrange. Le bruit est assourdissant. Il doit s’enrouler autour des piles du pont et autour des tubes de la balustrade. C’est là où ont lieu les frottements du vent qui pourtant n’est pas perceptible. Ce n’est pas une musique, c’est terrifiant, je m’empresse de franchir ces deux ponts en jetant de rapides œillades à l’oblique sur la magnificence du paysage composé de fjords et de ses falaises.
Puis il apparaît au loin, il se rapproche… une apparition sous la pluie battante. Oui oui oui ! c’est un cyclo-voyageur. Je m’arrête pour le prendre en photo. Il se rapproche et vient vers moi. Nous sommes ravis, heureux, contents de nous rencontrer. Comme moi il n’a vu personne ces derniers jours.
Arnoldas, magnifique garçon, est Lituanien. Il est parti de Lituanie, est passé par la Finlande, a rejoint le cap Nord et se rend maintenant à Saint-Jacques-de-Compostelle. Son voyage devrait durer sept mois. Il fait cent-vingt kilomètres par jour.
Lorsque je lui dis que j’en fais quatre-vingts, il lève son pouce. Ce geste est vraiment universel. Son vélo est très chargé aussi et il est bien équipé. Lorsqu’il repart, je me retourne, sa selle est couverte d’un plastique, peut-être que c’est une Brooks en cuir ! Lui aussi se retourne, nous nous faisons un petit signe et nous continuons nos chemins en sens inverse. Cette rencontre égaie ma journée ; je ne suis pas seule à pédaler, nous sommes sur les mêmes registres, enfin presque car il va au Sud et moi au Nord.
J’ai construit toutes mes étapes avant mon départ. Mon amie Nadine m’a donné un sérieux coup de main. Évidemment ce n’est qu’un canevas qui se modifie en fonction des rencontres de la difficulté des étapes, de l’humeur… Je dois dire qu’il n’y a pas de nombreux campings sur cette partie de l’EuroVelo 1 et parfois ils n’en ont que le nom.
Le camping d’Ediet n’a pas de site internet. Il est noté sur ma carte et un panneau l’indique sur la route. Il semble désaffecté, mais il a dû vraiment avoir son heure de gloire en son temps. Des hommes entrent et sortent d’immenses chalets, je vois que ce sont des pêcheurs. Un vieil homme sort de nulle part. Il s’avère que c’est le patron. Il est Tchèque.
À ma demande il me propose un petit chalet chauffé à l’écart des autres. Je suis ravie, je vais pouvoir faire sécher, tente, vêtements, chaussures, ouvrir toutes mes pochettes de rangement… Il m’invite à boire un café puis m’emmène dans l’immense bâtiment du camping.
Une salle de plus de cent mètres carrés est composée d’un long bar avec cuisine, une enfilade de tables, un salon. Une femme regarde la cinquième étape du Tour de France sur un immense écran relié à un ordinateur. Elle n’est pas Norvégienne, ni Tchèque… À la demande du vieil homme, elle s’empresse de me faire un café servi avec un délicieux gâteau. On n’est pas ici à l’ère de l’égalité entre femmes et hommes ! Elle se dépêche, elle ne veut pas manquer une minute du tour. Caché derrière un autre grand écran, il y a un homme. Le patron me dit qu’il est Allemand. Il se penche pour me saluer, je trouve qu’il a une tête bizarre. Lorsqu’il se lève je vois qu’il est atteint du syndrome de Korsakoff, la maladie des alcooliques.
Toute la façade est vitrée, la vue est magnifique sur la mer, sur les îles et notamment sur les pêcheurs. Une table devant les vitres est couverte de plusieurs paires de jumelles. Un trépied porte aussi un appareil que je n’identifie pas. Le vieil homme explique à la femme d’où je viens, tous les pays que j’ai traversés et au moment où il se tape le front de la main pour dire que je suis « folle », les trois premiers du Tour de France appuient comme des « fous » sur leurs pédales pour remporter l’étape. Quelle synchronisation !
Ils sont sympathiques, bienveillants avec moi. Je suis très intuitive, je ne me sens pas en insécurité mais je perçois l’étrangeté du lieu et des personnes réunies ici. Je me rends ensuite sur le magnifique ponton conduisant à un petit îlot et c’est seulement lorsque je demande un peu de poisson pour mon repas aux pêcheurs occupés à le nettoyer, que je comprends. Les hommes ne parlent ni Norvégien, ni Anglais et ils ne me regardent pas. Un jeune est dépêché pour me répondre. Lorsque j’ai mes deux filets de poisson en main, je m’éclipse rapidement.
Je connais cette attitude. L’attitude des gens qui ne veulent pas apparaître. Il ne faut pas montrer son visage, il ne faut surtout pas croiser le regard de l’autre. Le regard qui renseigne, qui dit tout. Seul le jeune garçon était tranquille. Je comprends que ce n’est plus un camping mais un camp qui exploite des hommes venus d’ailleurs. Je me dis encore une fois que j’ai de la chance d’avoir pu traverser six pays avec ce moyen de locomotion insolite qu’est mon vélo. J’ai de la chance de toujours avoir été libre !
Kristiansund / Leirvåg / Eidet
65 Km
Ne pas apparaître.
Je dois tout replier rapidement entre deux averses. Je quitte le camping de Kristiansund. Je suis encore aujourd’hui vêtue comme une cosmonaute, il ne me manque qu’une bulle sur la tête. Cet ensemble de pluie ne m’est pas ajusté, c’est le moins qu’on puisse dire ! Le pantalon bouffonne et la veste pourrait être portée par quelqu’un mesurant un mètre quatre-vingt-cinq. Mais c’est un bon matériel dans lequel je suis à l’aise et qui me protège bien.
Mes surchaussures Chiba ne valent rien, elles ne sont pas assez imperméables et partent déjà en lambeaux. Elles ne sont certainement pas prévues pour faire autant de marche. J’aurais dû prendre celles que j’utilise depuis dix ans. Pas la peine de le dire… il pleut. Celui qui a inventé l’adage « il n’y a pas de mauvais temps, mais que de mauvais vêtements » devait être un sédentaire qui séchait ses vêtements chaque jour. Les jours de pluie à répétition sont un souci lorsque l’on fait du camping et que l’on est un cyclo-voyageur.
Pourtant, la pluie ne me gêne pas si je peux tout faire sécher chaque jour !
