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Une marche à travers l'Europe

542 days
9403km
+217327m / -214737m
Par SamuelK
mis à jour 17 Jun
7085 lecteurs
Coup de Coeur
Informations générales
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
Activité :
tekking/hiking
 yacht  travel bike
Statut :
done
Distance :
9403km
DATE :
2/19/23
Durée :
542 days
Dénivelées :
+217327m / -214737m
Alti min/max :
-1m/3013m
Eco travel
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Details : Pour me rendre au départ : bus Bordeaux > Tarifa. Traversée d'Europe de Tarifa à Istanbul : 100% à pied ! Chemin retour d'Istanbul à la France : marche, voile, vélo, ferry et train.
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Une marche à travers l'Europe

Les étapes :

1
updated : 03 Aug 2024
Traverser l'Europe d'une extrémité à une autre à pieds, voilà une idée, un projet, un rêve, que j'ai dans ma tête depuis longtemps et dans lequel je me suis lancé cette année. Je suis parti fin février de Tarifa, ville située à l'extrémité Sud de l'Espagne, et souhaite marcher jusqu'à Istanbul en Turquie, selon un itinéraire qui traverse le continent au maximum par des massifs montagneux. Je prends enfin le temps d'ouvrir cette page après une quarantaine de jours de marche, à présent lancé physiquement et intérieurement dans cette aventure. Incité par des personnes que je rencontre qui souhaitent suivre l'évolution de cette traversée, ainsi que par le désir de partager cette expérience à mes proches et d'autres, je partagerai de temps en temps l'évolution de mon aventure. De plus, j'ai été inspiré et encouragé par la lecture de récits de marcheurs et marcheuses longue distance. Alors si cette page peut à son échelle contribuer à promouvoir le voyage au long cours à pieds auquel je crois, j'en suis ravi !

Marcher et randonner en montagne est depuis longtemps une passion que j'ai toujours souhaité approfondir sur de plus longues périodes et de plus longues distances. Se déplacer à pieds est en décalage avec notre époque et peut sembler laborieux, mais permet de prendre le temps de traverser des territoires dans leur entièreté en passant par les endroits les plus inaccessibles, avec la liberté de déplacer simplement son corps et...
2
updated : 03 Aug 2024
19 février 2023, c'est parti. Je suis à Tarifa, ville la plus au sud de l'Espagne et de l'Europe, située au détroit de Gibraltar. Le Maroc est à seulement 16km à vol d'oiseau. En arrivant en bus deux jours plus tôt, les lumières des villes côtières de l'autre côté de la méditerranée étaient bien visibles. Il m'est alors étrange d'être si proche d'un pays qui m'attire aussi beaucoup sans y aller, mais ce sera pour une autre aventure je l'espère. Tarifa, ville du vent, où même si un bras de mer sépare les deux pays, on se sent presque autant au Maroc qu'en Espagne.

Je m'apprête à traverser l'Espagne du Sud au Nord sur environ 1800 km, une partie conséquente de cette traversée. Mon itinéraire traverse des zones géographiques variées : des zones forestières et des campagnes peu peuplées, de multiples petits massifs montagneux, des zones agricoles, de nombreux villages, un désert, des canyons, et bien sûr les Pyrénées. J'ai une certaine appréhension pour les 800 premiers kilomètres qui seront principalement de la piste sur de grands espaces avec peu de dénivelé. Moi qui suis plus habitué à marcher en montagne et haute montagne, je crains que cela soit répétitif et moins stimulant. Mais cela est nouveau et correspond à mon souhait de traverser le pays entièrement, et je ne doute pas que ces régions seront autrement intéressantes.


3
396km
+7331m / -7224m
updated : 09 Oct 2023
Depuis Tarifa, le début de mon itinéraire suit le GR7 espagnol jusqu'à la ville d'Antequera, 200 km plus loin. Le GR7 traverse l'Espagne du Sud au Nord, en reliant Tarifa à l'Andorre selon un itinéraire qui emprunte les multiples régions montagneuses à l'Est du pays. Le GR7 fait également partie du european long-distance path 4 (E4), qui relie Tarifa à Lanaca à Chypre selon un itinéraire de 12 300 km à travers l'Europe ! Il existe 12 itinéraires de ce type qui traversent le continent européen, proposés par la European Ramblers Association qui fournit les traces GPS. Ces itinéraires sont à ma connaissance peu connus et empruntés. Pourtant, ils constituent une source d'inspiration pour créer ses propres tracés ou pour se lancer directement dans une grande aventure si l'on veut suivre un tracé déjà imaginé par d'autres !

Je m'élance ainsi sur le GR7 depuis la plage de Tarifa pour traverser l'Andalousie. Je pénétre rapidement les grandes étendues vallonnées sauvages et venteuses, occupées par un peu d'élevage, des parcs éoliens et surtout d'immenses réserves de chasses privées. Je marche presque exclusivement sur des pistes forestières où je suis seul. Je croise occasionnellement quelques éleveurs et VTT-istes, mais aucun randonneur ni promeneur du dimanche. Je me demande combien de marcheurs parcourent ce chemin annuellement, je n'imagine pas possible d'en croiser. Pourtant, à mon cinquième jour de marche et à ma grande surprise...
4
375km
+5031m / -4655m
updated : 08 Oct 2023
Je repars de Córdoba, maintenant bien lancé tant intérieurement que physiquement dans la marche au long cours. Je poursuis mon itinéraire le long des pistes et des routes, plus rarement des chemins, en traversant forêts et campagnes agricoles. À Hinojosa del Duque, je quitte le Camino Mozárabe pour me diriger vers le Nord. Des automobilistes s'arrêtent pour m'indiquer que le camino est dans l'autre sens. Je leur explique avec mon espagnol très approximatif que je suis au courant et que cela est bien ma direction, puis ils repartent me semble-t-il peu convaincus que l'on se soit bien compris. Pourtant, le paysage devient immédiatement plus stimulant ! Je marche les dernières dizaines de kilomètres en Andalousie à travers une très belle campagne vallonnée où les villages cèdent la place à de simples fermes disséminées dans le paysage. Je passe ensuite en Estrémadure par un endroit magnifique : l'Embalse de la Serena et ses alentours. Il s'agit de la plus grande retenue d'eau du pays, entourée de plaines et de collines à perte de vue occupées par des élevages ovins extensifs. Cet endroit avait attirait ma curiosité lorsque je traçais mon itinéraire et je suis content d'avoir laissé cette simple intuition m'amener ici ! J'ai de plus la chance de traverser cet espace avec une météo idéale qui offre de beaux éclairages. Au milieu de cette retenue utilisée pour l'irrigation et la production hydroélectrique se situe une curiosité naturelle : el Cerro Masatrigo, un mont en...
5
275km
+10373m / -10132m
updated : 08 Oct 2023
Le hasard a fait que mon ami Mathéou me rejoigne à un moment de choix : le jour même où j'entame la montagne, la "vraie". C'est ainsi ensemble que nous montons dans la Sierra de Gredos, le principal massif du Système central, cette chaîne de montagnes de 700 km qui s'étend du Portugal jusqu'à une centaine de kilomètres au Nord-Est de Madrid. Le long de cette chaîne montagneuse assez étroite et bordée de plateaux, il y a souvent une seule crête sur laquelle nous marchons, voyant ainsi le paysage jusqu'à l'horizon au Nord et au Sud. À l'instar du Jura, on peut paradoxalement évoluer dans un environnement montagneux, tout en voyant les nationales et les lumières de la ville en contrebas. Le plateau au Sud est verdoyant de plaines et de forêts parsemées de villes et villages, tandis que le versant Nord est vallonné, aride et isolé. C'est un plaisir de retrouver l'atmosphère et les sensations de la montagne : les sentiers, les odeurs, la météo fluctuante, la faune et la flore caractéristiques d'altitude, les lacs et les cabanes, etc. Les passages délicats et les névés qui nécessitent de la concentration contrastent avec les longues pistes où l'on peut s'affranchir de regarder là où pose les pieds. La première semaine ensemble est la plus montagneuse : nous traversons la Sierra de Gredos d'Ouest en Est, de Jarandilla de la Vera à Mijares, en un seul ravitaillement, conséquent mais frugal sur la fin... Nous progressons parfois lentement car des portions du sentier sur la...
6
304km
+5398m / -5916m
updated : 08 Oct 2023
Depuis Segovia, nous regagnons le Système central que je marcherai jusqu'à son extrémité Est. Nous sommes dans la Sierra de Guadarrama, d'où nous avons des vues panoramiques sur les plaines agricoles de la région. Il fait à présent plus froid et humide, nous retrouvons la condensation voire le gel pendant la nuit. Trois jours plus tard, nous nous séparons au petit village de Samosierra d'où Mathéou rentrera en France. À 15h, je repars en plein soleil pour 17 km et 1300m de dénivelé positif, portant de la nourriture pour les 130 prochains kilomètres et 2 litres d'eau. Je grimpe aux limites de mon cœur et de mes poumons. Deux nuits plus tard, c'est la fin des montagnes et j'entame la traversée de l'Est de la Castille-et-León, région la moins peuplée d'Espagne avec l'Estrémadure.

