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L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022.

(réalisé)
     
À Caroline ma fille et à Gaël mon petits-fils,     
  
De Besançon au cap Nord… Chiche !
 
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage !
« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas » Lao-Tseu. 
Il faut donc relever la bravade par un premier coup de pédale. Mes premiers voyages à vélo de cinq-cents kilomètres sur des durées courtes m’ont fait découvrir ce qui m’apportait de l’étonnement et de multiples surprises et surtout ce qui me procurait un véritable sentiment de liberté. Au fur et à mesure j’ai allongé mes distances avec néanmoins un sentiment de frustration, car à mon retour, ce n’était jamais assez…
 
Ce sera mon plus long voyage. Si je cumule tous les kilomètres que j’aurai faits depuis mon premier coup de pédale il y a déjà quelques années, j’aurai bouclé environ vingt-quatre-mille kilomètres soit 60 % du tour de l’Équateur. 
J’ai traversé dix pays de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie, j’ai suivi le Rhin d’Andermatt à Rotterdam, j’ai fait deux fois le tour de Bourgogne dont l’un avec mon petit-fils Gaël. Au cours d'un tour de la France, j’ai rejoint la côte Atlantique par la Camargue, le canal des Deux-Mers puis je suis remontée jusqu’à Saint-Nazaire et j’ai terminé par L’EuroVelo 6 jusqu’à Besançon.
 
Et début avril, en guise de reprise d’entraînement, j’ai aussi fait le tour d’Alsace, petite balade de sept-cents kilomètres… Enfin, pour ne pas perdre les bons réflexes et les muscles, petits moteurs qu’il faut indispensablement garder en forme, j’ai pris l’habitude de me rendre à vélo chez mes amis à Strasbourg, en Suisse… avec Gaël, grand garçon de cinq ans, qui m’accompagne dans sa remorque à vélo à pédales.

Tous ces voyages ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, de découvrir des paysages magnifiques, avoir des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste. Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Certains me disent que croiser une dame de mon âge -j’ai soixante-huit ans- seule, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très motivée et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon. Quand je rejoins mon point de chute, je retrouve quelques-unes de ces rencontres et je découvre d’autres cyclotouristes avec qui nous échangeons sur nos expériences.

 
Mais le plus amusant et un peu flatteur aussi je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne perchée à l’âme romantique. Mais tous font preuve d’humanité, ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout admiratifs ! 
Certaines amies m’ont attribué le terme de jeunior. D’autres sont subjuguées. Rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif. Ma fille Caroline, qui sait que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes, à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants ! Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi parce qu’il est sûr que je vais voir le père Noël au cap Nord et pouvoir cueillir les cadeaux poussant sur le sol comme autant de fleurs magiques.
 
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, lorsque je prendrai l’avion à Alta, mes sacoches, mon cœur, ma tête, mes jambes aussi, seront pleins de souvenirs de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en trois mois et demi. 
vélo de randonnée
Quand : 15/05/22
Durée : 94 jours
Distance globale : 5638km
Dénivelées : +26238m / -26332m
Alti min/max : -1m/488m
Carnet publié par Jacqueline25 le 09 mai 2022
modifié le 14 avr.
5452 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Section 8. Du 19 juin au 24 juin (mise à jour : 14 avr.)

Distance section : 223km
Dénivelées section : +443m / -510m
Section Alti min/max : 1m/93m

Description :

Thyborøn / Stenbjerg / Klitmøller / Hanstholm / Torup Strand / Sanden / Rødhus / Løkken / Lønstrup / Hirtshals / Hulsig / Skagen / Ålbæk / Frederikshavn

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Le compte-rendu : Section 8. Du 19 juin au 24 juin (mise à jour : 14 avr.)


Jour 36 - Dimanche 19 juin 2022
Thyborøn – Stenbjerg – Klitmøller – Hanstholm  
86 km
 
J’irais plus vite à mobylette !
 
Je prends le ferry à Thyborøn à neuf heures. Brusquement c’est le spectacle ! Ils arrivent. Ils sont dix à mobylette. Hier en arrivant à Thyborøn, j’ai croisé sur la piste cyclable un autre groupe. Les motocyclistes prenaient un cours avec un instructeur. La plupart avait des barbes blanches, une jeune femme était parmi eux. Ils ne semblaient pas en grande sécurité sur leurs engins.


