L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022.
À Caroline ma fille et à Gaël mon petits-fils,
De Besançon au cap Nord… Chiche !
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage !
« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas » Lao-Tseu.
Il faut donc relever la bravade par un premier coup de pédale. Mes premiers voyages à vélo de cinq-cents kilomètres sur des durées courtes m’ont fait découvrir ce qui m’apportait de l’étonnement et de multiples surprises et surtout ce qui me procurait un véritable sentiment de liberté. Au fur et à mesure j’ai allongé mes distances avec néanmoins un sentiment de frustration, car à mon retour, ce n’était jamais assez…
Ce sera mon plus long voyage. Si je cumule tous les kilomètres que j’aurai faits depuis mon premier coup de pédale il y a déjà quelques années, j’aurai bouclé environ vingt-quatre-mille kilomètres soit 60 % du tour de l’Équateur.
J’ai traversé dix pays de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie, j’ai suivi le Rhin d’Andermatt à Rotterdam, j’ai fait deux fois le tour de Bourgogne dont l’un avec mon petit-fils Gaël. Au cours d'un tour de la France, j’ai rejoint la côte Atlantique par la Camargue, le canal des Deux-Mers puis je suis remontée jusqu’à Saint-Nazaire et j’ai terminé par L’EuroVelo 6 jusqu’à Besançon.
Et début avril, en guise de reprise d’entraînement, j’ai aussi fait le tour d’Alsace, petite balade de sept-cents kilomètres… Enfin, pour ne pas perdre les bons réflexes et les muscles, petits moteurs qu’il faut indispensablement garder en forme, j’ai pris l’habitude de me rendre à vélo chez mes amis à Strasbourg, en Suisse… avec Gaël, grand garçon de cinq ans, qui m’accompagne dans sa remorque à vélo à pédales.
Tous ces voyages ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, de découvrir des paysages magnifiques, avoir des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste. Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Certains me disent que croiser une dame de mon âge -j’ai soixante-huit ans- seule, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très motivée et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon. Quand je rejoins mon point de chute, je retrouve quelques-unes de ces rencontres et je découvre d’autres cyclotouristes avec qui nous échangeons sur nos expériences.
Mais le plus amusant et un peu flatteur aussi je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne perchée à l’âme romantique. Mais tous font preuve d’humanité, ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout admiratifs !
Certaines amies m’ont attribué le terme de jeunior. D’autres sont subjuguées. Rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif. Ma fille Caroline, qui sait que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes, à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants ! Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi parce qu’il est sûr que je vais voir le père Noël au cap Nord et pouvoir cueillir les cadeaux poussant sur le sol comme autant de fleurs magiques.
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, lorsque je prendrai l’avion à Alta, mes sacoches, mon cœur, ma tête, mes jambes aussi, seront pleins de souvenirs de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en trois mois et demi.
Quand : 15/05/22
Durée : 94 jours
Durée : 94 jours
Distance globale :
5638km
Dénivelées :
+26238m /
-26332m
Alti min/max : -1m/488m
Carnet publié par Jacqueline25
le 09 mai 2022
modifié le 14 avr.
modifié le 14 avr.
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Vue d'ensemble
Le topo : Section 7. Du 14 juin au 18 juin.. (mise à jour : 14 avr.)
Distance section :
338km
Dénivelées section :
+921m /
-874m
Section Alti min/max : 2m/124m
Description :
Suderhafen / Norderhafen / Hoog / Schüttsiel / Dagebüll / Niebüll / Rudbøl (Danemark) / Daler / Hojer /Hjerpstef / Brons / Rejsby / Vester / Vedsted / Ribe / Store Darum / Vilslev / Esbjerg / Hjerting / Vejers Strand / Hvide Sande / Søndervig / Fjand / Thorsminde / Thyborøn
Le compte-rendu : Section 7. Du 14 juin au 18 juin.. (mise à jour : 14 avr.)
Jour 31 - Mardi 14 juin 2022
Süderhafen / Schlüttsiel / Niebūll / Rudbøl (Danemark)
110 km
La tentation est plus forte que la raison
Je pars à 7h30 ce matin. Il fait douze degrés. Je sens le besoin de mettre un bonnet sous mon casque. Je pédale sur une étroite bande de terre sur plusieurs dizaines de kilomètres avec pour seule compagnie mes innombrables amies les brebis, leurs agneaux et la mer du Nord à ma gauche. Les brebis sont toujours aussi imperturbables. Les agneaux restent effarouchés à mon approche. Les maisons qui ont pour la plupart des toits de chaume ont perdu leurs fenêtres-vitrines. Elles ont beaucoup de charme et sont embellies par des jardins très fleuris.