Certains paysages sont grandioses, tout est gris mais c’est une couleur aussi. Sur deux ponts, dans l’entrelacement de plusieurs fjords, le vent hurle à faire frémir. Je ne sens pas ce vent, c’est très étrange. Le bruit est assourdissant. Il doit s’enrouler autour des piles du pont et autour des tubes de la balustrade. C’est là où ont lieu les frottements du vent qui pourtant n’est pas perceptible. Ce n’est pas une musique, c’est terrifiant, je m’empresse de franchir ces deux ponts en jetant de rapides œillades à l’oblique sur la magnificence du paysage composé de fjords et de ses falaises.
Puis il apparaît au loin, il se rapproche… une apparition sous la pluie battante. Oui oui oui ! c’est un cyclo-voyageur. Je m’arrête pour le prendre en photo. Il se rapproche et vient vers moi. Nous sommes ravis, heureux, contents de nous rencontrer. Comme moi il n’a vu personne ces derniers jours.
Arnoldas, magnifique garçon, est Lituanien. Il est parti de Lituanie, est passé par la Finlande, a rejoint le cap Nord et se rend maintenant à Saint-Jacques-de-Compostelle. Son voyage devrait durer sept mois. Il fait cent-vingt kilomètres par jour.
Lorsque je lui dis que j’en fais quatre-vingts, il lève son pouce. Ce geste est vraiment universel. Son vélo est très chargé aussi et il est bien équipé. Lorsqu’il repart, je me retourne, sa selle est couverte d’un plastique, peut-être que c’est une Brooks en cuir ! Lui aussi se retourne, nous nous faisons un petit signe et nous continuons nos chemins en sens inverse. Cette rencontre égaie ma journée ; je ne suis pas seule à pédaler, nous sommes sur les mêmes registres, enfin presque car il va au Sud et moi au Nord.
J’ai construit toutes mes étapes avant mon départ. Mon amie Nadine m’a donné un sérieux coup de main. Évidemment ce n’est qu’un canevas qui se modifie en fonction des rencontres de la difficulté des étapes, de l’humeur… Je dois dire qu’il n’y a pas de nombreux campings sur cette partie de l’EuroVelo 1 et parfois ils n’en ont que le nom.
Le camping d’Ediet n’a pas de site internet. Il est noté sur ma carte et un panneau l’indique sur la route. Il semble désaffecté, mais il a dû vraiment avoir son heure de gloire en son temps. Des hommes entrent et sortent d’immenses chalets, je vois que ce sont des pêcheurs. Un vieil homme sort de nulle part. Il s’avère que c’est le patron. Il est Tchèque.
À ma demande il me propose un petit chalet chauffé à l’écart des autres. Je suis ravie, je vais pouvoir faire sécher, tente, vêtements, chaussures, ouvrir toutes mes pochettes de rangement… Il m’invite à boire un café puis m’emmène dans l’immense bâtiment du camping.
Une salle de plus de cent mètres carrés est composée d’un long bar avec cuisine, une enfilade de tables, un salon. Une femme regarde la cinquième étape du Tour de France sur un immense écran relié à un ordinateur. Elle n’est pas Norvégienne, ni Tchèque… À la demande du vieil homme, elle s’empresse de me faire un café servi avec un délicieux gâteau. On n’est pas ici à l’ère de l’égalité entre femmes et hommes ! Elle se dépêche, elle ne veut pas manquer une minute du tour. Caché derrière un autre grand écran, il y a un homme. Le patron me dit qu’il est Allemand. Il se penche pour me saluer, je trouve qu’il a une tête bizarre. Lorsqu’il se lève je vois qu’il est atteint du syndrome de Korsakoff, la maladie des alcooliques.
Toute la façade est vitrée, la vue est magnifique sur la mer, sur les îles et notamment sur les pêcheurs. Une table devant les vitres est couverte de plusieurs paires de jumelles. Un trépied porte aussi un appareil que je n’identifie pas. Le vieil homme explique à la femme d’où je viens, tous les pays que j’ai traversés et au moment où il se tape le front de la main pour dire que je suis « folle », les trois premiers du Tour de France appuient comme des « fous » sur leurs pédales pour remporter l’étape. Quelle synchronisation !
Ils sont sympathiques, bienveillants avec moi. Je suis très intuitive, je ne me sens pas en insécurité mais je perçois l’étrangeté du lieu et des personnes réunies ici. Je me rends ensuite sur le magnifique ponton conduisant à un petit îlot et c’est seulement lorsque je demande un peu de poisson pour mon repas aux pêcheurs occupés à le nettoyer, que je comprends. Les hommes ne parlent ni Norvégien, ni Anglais et ils ne me regardent pas. Un jeune est dépêché pour me répondre. Lorsque j’ai mes deux filets de poisson en main, je m’éclipse rapidement.
Je connais cette attitude. L’attitude des gens qui ne veulent pas apparaître. Il ne faut pas montrer son visage, il ne faut surtout pas croiser le regard de l’autre. Le regard qui renseigne, qui dit tout. Seul le jeune garçon était tranquille. Je comprends que ce n’est plus un camping mais un camp qui exploite des hommes venus d’ailleurs. Je me dis encore une fois que j’ai de la chance d’avoir pu traverser six pays avec ce moyen de locomotion insolite qu’est mon vélo. J’ai de la chance de toujours avoir été libre !
Jour 54 - Jeudi 7 juillet 2022
Eidet / Kyrksæterøra / Ytre Snillfjord
73 Km
Énièmes jours de pédalage sous la pluie.
Du vélo, de la marche, de la pluie, des villages de pêcheurs, des vaches surprises par ma présence sur la route, et le souhait de trouver un abri pour la nuit. Je ne veux pas mouiller ma tente sèche. C’est un peu ridicule dans la mesure où il pleut chaque jour.
Je suis subjuguée par une petite construction dans le jardin d’une maison. Je m’arrête, je l’observe. J’aimerais dormir dans cette maison de poupée. Une seule pièce doit l’occuper. Une vraie miniature, hexagonale, bleu foncé. Deux fenêtres superposées occupent chaque pan de l’hexagone, les encadrements décoratifs sont en bois peints en blanc. Le débord de toiture est une frise en bois découpé, il se détache et s’avance dans le vide. L’entrée est extrêmement soignée par un porche sublimé par deux balustrades ajourées d’une dentelle. Quelle est belle cette maisonnette !