Au début, la région est une steppe, un plateau sec d'où surgissent de manière sporadique des collines couvertes par des allées d'éoliennes. Il y a ici et là un peu d'agriculture sur des terres visiblement peu convoitées. C'est grand, il y a beaucoup d'espaces naturels. Des réserves protègent des espèces endémiques d'oiseaux aux chants exotiques. Je croise aussi de nombreux animaux sauvages : renards, blaireaux, chevreuils, serpents, et autres reptiles et mammifères non identifiés. Il y a peu de ces quelques villages en pierre, petits et espacés les uns des autres, mais surtout presques inhabités. Il est déroutant de traverser ainsi des villages déserts ...
7
170km
+2934m / -2050m
updated : 08 Oct 2023
Je repars de Tarazona en direction du désert des Bardenas Reales. Je me suis volontairement peu informé sur ce désert pour garder le mystère et la surprise de cet endroit dont la seule vue de quelques photos suscite déjà la curiosité et l'étonnement. Pour faire durer le suspens, il y a encore une longue journée de ligne droite et plate entre Tarazona et le début du désert. En arrivant, je suis surpris de constater que cet espace désertique, avec ses collines sableuses et ses plateaux rocailleux, se mélange à l'agriculture. Des cultures céréalières poussent péniblement entre les cailloux. Certaines parcelles sont déjà sacrifiées par la sécheresse pour cette année. Le désert forme une sorte de grande cuvette centrale entourée de hauts plateaux et de collines aux formes si caractéristiques de dentelles de sable. Au centre, l'armée s'est accaparé depuis 1951 une large partie du parc pour des exercices militaires. J'arrive la première nuit à la bordure d'un plateau qui surplombe le désert. Je passe la soirée au sommet d'une de ces collines, mais plante mon abri en contrebas car un orage se fait menaçant. Je contemple la tombée de la nuit et les éclairs frapper le désert tout autour de moi. Je redoute le moment où l'orage viendra sur moi, me tenant prêt à me rapatrier sous mon tarp, mais par chance le vent soufle dans la bonne direction et je serai épargné. Je tente alors de capturer quelques éclairs avec mon appareil photo. Le lendemain, je traverse le cœur du désert. ...
8
256km
+9125m / -9115m
updated : 08 Oct 2023
De Riglos j'entre dans le Parque Natural de la Sierra y los Cañones de Guara, situé au Nord de Huesca. Je traverse le parc d'Ouest en Est dans sa partie Nord, au creux d'une longue vallée cernée par deux chaînes de montagnes, perforées perpendiculairement par des canyons qui s'écoulent vers le Sud. Une route unique emprunte cette vallée et dessert des petits villages aux vieilles maisons en pierre. Rares sont les villages encore réellement habités. Certains possèdent quelques habitants isolés et maisons secondaires. Beaucoup de ces maisons sont laissées à l'abandon par les leurs héritiers multiples. Certaines sont alors squattées et entretenues par les gens qui y vivent. Enfin certains villages en ruine sont complètement abandonnés visiblement depuis plusieurs décennies. Cela me fait toujours un pincement au cœur de voir ces habitations détruites en pensant au travail qu'à nécessité leur construction, et de penser qu'il y avait là de la vie auparavant. Aujourd'hui, c'est ruines offrent un décors et une ambiance avec un certain charme.

Je me trouve souvent sur le GR1 qui traverse le Nord du pays, que je quitte pour prendre des racourcis ou au contraire pour faire des détours afin d'approcher les canyons. Je croise quelques touristes français en ballade ou en VTT sur le GR1, autrement je suis complètement seul. Il est impressionnant de voir la taille de ces canyons au regard du faible debit des rivières qui s'écoulent dans leur...
9
updated : 08 Oct 2023
Après trois mois en Espagne, 1800 km marchés avec 50 km de dénivelé, me voilà en France. L'Espagne sera à priori le pays où j'aurai le plus marché dans cette traversée d'Europe. J'ai apprécié découvrir une partie de ce pays qui m'était presque inconnu, observer la diversité et les similitudes des régions traversées, en visitant des zones et des villages souvent loins du tourisme et des sentiers de randonnée. J'ai retracé la totalité de cet itinéraire parcouru en une trace GPX visible sur une carte et téléchargeable ici : https://link.locusmap.app/t/rjycfe

Mon itinéraire previsionnel français fait environ 800 km jusqu'à Grenoble, d'où j'entamerai une grande traversée des Alpes jusqu'en Slovénie. Je traverse le quart Sud-Est de la France en passant par des régions attrayantes que je connais pas ou peu : Ariège, Languedoc, Cévennes, Ardèche, Isère, Vercors. Ce passage en France est pour moi aussi l'occasion de rendre visite à des ami•es sur le chemin, et de recevoir la visite d'autres ami•es pour des jours de pause ou pour marcher ensemble. Voilà un programme réjouissant !

10
237km
+7062m / -8308m
updated : 08 Oct 2023
Depuis le luxueux refuge du col d'Artigascou où j'ai célébré ma première nuit en France, je descends au village d'Aucazein en Ariège où je retrouve mon amie Emma chez qui je me repose quelques jours. Le changement de pays et l'arrivée en Ariège se fait sentir par l'environnement et son micro-climat. Je trouve qu'il s'agit d'une région intéressante entre campagne et montagne. Je marche dans des montagnes de moyenne altitude recouvertes d'immenses forêts sauvages et luxuriantes. Le printemps est tardif et pluvieux en Ariège. La végétation explose, les arbres sortent leurs jeunes pousses, les fougères se déploient, beaucoup de plantes sont en floraison. Les fleurs de sureau et d'acacia embaument les chemins d'un parfum savoureux. Depuis mon départ fin février du Sud de L'Espagne, je remonte l'arrivée du printemps.

Quotidiennement, des orages plus ou moins longs et violents éclatent en fin de journée. Heureusement, l'Ariège est le paradis des cabanes non gardées. Il est très facile de dormir dans l'une d'entre elles chaque soir sans avoir à adapter mon itinéraire. Toutes ces cabanes sont merveilleusement construites, restaurées et entretenues bénévolement. Certaines sont d'une d'une qualité et d'un confort impressionnants ! J'ai l'opportunité de découvrir quelques-unes de ces cabanes en traversant le département en quelques jours. Cela me donne envie de toute les explorer, mais il faudrait habiter sur place pour cela ! Ces lieux ...
11
296km
+7596m / -6448m
updated : 08 Oct 2023
Je repars de Carcassonne, en direction du Nord-Est, selon un parcours qui suit le relief de différentes regions. La journée en sortant de Carcassonne est longue. Je longe les routes plates jusqu'à enfin atteindre le début de la montagne noire, ce massif dans le Tarn dont les résineux confèrent une teinte sombre. L'environnement calcaire a provoqué la formation de nombreuses grottes, dont peu en proportion sont accessibles par le grand public. Je visite la grotte de Limousis, habitée il y a longtemps par l'ours des cavernes, puis par l'humain depuis le néolithique. Magnifique.

Après ce tronçon dans le Tarn je passe dans l'Herault. Le changement d'environnement est net et perceptible à tous points de vue : géologique, végétation, climat etc. Les vues sont plus dégagées, la végétation est moins dense, le sol plus sec, et chaque vallée reste différente et unique. Mon intérêt pour les cabanes a trouvé la plus luxueuse et bucolique où j'ai dormi jusqu'à ce jour : le refuge de Caïssenlols, une maison dans un ancien hameau en ruine isolé au milieu des châtaigniers, restaurée par une association. Il y a de quoi cuisiner, une belle cheminée, un beau carrelage, de belles menuiseries, un étage et un sous-sol pour dormir, et dehors d'autres aménagements dans les ruines. Un ruisseau à côté permet de se baigner et de boire. Un petit coin de paradis qui donne envie d'y avoir ses habitudes, ça fait presque bizarre de n'être que de passage.[/...
12
324km
+7804m / -8889m
updated : 08 Oct 2023
Les paysages des causses parcourus laissent vite la place aux monts d'Ardèche. À Villefort, je retrouve mon amie Claire pour une semaine de marche ensemble dans cette région. Nous parcourons les vallées et les crêtes ardechoises. Nous nous disons qu'il s'agit d'un massif de moyenne montagne comparable aux Vosges dont nous sommes habitués, bien que le massif ardechois ne soit généralement pas cité comme tel. Les vallées sont souvent recouvertes de forêts de châtaigniers, emblème du département, en floraison en cette saison, illuminant les flancs de montagne verts de points jaunes avec leurs fleurs jaunes en étoile. Sur les plateaux et les crêtes, les genêts, que je retrouve régulièrement sur mon chemin depuis le Sud de l'Espagne, sont eux aussi en fleurs et tapissent les crêtes d'un jaune vif. Ces fleurs procurent un parfum toujours agréable à respirer par surprise en marchant. Les plateaux sont également occupés par des pâturages en estive avec brebis et bergers, ou par des prairies en pleine saison des foins. La région est belle, agréable à découvrir à pieds, diversifiée, avec du relief et beaucoup de petits hameaux et villages accueillants.

À Aubenas, nous nous laissons avec Claire et j'accueille mon amie Louise pour une autre semaine de marche en Ardèche. Avec un peu d'organisation et d'adaptation, les emplois du temps s'agencent bien. Nous marchons la deuxième moitié de cette traversée en diagonale de l'Ardèche, toujours ...
13
updated : 08 Oct 2023
Voilà cinq mois que je suis parti à pieds de Tarifa. J'ai traversé l'Espagne et la France en marchant 2600 km sur les environ 7000 km jusqu'à Instanbul, et me voilà à Grenoble. L'Epagne était un premier chapitre de cette marche, le pays où j'aurai certainement marché le plus de temps et de kilomètres, un pays que je ne connaissais presque pas et dont j'ai fait la connaissance à travers des regions très rurales et parfois montagneuses. Cette première partie m'a rapproché de chez moi, la France, où j'ai pu passer deux mois agréables et riches en marchant dans des régions aussi belles qu'inconnues pour moi, où j'ai eu la chance de rendre visite et de marcher avec des proches. Maintenant, un troisième et grand chapitre s'ouvre : traverser les Alpes jusqu'en Slovénie. Il s'agit de la partie la plus montagneuse de cette traversée d'Europe, dont je me réjouis pour l'expérience de marcher autant en haute montagne.