Ceux qui arrivent au ferry ce matin ont entre trente et quarante ans. Ceux-là ont l’habitude, ils sont aguerris. Ils partent en vacances à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux. Ils ont tous une caisse à l’arrière en guise de sacoches et certains ont l’essence dans des jerricans accrochés à leurs mobylettes. 

 
Le plus atypique est celui qui tire à l’arrière de sa mobylette une grosse remorque surmontée d’un parasol. C’est le bistrot à lui tout seul ! Dans la remorque il y a une énorme bonbonne de bière. Ils se servent déjà de la bière pression en attendant le ferry à neuf heures du matin. Les mobylettes circulent ici aussi sur les pistes cyclables, il n’y a pas d’obligation de porter de casque. Dorénavant, si je vois un groupe de motocyclettes sur la piste, je me hâterai de me mettre hors de leur portée dans le talus ! 
 
Ils m’offrent une bière, j’accepte le geste mais je contrôle la quantité car leurs gobelets font un demi-litre. Je passe un moment très atypique et bien marrant au milieu de ce groupe de garçons. Ils ont dormi sur la plage et ont dû porter leurs mobylettes. Avec leur chargement, on peut aisément imaginer l’impossibilité de faire rouler un engin aussi lourd dans le sable.  J’aurais bien aimé voir cela ! Quant à moi, j’ai dormi sous ma tente dans le joli camping-hôtel de Thyborøn avec salle à manger et salons très agréables. J’étais la seule cyclo-voyageuse au camping. J’en ai pris mon parti.

Les vacanciers à mobylettes
Les vacanciers à mobylettes
Thyborøn
Thyborøn
Une petite ouverture dans la digue.
Une petite ouverture dans la digue.
De nombreuses petites ventes
De nombreuses petites ventes
Vorupor
Vorupor
Petite nostalgie pour la brique rouge
Petite nostalgie pour la brique rouge
La joyeuse bande
La joyeuse bande
Chez Vanessa. Son père est danois et sa mère était originaire d’Annecy. Sa voisine est française et coiffeuse. Dommage c’est dimanche.
Chez Vanessa. Son père est danois et sa mère était originaire d’Annecy. Sa voisine est française et coiffeuse. Dommage c’est dimanche.
Au milieu des dunes
Au milieu des dunes
Pour terminer la journée.
Pour terminer la journée.

Jour 37 - Lundi 20 juin 2022
Hanstholm / Torup Strand / Sanden / Rødhus 
77 km
 
C’est fait !
 
Je me perds dans la forêt. Je roule sur la route avec les voitures. Je regarde la mer. Tout à coup, il est là, nous pédalons côte à côte. Il est Hollandais. Je suis passée dans son village dans le sud. Il va aux îles Lofoten. Il fait cent-cinquante kilomètres par jour. C’est la première année qu’il fait du cyclotourisme et il a deux mois devant lui et des kilomètres qu’il peut parcourir. Puis il fait une échappée et avec grande facilité et légèreté, en quelques coups de pédales il disparaît au loin.

La plage est magnifique, à perte de vue. Je décide de me baigner. Voilà environ deux-mille kilomètres que je longe la mer derrière les immenses digues, dans les dunes, au milieu des forêts, en entrant dans les terres pour visiter les villages… mais elle est toujours à proximité.

 
Les rares personnes présentes sur la plage sont au loin. Je fais un tas de mes vêtements et j’y vais. L’eau est particulièrement glacée. Je me mouille rapidement, je saute, je bouge le temps de bien me mouiller, le sable se dérobe et je tombe dans l’eau… C’est fait ! Je me suis baignée dans la mer du Nord. 

 
Je veux sortir mais trois personnes marchent les pieds dans l’eau, je suis obligée d’attendre car je n’ai pas pris la peine d’enfiler mon maillot qui est tout au fond d’une sacoche. Je suis bien gelée lorsque je peux enfin remettre mes vêtements. Mais c’est fait ! Je me suis baignée dans la mer du Nord. Deux hommes arrivent et ils font comme moi. Ils se mouillent, se trempent et ressortent en vitesse. Leur nudité n’est pas un souci.