Mon espoir du matin sera satisfait en fin de journée. Trempée, j’arrive dans un petit camping où semble loger quelques résidents à l’abri de la pluie dans leurs mobils-homes. J’ai dû faire diversion car l’un se précipite dehors à mon arrivée. Il me propose gentiment de m’accompagner au village chez le propriétaire du camping. La seule cabine du camping est libre. C’est un espace tout en longueur pour deux personnes, avec cuisine, chambre et chauffage pour seulement vingt euros. Je suis absolument ravie.
Peut-être que ma tente Vaude trois saisons n’est pas adaptée pour tant de pluie. Je l’ai achetée pour ce voyage et les avis étaient très bons. Lorsque je la replie trempée, je mouille la chambre. Si je désolidarise la chambre de la toile extérieure, c’est toute une sinécure pour la rattacher, de surcroît sous la pluie. Une tente quatre saisons aurait été un achat plus judicieux pour ce voyage. Le nord de la Norvège viendra confirmer ce que je pressens. Mais je n’en suis pas encore là !
Pédaler sous la pluie ne me dérange pas. Aussi curieux que cela puisse paraître, j’aime la pluie ! J’apprécie d’observer le ciel s’assombrir et les nuages qui viennent l’habiller. Je ne me lasse pas d’écouter les gouttes qui tombent et qui s’écrasent sur le sol, cela m’offre un moment de pause et de réflexion. J’apprécie par temps de pluie, les bruits feutrés, l’ambiance calme, l’environnement paisible. Et le pétrichor, l’odeur d’après pluie qui persiste après son passage, est un parfum absolument subtil pour moi. Je préfère bien tout ça aux annonces de canicules estivales.
Je dois toutefois revenir à ma réalité de cyclo-voyageuse… la pire météo enregistrée de tous les temps pour cet été norvégien, n’est pas de tout confort pour moi, vivant constamment dehors depuis des mois.
Eidet / Kyrksæterøra / Ytre Snillfjord
73 Km
Énièmes jours de pédalage sous la pluie.
Du vélo, de la marche, de la pluie, des villages de pêcheurs, des vaches surprises par ma présence sur la route, et le souhait de trouver un abri pour la nuit. Je ne veux pas mouiller ma tente sèche. C’est un peu ridicule dans la mesure où il pleut chaque jour.
Je suis subjuguée par une petite construction dans le jardin d’une maison. Je m’arrête, je l’observe. J’aimerais dormir dans cette maison de poupée. Une seule pièce doit l’occuper. Une vraie miniature, hexagonale, bleu foncé. Deux fenêtres superposées occupent chaque pan de l’hexagone, les encadrements décoratifs sont en bois peints en blanc. Le débord de toiture est une frise en bois découpé, il se détache et s’avance dans le vide. L’entrée est extrêmement soignée par un porche sublimé par deux balustrades ajourées d’une dentelle. Quelle est belle cette maisonnette !
Mon espoir du matin sera satisfait en fin de journée. Trempée, j’arrive dans un petit camping où semble loger quelques résidents à l’abri de la pluie dans leurs mobils-homes. J’ai dû faire diversion car l’un se précipite dehors à mon arrivée. Il me propose gentiment de m’accompagner au village chez le propriétaire du camping. La seule cabine du camping est libre. C’est un espace tout en longueur pour deux personnes, avec cuisine, chambre et chauffage pour seulement vingt euros. Je suis absolument ravie.
Peut-être que ma tente Vaude trois saisons n’est pas adaptée pour tant de pluie. Je l’ai achetée pour ce voyage et les avis étaient très bons. Lorsque je la replie trempée, je mouille la chambre. Si je désolidarise la chambre de la toile extérieure, c’est toute une sinécure pour la rattacher, de surcroît sous la pluie. Une tente quatre saisons aurait été un achat plus judicieux pour ce voyage. Le nord de la Norvège viendra confirmer ce que je pressens. Mais je n’en suis pas encore là !
Pédaler sous la pluie ne me dérange pas. Aussi curieux que cela puisse paraître, j’aime la pluie ! J’apprécie d’observer le ciel s’assombrir et les nuages qui viennent l’habiller. Je ne me lasse pas d’écouter les gouttes qui tombent et qui s’écrasent sur le sol, cela m’offre un moment de pause et de réflexion. J’apprécie par temps de pluie, les bruits feutrés, l’ambiance calme, l’environnement paisible. Et le pétrichor, l’odeur d’après pluie qui persiste après son passage, est un parfum absolument subtil pour moi. Je préfère bien tout ça aux annonces de canicules estivales.
Je dois toutefois revenir à ma réalité de cyclo-voyageuse… la pire météo enregistrée de tous les temps pour cet été norvégien, n’est pas de tout confort pour moi, vivant constamment dehors depuis des mois.
Jour 55 - Vendredi 8 juillet 2022
Ytre Snillfjord / Gagnås / Orkanger / Viggja
50 Km
Ma cabane avec sa forêt sur son toit.
Après une longue nuit, je pars très tardivement ce matin, mais mon étape est courte. Je sais aussi depuis que je suis en Norvège que je peux allier vélo et marche et accomplir mon étape programmée. Mon GPS m’indique parfois le pourcentage et la distance de la côte à venir. Je me donne l’objectif d’aller le plus loin possible dans une de ces côtes à 7 %. Je fais environ un kilomètre et lorsqu’elle passe à 9 % je capitule.
J’entends à ce moment-là, à la radio, que les coureurs du Tour de France terminent à 25 % dans les gravillons à la Planche des Belles Filles en Haute-Saône. Je me dis que c’est extraordinaire pour une dame de soixante-huit ans de faire un kilomètre à 7 % avec cinquante kilogrammes à déplacer, plus le poids de ma personne qui semblerait être un peu moins important qu’à mon départ.
Il faut dire aussi que depuis que je suis en Norvège, c’en est terminé des pâtisseries, des desserts lactés d’Allemagne, des fraises et des jus de fruits achetés dans les petits abris au bord de la piste cyclable. Et même parfois des petits-déjeuners en sus du premier déjà pris. Ici, lorsque je trouve une supérette chaque jour c’est déjà bien. Néanmoins une glace est au menu quotidiennement, quelle que soit l’heure. Les glaces sont des Mikos, des Cônes. Un vrai délice ! Comme il n’y a aucun endroit abrité pour m’asseoir, hormis les abris bus, mes repas sont assez frugaux. J’ai parfois l’impression d’être une vagabonde. Depuis Bergen j’ai traversé une zone montagneuse norvégienne peu peuplée, fortement agricole. De multiples ferries me permettent de traverser les fjords.