Ce troisième chapitre représente aussi pour moi comme un deuxième départ, puisque après m'être rapproché et de la France et y avoir marché, je m'en éloigne. De plus en plus, je ressens l'envie et la hâte de m'éloigner, d'être loin et dépaysé, dans un environnement inconnu ou je perds mes repères, decouvre et m'adapte. Je peux me sentir sur ma faim avec un sentiment d'attente, du fait d'être toujours dans un environnement dont j'ai globalement les codes même après cinq mois de marche. Je réalise en effet que depuis le début,...
14
239km
+11158m / -10826m
updated : 08 Oct 2023
Après presque une semaine de pause à Grenoble, je reprends la marche sous des températures toujours supérieures à 30°C. Après une première journée sur du plat pour quitter la ville en longeant la Chartreuse le long de l'Isère, je traverse le massif de Belledonne d'Ouest en Est. Je ne sais pas si c'est cela provient de la pause sans marcher, d'avoir eu un rythme tranquille avec peu de dénivelé le mois dernier, ou de la chaleur, mais le fait est que je manque d'énergie, mes jambes n'ont plus de puissance en montée, je suis épuisé de retrouver la montagne. Je pense que la chaleur y est pour beaucoup. Monter par 35°C même à l'ombre est vite épuisant car je n'arrive pas à me refroidir. Quand il n'y a pas d'ombre, n'en parlons pas... Je transpire bien plus que je ne parviens à évaporer ma transpiration, alors mon corps est en surchauffe et ne peut pas suivre. Car c'est bien l'évaporation de la transpiration qui refroidit le corps et non le simple fait de transpirer, je m'en rends bien compte. De plus mon sac-à-dos gilet parvient bien à évacuer la transpiration, mais plus à partir d'une certaine température. Là, je dois m'arrêter régulièrement et boire énormément quitte à me forcer. Une astuce qui fonctionne bien est de mouiller mon T-shirt dès que je croise un ruisseau et de le remettre en l'essorant à peine. Non seulement l'eau froide me rafraîchit par contact, mais l'évaporation de cette eau par le soleil me refroidit également, je me rends alors bien compte que j'ai ...
15
180km
+11014m / -11287m
updated : 08 Oct 2023
Je continue de parcourir le Val d'Aoste pendant encore une longue journée de plat, le long des grandes routes. Cette vallée est belle, majestueuse, spacieuse. En dehors de la ville d'Aosta, des jolis hammeaux fleuris et des montagnes qui la bordent, elle est aussi très urbanisée, industrielle, et pas accueillante pour un piéton. Relier ces villes et villages à pieds n'est pas possible du point de vue de l'urbanisation, cela n'a pas été conçu pour. Il est paradoxal de constater qu'il est des endroits où il est possible de se déplacer avec des moyens de transport encombrants, mais pas avec le moyen le plus simple, la marche. En d'autres termes, cela revient à se dire "je peux aller à ce village, ce magasin, ce camping, en voiture, mais pas à pieds". J'y parviens néanmoins sans difficulté en longeant le bas-côté des grandes routes et en franchissant quelques barrières. Selon le contexte et l'humeur, cela est pénible ou amusant. Je marche ainsi une quarantaine de kilomètres le long de cette vallée, et lorsque je me retourne, je vois au loin le col enneigé de Planaval par lequel je suis passé. J'aime ces moments où mon regard prend du recul et me permet de voir d'où je viens et où je vais, à l'échelle de quelques jours de marche. Cela me donne une échelle de temps et de distance, et j'imagine alors le chemin parcouru et les espaces traversés à pieds, qui sont bien une réalité. Cette réalité n'est pas évidente à ressentir, car il m'est finalement délicat de réaliser que...
16
78.4km
+4235m / -4426m
updated : 08 Oct 2023
Depuis mon beau spot de bivouac au-dessus du laggo Maggiore, je dessens à Locarno en Suisse. Je suis vite désespéré par l'abondance de voitures de luxe dans lesquelles on pavane pour montrer sa richesse. Je fais quelques courses, profite du wi-fi dans un bar, et m'en vais. Je longe une partie du lac en slalomant dans la masse de touristes venus de loin pour se relaxer au bord du lac, malgré l'incessant flux de voitures et motos rutilantes juste derrière. D'habitude lorsque je passe par une ville ou un village, je plie mes bâtons, retire ma capuche, mes lunettes et mes mitaines même s'il y a du soleil, rabaisse mes chaussettes hautes, retire mes chaussettes de la veille qui sèchent sur mon sac, pour avoir l'air moins randonneur et plus accessible. Là je reste en mode sportif et trace ma route, comme invisible. Sur la carte l'endroit donne envie, mais pas en réalité. Je fais une longue journée de plat entre Locarno et Bellinzona à 25 kilomètres avant de remonter dans les montagnes le lendemain. C'est le genre de journée qui a du sens du fait que je traverse l'Europe à pieds, c'est mon cadre, ça fait partie du jeu, car je marche toute la journée en plein soleil au bord des voitures et des embouteillages. C'est étrange comme alors qu'une journée de 25 kilomètres sur du plat me serait à priori facile, celle-ci m'épuise. Il n'est pas rare que je parcours la même distance en montagne avec effort mais sans difficulté, et là curieusement je peine, j'arrive éreinté à la fin...
17
119km
+4822m / -4155m
updated : 08 Oct 2023
Après une bonne section montagneuse, je quitte les bords du lac de Como et m'enfonce dans la vallée de Valtenine. Je marche deux jours et demi exclusivement sur du plat, sur une piste cyclable qui longe la rivière Adda. Cela contraste pour un temps avec les derniers jours et les prochains. J'ai la sensation d'avancer sur la carte, à une vitesse que permettent un chemin lisse et l'absence de dénivelé. C'est un autre rythme, un autre état. Je ne regarde plus là où je mets les pieds mais autour de moi d'un air oisif. Comme il y a tout de même une certaine monotonie et que j'ai le cerveau disponible, c'est l'occasion d'écouter beaucoup d'émissions tout en marchant. Je porte peu de nourriture et peux acheter ce que je veux au fur et à mesure même si c'est lourd. Il fait à nouveau 30°C sans ombre, mais sur du plat avec de l'eau très régulièrement c'est supportable. Le retour en faible altitude signifie également le retour des moustiques. Ils sont absolument partout. Au moindre petit arrêt je repars avec des piqûres plein les mollets. Il m'arrive de faire des pauses snack où je fais les cent pas pour qu'ils n'arrivent pas à se poser sur moi. Sinon, je dois enfiler mon pantalon et ma veste de pluie au travers desquels ils ne peuvent pas piquer. Les premiers mois de marche je me suis souvent demandé si j'avais bien fait d'emporter ma moustiquaire de 90 grammes. Maintenant elle me sauve littéralement des nuits, elle a bien sa place dans mon sac-à-dos. Satanés moustiques qui...
18
148km
+8228m / -8711m
updated : 08 Oct 2023
Depuis Belladore, nous nous dirigeons vers l'Est dans le grand Parco Nazionale dello Stelvio, ou Nationalpark Stilfser Joch en allemand. L'itinéraire choisi nous amène à crapahuter dans les pierriers et gravir quelques nouveaux cols et sommets à 3000m d'altitude. De très nombreux malgas sont présents dans ces montagnes. Ce sont de longs bâtiments qui abritent le bétail en été avec en général une habitation à côté. Certains sont abandonnés, d'autres semblent entretenus mais inutilisés, et d'autres enfin sont bien en service. Ça fait plaisir de voir une activité agricole d'estive et d'altitude là où elle est beaucoup supplantée par le tourisme dans les pays riches. Beaucoup de ces malgas ont une pièce réservée à l'accueil des marcheurs, avec un aménagement très variable mais toujours fonctionnel et bienvenu pour y passer la nuit. Lorsque avant de découvrir cette réalité nous voyons sur la cartographique OpenStreetMap tous les points mentionnés comme "Abri", ça nous paraissait louche pour être vrai. Et finalement oui, il y a bien sûr toujours des surprises, disons des malgas "faux positif" ou "faux négatif", mais la région est bien couverte d'abris, plus que nécessaire même pour y dormir chaque soir. Nous enchainons ainsi sept nuits en malga et laissons la tente au fond du sac. Une journée même, nous nous réveillons dans un premier malga, nous prenons une pause café dans un deuxième malga, nous déjeunons sur la terrasse d'un troisième malga, et dormons enfin dans un ...
19
133km
+7575m / -5703m
updated : 09 Oct 2023
Après ces deux jours à Bolzano, je quitte la ville en direction des Dolomites, ce massif mythique situé trente kilomètres à l'Est de Bolzano. Après quelques heures de marche, l'impression d'avoir de la fièvre et des nausées se confirme et je dois me rendre à l'évidence : je suis tombé malade. Je ne m'en étais pas rendu compte en partant ce matin. Si j'avais su je serais resté une nuit de plus à l'auberge, mais je ne vais pas faire demi-tour : la sortie de Bolzano était longue et pénible en longeant l'autoroute bruyante, et même dangereuse lorsque je devais marcher sur la route sans bas-côté. Je regarde rapidement les hébergements à proximité sur internet : que des gîtes à 200€ la nuit, option écartée. Je prends des médicaments et continue de marcher voire jusqu'où ça me mène. Je me sens seul au milieu de toute cette "richesse" manifestée par de grandes villas, de grandes voitures, de hôtels-restaurants réservés à celles et ceux et qui ont de grands moyens, et moi qui, c'est rare, peine à trouver un endroit où bivouaquer au milieu de tout ça. Les médicaments contiennent la fièvre et la nausée, je suis fatigué mais j'avance en mode machine et finis par m'arrêter à la tombée de la nuit pour dormir à la belle étoile au bord d'un chemin à l'entrée des Dolomites.

Je dors bien et le lendemain bien que ce ne soit pas la pleine forme, je ne me sens plus malade. Je pénétre davantage dans la montagne et dans cette première section du pa...
20
157km
+7030m / -7833m
updated : 09 Oct 2023
De mon dermier spot de bivouac dans les Dolomites, je descends dans une vallée vers l'Est et laisse enfin derrière moi le microcosme des Dolomites. J'arrive dans la Vénétie avant de passer rapidement en Frioul-Vénétie Julienne. La proximité de l'Autriche se fait toujours sentir par l'architecture des bâtiments agricoles. Comme ça fait du bien de retrouver une vraie region, avec ses montagnes et sa nature bien sûr, et ses habitants, ses chemins, ses villages. La population locale qui vit ici et la population tourisitque des Dolomites n'ont aucune chance de se côtoyer. En descendant dans la vallée ce matin-là, j'ai pris l'avion pour me téléporter d'un monde à un autre, même s'ils sont mitoyens géographiquement. Je suis vraiment heureux de retrouver de simples pistes forestières roulantes où je me laisse captiver par de nouvelles fleurs en bord de chemin. En arrivant dans cette vallée je n'ai encore aucun plan pour le lendemain mais je compte en trouver un, car ce sera le jour de mes 30 ans ! Alors arrivé au premier café, je m'installe et plonge dans la carte pour élaborer un plan. Je voudrais passer une journée off dans une cabane ou un hébergement, mais tous les hôtels sont encore bien trop chers et il n'y a pas de cabane suffisament proche. Je tourne en rond et trouve finalement une chambre dans une auberge a vingt kilometres d'ici. Ce n'est pas sur mon itineraire mais ça peut le devenir, et bien que ça me fasse enchaîner deux bonnes journées de marche, je suis en...
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updated : 10 Oct 2023
Voilà deux mois et demi que je suis parti de Grenoble pour traverser les Alpes, et sept mois que je suis parti du détroit de Gibraltar pour traverser l'Europe. Quand j'y pense, ces départs me semblent à la fois loins et proches. Cette traversée de l'arc alpin s'est bien faite physiquement. Nous voilà en automne et je m'apprête à marcher dans une autre grande région d'Europe. Depuis mon départ du Sud de l'Espagne je me suis habitué a être en Espagne, puis en France, puis en Italie, sans néanmoins vivre deux journées identiques. Là je m'apprête à vivre d'autres changements et a enfin découvrir des pays d'Europe qui m'attirent depuis longtemps. C'est un nouveau départ qui s'annonce, un nouveau chapitre.