J’ai voulu prendre un raccourci
J’ai voulu prendre un raccourci
Fjerritslev
Fjerritslev
Plage de Fjerritslev
Plage de Fjerritslev
Crabe à Fjerritslev
Crabe à Fjerritslev
Le vélo du photographe . Tout léger il pédalait sans souci dans les gravillons
Le vélo du photographe . Tout léger il pédalait sans souci dans les gravillons
Je me baigne
Je me baigne
Je croise trois cyclotouristes aujourd’hui
Je croise trois cyclotouristes aujourd’hui
C’est difficile dans ces gravillons. On n’avance pas. On tressaute sans cesse. On a mal aux bras en retenant son vélo. Le vélo peut être endommagé et les pneus souffrent.
C’est difficile dans ces gravillons. On n’avance pas. On tressaute sans cesse. On a mal aux bras en retenant son vélo. Le vélo peut être endommagé et les pneus souffrent.

Jour 38 - Mardi 21 juin 2022
Rødhus / Løkken / Lønstrup / Hirtshals 
87 km
 
C’était une Dauphine avec traction arrière.

Je suis arrivée hier soir au camping de Rødhus. Il est construit dans une forêt. Les emplacements sont de vraies petites clairières. Jeux d’échecs géants, mini-golf, chapiteau immense, jeux magnifiques pour enfants ; tout cela est prêt à accueillir un monde fou. Personne ne me reçoit mais je m’installe et j’ai l’impression d’être seule dans cette forêt-camping. Les sanitaires sont ouverts. Je prendrai une douche glacée puisque je n’ai pas de jeton. Je repars ce matin à 6h30. Je me perds encore dans la forêt. Heureusement que j’ai un excellent sens de l’orientation, mais dans la forêt on peut vite tourner en rond, j’utilise donc Google Maps pour me situer. 


La piste cyclable m’entraîne sur une plage. Je reviens donc en arrière pour vérifier le panneau situé à proximité. Il m’envoie bien sur cette immense étendue de plage. Je vois une moto, une voiture… sur ce sable très tassé. Je vérifie ma carte qui me confirme que ma piste cyclable passe bien ici sur cinq kilomètres de plage. C’est une surprise exceptionnelle, sensationnelle ! Super ! Mais je déchante rapidement car ma roue arrière refuse de me suivre correctement et préfère virevolter de droite et de gauche. J’arrive tant bien que mal en dansant avec elle à me maintenir en équilibre jusqu’au moment où c’est « foutu ». La roue arrière devient ingérable. 

 
J’essaie de maintenir l’ensemble mais c’est peine perdue. En effet comment retenir cinquante kilos ! Le vélo se couche, je ne tombe pas avec mais je me retrouve à califourchon dessus. Oh ! Là là ! Je me suis cognée fortement le mollet contre le cadre. Après avoir relevé péniblement la pauvre bicyclette, je poursuis ma piste-plage et je sais que je devrai faire quatre kilomètres et neuf cents mètres à pied. Le vent est puissant et pousse la bicyclette, qui se tient tranquille… et je me dis que si je pesais quarante-huit kilogrammes, il n’y aurait pas de souci à faire du vélo sur ce sable tassé.

Mon vélo est tellement chargé à l’arrière qu’il s’est conduit comme un véhicule à traction arrière. 

Je pense à mon père et à sa première voiture. C’était une Dauphine avec traction arrière. Cette voiture ne termina même pas son premier hiver. C’est sur les routes enneigées du Haut-Doubs, après plusieurs tonneaux que la voiture a terminé sa courte existence dans un champ. Mon père, indemne, est rentré à la maison ce jour-là après avoir fait cinq kilomètres à pied dans la neige.
Dommage le musée était fermé ce matin.
Dommage le musée était fermé ce matin.
Derrière le rideau : pommes de terre et œufs.
Derrière le rideau : pommes de terre et œufs.
L’EuroVelo 12 passe sur la plage
L’EuroVelo 12 passe sur la plage
J’ai perdu les panneaux de l’EuroVelo.
J’ai perdu les panneaux de l’EuroVelo.
Mon vélo et une voiture au loin
Mon vélo et une voiture au loin
La voilà la piste cyclable !
La voilà la piste cyclable !
C’est la première fois que je vois des installations sur une plage du Danemark