J’arrive à Orkanger, c’est étonnant car il y a encore quelques boutiques dans la rue centrale. Je vois d’intéressants bâtiments, surtout le bâtiment de la Norvège Thamspaviljongen. Le pavillon a été conçu comme une église en bois debout et utilisé comme pavillon de la Norvège à l'Exposition universelle de Chicago en 1893. En 2017, le bâtiment a été ramené à Orkanger et ouvert au public après un effort fantastique des habitants. Ils ont démantelé le bâtiment, l'ont ramené, l'ont restauré et reconstruit. Il est fermé lors de mon passage, je prends des photos de l’intérieur depuis une des nombreuses fenêtres.
Une dame discute avec moi, elle veut savoir… qui je suis, ce que je fais. Elle me dit être stupéfaite de la performance et elle me félicite. Elle me fait penser à Marta rencontrée en Allemagne. Je regrette qu’elle parte, je regrette de ne pas avoir osé lui demander si elle pouvait m’héberger et poursuivre ce bon moment. Mais je n’ai jamais fait de telles demandes de ma vie ! Je ne suis jamais allée non plus au cap Nord à vélo !
J’arrive au camping de Vigglia, un vrai camping avec une réception et un monsieur présent, une jolie salle pour prendre un verre et un salon. Je prends une bière pression qui me semble très alcoolisée au vu de l’effet qu’elle me procure. Le monsieur est très sympathique, il est heureux de rechercher dans sa mémoire les mots français appris à l’école. Il me dit qu’il parle bien allemand car de nombreux Allemands viennent dans son camping, mais les Français ne viennent pas jusque là.
Lorsque je rejoins mon petit chalet sur lequel pousse un tapis herbeux semblable à une petite forêt, un couple m’arrête. La dame frémit à l’idée de tout le chemin parcouru à vélo et du cap Nord à venir qui n’est pas la porte à côté. Elle et son mari sont propriétaires d’un magnifique bungalow dans le camping. Ils vont bientôt monter dans le Nord en suivant la côte jusqu’à Bodø. Ils me disent qu’ils me verront peut-être sur la route et que ce sera avec plaisir. Là encore, ce sont des personnes très sympathiques.
Les Norvégiens rencontrés après tant de jours vécus solitairement me paraissent très aimables et attentionnés avec beaucoup de douceur dans la voix. Ma petite cabane avec sa forêt poussant sur son toit m’éblouit totalement. Je sens qu’un virage s’est opéré depuis quelques jours, j’ai adopté la Norvège, la Norvège m’a acceptée.
Ytre Snillfjord / Gagnås / Orkanger / Viggja
50 Km
Ma cabane avec sa forêt sur son toit.
Après une longue nuit, je pars très tardivement ce matin, mais mon étape est courte. Je sais aussi depuis que je suis en Norvège que je peux allier vélo et marche et accomplir mon étape programmée. Mon GPS m’indique parfois le pourcentage et la distance de la côte à venir. Je me donne l’objectif d’aller le plus loin possible dans une de ces côtes à 7 %. Je fais environ un kilomètre et lorsqu’elle passe à 9 % je capitule.
J’entends à ce moment-là, à la radio, que les coureurs du Tour de France terminent à 25 % dans les gravillons à la Planche des Belles Filles en Haute-Saône. Je me dis que c’est extraordinaire pour une dame de soixante-huit ans de faire un kilomètre à 7 % avec cinquante kilogrammes à déplacer, plus le poids de ma personne qui semblerait être un peu moins important qu’à mon départ.
Il faut dire aussi que depuis que je suis en Norvège, c’en est terminé des pâtisseries, des desserts lactés d’Allemagne, des fraises et des jus de fruits achetés dans les petits abris au bord de la piste cyclable. Et même parfois des petits-déjeuners en sus du premier déjà pris. Ici, lorsque je trouve une supérette chaque jour c’est déjà bien. Néanmoins une glace est au menu quotidiennement, quelle que soit l’heure. Les glaces sont des Mikos, des Cônes. Un vrai délice ! Comme il n’y a aucun endroit abrité pour m’asseoir, hormis les abris bus, mes repas sont assez frugaux. J’ai parfois l’impression d’être une vagabonde. Depuis Bergen j’ai traversé une zone montagneuse norvégienne peu peuplée, fortement agricole. De multiples ferries me permettent de traverser les fjords.
J’arrive à Orkanger, c’est étonnant car il y a encore quelques boutiques dans la rue centrale. Je vois d’intéressants bâtiments, surtout le bâtiment de la Norvège Thamspaviljongen. Le pavillon a été conçu comme une église en bois debout et utilisé comme pavillon de la Norvège à l'Exposition universelle de Chicago en 1893. En 2017, le bâtiment a été ramené à Orkanger et ouvert au public après un effort fantastique des habitants. Ils ont démantelé le bâtiment, l'ont ramené, l'ont restauré et reconstruit. Il est fermé lors de mon passage, je prends des photos de l’intérieur depuis une des nombreuses fenêtres.
Une dame discute avec moi, elle veut savoir… qui je suis, ce que je fais. Elle me dit être stupéfaite de la performance et elle me félicite. Elle me fait penser à Marta rencontrée en Allemagne. Je regrette qu’elle parte, je regrette de ne pas avoir osé lui demander si elle pouvait m’héberger et poursuivre ce bon moment. Mais je n’ai jamais fait de telles demandes de ma vie ! Je ne suis jamais allée non plus au cap Nord à vélo !
J’arrive au camping de Vigglia, un vrai camping avec une réception et un monsieur présent, une jolie salle pour prendre un verre et un salon. Je prends une bière pression qui me semble très alcoolisée au vu de l’effet qu’elle me procure. Le monsieur est très sympathique, il est heureux de rechercher dans sa mémoire les mots français appris à l’école. Il me dit qu’il parle bien allemand car de nombreux Allemands viennent dans son camping, mais les Français ne viennent pas jusque là.