Depuis que j'ai accepté que je vivrai de toute façon l'automne et l'hiver dehors, et que je verrai certainement revenir les beaux jours avant d'arriver au Bosphore, j'ai moins cette petite voix qui me dit qu'il serait tout de même bien d'avancer sur la carte, en conflit avec cette autre voix qui m'invite à prendre le temps que je veux. Mais j'y pense bien sûr. Pour le moment l'automne est enchanteur. C'est beau, il fait ni trop chaud ni trop froid, et il pleut rarement. Les jours raccourcissent, et j'affronterai prochainement les jours courts, le froid et la pluie régulière. J'y pense et me projète nécessairement, et reviens a l'automne présent. Marcher et vivre dehors au long court est inédit pour moi. Des marges d'adaptations en termes d'équipement et d'itinéraire seront pe...
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127km
+5478m / -6437m
updated : 31 Oct 2023
Depuis la cabane où j'ai séjourné deux jours et trois nuits, je monte au Monte Forno où se rejoignent les frontières de l'Autriche, l'Italie et la Slovénie. Ça y est, je descends en Slovénie, j'entends une nouvelle langue, slave cette fois, j'entre dans un nouveau pays, un peu plus loin, un peu plus dépaysant. Je pénétre rapidement dans le parc du Triglavski qui marque la fin des Alpes juliennes. Ce parc tient son nom du mont Triglav à 2864m, le plus haut sommet du pays représenté sur son drapeau, également le plus haut sommet de l'ex-Yougoslavie. Les montagnes du Triglavski, comme globalement le reste du pays, sont karstiques. Les roches calcaires façonnent le paysage, forment des falaises, des gouffres et des grottes. Ces pierres blanches saillantes sont partout dans les forêts comme dans les hauteurs. L'eau circule dans des réseaux souterrains complexes et invisibles. Il n'y presque aucun ruisseau. Par endroit, l'eau jaillit de la roche de manière épatante et donne naissance à une rivière déjà large et puissante. Je suis allé voir par exemple les sources de la rivière Soča à l'eau bleue turquoise, et de la rivière Savica qui alimente le lac Bohinjsko, toutes deux jaillassant au beau milieu d'une falaise.

En entrant dans le parc du Triglavski, je marche dans des forêts qui me facinent par leur beauté. Je ne sais pas si c'est ma réceptivité à ce moment-là, la période de l'année et l'éclairage de fin d'après-midi, l'a...
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106km
+2464m / -1747m
updated : 31 Oct 2023
Depuis Idrija, je continue ma traversée du pays en direction de Postojna. La campagne devient moins vallonnée. Je marche principalement en forêt sur les pistes des engins forestiers que je croise régulièrement. Quelques heures après avoir quitté Idrija, une demande pour remplir mes bouteilles d'eau se transforme rapidement en invitation inconditionnelle du gîte au couvert en passant par les verres de shnaps, chez Dragan et Miladinka qui m'accueillent à bras ouverts, je leur en suis très reconnaissant. Je me sens aussi chaleureusement accueilli à Postojna par le personnel de l'office de tourisme et de l'auberge de jeunesse, intéressés et enthousiasmés par ma marche. Ça fait plaisir de rentrer en discussion aussi facilement. Je reste quelques jours à Postojna pour attendre la commande d'une nouvelle paire de chaussures, et aussi pour profiter de l'accès à un ordinateur pour planifier la suite de mon itinéraire et prendre le temps de mettre à jour ce récit.


En partant de Postojna je m'arrête deux nuits chez Lenart, un forgeron fabricant de couteaux qui possède une grande grange typique slovène dans sa cours pour accueillir du monde. Lenart a simplement mis un point sur googlemap "Terrain de camping gratuit, sans eau ni électricité, vous pouvez dormir dans la grange, garer vos véhicules et utiliser les barbecues. En voyant ça par surprise je le contacte pour lui demander si je peux faire livrer mes chaussures chez lui, voilà qui...
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updated : 31 Oct 2023
Du Monte Forno à la frontière croate de Čabar, j'ai traversé la Slovénie du Nord-Ouest au Sud sur 235 km et 10 km de dénivelé. En comparaison à L'Espagne, la France et l'Italie, c'est une traversée rapide d'un petit pays. C'est pourquoi je me suis souvent arrêté et ai fait quelques détours, pour prendre le temps d'être Slovénie. J'ai beaucoup aimé apercevoir ce pays qui m'était aussi attrayant qu'inconnu. De ce que j'ai vu et vécu en trois semaines, j'ai trouvé le pays apaisant, vivant et chaleureux. La Slovénie, c'est beau partout. De mon expérience j'ai trouvé le contact avec les slovènes généralement facile et spontané, avec toute génération. L'anglais est largement parlé surtout chez les jeunes, ce qui m'a facilité les rencontres et les discussions. Je n'ai pas eu l'ambition d'apprendre beaucoup plus que les mots et phrases basiques en slovène... J'ai trouvé en général les slovènes fiers de leur pays, facilement accessibles et ouverts sur les pays voisins. Ça fait plaisir aussi de voir des gens qui voyagent dans leur propre pays et le connaissent bien.

J'ai quitté les Alpes juliennes et le grand arc alpin, et je franchis à présent une section davantage en plaine dans le Sud de la Slovénie puis le Nord de la Croatie. J'entamerai ensuite la traversée des Alpes dinariques, ce long massif montagneux qui borde la mer Adriatique de la Slovénie à l'Albanie. Un itinéraire existe pour traverser ce massif : la Via Dinarica. Il y a ...
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211km
+5429m / -6198m
updated : 05 Jan 2024
Je franchis la frontière le matin, marche principalement au bord de la route, et, pour cette première journée en Croatie, reçois un contact humain enthousiasmant. On m'invite à deux reprises à boire un café. À la tombée de la nuit, je demande de l'eau à un monsieur qui s'avère être franco-croate et qui m'invite chez lui pour la soirée et la nuit. Nous discutons toute la soirée, allons boire quelques coups au bar du coin, une bonne immersion dans la vie locale. Grâce à l'histoire de Svonko et tout ce qu'il me raconte de général comme d'anecdotique sur la région et le pays, j'apprends beaucoup sur l'Histoire de la Croatie comme sur l'histoire d'une personne, d'une famille qui a fuit les conséquences de la guerre, sur le pays comme sur la vie locale avec la Slovénie mitoyenne. Une chance et un échos au-delà de ce que je lis sur les pays que je traverse ainsi que sur les guerres d'ex-Yougoslavie et la situation géopolitique actuelle dans cette partie de l'Europe. Si vous êtes intéressé•es, je trouve passionant et très bien présentée cette émission en trois épisodes de "Rendez-vous avec X" (en français) sur l'histoire et les dessous de ces guerres encore si récentes : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/rendez-vous-avec-x/rendez-vous-avec-x-du-samedi-22-avril-2023-8867171


Svonko me parle de ...
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172km
+5353m / -5133m
updated : 25 Nov 2023
Depuis Karlobag, je souhaite sentir encore un peu l'ambiance du bord de mer. Comme il y a peu de circulation, je marche 15 kilomètres sur l'unique route qui longe la mer avant de remonter dans les montagnes du Velebit. Avec le fort vent de face qui se lève, je ne suis finalement pas tant accaparé par la présence de l'eau et des îles à proximité, dans ce paysage qui semble rester identique au fil des kilomètres, à moins que je n'en saisisse pas les variations subtiles. Entre les villages quasi-entièrement dédiés au tourisme estivale plus rentable que n'importe quelle autre activité, je croise l'envers du décors : des décharges à ciel ouvert improvisées où s'entassent des matériaux de construction, du mobilier et de l'électroménager, le tout erodé et dispersé par l'eau et le vent. Les quelques hammeaux construits ou reconstruits récemment sont déserts en octobre. L'association paradisiaque de la mer, des montagnes et des îles, se mélange avec cet environnement aride et répétitif, dans lequel se situent des stations touristiques désertes construites à toute vitesse au cours des dernières années. Cette cohabitation étrange crée une atmosphère perturbante entre beauté et hostilité, entre émerveillement et dégoût, entre plaisir et pénibilité.
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99.1km
+2917m / -1702m
updated : 28 Nov 2023

Trois jours d'arrêt à l'hôtel à Knin me confirment que ce n'est pas le type d'environnement le plus épanouissant pour moi. Surtout dans une ville où je ne connais personne, j'ai tendance à rester dans mon logement et à déstabiliser mon horloge biologique. Le repos est alors plus bénéfique pour les muscles que pour les neurones. Contrairement à dans une cabane, j'ai du mal à faire des choses qui me font du bien et le temps m'échappe. Ce n'est pas agréable mais ce n'est pas grave et contribue finalement à me connaître. Heureusement au moment de quitter la ville, je rencontre par hasard Viktor et Bernard qui m'invitent au restaurant et avec qui je partage un moment de rencontre, d'enthousiasme, de convivialité. Je ne serai pas passé ici comme un fantôme.