C’est la première fois que je vois des installations sur une plage du Danemark
Ma trace n’est pas très linéaire.
Ma trace n’est pas très linéaire.
Une touche de piano
Une touche de piano
Mon hymer pour cette nuit avec chauffage, au camping de Hirtshals
Mon hymer pour cette nuit avec chauffage, au camping de Hirtshals
En vêtements d’hiver
En vêtements d’hiver
Vue depuis le camping
Vue depuis le camping
Port de Hirtshals
Port de Hirtshals
Phare de Hirsthals
Phare de Hirsthals

Jour 39 - Mercredi 22 juin 2022
Hirtshals / Hulsig / Skagen    
68 km

Celle qui est tout en vert 

Je vais à Skagen ! C’est la ville la plus au nord du Jutland au Danemark. Elle a été rendue célèbre par la vivacité de l'École picturale à laquelle ce petit village de pêcheurs du dix-neuvième siècle a donné son nom.


Je fais soixante kilomètres sans poser le pied à terre hormis lorsqu’il y a trop de gravillons ou de sable sur la piste. Le vent me pousse à grande allure me donnant l’illusion d’être enfin une grande cycliste. Je croise les filles qui se rendent à Frederikshavn prendre le ferry pour Oslo. Pour l’une ce sera la fin de son voyage et pour l’autre, après quelques jours chez sa sœur, elle reprendra la route pour son retour par la Scandibérique ou l’EuroVelo 3.

 
Poussant mon vélo à Skagen dans la rue piétonne, je me fais héler par Josette et Michel un couple de Français de Bellegarde. Ils ont entendu parler de moi par les filles quelques jours plus tôt : « Celle qui est tout en vert ! ». Ils avaient les indices clefs pour me repérer. Directement nous allons prendre un verre comme si nous étions des amis de longue date. Nous allons ensemble à la pointe de Grenen qui est une bande de sable située à l'extrême nord du Jutland à deux kilomètres de la ville de Skagen. 


Nous sommes émerveillés à la pointe de Grenen, de voir le conflit des courants de la mer du Nord et de la Baltique. On voit réellement les deux mers se rejoindre et former une lèvre d'écume.  Nous avons un pied dans chaque mer. C’est à voir et à vivre ! Il y a même un phoque qui se prélasse au soleil sur le sable.


Puis vient le dîner que nous partageons avec grand plaisir. Il est bien arrosé de spritz-aperol et de bière. Nous remontons ensuite sur nos vélos pour rejoindre le camping. Déchargés de leurs bagages ou parce que la bière ne fait pas bon ménage avec le vélo, nos montures sont devenues de véritables poids plumes et virevoltent trop facilement. Tenir en équilibre est un exploit digne de funambules. Nous sommes pourtant des cyclistes aguerris, mais nous domptons ordinairement des destriers très alourdis.

Hirtshals
Hirtshals
Une Beaulieu à Hirtshals
Une Beaulieu à Hirtshals
Hirtshals
Hirtshals
La piste cyclable. Uggerby
La piste cyclable. Uggerby
Uggerby
Uggerby
Skagen
Skagen
Mer Baltique qui constitue une zone de fort transit maritime, d'exploitation pétrolière et de pêche.
Mer Baltique qui constitue une zone de fort transit maritime, d'exploitation pétrolière et de pêche.
De Skagen à la pointe de Grenen en tractobus
De Skagen à la pointe de Grenen en tractobus
Un seul se repose sur la bande de sable
Un seul se repose sur la bande de sable
Michel
Michel
La confluence des deux mers : la mer du Nord et la Baltique.
La confluence des deux mers : la mer du Nord et la Baltique.
Josette et Michel
Josette et Michel
Fin de la première partie de mon voyage. Je vais bientôt attaquer la Norvège.
Fin de la première partie de mon voyage. Je vais bientôt attaquer la Norvège.
Mamma mia ! Comme c’est beau.
Mamma mia ! Comme c’est beau.
Jour 40 - Jeudi 23 juin 2022
Skagen
15 km

À Skagen on aime La Mortuacienne.