Lorsque je rejoins mon petit chalet sur lequel pousse un tapis herbeux semblable à une petite forêt, un couple m’arrête. La dame frémit à l’idée de tout le chemin parcouru à vélo et du cap Nord à venir qui n’est pas la porte à côté. Elle et son mari sont propriétaires d’un magnifique bungalow dans le camping. Ils vont bientôt monter dans le Nord en suivant la côte jusqu’à Bodø. Ils me disent qu’ils me verront peut-être sur la route et que ce sera avec plaisir. Là encore, ce sont des personnes très sympathiques.
Les Norvégiens rencontrés après tant de jours vécus solitairement me paraissent très aimables et attentionnés avec beaucoup de douceur dans la voix. Ma petite cabane avec sa forêt poussant sur son toit m’éblouit totalement. Je sens qu’un virage s’est opéré depuis quelques jours, j’ai adopté la Norvège, la Norvège m’a acceptée.
Jour 56 - Samedi 9 juillet 2022
Viggja / Øysandan / Trondheim
50 Km
Mouthe, la petite Sibérie.
À quelques kilomètres de mon départ du camping de Viggja un panneau m’indique qu’il existe un atelier de réparations vélos à proximité. Parfait ! Cela me simplifie la vie. Je serai libérée de cette contrainte à Trondheim. Je vois en contrebas de la route l’architecture typique de la région, la grande maison d’habitation qui est peinte en blanc est très jolie, toute en longueur avec porches, entrées, balcons. Les bâtiments adjacents sont rouges.
Auparavant la couleur des maisons était le symbole de statut social. Traditionnellement les maisons norvégiennes étaient peintes en rouge, jaune ou blanc. La couleur rouge était la moins chère, crée en mélangeant de l’ocre ou des terres colorantes avec de l’huile de foie de morue ou d’autres huiles. Dans les zones agricoles ou de pêche, la couleur est donc principalement rouge (granges, dépendances).
La couleur jaune était un peu plus chère que la rouge.
La blanche était la plus luxueuse car c’était la plus chère (zinc minéral).
Je m’engage dans le chemin. L’atelier est fermé. Je vais sonner à la maison, la porte d’entrée est ouverte, j’appelle et je pousse une porte, c’est la cuisine en bois massif réchauffant l’atmosphère. Personne n’est présent. Je contourne la maison aux jardins bien fleuris et parfaitement entretenus et je descends jusqu’au fjord. Deux hommes en bateau viennent dans ma direction. Ils étaient partis pêcher. L’un des deux s’avère être le vélociste, il est un peu surpris par mon apparition.
Son atelier occupe un très grand bâtiment composé de différentes pièces. Une caverne d’Ali Baba pour cyclistes. Il s’empare de mon vélo, le suspend, change les patins de freins, ce qui n’est pas simple car il faut libérer la roue, et fait une excellente révision. La chaîne est un peu usée, il me dit que cela ira jusqu’au cap Nord, car il faut changer la cassette avec la chaîne et il n’en a pas. Il ne me demandera que deux-cent-cinquante couronnes norvégiennes (vingt-cinq euros).
Il me raconte qu’il a fait le Tour de France en 1982 avec Bernard Hinault. Il s’appelle Jostein Wilmann, nous sommes nés la même année. Il a été professionnel de 1980 à 1983. Il a notamment été médaillé de bronze du championnat du monde du contre-la-montre par équipes en 1979 et vainqueur du Tour de Romandie et de la Semaine catalane en 1982. Franchement je ne pouvais pas mieux tomber. Mon vélo a été entre d’excellentes mains. Je suis fière et enchantée d’avoir rencontré ce champion.
Ensuite ma route croise Alain, c’est un Normand. Il est parti le vingt mai en passant par la Finlande pour le cap Nord. Il est sur le retour. Il a le corps fuselé du cycliste de longue date. Il a fait à plusieurs reprises Paris-Brest et Paris-Bordeaux. Autant dire que c’est un vrai cycliste. Il fait cent-cinquante kilomètres par jour. C’est certain que les paysages défilent moins vite pour moi. Il arrive en principe à trouver des lieux pour bivouaquer, un peu à l’abri. Il n’a pas rencontré la même météo que moi. Il semblerait que la pluie me suive depuis le sud. On discute, on se prend en photo, on se communique nos blogs et lorsqu’on s’est bien refroidis sous la pluie, il fait dix degrés, nous reprenons respectivement nos routes opposées en nous embrassant en guise d’au revoir.
Quelques kilomètres après, je m’arrête auprès de Cathi la Parisienne, elle est en train de monter sa tente au bord de la route, sur une petite plate-forme face au fjord. Elle me dit qu’elle est une vraie solitaire, qu’elle n’a pas besoin des autres. En ma présence, elle devient extrêmement volubile, elle est intarissable.
C’est une ancienne athlète de judo, elle a soixante-six ans et elle était professeure d’éducation physique et sportive au lycée. Cela fait quarante ans qu’elle arpente le monde à vélo. Elle fait de grands treks, mais je ne sais plus où… elle est toute petite, menue. Elle est partie d’Oslo pour faire ce que je qualifierais une petite boucle de visite des fjords. Elle tire une remorque très lourde, car elle transporte sa nourriture lyophilisée, dix-sept kilogrammes à son départ. C’est étrange ! Je lui dis que si nous avons travaillé pour le même corps de métier, nous ne jouons pas dans la même cour en qualité sportive.
Elle part très tôt le matin et fait de petites étapes. En fait, elle est intarissable. J’en apprendrai plus sur elle qu’elle sur moi. Et cerise sur le gâteau… elle connaît le Haut-Doubs ! Chaque hiver en février elle va s’entrainer à Mouthe, la petite Sibérie où il fait régulièrement moins trente degrés. Elle fait un trou dans la neige pour planter sa tente, une tente nordique totalement adaptée au froid et à la pluie, d’un poids de cinq kilogrammes. C’est beaucoup trop lourd pour moi !
Chaque hiver je vais aussi à Mouthe en janvier ou février depuis que je possède ma petite caravane Eriba, qui est magnifiquement illuminée et resplendissante dans la neige. Mais nous ne nous sommes jamais rencontrées, ce qui était beaucoup plus probable qu’ici à quatre-mille kilomètres de la France. Elle m’a bien fait rire Cathi qui me disait qu’il était ressourçant de ne pas parler avec les autres.
Je ne vais donc pas arriver très tôt à Trondheim !
Viggja / Øysandan / Trondheim
50 Km
Mouthe, la petite Sibérie.