Je quitte la ville avec six jours de nourriture, mon maximum entre deux ravitaillements, bien qu'il soit toujours possible de faire plus si nécessaire. Je me dirige vers un nouveau massif : les montagnes Dinara, qui forment une frontière naturelle avec la Bosnie-Herzégovine. Pour m'y rendre, je longe la rivière Krčić puis traverse une zone de plaines, plutôt désertes mais à présent avec plus d'herbe, moins d'arbustes, quelques pâturages, et les montagnes qui s'élèvent derrière. Une fois dans ce massif, l'environnement est similaire mais avec du relief : ce sont d'immenses étendues nues, couvertes d'herbes, sans arbres, sans lacs, sans rivières. Le sol calcaire forme toujours c...
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updated : 28 Nov 2023
Entre la Slovénie et la Bosnie-Herzégovine, j'ai passé presque un mois en Croatie où j'ai marché 470km avec 17km de dénivelé. Tout comme en Slovénie, la traversée de la Croatie a été marquée par l'automne. La couleur des forêts, l'épaisseur de la couche de feuilles déjà tombées au sol, des températures fraîches mais rarement très froides, beaucoup de pluie et de vent, et toujours des journées ensoleillées surprenantes et savoureuses. J'ai la sensation d'être passé par trois régions du pays. Les montagnes du Velebit avec ses forêts impressionnantes et ses vues sur la mer Adriatique où je suis aussi descendu, les grands espaces arides entre Obrovac et Knin, et les montagnes Dinara qui offrent aussi une sensation de grandeur. Trois régions très différentes dans leur atmosphère, leur relief et leur végétation, avec aussi plusieurs éléments permanents comme l'éternel sol calcaire. Et bien qu'il soit toujours tentant de séparer et de ranger, les transitions entre ces régions sont progressives et il en existe en réalité une infinité.


Après huit mois et demi de marche depuis le Sud de l'Espagne, je quitte pour la première fois l'union européenne (à part les quelques passages en Suisse dans les Alpes) en entrant en Bosnie-Herzégovine. Je suis heureux de cette nouveauté qui s'offre devant moi, d'être dans ce pays qui m'attire depuis longtemps sans toutefois en connaître grand chose. L'hiver se fait toujours plus proche et les dernière...
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101km
+2809m / -2964m
updated : 17 Dec 2023
Je passe ma première nuit en Bosnie-Herzégovine dans cette cabane bienvenue. J'y entends la pluie et la grêle qui se fracassent sur le toit, ainsi que l'orage retentissant qui frappe dans un rayon de 300m. En colocation avec une communauté de souris qui habitent les lieux et dont je suis l'invité, je suis dans un concort infiniment satisfaisant en comparaison à l'idée de dormir dehors. Il y a une chose que je n'entends pas pendant la nuit, une chose inattendue qui sait habilement s'installer dans un silence et une discrétion surprenantes pendant mon sommeil. Le matin en me réveillant, j'ouvre la porte de la cabane les yeux encore à moitié clos, et lâche en grand "Mais non !" spontané en découvrant l'épaisse couche de neige qui a recouvert le paysage pendant que je dormais. Ça alors, la météo ne l'avait pas prédit. Par cette météo et en ces lieux, j'avais inconsciemment écarté la possibilité de rencontrer des confrères humains, et suis alors surpris de voir tout à coup un groupe de jeunes croates débarquer dans la cabane au milieu de leur randonnée journalière. Nous passons un très bon moment, ça fait plaisir de rencontrer des jeunes de mon âge et de pouvoir échanger aisément en anglais, de parler du pays, de nous, de tout, de rien. Ils m'offrent un bon repas chaud et quelques victuailles qui me permettront de partir en milieu de journée et de tenir une journée de plus jusqu'au prochain ravitaillement.

Après ce moment joyeux ...
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142km
+5507m / -5124m
updated : 09 Jan 2024

Bosnie-Herzégovine : Risovac > Sarajevo (monts Blidinje et Prenj)

19/11/2023 > 01/12/2023
124 km ; D+ 5,6 km ; D- 5,3 km

De Risovac où j'ai passé par surprise une journée off non nécessaire pour le corps mais imposée par la météo, je monte enfin dans les hauteurs du Blidinje par une météo idéale : ensoleillée et sans vent fort. C'est une journée idéale de marche en montagne, je marche sur la neige rarement épaisse, j'enchaîne les crêtes et les sommets, je bénéficie de vues dégagées sur les montagnes aux alentours, et je n'ai pas froid en marchant. Je traverse le coeur du massif dans la journée. Je commence à redescendre et m'arrête la nuit tombée, à l'altitude qui délimite la forêt sous-jacente. Je garde la longue descente en forêt jusqu'à la prochaine ville pour le lendemain matin.

J'arrive enfin à partir avant le lever du soleil. Puisque la température est encore légèrement négative, je plis rapidement mon bivouac sans manger et entame la marche pour me réchauffer. Je marche une petite heure de nuit et bénéficie du lever de soleil tout en marchant en forêt. En plus d'être agréable, c'est d'autant plus pertinent de partir tôt en hiver lorsque les jours sont courts, ce qui évite de m'arrêter alors que mes jambes voudraient continuer, ou de marcher plusieurs heures de nuit le soir (ce que je ferai tout de même a...
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updated : 23 Jan 2024

La première différence marquante en entrant en Bosnie, à la fois en parcourant la carte et en marchant dans le pays, est la présence de nombreuses mosquées, jusque dans les petits hammeaux qui ont généralement leur petite mosquée repérable de loin par leur minaret. Un peu à l'image de l'ex-Yougoslavie, la population de Bosnie-Herzégovine est composée de trois peuples principaux : les bosniaques musulmans, les serbes orthodoxes, et les croates catholiques, qui représentent respectivement 53%, 31% et 15% de la population. Toutes et tous sont appelé•es bosnien•nes et parlent la même langue. Aujourd'hui, environ la moitié de la population de 3,8 millions de personnes vivent et travaillent à l'étranger. Le pays est constitué deux régions géographiques aux frontières floues : l'Herzégovine dans la pointe sud du pays, et la Bosnie. Surtout, le pays se compose de trois entités administratives : la fédération de Bosnie-Herzégovine peuplée majoritairement de bosniaques (73%) et de croates (22%), la Republika Srpska - ou République serbe de Bosnie  - peuplée majoritairement de serbes (82%), et le petit district de Brčko. Trois présidents représentatifs des trois peuples sont élus simultanément et occupent une présidence tournante pendant 4 ans. Cela explique en partie, d'après ce qu'on m'a dit et ce que j'ai lu, de paire avec la corruption et le nationalisme, la lente avancée politique du pays.

Ces frontières actuell...
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207km
+4210m / -4336m
updated : 05 Feb 2024

Après deux semaines à Sarajevo, je reprends la marche en hiver, direction la Serbie. Après un arrêt si long, c'est un nouveau départ, un nouveau saut dans l'inconnu, avec le vertige lors des premiers pas d'imaginer que je m'élance à nouveau pour des milliers de kilomètres. Je ressentirai quelques courbatures les premiers jours, cela ne m'était pas arrivé depuis mon départ depuis le sud de l'Espagne. En quittant le centre-ville de Sarajevo, je traverse un simple quartier résidentiel et la ville s'arrête nette, laissant la place aux montagnes, à la campagne, aux hammeaux. Je marche le long d'une ancienne voie ferrée dans une vallée étroite au dessus de la Miljacka, la rivière qui traverse Sarajevo. Après seulement trois kilomètres, je m'arrête dans une cabane de chasseurs où ces derniers m'invitent tout aussi gaiement que naturellement à m'asseoir à leur table, discuter et goûter toutes sortes de viandes et de rakijas. C'est une de mes dernières rencontres avec des bosniaques, je passe le même jour de la fédération de Bosnie-Herzégovine à la Republika Srpska, majoritairement peuplée de serbes. Les cathédrales orthodoxes remplacent alors les mosquées qui se font plus rares. Une vague de froid s'installe, qui laisse toutefois le soleil offrir son rayonnement pendant les quelques heures quotidiennes où il se déplace au-dessus de la cime des montagnes, faisant fondre la glace qui recouvre les arbres nus en pluie froide. Il fait moins 10°C la nuit. Le jour, l'activité p...
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239km
+4200m / -4469m
updated : 24 Feb 2024

Je suis en Serbie depuis quelques jours, et repars d'Užice où je me suis reposé et un peu plus acclimaté au pays. Je longe des axes routiers et ferroviaires, traverse quelques villes, et monte dans des collines agricoles et forestières où il m'est plus agréable de marcher. Je traverse des étendues de forêts aux arbres nus qui offrent par moments une percée sur le paysage, marchant sur des pistes où vu la rareté des tracteurs et 4X4 rencontrés, je me sens plus proche des arbres, des oiseaux et de moi-même, que des autres humains que je ne vois pas. En alternance avec ces forêts, je marche dans des campagnes actives et habitées, composées de hammeaux qui atteignent rarement la taille d'un village, nombreux et dispersés entre les prairies et les vergers de pruniers et de framboisiers. Le secteur agricole emploie 16% de la population active, par une agriculture généralement de taille familiale. La Serbie est le premier producteur européen de prunes et se framboises ; ayant marché quelques centaines de kilomètres dans le sud du pays, je ne suis pas surpris.

Après une forte vague de froid, c'est une étonnante vague de chaud qui s'installe. Les températures prennent subitement une dizaine de degrés, le soleil propage toujours son rayonnement chaud pendant la journée sans être filtré par les nuages, les conditions sont réunies pour pouvoir marcher sans subir la température, tout en étant autorisé à prendre des pau...
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100km
+1997m / -1701m
updated : 26 Feb 2024

Après une vague de froid et une vague de chaud, voilà à nouveau une vague de froid. Même si dormir dehors était possible, j'ai toujours trouvé un endroit où passer la nuit à l'intérieur, souvent par surprise et au dernier moment. Le soleil lui, généreux, persiste en journée. Depuis Aleksinac, je traverse en une journée un petit massif jusqu'à Sokobanja. Je marche toute la journée seul dans la neige. Les arbres sont auréolés d'un blanc étincelant. L'épaisse couche de neige glacée qui les recouvre jusqu'aux plus petites ramifications semble amplifier la lumière du soleil. Chaque arbre est une œuvre. Il n'y aucune trace de pas ou de roues dans la neige, aujourd'hui je suis peut-être le seul à pouvoir les contempler. Évoluer dans une telle forêt est féerique, je me sens une fois de plus privilégié, même si ce lieu situé entre deux villes est simple d'accès. Depuis un sommet dégagé, je vois au loin la grande et vertigineuse forteresse montagneuse qui marque la frontière avec la Bulgarie, c'est ma direction. Il s'agit de l'extrémité est du grand balkan, une importante chaîne de montagnes qui poursuit son chemin jusqu'à la mer noire en Bulgarie. Je prevois de franchir la frontière à un col de faible altitude, puis de marcher une centaine de kilomètres dans le sillon d'une vallée avant de grimper dans le cœur du massif.