Première journée d’arrêt depuis mon départ.

 
Je trouve un vélociste pour la révision de ma bicyclette. En deux temps trois mouvements il s’en empare, tâte les pneus et les rayons, vérifie les freins, les vitesses, fait tourner les roues pour l’équilibrage, tout va bien ! Il remet simplement la roue avant dans l’axe du vélo, huile la chaîne et me dit que c’est un très bon vélo. Il me dit aussi que ma batterie « Cinq » branchée sur la Dynamo et devant charger mon téléphone est sans doute foutue… Ah non ! non non et non ! ça je ne veux pas l’entendre. Une batterie encore sous garantie, très onéreuse, que je devais rentabiliser par ce voyage, qui devait me permettre une autonomie presque parfaite, non non et non !
 
Skagen est un charmant petit port de pêche, l’un des plus importants du Danemark. L’habitat en Norvège a progressivement évolué du sud au nord. La brique rouge a laissé la place au bois. Les maisons sont essentiellement en bois de couleur jaune et on déguste des glaces à partir de neuf heures du matin. C’est ici que je m’autoriserai à en manger le matin et je garderai cette habitude jusqu’au cap Nord.

L’odeur de poisson sur le port est prégnante. Cette odeur ne me dérange pas, a contrario des émanations provenant des fermes allemandes. Je déjeune dans un des cabanons en bordure du port et deux choses surprenantes m’attendent. L’intérieur chic a son sol fait d’une importante couche de sable de plusieurs dizaines de centimètres et la serveuse est une géante, très gentille, toute douce, mais je ne savais pas encore qu’il fallait manger les plies de Skagen.


Après une heure de recherche, je trouve enfin la Poste dans un supermarché au centre du village, un comptoir planté au milieu du pain et des cigarettes. Je dois absolument alléger mon vélo avant d’arriver en Norvège. J’envoie un carton de trois kilogrammes, composé de cartes Radveg, d’une tenue de vélo d’été, de petit matériel dont je me passerai et des cadeaux pour Caroline et pour Gaël, une petite sculpture et un bateau en bois. Les bureaux de poste ont été absorbés par les grandes surfaces, cela se confirmera sur l’ensemble du territoire norvégien.


J’arrive essoufflée, casquée, au Skagenmuseum, ayant tout oublié des langues apprises à la hâte. Je voulais absolument voir l’exposition des œuvres de Kroyer. Le personnel à la réception est très aimable avec moi. Il se demande dans quelle langue je parle. Je pense aussi qu’il ne doit pas rencontrer souvent de Français dans ce beau musée d’art, impressionnant par rapport à la taille de la ville. Une personne m’accompagne même aux vestiaires pour me montrer comment fonctionne un casier avec jeton. Oh là là ! ils ont dû penser que j’étais une martienne jetée dans ce petit village à l’extrême nord du Danemark. 


L’exposition est très intéressante. Les peintres de Skagen se sont installés au village au dix-neuvième siècle pour y peindre la lumière très particulière à cet endroit. L'esthétique des peintres se caractérise par la représentation de paysages très réalistes aux couleurs riches. Et il y a le petit plus ! ce sont des bouteilles de « La Mortuacienne », limonade fabriquée dans le Doubs depuis 1921, placées au milieu de livres d’art, d’objets, de cartes postales dans la boutique du musée. Pourquoi pas des saucisses de Morteau pendant qu’on y est ! 

 
Je demande à l’agréable hôtesse du lieu, la raison de la présence de « La Mortuacienne » ici au Skagenmuseum à quatre-mille kilomètres à vélo de Morteau. C’est le caviste du village qui l’importe et depuis, « à Skagen on aime la Mortuacienne » me dit-elle. Lorsque je lui dis que j’habite à quelques kilomètres de Morteau et que je suis venue à vélo depuis là-bas, elle s’exclame et hurle de rire. 