Le matin je n’ai pas beaucoup de rendement ! Je fais de nombreuses photos, je m’arrête dans les kiosques buvettes et aujourd’hui je reprends un deuxième petit-déjeuner à 10h30 car le patron me propose un pain fourré d’un poisson, d’oignons et de salade. Les règles alimentaires deviennent flexibles lorsque l’on pédale toute la journée.
Mon objectif est de passer la frontière du Danemark aujourd’hui, mais elle est à plus de quatre-vingt-dix kilomètres. C’est souvent vers quatorze heures que je remarque que mon compteur affiche un nombre ridicule de kilomètres. Je m’oblige ensuite à plus de rigueur et à un pédalage plus énergique.
Peu avant Rudbøl à la frontière où se trouve mon camping, j’abandonne la piste cyclable et je prends un raccourci. Le chemin n’en est pas vraiment un. C’est un tracé étroit dans de hautes herbes. Parfois je me demande comment « je vais me tirer » de ces mauvais pas. Mais je n’ai jamais été en réelle difficulté. J’utilise le GPS de mon téléphone pour me diriger. Je me demande comment les premiers cyclo-voyageurs se débrouillaient lorsque toutes ces technologies nouvelles n’existaient pas.
Lorsque j’arrive à Rudbøl, Maryline et Radia me téléphonent. Il s’avère qu’elles sont à treize kilomètres de là dans un camping à la ferme au milieu des vaches. Moi qui pensais ne plus les revoir ! Je fais donc encore un effort et j’arrive dans leur camping à la ferme à vingt heures après avoir parcouru cent-dix kilomètres dont les derniers dans un chemin empierré qui m’obligera à pousser mon vélo.
Une petite douleur me lance dans un mollet, je pense que je devrais garder mon rythme sans aller au-delà. Mais parfois la tentation de passer un bon moment en compagnie dépasse la raison.
Tous les 400 mètres il faut ouvrir un portillon posé à l'oblique. C’est très difficile ! Il faut rester sur le vélo, reculer en même temps que l’on tire le portail, avec un grand risque de se faire mal au dos avec la selle et au talon d’Achille avec les pédales. Ensuite il faut le maintenir ouvert ce qui est fastidieux du fait de sa position, et en même temps il faut faire avancer son vélo pesant 50 kg en le tenant d’une main. Tout cela un nombre incalculable de fois.
On en voit partout ! Je l’ai regardée de plus près. En ouvrant les tiroirs et en abaissant le dossier elle est devenue une chaise longue. Je n’ai pas trouvé le système pour rabattre le dossier sur l’assise. Qu’en pensez-vous les copines ? Pour un spritz dans mon jardin…
Danemark
Jour 32 - Mercredi 15 juin 2022
Rudbøl / Rejsby / Ribe
85 km
Un vélo de cinquante kilogrammes s’abattant sur une jambe, ou les pédales s’enfonçant dans un mollet peuvent provoquer d’importantes blessures.
Les panneaux indicateurs au Danemark sont parfaits mais les pistes cyclables sont quelquefois impraticables. Ce sont des chemins de graviers et de sable. Ma roue arrière danse derrière moi. Je dois sans cesse redresser et faire attention à ne pas déraper et tomber. Je marche souvent car la moindre chute, peut être fatale. Un vélo de cinquante kilogrammes s’abattant sur une jambe, ou les pédales s’enfonçant dans un mollet peuvent provoquer d’importantes blessures.
Radia et Maryline me rattrapent lors de ma pause de treize heures. Ces retrouvailles nous remplissent toujours de contentement. On se donne rendez-vous au camping de ce soir malgré mes bonnes résolutions de la veille de rester dans ma zone de confort.
Les paysages sont toujours magnifiques. Je me suis un peu éloignée de la côte, les vaches et de magnifiques chevaux blancs tachetés de blanc me regardent passer. L’habitat se modifie au fur et à mesure des kilomètres, les maisons n’ont qu’un seul étage et sont fréquemment couvertes de chaume. Au détour d’un virage un tractobus attend sagement des passagers. Qui peut-il transporter ? Remplace-t-il les bus scolaires ?
Je recommence à apprendre les mots danois d’usage courant. Mon accent doit être déplorable car les sourires apparaissent sur les visages lors des échanges que j’ai avec la population.
Jour 32 - Mercredi 15 juin 2022
Rudbøl / Rejsby / Ribe
85 km
Un vélo de cinquante kilogrammes s’abattant sur une jambe, ou les pédales s’enfonçant dans un mollet peuvent provoquer d’importantes blessures.