Quelques kilomètres après Sokobanja, je repère une grotte sur ma carte qui semble entourée d'infrastructures touri...
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138km
+1699m / -1832m
updated : 27 Feb 2024

Belogradchik est un lieu unique qui abrite une forteresse et des pierres du même nom. Construite sous l'empire romain, la forteresse tire avantage des formations rocheuses pour sa protection. Ces colonnes de grès aux tailles et formes variées parsèment et structurent un paysage étonnant que je prends le temps de découvrir. Chaque nouvelle vue est une surprise, et progresser librement à pieds dans cet endroit me procure à la fois une excitation et une sérénité. Ce lieu fabuleux, presque surnaturel, semble avoir été sculpté par une main divine et a naturellement fait l'objet de croyances. Sans me forcer mais de façon automatique, je vois des visages charismatiques et amusants dans presque chacune de ces pierres. Je marche lentement, m'arrêtant souvent, au rythme tranquille du soleil qui décide du temps que j'ai à ma disposition pour arriver au bivouac avant la nuit. Une nouvelle fois, j'ai repéré une grotte où je compte passer un beau bivouac. C'est chose réussie : je découvre une grotte à deux étages avec une grande ouverture, où je passe la soirée en profitant d'un feu et d'une vue sur les pierres éclairées par la lune. J'entends de nombreuses chauves-souris que je mets du temps à voir. Celles-ci ne se suspendent pas la tête en bas, mais logent serrées les unes contre les autres dans les fentes des parois de la grotte. Elles ont ici un bel abri. Nous passons la soirée ensemble, leurs cris aigus résonant dans la grotte jusqu'au matin.
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203km
+8122m / -6903m
updated : 08 Mar 2024

Lakatnik, point de retrouvailles avec mon ami William et de notre départ pour le balkan central. Ce massif rectiligne, appelé en bulgare "Stara Planina" pour "vieille montagne", traverse la Bulgarie de la frontière serbe jusqu'à la mer noire et coupe le pays en deux. En conséquence, le climat est bien plus froid dans la moitié nord et plus chaud dans la moitié sud du pays. De même, la végétation, l'humidité, et surtout l'enneigement en hiver, sont différents sur les versants nord et sud de la chaîne, et le vent souffle fort ou très fort sur la crête. Depuis que je suis reparti de Sarajevo, c'était mon prochain horizon : remonter dans les montagnes en hiver en Bulgarie. Après quelques sections de quelques jours dans de telles conditions en Bosnie-Herzégovine, je projetais initialement de m'y confronter plus longuement plus au sud des Alpes dinariques, avant que je ne décide de traverser la Serbie vers la Bulgarie. Cette aventure-là peut maintenant se vivre dans la Stara Planina. Déjà lorsque je rêvais de loin en parcourant la carte d'Europe, j'étais attiré par le relief et les sentiers de cette chaîne, qui dessinnent naturellement un itinéraire parcourant la crête. Il s'agit d'ailleurs pour la plus grande portion d'un itinéraire de randonnée balisé : le "Kom Emine", allant du mont Kom prêt de Lakatnik  jusqu'au cap Emine sur la mer noire. Notre itinéraire prévisionnel correspond globalement au même itinéraire, sans point d'arrivée défini. Plus exactement, il s'agi...
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209km
+6321m / -7690m
updated : 15 Mar 2024

Nous abordons à présent le cœur du massif du balkan central. Nous traversons la partie la plus haute et la plus technique du massif au cours d'une longue et fatiguante journée, où nous marcherons seulement treize petits kilomètres. Nous avançons sur une crête échancrée qui sépare deux flancs raides et enneigés. La roche est souvent découverte sur l'arrête elle-même, qui est aussi entrecoupée de sections neigeuses et verglassées. Notre progression est alors particulièrement lente et surtout délicate, voire franchement casse-gueule. Ce qui compose parfois de courts passages techniques au cours d'une journée en montagne, qui mobilisent toute notre concentration et notre adresse, est aujourd'hui une inlassable constance. Nous nous méprenons plusieurs fois en nous croyant sortis d'affaire en voyant la suite de l'arrête, avant de se rendre à l'évidence que la difficulté continue encore et encore. Il est troublant de voir la distance parcourue augmenter si lentement lorsque je consulte la carte. Heureusement, il fait globalement beau et les vues de part et d'autre sont belles et dégagées, nous nous sommes coordonnés avec la météo pour cette section. Tous ces passages techniques sont à petites doses agréables et même parfois grisants, mais lorsqu'ils sont continus deviennent usants pour le cerveau, fatigué par la concentration et le stress auquel il est soumis. En d'après-midi lorsque la luminosité diminue, nous avons un nouveau beau coucher de soleil, et heureusement no...
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209km
+1418m / -1176m
updated : 19 Mar 2024
La descente du balkan central s'accompagne de multiples changements drastiques. Je marchais depuis quatre semaines avec mon ami William dans des montagnes enneigées, de grands espaces naturels, en plein hiver, accoutumé à des températures entre -10°C et +5°C. D'un jour à l'autre, sans transition et alors que j'étais tout à mon aise dans ces conditions, je me retrouve seul, en ville, puis à marcher à travers une campagne totalement plate, sèche, occupée exclusivement par des champs de blé et des friches, sans presque un arbre, avec une biodiversité presque éteinte. Une campagne franchement triste, traversée par des axes routiers que mon itinéraire est parfois contraint de longer. Il peut faire jusqu'à 20°C en journée, l'écart de température est digne d'un trajet en avion. Je redécouvre des sensations oubliées en termes de transpiration et de besoin d'hydratation. Je traverse parfois des villages manifestement bien plus pauvres que ceux que j'ai traversés jusqu'à présent, habités par des populations gitanes séparées des autres. Ces villages sans eau courante ni enlèvement des ordures ménagères, où je vois des enfants aller chercher du bois de chauffe dans quelques bosquets alentours, sont pourtant voisins de grandes fermes modernes et mécanisées. La Bulgarie est le pays le plus pauvre de l'union européenne. Comme partout, il y a aussi et surtout de grandes disparités et inégalités au sein du pays, dont la proximité ne cesse de m'interpeller. Me déplaçant exclusiveme...
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209km
+2540m / -2721m
updated : 19 Mar 2024

À Kırklareli j'ai l'occasion de me reposer et de rencontrer mon hôte Kemal et ses amis. C'est la première fois que je peux vraiment échanger en anglais avec des turcs, avoir des discussions fluides, apprendre un tas de choses. Le contraste de la ville avec la campagne où je marchais jusqu'à présent est saisissant. Le niveau de vie y est très supérieur, les gens sont apprêtés dans le centre-ville, il y a des femmes dans les cafés. Le prix du thé est multiplié par six. Une fois de plus j'ai la sensation de deux mondes mitoyens mais bien séparés. Nous sommes en période électorale pour les élections municipales. Partout dans le centre-ville, d'immenses banderoles et drapeaux à l'effigie des candidats sont accrochés. Des fourgons de chaque parti défilent avec des haut-parleurs pour distribuer des tracs.

Je repars en direction de la mer noire. La plaine céréalière laisse la place à des terres plus pauvres avec un peu de relief où paissent quelques brebis, puis à de vastes forêts où l'exploitation du bois devient l'activité principale. L'hiver est fini, mais le printemps n'est pas encore là. Seuls les premiers bourgeons ont debourré, et quelques plantes des sous-bois ont déployé leurs premières feuilles. Il s'agit de cette période transitoire et un peu triste où il n'y a ni le charme de la neige, ni la beauté de la végétation qui renait. Les arbres sont nus et la vie encore en pause. Quelques oiseaux et quelques fleurs sont là pour...
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68.4km
+822m / -838m
updated : 25 Mar 2024

Je pars à 12h de Karaburum, ce qui n'es pas très malin pour une journée de 40km, j'arriverai forcément de nuit. C'est parti pour deux jours de marche en zones péri-urbaines et ubraines. En entrant dans une ville de 16 millions d'habitants comme partout ailleurs, je traverse toujours l'espace tel qui est, tel que nous l'avons transformé, et sillonne une multitude de mondes physiques et humains, toujours si contrastés et motoyens. Je quitte le bord de la mer noire pour me diriger vers le Bosophore et la mer de Marmara, sur une bande de terre qui s'amincit jusqu'au détroit. Je marche sur la route dans une campagne bien plus dense que celles que j'ai parcourues jusqu'à présent en Thrace turque, puis traverse quelques villes périphériques d'Istanbul, ici situées à côté de l'aéroport. Je dois marcher quelques kilomètres le long de l'autoroute et d'autres gros axes routiers, où j'ai le temps de considérer du regard toutes ces infrastructures qu'on ne découvre sinon jamais à pieds. Ces routes, ponts, aéroports, empruntés par des dizaines ou des centaines de milliers de personne quotidiennement, ne le sont pourtant que dans le confort et la vitesse d'une voiture, c'est fait pour. Nous ne nous exposons pas avec nos corps et à vitesse d'humain à la réalité crue de ces espaces nécessaires à l'existence d'une ville. Y être à pieds est original ou marginal, pénible ou amusant. En quittant l'autoroute, je marche lentement quelques kilomètres dans une zone boueuse en constructio...
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updated : 25 Mar 2024
J'ai débuté cette marche le 19 février 2023 à Tarifa, ville espagnole la plus au sud de l'Europe continentale, située au détroit de Gibraltar. Je suis arrivé à Istanbul et au détroit du Bosphore, une autre extrémité du continent, le 21 mars 2024. Entre les deux, j'ai marché 6340 km sur 222 000 m de dénivelé positif (d'après l'application LocusMap). À l'exception de 40km faits en voiture à cause de petites mésaventures, l'ensemble de l'itinéraire a été réalisé à pieds.

Mon sac à dos comportait un équipement léger et polyvalent, pour marcher et vivre dehors au long court et en autonomie durant 4 saisons, entre 0 et 3000m d'altitude, dans des températures entre -10°C et 35°C (avec de rares moments en deçà et au-delà de ces températures limites pour lequel mon équipement est prévu). Mon poids de base (sac à dos compris, hors eau et nourriture) était de 8kg, avec un kilo supplémentaire lors de la traversée du grand balkan en Bulgarie. À quelques exceptions, le matériel est resté le même pendant toute la traversée. Je n'ai du changer qu'une seule fois mon T-shirt et mes deux paires de chaussettes. J'ai utilisé 5 paires de chaussures, en choisissant un modèle au poids et à la durabilité intermédiaires entre des modèles de trail ou de randonnée classique. J'ai renvoyé certaines paires en France pour les finir à mon retour, lorsque leur fin de vie approchait et que j'avais l'occasion d'acheter une nouvelle paire.
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updated : 25 Mar 2024
Un premier itinéraire global a été dessiné en trois jours en amont du départ, afin d'être en mesure de faire des estimations du temps et des distances. Le seul impératif en adéquation avec les saisons était de traverser les Alpes entre mai et octobre. L'itinéraire se dessine ensuite en cours de route, et la réalité est toujours différente des itinéraires prévisionnels.