Il y a encore d’autres incongruités dans ce joli village. Un vélo équipé d’un mini moteur de mobylette est exposé dans la vitrine d’une galerie d’art et un autre vélo figure parmi les bijoux dans la vitrine d’une bijouterie. Il s’avère que le Tour de France 2022 passe dans une semaine à Copenhague. Sur le vélo je peux lire : Paris Pékin 2008, Fédération française de Cyclotourisme. 
Cyclotourisme.
Le village de Skagen
Le village de Skagen
Château d’Eau de Skagen
Château d’Eau de Skagen
Le vélo dans la bijouterie
Le vélo dans la bijouterie
Le vélo à moteur dans une galerie
Le vélo à moteur dans une galerie
Skagen
Skagen
Le port de Skagen
Le port de Skagen
Il me dit ce que je veux entendre : « Ténacité, Pugnacité, volonté… Tu vas y arriver »
Il me dit ce que je veux entendre : « Ténacité, Pugnacité, volonté… Tu vas y arriver »
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Peder Severin Krøyer
Paul Albert Besnard
Paul Albert Besnard
La Mortuacienne au Skagenmuseum ! Quel clin d’œil !
La Mortuacienne au Skagenmuseum ! Quel clin d’œil !
Les jolis cabanons restaurants sur le port
Les jolis cabanons restaurants sur le port
La serveuse géante
La serveuse géante
Jour 41 - Vendredi 24 juin 2022
Skagen / Ålbæk / Frederikshavn 
59 km

Des relations humaines dépourvues de formalités
 
Je pars vers sept heures du matin à la pointe de Grenen en espérant observer de nombreux phoques avant l’arrivée du premier tractobus chargé de touristes. Mais les phoques ne sont pas au rendez-vous ! Dommage ! 

 
Il fait chaud aujourd’hui, vingt-huit degrés, le vent s’est calmé. Le long de la nationale 40, les cinquante-neuf kilomètres qui me feront rejoindre Oslo par bateau via Frederikshavn sont laborieux sans raison. Je m’arrête à Ålbaek et je visite un atelier de peinture. Trois peintres exposent. Seule Dunna est présente et nous partageons un excellent moment ensemble. Elle est norvégienne, retraitée aussi.
 
Elle peint des scènes extérieures en utilisant essentiellement du bleu. Les personnages sont dans le mouvement, ils sortent ou entrent dans ce bleu. Le bleu d’ici ! Le bleu et blanc du ciel ! Le bleu de la mer du Nord ! C’est expressif, c’est frais, c’est beau, j’aime bien. Il y a deux autres tableaux que j’apprécie beaucoup. L’un représente un visage et l’autre montre trois visages qui évoquent les trois petits singes dont la symbolique « ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire » n’est pas ce qui me caractérise, ni Dunna d’ailleurs.

 
La communication est aussi aisée avec Dunna qu’avec Marta à Büsum, qu’avec Mathilde la jeune maroquinière de Sorcy-Saint-Martin ou avec Jacob rencontré à Dordrecht et je passe sur les deux femmes, Radia et Maryline, sur Jean-Marc le camping-cariste, et sur Josette et Michel sans oublier tous les autres. C’est un long moment extrêmement sympathique dans l’atelier. Dunna éclate de rire lorsque je lui dis que dans ma famille, mon frère est un artiste sculpteur, ma sœur commence à parcourir le monde et moi, qui ne sais faire que du vélo. Merci à Dunna ! J’aime qui elle est et j’aime ses peintures.


Puis j’arrive à Frederikshavn. Je suis en avance. Je vais repérer l’embarcadère. Un monsieur allemand attend ses chevaux, me dit mon traducteur facétieux, à côté de sa voiture. Il veut aller à Göteborg en Suède avec le ferry. Il y a quatre ans, il a fait le mont Everest, grimpant à sept-mille mètres d’altitude si je comprends bien. Il a quatre-vingt-cinq ans ! On ne le dirait pas ! C’est un athlète ! Aujourd’hui il fait un petit voyage pour se changer les idées car il a perdu sa femme. Et il rit de notre discussion, le traducteur la rend amusante, pleine d’humour. 