À quelques kilomètres de mon départ du camping de Viggja un panneau m’indique qu’il existe un atelier de réparations vélos à proximité. Parfait ! Cela me simplifie la vie. Je serai libérée de cette contrainte à Trondheim. Je vois en contrebas de la route l’architecture typique de la région, la grande maison d’habitation qui est peinte en blanc est très jolie, toute en longueur avec porches, entrées, balcons. Les bâtiments adjacents sont rouges.
Auparavant la couleur des maisons était le symbole de statut social. Traditionnellement les maisons norvégiennes étaient peintes en rouge, jaune ou blanc. La couleur rouge était la moins chère, crée en mélangeant de l’ocre ou des terres colorantes avec de l’huile de foie de morue ou d’autres huiles. Dans les zones agricoles ou de pêche, la couleur est donc principalement rouge (granges, dépendances).
La couleur jaune était un peu plus chère que la rouge.
La blanche était la plus luxueuse car c’était la plus chère (zinc minéral).
Je m’engage dans le chemin. L’atelier est fermé. Je vais sonner à la maison, la porte d’entrée est ouverte, j’appelle et je pousse une porte, c’est la cuisine en bois massif réchauffant l’atmosphère. Personne n’est présent. Je contourne la maison aux jardins bien fleuris et parfaitement entretenus et je descends jusqu’au fjord. Deux hommes en bateau viennent dans ma direction. Ils étaient partis pêcher. L’un des deux s’avère être le vélociste, il est un peu surpris par mon apparition.
Son atelier occupe un très grand bâtiment composé de différentes pièces. Une caverne d’Ali Baba pour cyclistes. Il s’empare de mon vélo, le suspend, change les patins de freins, ce qui n’est pas simple car il faut libérer la roue, et fait une excellente révision. La chaîne est un peu usée, il me dit que cela ira jusqu’au cap Nord, car il faut changer la cassette avec la chaîne et il n’en a pas. Il ne me demandera que deux-cent-cinquante couronnes norvégiennes (vingt-cinq euros).
Il me raconte qu’il a fait le Tour de France en 1982 avec Bernard Hinault. Il s’appelle Jostein Wilmann, nous sommes nés la même année. Il a été professionnel de 1980 à 1983. Il a notamment été médaillé de bronze du championnat du monde du contre-la-montre par équipes en 1979 et vainqueur du Tour de Romandie et de la Semaine catalane en 1982. Franchement je ne pouvais pas mieux tomber. Mon vélo a été entre d’excellentes mains. Je suis fière et enchantée d’avoir rencontré ce champion.
Ensuite ma route croise Alain, c’est un Normand. Il est parti le vingt mai en passant par la Finlande pour le cap Nord. Il est sur le retour. Il a le corps fuselé du cycliste de longue date. Il a fait à plusieurs reprises Paris-Brest et Paris-Bordeaux. Autant dire que c’est un vrai cycliste. Il fait cent-cinquante kilomètres par jour. C’est certain que les paysages défilent moins vite pour moi. Il arrive en principe à trouver des lieux pour bivouaquer, un peu à l’abri. Il n’a pas rencontré la même météo que moi. Il semblerait que la pluie me suive depuis le sud. On discute, on se prend en photo, on se communique nos blogs et lorsqu’on s’est bien refroidis sous la pluie, il fait dix degrés, nous reprenons respectivement nos routes opposées en nous embrassant en guise d’au revoir.
Quelques kilomètres après, je m’arrête auprès de Cathi la Parisienne, elle est en train de monter sa tente au bord de la route, sur une petite plate-forme face au fjord. Elle me dit qu’elle est une vraie solitaire, qu’elle n’a pas besoin des autres. En ma présence, elle devient extrêmement volubile, elle est intarissable.
C’est une ancienne athlète de judo, elle a soixante-six ans et elle était professeure d’éducation physique et sportive au lycée. Cela fait quarante ans qu’elle arpente le monde à vélo. Elle fait de grands treks, mais je ne sais plus où… elle est toute petite, menue. Elle est partie d’Oslo pour faire ce que je qualifierais une petite boucle de visite des fjords. Elle tire une remorque très lourde, car elle transporte sa nourriture lyophilisée, dix-sept kilogrammes à son départ. C’est étrange ! Je lui dis que si nous avons travaillé pour le même corps de métier, nous ne jouons pas dans la même cour en qualité sportive.
Elle part très tôt le matin et fait de petites étapes. En fait, elle est intarissable. J’en apprendrai plus sur elle qu’elle sur moi. Et cerise sur le gâteau… elle connaît le Haut-Doubs ! Chaque hiver en février elle va s’entrainer à Mouthe, la petite Sibérie où il fait régulièrement moins trente degrés. Elle fait un trou dans la neige pour planter sa tente, une tente nordique totalement adaptée au froid et à la pluie, d’un poids de cinq kilogrammes. C’est beaucoup trop lourd pour moi !
Chaque hiver je vais aussi à Mouthe en janvier ou février depuis que je possède ma petite caravane Eriba, qui est magnifiquement illuminée et resplendissante dans la neige. Mais nous ne nous sommes jamais rencontrées, ce qui était beaucoup plus probable qu’ici à quatre-mille kilomètres de la France. Elle m’a bien fait rire Cathi qui me disait qu’il était ressourçant de ne pas parler avec les autres.
Je ne vais donc pas arriver très tôt à Trondheim !
Samedi 9 juillet 2022
Mon arrivée à Trondheim
En périphérie de la ville de Trondheim, d’importants chantiers ont fait perdre la piste cyclable à Alain. Il s’est retrouvé sur la quatre voies. Pour terminer sa course folle, la gendarmerie est venue à sa rescousse et l’a aimablement remis dans le droit chemin. Fort de cette information, je monte sans billet dans un bus en espérant qu’il va bien au centre. Mon expérience du tunnel à Førde m’a servi d’excellente leçon, je dois éviter de me mettre en danger dans la mesure du possible.
J’arrive en fin d’après-midi. Trondheim est la quatrième ville de Norvège, de taille modeste avec 190 500 habitants, lui conférant un visage sympathique. Connaître le nombre d’habitants me permet d’imaginer la configuration de la ville, me renseigne sur ce que j’y trouverai tels que les musées, les édifices, les bars, les restaurants et m’aide à anticiper mes déplacements à vélo.