J'ai souhaité traverser l'Europe principalement en marchant en montagne. L'itinéraire est un éternel compromis qui répond à ses propres envies avec les contraintes de la géographie et de la présence/absence de sentiers. Mon compromis global a largement été en faveur de marcher en altitude en reliant différents massifs du continent, sans considérer les options les plus rapides. À l'échelle d'un pays ou d'un massif, j'ai équilibré l'envie d'explorer les hauteurs et recoins d'une région avec l'envie de me voir avancer sur la carte.

J'ai ainsi marché principalement dans des régions de moyenne et haute montagne, dans de nombreuses campagnes, et très peu de zones urbaines, ce qui me semble assez proche proportionnellement de la réalité géographique. Pour moi, l'envie et le rêve commencent en voyageant sur une carte, en étant attiré spontanément par des régions et en imaginant de potentiels itinéraires. C'est là aussi que commence la liberté : celle de choisir et de dessiner son propre itinéraire dans l'infinité du possible. Je c...
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updated : 06 Oct 2024
Un sac de 8 kg ?

Marcher et vivre dehors pendant plus d'un an avec le même équipement, entre 0 et 3000m d'altitude, de -15°C à 40°C, avec un poids de base de 8 kg (poids de base = poids sac-à-dos compris, sans eau et sans nourriture).

Il est vrai qu'il est commun de porter le double pour des durées plus courtes et des amplitudes de températures plus réduites. Plusieurs personnes étonnées et curieuses m'ont demandé le contenu de mon sac-à-dos, alors voici la liste exhaustive de mon équipement avec le poids de chaque item. La marche légère ou ultra-légère (MUL) ne vise pas à être le plus minimaliste au détriment du confort et de la sécurité, mais à trouver un optimum réfléchi, entre le confort de la marche lié au poids du sac, et le confort du bivouac et de la vie quotidienne. Cet optimum depend de chacun•e, et l'équipement qui va avec est à réfléchir et étudier avant d'acheter, puis à tester. D'autre part, le confort sur de longues distances et de longues périodes ne dépend pas uniquement de l'équipement, mais au moins autant du savoir-faire et de compétences, qui sont aussi à étudier grâce aux autres à tester soi-même.

Alors voici quelques généralités sur la démarche de l'allègement.

‐ Réflechir à ce que l'on peut enlever plutôt qu'à ce que l'on peut ajouter.
- Pour chaque item, se demander si je gagne en confo...
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updated : 20 Apr 2024

Me voilà à Istanbul. Je suis parti d'une extrémité de l'Europe, face à l'Afrique, pour rejoindre cette autre extrémité et cet autre détroit, face à l'Asie. Après une longue marche à travers le continent, m'y voilà. L'origine du nom "Istanbul" vient d'une expression qu'utilisaient les grecs pour dire "Je vais à la ville". C'est effectivement ce que j'ai fait pendant ces 13 mois de marche, je suis allé à la ville, et quelle ville ! Istanbul est la huitième plus grande ville du monde. Elle compte officiellement 16 millions d'habitants, certains parlent de 20 millions, soit à peu près autant que la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et la Bulgarie réunies. C'est un pays dans un pays, un pays d'urbanisme qui s'étend de part et d'autre du Bosphore sur une centaine de kilomètres de long. Je trouve la géographie de la ville et de la région passionante. Au nord s'étend la mer noire, dont le pourtour touche les frontières de la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, l'Ukraine, la Russie et la Géorgie. Le détroit du Bosphore et, plus au sud, le détroit des Dardanelles, semblent avoir été dessinés pour former des passages maritimes afin de relier entre elles la mer noire, la mer de Marmara, et la mer Égée. Cette dernière héberge une constellation d'îles et d'archipelles, puis s'ouvre sur la grande mer méditerranée, dont le détroit de Gibraltar semble lui aussi avoir été dessiné pour joindre l'Atlantique.

Istanbul est en plein cœur de...
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updated : 23 Apr 2024
Voilà plus d'un an que je marche, que la marche est non seulement mon mode de déplacement, mais aussi mon mode de vie, mon quotidien, mon activité principale qui structure mes journées et ma vie. Cela fait plus d'un an que moi et mon équipement élémentaire marchons et vivons durablement dehors, dans un très large pannel d'environnements, de saisons, de météos, d'ambiances, de réalités. L'objectif initial de traverser l'Europe à pieds du détroit de Gibraltar au Bosphore en passant principalement par les montagnes est atteint. En cela c'est une réussite d'avoir vécu et réalisé cette longue marche, dans le cadre simple mais strict que j'ai choisi, en marchant et vivant ainsi de façon durable. Tout au cours de cette traversée et même jusqu'à à la fin, je ne savais pas ce que je ferai une fois arrivé à Istanbul. J'ai d'ailleurs été surpris d'à quel point, dès l'Espagne, on m'a souvent et rapidement posé la question. J'ai souhaité effectivement ne pas avoir d'impératifs en termes de dates ou autres, c'est à dire de ne pas avoir de plan prédéfini pour après. Cet inconnu total est souvent difficile à gérer, mais c'est aussi ce qui permet de se laisser changer, ne serait-ce qu'un petit peu, par l'expérience, et de se confronter à toute la difficulté, la responsabilité et le potentiel que représente la liberté.

Ma marche a pris un renouveau, comme un deuxième départ, en entrant en Slovénie 6 mois et 4 000 km après mon départ de Tarifa. J'étais effectivem...
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253km
+3363m / -2821m
updated : 02 May 2024
Après une arrivée et un séjour prolongé à Istanbul, je quitte la magie et la folie de cette ville. Il est grand temps de me replonger dans un quotidien autre, une itinérance suffisamment longue avec un objectif suffisamment lointain. J'ai cherché par tous les moyens de quitter Istanbul en voilier, tout en étant très flexible quant à la direction vers le sud. Quelques fois je n'étais pas loin de trouver une opportunité de conavigation et ça aurait pu fonctionner, mais après deux semaines de recherches et démarches en parallèle de mon temps à Istanbul, je n'ai rien trouvé et ne vais pas rester ici plus longtemps. C'est donc à contrecœur que je traverse la mer de Marmara en ferry, mais sans regret puisque j'estime avoir tout essayé. Pour maintenir la continuité géographique de mon itinéraire dessiné sur la carte, je repars depuis la mosquée Sainte-Sophie vers le port où j'embarque pour Bandırma, à 100 km de l'autre côté de la petite mer de Marmara. J'imaginais au moins passer ce trajer sur le pont du bateau, à regarder Istanbul s'éloigner derrière l'eau qui s'étire. Que nenni, c'est interdit, on m'oblige à rentrer m'asseoir dans les rangées de sièges à l'intérieur. Alors que dehors existent le vent, l'eau, les mouettes, la ville que nous laissons et la côte que nous longeons, il n'y pas d'autre possibilité que de rester assis à l'intérieur, avec une climatisation inutile et trop forte, forcés à avoir deux écrans de télé dans notre champ de vision où que nous soyons. ...
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163km
+3460m / -3166m
updated : 20 May 2024

Depuis Ayvalık en Turquie, j'ai pris un ferry pour traverser la mer Égée jusqu'à Thessalonique, deuxième plus grande ville de Grèce. C'est la première fois depuis mon départ il y a 14 mois que je prends un mode de transport, que je me déplace autrement qu'avec mon corps pour avancer dans l'espace et sur la carte. Pour mon lent retour vers la France, je suis dorénavant flexible. Je quitte la Turquie après deux mois dans ce pays. Comme lors des précédents passages de frontière, et plus encore cette fois-ci, c'est une sensation étrange de réaliser que je laisse derrière moi ce pays auquel je me suis habitué et où je me sens bien, que ce qui est devenu un environnement humain et culturel quotidien n'est soudainement plus accessible, peut-être pour toujours, à moins que je ne revienne lors d'une future aventure, à vélo.

Je profite du trajet en ferry pour apprendre les prononciations de l'alphabet grec et m'entraîner en lisant le nom des lieux sur la carte. Il est amusant de remarquer les caractères communs avec l'alphabet latin et l'alphabet cyrillique. De même que pour le slovène, le serbo-croate (parlé en Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Serbie) et le turc qui utilisent l'alphabet latin avec chacun des caractères spécifiques, ou que pour le serbe et le bulgare qui utilisent l'alphabet cyrillique, globalement un caractère équivaut à un son, et vice-versa. Comparé au français, cela est nettement plus ...
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73.7km
+3644m / -2810m
updated : 02 Jun 2024
De Foteina, il me faut une journée de marche pour me rendre au pied du grand mon Olympe. Quel curieux massif, petit en superficie, il borde la mer et est entouré de plaines agricoles et de modestes collines. Pourtant, il se dresse haut, rendant énigmatiques ses différents sommets, là où les Dieux festoient sur les roches échancrées, souvent masquées par les nuages que forme son micro-climat. Après une nouvelle journée de marche transpirante à la merci du soleil, j'arrive à ma destination visée pour la nuit : une église construite au XIVème siècle sur un rocher qui surplombe une falaise. L'église est ouverte de part et d'autre, ce qui a permis à trois couples d'hirondelles d'y construite leur nid et de trouver domicile. Je passerai la soirée et la nuit avec elles. L'église comporte comme toujours de nombreuses bougies et icônes, et aussi d'anciennnes peintures murales de l'époque de sa construction. Un balcon permet d'apprécier la vue veritigineuse avec d'un côté la plaine et la mer, et de l'autre les flancs et falaises du mont Olympe qui se perdent dans les nuages. J'y passe la soirée, regardant le jour céder la place à la nuit avec comme chaque jour un spectacle inédit, tout en écoutant les insectes et les oiseaux. Surtout, je contemple le vol des hirondelles qui rentrent et sortent de l'église, chassent les insectes dans les gorges, d'un vol rapide et erratique, incroyablement précis. Je songe à ces petits oiseaux qui chaque année parcourent environ [url=tel:100...
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143km
+4421m / -5228m
updated : 15 Jun 2024
Après un jour d'arrêt à Livádi, je repars marcher dans les campagnes légèrement vallonnées, rarement en forêt et le plus souvent sur des routes et pistes agricoles sans ombre. Après l'interlude hivernale et onirique du mont Olympe, je retrouve le plat, la chaleur et les insectes. Cinq jours marqués par le labeur et la lassitude me sont nécessaires pour atteindre les Météores. Cinq journées où la motivation peine, qui ne m'évoquent aucun récit plus détaillé à écrire.