Les panneaux indicateurs au Danemark sont parfaits mais les pistes cyclables sont quelquefois impraticables. Ce sont des chemins de graviers et de sable. Ma roue arrière danse derrière moi. Je dois sans cesse redresser et faire attention à ne pas déraper et tomber. Je marche souvent car la moindre chute, peut être fatale. Un vélo de cinquante kilogrammes s’abattant sur une jambe, ou les pédales s’enfonçant dans un mollet peuvent provoquer d’importantes blessures.
Radia et Maryline me rattrapent lors de ma pause de treize heures. Ces retrouvailles nous remplissent toujours de contentement. On se donne rendez-vous au camping de ce soir malgré mes bonnes résolutions de la veille de rester dans ma zone de confort.
Les paysages sont toujours magnifiques. Je me suis un peu éloignée de la côte, les vaches et de magnifiques chevaux blancs tachetés de blanc me regardent passer. L’habitat se modifie au fur et à mesure des kilomètres, les maisons n’ont qu’un seul étage et sont fréquemment couvertes de chaume. Au détour d’un virage un tractobus attend sagement des passagers. Qui peut-il transporter ? Remplace-t-il les bus scolaires ?
Je recommence à apprendre les mots danois d’usage courant. Mon accent doit être déplorable car les sourires apparaissent sur les visages lors des échanges que j’ai avec la population.
Jour 33 - Jeudi 16 juin 2022
Ribe / Hjerting / Vejers Strand
58 km
Je suis acceptée sans controverse.
Les filles partent avant moi car je discute avec un couple retraité de Vancouver. Ils vont en Norvège jusqu’à Tromso, puis aux îles Féroé et en Islande. Franck est un cyclo-voyageur depuis l’âge de seize ans. Il a couvert le monde entier ! C’était un sportif de haut niveau puis il a été entraîneur sportif pour les Jeux olympiques. C’est sûr que l’on ne pédale pas dans la même cour…
Il inspecte ma bicyclette et me dit qu’il connaît la marque Fahrrad et que ce modèle est parfait pour les voyageurs. Il ne jure que par les vélos musculaires et exècrent les vélos électriques. C’est un vrai de vrai ! Inutile de dire qu’il a remarqué les vélos électriques des filles et qu’il ne leur a pas porté attention. Elles ne sont pas dignes d’intérêt pour lui. Mais tout le monde n’est pas un athlète ! Je sens qu’il a un profond respect pour moi. Il me demande l’adresse de mon blog de Carnets d’Aventures pour pouvoir me suivre. En effet, chaque soir après mes longues journées de vélo j’écris le récit de ma journée. Cela me prend du temps et de l’énergie, mais c’est une façon de ne pas oublier. Je les quitte à dix heures après ces échanges très sympathiques.
Ils me retrouvent dans la matinée au pied de la sculpture contemporaine des quatre hommes regardant la mer « l’Homme rencontre la mer » à Esbjerg. Ils me doublent quelques temps après, chemises au vent. Ils roulent aussi vite que des cyclistes de route. Incroyable !!!
Après cinquante-huit kilomètres je cherche un camping. Les filles sont à vingt kilomètres, mais je reste raisonnable aujourd’hui. Il n’y a personne à l’accueil de ce camping et cet endroit n’accueille que des camping-cars et des caravanes sur réservation. Néanmoins je m’installe sur une petite place sous les sapins. Je me sens comme une intruse ! Les « résidents » du camping ne me font aucune remarque. Je suis acceptée sans controverse.
Ribe / Hjerting / Vejers Strand
58 km
Je suis acceptée sans controverse.
Les filles partent avant moi car je discute avec un couple retraité de Vancouver. Ils vont en Norvège jusqu’à Tromso, puis aux îles Féroé et en Islande. Franck est un cyclo-voyageur depuis l’âge de seize ans. Il a couvert le monde entier ! C’était un sportif de haut niveau puis il a été entraîneur sportif pour les Jeux olympiques. C’est sûr que l’on ne pédale pas dans la même cour…
Il inspecte ma bicyclette et me dit qu’il connaît la marque Fahrrad et que ce modèle est parfait pour les voyageurs. Il ne jure que par les vélos musculaires et exècrent les vélos électriques. C’est un vrai de vrai ! Inutile de dire qu’il a remarqué les vélos électriques des filles et qu’il ne leur a pas porté attention. Elles ne sont pas dignes d’intérêt pour lui. Mais tout le monde n’est pas un athlète ! Je sens qu’il a un profond respect pour moi. Il me demande l’adresse de mon blog de Carnets d’Aventures pour pouvoir me suivre. En effet, chaque soir après mes longues journées de vélo j’écris le récit de ma journée. Cela me prend du temps et de l’énergie, mais c’est une façon de ne pas oublier. Je les quitte à dix heures après ces échanges très sympathiques.