Tout naturellement, je m’installe pour deux nuits dans un bel hôtel du centre-ville. Après toutes mes péripéties depuis mon arrivée en Norvège, je ressens le besoin de cocooning. À mon grand étonnement, mon vélo est autorisé à prendre pension dans le superbe salon, avec bar adjacent. Je prends le temps de considérer des yeux l’ensemble. Mon vélo fait corps avec les jolis objets de décoration, il est en harmonie de couleur. Sa présence n’est pas déplacée, aucune incongruité n’est à déplorer. Cela commence donc déjà bien, sous les meilleurs auspices !
Ces derniers jours j’envisageais Trondheim comme un tremplin pour repartir d’un bon pied. En effet, l’avenir me confirmera que j’opérerai un excellent virage depuis cette escale à Trondheim.
Le centre est moderne, commerçant, réservé aux piétons. Dès le soir même, je décide de faire une immersion en ville. J’appréhende partiellement la ville à vélo par mon déplacement jusqu’au bar-restaurant Lokka en bordure de fjord. Jolie baraque couleur moutarde avec une petite terrasse sur l’eau et sous la pluie, cela va sans dire.
C’est samedi, les Norvégiens sont de sortie. Il est dit qu’ils s’adonnent à l’ivresse en fin de semaine. Nous ne sommes pas en reste en France non plus. Un groupe de jeunes gens s’installent à proximité de moi. Ils prennent d’emblée deux verres, un alcool fort et une grande bière, pour débuter leur soirée. Quelques jeunes filles, des Samis (peuple autochtone du nord), entonnent parfois, en intervalles réguliers, des chants sans doute traditionnels. Des chants particuliers, gutturaux, un peu difficiles d’approche pour moi. Le ton est donc donné ! J’aime déjà cette ville…
Je passerai deux nuits dans la magnifique ville de Trondheim, j’en ai besoin.
Mon arrivée à Trondheim
En périphérie de la ville de Trondheim, d’importants chantiers ont fait perdre la piste cyclable à Alain. Il s’est retrouvé sur la quatre voies. Pour terminer sa course folle, la gendarmerie est venue à sa rescousse et l’a aimablement remis dans le droit chemin. Fort de cette information, je monte sans billet dans un bus en espérant qu’il va bien au centre. Mon expérience du tunnel à Førde m’a servi d’excellente leçon, je dois éviter de me mettre en danger dans la mesure du possible.
J’arrive en fin d’après-midi. Trondheim est la quatrième ville de Norvège, de taille modeste avec 190 500 habitants, lui conférant un visage sympathique. Connaître le nombre d’habitants me permet d’imaginer la configuration de la ville, me renseigne sur ce que j’y trouverai tels que les musées, les édifices, les bars, les restaurants et m’aide à anticiper mes déplacements à vélo.
Tout naturellement, je m’installe pour deux nuits dans un bel hôtel du centre-ville. Après toutes mes péripéties depuis mon arrivée en Norvège, je ressens le besoin de cocooning. À mon grand étonnement, mon vélo est autorisé à prendre pension dans le superbe salon, avec bar adjacent. Je prends le temps de considérer des yeux l’ensemble. Mon vélo fait corps avec les jolis objets de décoration, il est en harmonie de couleur. Sa présence n’est pas déplacée, aucune incongruité n’est à déplorer. Cela commence donc déjà bien, sous les meilleurs auspices !
Ces derniers jours j’envisageais Trondheim comme un tremplin pour repartir d’un bon pied. En effet, l’avenir me confirmera que j’opérerai un excellent virage depuis cette escale à Trondheim.
Le centre est moderne, commerçant, réservé aux piétons. Dès le soir même, je décide de faire une immersion en ville. J’appréhende partiellement la ville à vélo par mon déplacement jusqu’au bar-restaurant Lokka en bordure de fjord. Jolie baraque couleur moutarde avec une petite terrasse sur l’eau et sous la pluie, cela va sans dire.
C’est samedi, les Norvégiens sont de sortie. Il est dit qu’ils s’adonnent à l’ivresse en fin de semaine. Nous ne sommes pas en reste en France non plus. Un groupe de jeunes gens s’installent à proximité de moi. Ils prennent d’emblée deux verres, un alcool fort et une grande bière, pour débuter leur soirée. Quelques jeunes filles, des Samis (peuple autochtone du nord), entonnent parfois, en intervalles réguliers, des chants sans doute traditionnels. Des chants particuliers, gutturaux, un peu difficiles d’approche pour moi. Le ton est donc donné ! J’aime déjà cette ville…
Je passerai deux nuits dans la magnifique ville de Trondheim, j’en ai besoin.
Jour 57 - Dimanche 10 juillet 2022
Trondheim
15 Km
Je respire enfin à Trondheim !
Je débute en excellente forme et de bonne heure ma journée de déambulations. Trondheim est une étape de l’express côtier, l’Hurtigruten. Je discute avec deux couples toulousains, passagers de ce fameux paquebot, s’extasiant sur le récit de mon aventure. Ils ont trois heures pour visiter la ville. Le bateau fait trente-deux escales de Bergen jusqu’au cap Nord en six jours. L’express rejoint ensuite Kirkenes près de la frontière russe. Six jours pour deux-mille-cinq-cents kilomètres ! Et moi…, qui n’en suis qu’au tiers depuis Bergen, en ayant l’impression d’avoir vécu une éternité depuis le début de mes pérégrinations en Norvège.
Je visite une cathédrale unique en son genre, un des plus beaux édifices gothiques de Norvège. Elle est dédiée au culte catholique, ce qui est curieux pour un pays majoritairement luthérien. À proximité, je traverse un pont au décor d’un bois rouge du dix-septième siècle. Je peux admirer d’anciens entrepôts sur pilotis, rénovés en habitation, des bars et des restos. Je déniche un petit café épatant dans le vieux quartier de Bakklandet pour un repos bien mérité. J’ai la surprise, au fond d’un couloir, de découvrir un café culturel-bibliothèque avec un petit balcon de poche sur l’eau. Les meilleures adresses pour les sorties sont concentrées dans ce vieux quartier feutré et paisible en journée. La rue est bordée de petites maisons de poupées, colorées, offrant incontestablement une vision sur le charme norvégien.
J’entre dans une église en bois debout. Quel contraste avec la cathédrale ! À mon entrée on me glisse rapidement un missel entre les mains. C’est dimanche et quelques fidèles sont réunis autour d’un prêtre. Le temps de photographier et je m’éclipse rapidement, mes références sont très limitées dans le domaine religieux.