 
Les rencontres, la communication pour un cyclo-voyageur sont extrêmement faciles, dépourvues de formalités tout en étant profondes. Ce sont des relations humaines non hiérarchisées, des relations d’identification mutuelle et d’empathie, aussi bien avec la population qu’avec les autres cyclotouristes. 
 
Avec les autres cyclo-voyageurs, nous sommes en corrélations par différentes analogies. Nous nous sommes échappés de notre quotidien. Nous parcourons le monde sur de frêles montures. Le sport à haute dose rend heureux, volubile. Les heures passées seule vont renforcer le besoin de la communication. Nous savons que chaque étape doit se gagner aux prix d’efforts. Nous sommes une sorte de confrérie et les rencontres, c’est le sel du voyage, une note joyeuse qui éclaire la journée.

Puis ce sera une longue attente du bateau qui a presque deux heures de retard. Je discute avec un jeune étudiant norvégien, il est fasciné par mon voyage. Cependant il me glisse dans la conversation, qu’il ne ferait jamais de vélo sur la route côtière de son pays car c’est trop dangereux, qu’un cycliste est mort récemment. Voilà ce que je n’ai pas envie d’entendre. C’est à deux heures du matin que je rejoins ma cabine très confortable de l’immense bateau pour ce qui reste de nuit.
Pointe de Grenen
Pointe de Grenen
Sur le sable de Grenen
Sur le sable de Grenen
Œuvre de Dunna…
Œuvre de Dunna…
Les trois singes
Les trois singes
Frederikshavn
Frederikshavn
Frederikshavn
Frederikshavn
De Frederikshavn à Oslo
De Frederikshavn à Oslo
Commentaires
Voisine12 - 20 juin 2022
Coucou Jacqueline..
Que c'est beau le Danemark !!!!
Sauvage...
Voyage en terre inconnue....
Pour moi en tout cas..
Toujours en pleine forme ??
J'essaie d'amener mon tuyau d'arrosage jusqu'à ton portail pour arroser un peu tes hortensias qui font grise mine avec cette chaleur...
Bravo et bonne route

Edith IA - 20 juin 2022
Coucou Jacqueline,
Je me connecte aujourd'hui seulement et du coup je t'ai lue depuis le début. Que de km parcourus, de paysages splendides, de rencontres pittoresques.... et quelle détermination à braver la pluie, le vent , la fatigue pour poursuivre ce projet. Bravo !
Tes photos sublimes et tes textes pétillants nous permettent de découvrir des paysages inconnus et de voyager un peu avec toi, même si tu n'as besoin de personne, on l'aura compris ....!
Bravo pour ce beau projet !
Bises et bonne route

CaroC - 21 juin 2022
Faire du nudisme dans la mer du Nord !!!
:)

Jacqueline25 - 21 juin 2022
Et faire du vélo toute la journée et atterrir au point septentrional du Danemark demain pour la grand-mère de ton fils, faire du nudisme reste un petit détail. Plein de bisous à vous deux 💋💋💋💋

domii70 - 21 juin 2022
Et bien Jacqueline, voilà que tu fais du nudisme dans une mer bien fraiche!!!! J'étais pliée en lisant ton récit.
Bisous.

CaroC - 25 juin 2022
La Mortuacienne à Skagen, incroyable...
Propose leur un jumelage en rentrant, mélange de l'art et de la saucisse !

CaroC - 25 juin 2022
Accueillie à la dernière étape de la première partie de ton voyage comme la femme en vert...
Tu étais attendue comme le loup vert 😁😁😁
Que de belles aventures, de rencontres déjà,... Fin de la première partie, cap sur la Norvège !
Bienvenue à Oslo !!!
Je t'embrasse très très fort 😘😘😘

Marijoautun - 25 juin 2022
Cc Jacqueline, le Danemark me donne vraiment envie même si je préfère les pays chauds... particulièrement Skagen puisqu'ils ont très bon goût, ils aiment la Mortuacienne 😍😉
En tout cas, je lis toujours avec grand plaisir tes aventures. Ne lâche rien, bonne continuation. Gros bisous.