Ils me retrouvent dans la matinée au pied de la sculpture contemporaine des quatre hommes regardant la mer « l’Homme rencontre la mer » à Esbjerg. Ils me doublent quelques temps après, chemises au vent. Ils roulent aussi vite que des cyclistes de route. Incroyable !!!
Après cinquante-huit kilomètres je cherche un camping. Les filles sont à vingt kilomètres, mais je reste raisonnable aujourd’hui. Il n’y a personne à l’accueil de ce camping et cet endroit n’accueille que des camping-cars et des caravanes sur réservation. Néanmoins je m’installe sur une petite place sous les sapins. Je me sens comme une intruse ! Les « résidents » du camping ne me font aucune remarque. Je suis acceptée sans controverse.
Jour 34 - Vendredi 17 juin 2022
Vejers Strand / Hvide Sande / Søndervig
105 km
Les moments récréatifs de la voyageuse solitaire.
À 6h40 je pédale déjà. Je n’ai pas envie de « faire de vieux os » dans ce camping.
Tout est devenu différent en quelques kilomètres. Les maisons sont en bois, j’aperçois un faon dans un champ, des gens jouent en bordure de mer dans le sable blanc. Je circule pendant quarante kilomètres sur une étroite bande dans la mer, l’Holmsland klit. Une petite voie de chemin de fer relie de toutes petites îles à marée basse, pour transporter vraisemblablement de petits wagonnets pour ravitailler les quelques habitants. Cela donne envie d’aller voir ça de plus près. Mais des panneaux d’interdiction formelle d’emprunter les voies à marée basse m’en dissuadent. Les paysages sont splendides. Tantôt la forêt de sapins ou de pins, puis la lande, les dunes, la plage de sable blanc, la mer… C’est absolument magnifique !
Je passe dans ce qui pourrait s’apparenter à des villages. C’est étrange, il n’y a que des maisons plantées dans la dune de façon disparate et les rues sont gravillonnées. Seule une petite route asphaltée relie ces villages. Persiste ici une sensation de solitude, certes de jolies petites maisons en bois sont construites, mais aucun occupant n’est visible, malgré les voitures stationnées devant celles-ci. J’apprendrai plus tard que ce sont les sommerhus ou maisons d’été, de fabrication légère comme si elles devaient pouvoir disparaître rapidement. Beaucoup de Danois en possèdent, elles sont aussi proposées à la location, notamment aux Allemands.
Je dois descendre de mon vélo lorsque la piste est ensablée, ou s’il y a une trop grande épaisseur de gravillons car ma bicyclette très chargée ne tient pas la route ! Je finis quand même couchée sous le vélo car ma roue arrière s’est enfoncée jusqu’aux rayons dans les gravillons. Il y a plus de peur que de mal. Je redeviens extrêmement prudente…
Les filles m’attendent pendant deux heures à Hvide Sande pour que nous déjeunions ensemble. J’ai pédalé quatre heures de plus qu’elles. J’avais vingt-cinq kilomètres de retard, je suis partie deux heures plus tôt qu’elles et ma vitesse est nettement inférieure à la leur. La toute petite ville de Hvide Sande possède l’un des ports les plus importants du pays. Elle s’est développée autour de son écluse qui sépare la mer du Nord du fjord de Ringkøbing. A contrario des villages fantômes rencontrés dans la matinée, ici on peut se restaurer à un endroit, boire un coup ailleurs, apprécier une bonne glace sur une terrasse et voir du monde.
Ensuite elles me distancient mais je les rattraperai en fin d’après-midi car elles se sont égarées et le vélo de Radia a crevé. Le vent dans le dos m’est enfin une aide précieuse. Je vais vite, sans trop forcer. Nous passons une excellente soirée. Nous nous divertissons mutuellement. Ce sont d’excellents moments récréatifs pour moi, la voyageuse solitaire.
Jour 35 - Samedi 18 juin 2022
Søndervig / Fjand / Thorsminde / Thyborøn
68 km
Je ne supporte pas ces regards circonspects
Je fais de nombreux kilomètres sur la route des voitures en longeant la dune. Je grimpe cette haute dune à pied. C’est difficile, je recule presqu’autant que j’avance. Mais le spectacle est derrière. Le sable blanc scintille au soleil, ici la mer est d’un bleu intense. Je ne croise personne, c’est une nature préservée.