Comme pour d'autres sites particulièrement renommés, je ne me suis pas spécialement informé sur les Météores au-delà de leur existence. Mon itinéraire prévisionnel y passe d'ailleurs de façon non intentionnel. J'étais simplement attiré par la forme des courbes de niveau sur la carte lors de son tracé, avant de réaliser qu'il s'agisse des Météores dont j'ai entendu parler ici et là, dont le nom m'évoque un endroit à la fois historique et mystique par l'imaginaire et les fictions qui y sont vaguement associées. Lorsque j'y arrive en fin de journée, une frénésie intérieure revient immédiatement en découvrant un lieu qui m'apparaît toute évidence exceptionnel. J'apprécie particulièrement ce moment où l'endroit ne m'est pas encore familier mais où je découvre avec surprise, à la fois excité et émerveillé, chaque nouvelle vue qui se dégage et me laisse voir ces roches et ces monastères emblématiques, sublimés par la lumière changeante et rasante du soir. Je marche, cour...
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updated : 22 Jun 2024
L''épisode 82 du podcast #Storylific vient de sortir, et parle de... ma marche à travers l'Europe ! Cette interview a été l'opportunité de raconter des moments de mon aventure, d'expliquer ma démarche, et d'exprimer des idées et valeurs auxquelles je crois et qui me sont chères.

Merci beaucoup à AnneB pour cette interview et pour son travail ! Storylific est un podcast d'aventure, où des aventuriers et aventurières de tous horizons parlent de leurs expériences sportives, natures, humaines et autres. Déjà auditeur, je me retrouve dans la motivation du podcast, de mettre lumière des récits authentiques, intéressants et inspirants. C'est une joie pour moi d'avoir pu contribuer à ce projet à travers ma marche, et je ne peux que vous recommander de parcourir des oreilles les autres épisodes !


L'épisode est disponible sur le site de Storylific, ainsi que sur toutes les plateformes de streaming audio :

https://www.storylific.com/samuel-knosp-hike-across-europe/


https://open.spotify.com/episode/5oSX0bIcr3pMlUMusSreXn?si=ne3BnW9HQDyo-5wt1UQciA%0A1
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168km
+6598m / -6429m
updated : 07 Jul 2024
Après six jours passés dans les Météores à me reposer, explorer les lieux à pieds et faire de belles rencontres, il est temps de reprendre la marche vers la côte ouest de la Grèce. Puisque j'ai passé les trois derniers jours en compagnie de Prune et Magali, les premiers kilomètres et même les premiers jours, à marcher seul sur le goudron, sont moroses. Le premier soir nous nous retrouvons pour le bivouac avec Magali qui est à vélo. Je pensais couper à travers la forêt pour rejoindre des sentiers qui m'auraient amené sur les montagnes, mais les images satellites étaient trompeuses et la réalité de l'endroit m'a contraint à devoir marcher 40 km de plus sur le macadam le lendemain. Comme le moral faiblit et que je me considère dorénavant flexible depuis mon départ d'Istanbul, je pense faire cette étape en stop pour aller directement rejoindre les prochains sentiers de mon itinéraire. Alors que je lui de fais part de cette idée, une remarque de Magali me ravise rapidement et me remet sur le droit chemin. Ce serait dommage, même avec une motivation moins alimentée par mon objectif initial déjà atteint, je peux bien faire une longue journée de marche sur la route et préserver le cadre de mon itinérance.

Au milieu de cette longue journée, alors que, totalement seul, j'étais devenu absorbé par le rythme de ma marche et le tempo de mes bâtons sur l'asphalte, focalisé sur ma respiration à trois temps sur ce léger dénivelé positif, je ...
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1391km
updated : 26 Aug 2024

De mon quotidien solitaire à pieds à travers les montagnes, campagnes et villages, me voilà soudainement sur la côte grecque dans un autre monde, artificiel et touristique. Moi qui aime traverser et voir tout ce qui se trouve sur mon chemin, cet étrange environnement qui s'étend sur tout le littoral du pays, représente lui aussi une réalité. Cette réalité, réservée à une minorité riche étrangère qui s'accapare de fait les littoraux du monde entier, je la verrai pendant plus de trois semaines lorsque nous feront étape sur les côtes. La Grèce accueille environ 30 millions de touristes par an, soit trois fois sa population, et principalement sur les côtes et les îles. L'activité représente 20% du PIB, et cause des désastres humains (accaparement des biens immobiliers, prix des loyers, engorgement des services de santé) et environnementaux (pollution, effondrement de la biodiversité marine, sans parler du bilan carbone des vacances en Grèce). Bien que l'activité est amenée à s'effondrer dans les prochaines décennies faute de ressources suffisantes en pétrole, son expansion est encouragée et réelle. En cinq semaines et 550 km à pieds en Grèce, je n'ai vu des touristes que dans les Météores. Le reste du temps j'étais un voyageur. Ici je deviens un touriste insignifiant et anonyme, qui serait venu pour consommer ses vacances. Les rencontres dans les restaurants et les magasins touristiques m'apparaissent trop improbables pour avoir l'énergie et la volonté d'être avenant...
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108km
+4644m / -4006m
updated : 01 Oct 2024
Après trois semaines à traverser la méditerranée à bord d'un petit voilier, j'arrive en Corse à Porto-Vecchio. Voilà le plus grand pas entre ce que je peux appeler mon voyage et mon retour. Je ressens une certaine frénésie en sortant du ferry et en entrant dans la ville. Cela fait un an et plusieurs milliers de kilomètres à pieds que j'ai quitté la France en juillet 2023, pour m'élancer dans la traversée l'arc alpin en direction de l'Europe de l'est. Me voilà en France… De retour dans mon pays, et toujours en itinérance. Je marche dans Porto-Vecchio et écoute les gens autour de moi parler français. Bien sûr, je suis anonyme. J'ai pourtant la sensation de détenir un secret invisible, car personne ne se doute que je rentre du long périple dont je suis porteur. Mis à part le mois que j'ai passé en France au cours de cette traversée d'Europe, j'évolue depuis maintenant 16 mois dans différents pays, en changeant de langue et parfois d'alphabet lorsque je franchis les frontières. Je me suis accoutumé à m'adresser aux gens dans chacune des langues dont j'apprends les rudiments et auxquelles je me familiarise. Parfois, il m'arrive avec chance et enjouement de pouvoir poursuivre l'échange en anglais. Mais m'adresser à quelqu'un en français, cela fait bien longtemps que ce n'est évidemment plus concevable. Je parle en français uniquement dans ma tête et au téléphone. C'est ce qui me déstabilise le plus lors de ces premiers jours en Corse : m'adresser aux gens en français, a...
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592km
+8931m / -8632m
updated : 14 Oct 2024
Après une nuit passée à bord du ferry mastodonte pour quitter la Corse et rejoindre la France continentale, je débarque au petit matin à Marseille. Voilà presque le dernier pas entre mon long voyage itinérant et mon retour. Presque, car j’ai décidé que le point d’arrivée symbolique de mon voyage sera chez mes grands-parents, en Gironde. Pour continuer l’itinérance jusqu’à cette ligne d’arrivée, je récupère à Marseille mon vélo de voyage que je n’ai pas vu depuis bientôt deux ans. Un ami me l’a très gentiment amené chez son frère, avec ses sacoches et le matériel spécifique supplémentaire. J’ouvre le garage où mon vélo m’attend patiemment et refais connaissance avec cet objet familier qui m’est devenu un temps étranger, moi traversant l’Europe à pied, lui démonté dans une cave. Je passe immédiatement l’après-midi à le remonter avec soin, bricoler chaque réglage pour retrouver une position optimale, graisser généreusement la transmission, installer les accessoires et enfin accrocher mes sacoches qui contiennent l’ensemble de mon équipement avec lequel je voyage depuis un an et demi, rallongé d’un peu de matériel vélo. Désormais, je peux alterner librement entre vélo et marche. J’ôte les deux tiges d’aluminium qui constituent l’armature minimaliste de mon sac-à-dos, et peux alors rouler ce dernier sur lui-même, qui pour 900g occupe un tiers de sacoche arrière. Mes bâtons de marche me servent toujours à monter mon tarp, et à marcher lorsque je laisse mon vélo à l’abri...
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286km
+4264m / -4996m
updated : 14 Oct 2024
Au sein de la dernière section de mon itinérance et avant de rejoindre ma ligne d’arrivée symbolique en Gironde, je m’accorde une excursion bonus dans les Pyrénées. Après quelques jours de repos à Bagnères-de-Bigorre, nous partons à trois pour quatre jours de marche au-dessus de Bagnères-de-Luchon. Michel, 68 ans et montagnard ; Victor, 27 ans, sportif et novice de la marche ; et moi qui reviens d’une traversée d’Europe à pied mais avec l’envie de faire maintenant moins de sport. Nous formons un trio atypique et amusant. Nous bénéficions globalement d’une belle météo qui nous offre des vues quotidiennes sur les mers de nuages. Je nous ai prévu un itinéraire tranquille avec tout de même un sommet à 3000m pour la technique. Ce fameux pic des Crabioules nous fera vivre une vive épopée. Après cinq heures d’ascension dans les pierriers parfois délicats, à seulement deux cents mètres du sommet, nous sommes bloqués et obligés de faire demi-tour. Il est 18h et nous devons tout redescendre jusqu’à trouver un endroit propice au bivouac. Sur la crête saillante entre la France et l’Espagne, je m’octroie néanmoins le temps de contempler le contrebas espagnol sous le col du Litérole, là où j’avais failli perdre la vie par hypothermie dans une tempête il y a deux ans. Aujourd’hui la météo est idéale, et si les roches sont toujours les mêmes, le lieu a lui un tout autre caractère. Ce coin des Pyrénées réserve décidément son lot de mésaventures. Nous effectuons la descente sans en...