Je parcours un quai sur lequel s’alignent de multiples terrasses un peu zinzins, agrémentées pour la plupart de mobilier en formica des années soixante-dix, ou de vieux fauteuils et divans surannés que l’on ne voudrait surtout pas chez soi. Je m’offre encore un moment de plénitude, avec une vue sur le canal, et j’admire les fringants navires à quai.
Ma balade me conduit vers une longue rue décorée d’une multitude de parapluies formant un plafond multicolore. Aujourd’hui le soleil m’honore de sa présence exceptionnelle. Passer dans cette rue par un temps pluvieux doit être fort insolite. Une autre rue présente un plafond composé d’une importante densité de fanions bariolés. Fait exceptionnel une boulangerie est installée à Trondheim. C’est un grand clin d’œil à la France car son enseigne porte le nom de « Moulangerie ». C’est hilarant ! Est-ce une faute d’orthographe ? Ce mot est-il imprononçable en norvégien ? Mais non ! c’est tout simplement au cours d’un voyage à Paris que la propriétaire a trouvé comment sa boulangerie devrait s’appeler « Moulangerie » (Mo du nom de sa ferme).
Je suis intriguée par un rail permettant aux rares cyclistes de monter une rue. Le Sykkelheis Trampe est une véritable attraction en soi qui ne semble pas si simple d’utilisation. Un garçon m’explique surtout l’attitude qu’il faut adopter pour éviter la chute, la jambe droite doit être tendue et le corps doit être incliné vers l’avant. Pas très rassurée, je place mon pied droit sur le point de départ, le gauche reste sur la pédale de mon vélo. J’appuie sur le bouton de démarrage, je suis poussée vers l’avant par un repose-pied qui émerge du rail. Mon pied droit est calé et je suis propulsée avec quelques craintes vers le haut de la rue. Incroyable ! Formidable ! Fantastique… je ne suis pas tombée.
Cette journée m’a procuré un vif bien-être. J’ai vraiment découvert de petites pépites dans cette ville. J’ai beaucoup aimé l’ambiance feutrée en journée dans la vielle ville, trépidante au centre moderne, la sympathie des gens croisés…
Cela valait le coup de vivre toutes mes déconvenues pour arriver jusqu’ici !
Trondheim
15 Km
Je respire enfin à Trondheim !
Je débute en excellente forme et de bonne heure ma journée de déambulations. Trondheim est une étape de l’express côtier, l’Hurtigruten. Je discute avec deux couples toulousains, passagers de ce fameux paquebot, s’extasiant sur le récit de mon aventure. Ils ont trois heures pour visiter la ville. Le bateau fait trente-deux escales de Bergen jusqu’au cap Nord en six jours. L’express rejoint ensuite Kirkenes près de la frontière russe. Six jours pour deux-mille-cinq-cents kilomètres ! Et moi…, qui n’en suis qu’au tiers depuis Bergen, en ayant l’impression d’avoir vécu une éternité depuis le début de mes pérégrinations en Norvège.
Je visite une cathédrale unique en son genre, un des plus beaux édifices gothiques de Norvège. Elle est dédiée au culte catholique, ce qui est curieux pour un pays majoritairement luthérien. À proximité, je traverse un pont au décor d’un bois rouge du dix-septième siècle. Je peux admirer d’anciens entrepôts sur pilotis, rénovés en habitation, des bars et des restos. Je déniche un petit café épatant dans le vieux quartier de Bakklandet pour un repos bien mérité. J’ai la surprise, au fond d’un couloir, de découvrir un café culturel-bibliothèque avec un petit balcon de poche sur l’eau. Les meilleures adresses pour les sorties sont concentrées dans ce vieux quartier feutré et paisible en journée. La rue est bordée de petites maisons de poupées, colorées, offrant incontestablement une vision sur le charme norvégien.
J’entre dans une église en bois debout. Quel contraste avec la cathédrale ! À mon entrée on me glisse rapidement un missel entre les mains. C’est dimanche et quelques fidèles sont réunis autour d’un prêtre. Le temps de photographier et je m’éclipse rapidement, mes références sont très limitées dans le domaine religieux.
Je parcours un quai sur lequel s’alignent de multiples terrasses un peu zinzins, agrémentées pour la plupart de mobilier en formica des années soixante-dix, ou de vieux fauteuils et divans surannés que l’on ne voudrait surtout pas chez soi. Je m’offre encore un moment de plénitude, avec une vue sur le canal, et j’admire les fringants navires à quai.
Ma balade me conduit vers une longue rue décorée d’une multitude de parapluies formant un plafond multicolore. Aujourd’hui le soleil m’honore de sa présence exceptionnelle. Passer dans cette rue par un temps pluvieux doit être fort insolite. Une autre rue présente un plafond composé d’une importante densité de fanions bariolés. Fait exceptionnel une boulangerie est installée à Trondheim. C’est un grand clin d’œil à la France car son enseigne porte le nom de « Moulangerie ». C’est hilarant ! Est-ce une faute d’orthographe ? Ce mot est-il imprononçable en norvégien ? Mais non ! c’est tout simplement au cours d’un voyage à Paris que la propriétaire a trouvé comment sa boulangerie devrait s’appeler « Moulangerie » (Mo du nom de sa ferme).
Je suis intriguée par un rail permettant aux rares cyclistes de monter une rue. Le Sykkelheis Trampe est une véritable attraction en soi qui ne semble pas si simple d’utilisation. Un garçon m’explique surtout l’attitude qu’il faut adopter pour éviter la chute, la jambe droite doit être tendue et le corps doit être incliné vers l’avant. Pas très rassurée, je place mon pied droit sur le point de départ, le gauche reste sur la pédale de mon vélo. J’appuie sur le bouton de démarrage, je suis poussée vers l’avant par un repose-pied qui émerge du rail. Mon pied droit est calé et je suis propulsée avec quelques craintes vers le haut de la rue. Incroyable ! Formidable ! Fantastique… je ne suis pas tombée.
Cette journée m’a procuré un vif bien-être. J’ai vraiment découvert de petites pépites dans cette ville. J’ai beaucoup aimé l’ambiance feutrée en journée dans la vielle ville, trépidante au centre moderne, la sympathie des gens croisés…
Cela valait le coup de vivre toutes mes déconvenues pour arriver jusqu’ici !