Néanmoins j’en ai un peu marre de pédaler sur cette route, c’est monotone, encore ce vent de face, je n’avance pas, j’ai l’impression d’être fatiguée, que je n’y arriverai pas. Je n’ai toujours pas de prise camping, cette batterie intégrée dans ma fourche, ne fonctionnant pas, m’exaspère. Autant dire que rien ne va ! Je ne sais pourquoi ces petites peccadilles peuvent faire chuter le moral d’un voyageur à vélo au long cours. La stabilité mentale est précaire.
Et hop ! Tout revient à la normale. Caroline me téléphone, Marie-France m’envoie un message, je discute avec un curé sympa dans une petite église. Je suis intriguée car les tombes sont entourées de petites palissades blanches. Ce n’est pas pour protéger les défunts mais, selon ce que je comprends, c’est pour éviter que le vent ne « transforme » les plantes. Plus vraisemblablement ne les renverse. Je pense aussi que l’on devrait « métamorphoser » les églises, si fraîches, pour en faire des salons de lecture, de discussions autour d’un verre, de jeux calmes pour les enfants, tout cela pour vous, restés dans votre pays caniculaire. Les églises sont construites sur de petites collines à proximité des villages. Certainement pour mettre à l’abri les habitants en cas de crue importante.
Ce matin il fait quatorze degrés et avec ce satané vent l’impression est encore moindre. Cette après-midi j’ai vécu une agréable petite pointe à vingt-trois qui est vite redescendue à dix-huit degrés. Cette température me convient bien.
Et pour couronner cette remontée de moral, tout à coup, au bout de la route je vois la mer apparaître progressivement au-dessus d’un dos d’âne, avec l’impression que je vais enfin pouvoir faire un plongeon directement avec mon vélo. Je prends une photo évidemment.
Le chemin cyclable passe sur la dune qui surplombe la mer. La vue est magnifique, superbe, splendide. C’est à ce moment-là, alors que je pousse mon vélo dans l’herbe, car une grande partie de la piste s’est effondrée en même temps que la falaise de dune, que je rencontre Doris. Elle revient du cap Nord. Son vélo est frêle, il est peu chargé et ses pneus semblent usés jusqu’à la corde.
Elle est partie de Nuremberg, elle a évité les montagnes norvégiennes à l’aller en passant par la Finlande. Elle fait cent-cinquante kilomètres par jour. « Mamma mia » !!!! Je ne me sens pas, mais pas du tout et encore moins que moins … sportive !
De surcroît elle me demande mon âge ! Dorénavant c’est aussi une question que je pose systématiquement. Elle a soixante-et-un ans, elle est retraitée. Elle était infirmière. Elle a l’air d’une grande sportive toute petite qu’elle est.
Elle me dit qu’en Norvège sur la côte cela monte sur trois-cents mètres et ensuite cela redescend et que cela recommence à l’infini. Thorve m’avait dit six-cents mètres. Je lui dis que je ne ferai que trente kilomètres par jour si je rencontre des difficultés car j’ai le temps. Elle me conseille de prendre le fameux tunnel du cap Nord vers vingt heures ou vingt-deux heures car sinon la pollution rend l’atmosphère irrespirable. Dans la mesure où il fait jour toute la journée ce n’est pas un souci d’entrer et de sortir de ce long tunnel très tardivement. Je n’avais pas encore évalué que la nuit commencerait à poindre plus tôt dans la soirée à mon arrivée tout là-bas dans presque deux mois !
Elle regarde attentivement mon vélo et son chargement et je n’oublierai jamais son regard dubitatif. Je sais qu’elle doute de mes capacités à arriver à destination. Je peux lire dans son attitude et dans son regard toute l’incrédulité qu’elle me porte. Elle me fait penser aux deux Bretons rencontrés dans le sud des Pays-Bas. Et je n’aime pas cette attitude condescendante et pleine de doute à mon égard. Je n’ai pas encore fait la moitié de mon voyage et je ne peux supporter la perplexité des autres.
Néanmoins je prends la décision d’alléger mon vélo lorsque j’arriverai à Skagen. Je ne vais garder que le stricte nécessaire dans ce qui me paraissait indispensable à mon départ. Je suis en avance sur mon programme. J’ai donc déplacé mon billet de ferry pour Oslo au 26 juin. Les filles ont trente-cinq kilomètres d’avance sur moi. Il est peu probable que l’on se revoie ici, au Danemark, et je viens d’acheter une prise camping. Enfin !