L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022. Pérégrinations de Jacqueline
A Caroline ma fille et à Gaël mon petits-fils,
De Besançon au Cap Nord… Chiche !
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage !
Ce sera mon plus long voyage. Si je cumule tous les kilomètres que j’aurai faits depuis mon premier coup de pédale il y a déjà quelques années, j’aurai bouclé environ 24 000 km soit 60% du tour de l’Equateur.
J’ai traversé dix pays de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie, j’ai suivi le Rhin d’Andermatt à Rotterdam, j’ai fait deux fois le tour de Bourgogne dont l’un avec mon petits-fils, au cours d'un tour de la France, j’ai rejoint la côte atlantique par la Camargue, le canal des Deux Mers puis remontée jusqu’à Saint-Nazaire et terminée par L’Eurovelo6 jusqu’à Besançon.
Et début avril, en guise de reprise d’entraînement, j’ai aussi fait le tour d’Alsace, petite balade de 700 km…
Enfin, pour ne pas perdre les bons réflexes et les muscles, petits moteurs qu’il faut indispensablement garder en forme, j’ai pris l’habitude de me rendre à vélo chez mes amis à Strasbourg, en Suisse… Et maintenant, quand Gaël m’accompagne, grand garçon de 5 ans, c’est dans sa remorque à vélo à pédales.
Vertigineux !
Tous ces voyages ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, découvrir des paysages magnifiques, avoir des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste. Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Quelques-uns me disent que croiser une dame de mon âge -j’ai 68 ans- seule, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très motivée et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon. Quand je rejoins mon point de chute, je retrouve quelques-unes de ces rencontres et je découvre d’autres cyclotouristes avec qui nous échangeons sur nos expériences.
Mais le plus amusant et un peu flatteur aussi je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne perchée à l’âme romantique. Mais tous font preuve d’humanité, ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout admiratifs !
Certaines amies m’ont attribué le terme de jeunior. D’autres sont subjuguées, rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif.
Ma fille Caroline, qui sait que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants ! Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi parce qu’il est sûr que je vais voir le Père Noël au cap Nord !
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, je sais que quand je prendrai l’avion à Alta, mes sacoches, mon cœur, ma tête -mes jambes aussi, seront pleins de souvenirs de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en 3 mois ½.
De Besançon au Cap Nord… Chiche !
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage !
Ce sera mon plus long voyage. Si je cumule tous les kilomètres que j’aurai faits depuis mon premier coup de pédale il y a déjà quelques années, j’aurai bouclé environ 24 000 km soit 60% du tour de l’Equateur.
J’ai traversé dix pays de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie, j’ai suivi le Rhin d’Andermatt à Rotterdam, j’ai fait deux fois le tour de Bourgogne dont l’un avec mon petits-fils, au cours d'un tour de la France, j’ai rejoint la côte atlantique par la Camargue, le canal des Deux Mers puis remontée jusqu’à Saint-Nazaire et terminée par L’Eurovelo6 jusqu’à Besançon.
Et début avril, en guise de reprise d’entraînement, j’ai aussi fait le tour d’Alsace, petite balade de 700 km…
Enfin, pour ne pas perdre les bons réflexes et les muscles, petits moteurs qu’il faut indispensablement garder en forme, j’ai pris l’habitude de me rendre à vélo chez mes amis à Strasbourg, en Suisse… Et maintenant, quand Gaël m’accompagne, grand garçon de 5 ans, c’est dans sa remorque à vélo à pédales.
Vertigineux !
Tous ces voyages ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, découvrir des paysages magnifiques, avoir des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste. Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Quelques-uns me disent que croiser une dame de mon âge -j’ai 68 ans- seule, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très motivée et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon. Quand je rejoins mon point de chute, je retrouve quelques-unes de ces rencontres et je découvre d’autres cyclotouristes avec qui nous échangeons sur nos expériences.
Mais le plus amusant et un peu flatteur aussi je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne perchée à l’âme romantique. Mais tous font preuve d’humanité, ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout admiratifs !
Certaines amies m’ont attribué le terme de jeunior. D’autres sont subjuguées, rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif.
Ma fille Caroline, qui sait que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants ! Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi parce qu’il est sûr que je vais voir le Père Noël au cap Nord !
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, je sais que quand je prendrai l’avion à Alta, mes sacoches, mon cœur, ma tête -mes jambes aussi, seront pleins de souvenirs de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en 3 mois ½.
Quand : 15/05/22
Durée : 90 jours
Durée : 90 jours
Distance globale :
5638km
Dénivelées :
+26238m /
-26332m
Alti min/max : -1m/488m
Carnet publié par Jacqueline25
le 09 mai
modifié le 05 janv.
modifié le 05 janv.
4316 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : Section 18 - 01 août au 7 août.. (mise à jour : 20 août)
Distance section :
417km
Description :
Bleik - Andenes - ? - Tromso
Le compte-rendu : Section 18 - 01 août au 7 août.. (mise à jour : 20 août)
Lundi 1 août 2022
Jour 79
12 km
« L’îlot se Sada »
Je fais 12 kilomètres. Un joli parc pour enfants est installé à l’entrée d’un village. De nombreux retraités boivent un café et mangent les fameuses crêpes en forme de cœur sur la terrasse ensoleillée d’un Joker. Je fais comme eux je m’installe. Une autre terrasse est couverte. Ce Joker est particulier, pas très grand, il faut entrer dans une chambre froide ou plutôt glacée pour les produits laitiers, les œufs et la charcuterie et « cerise sur le gâteau », une cafétéria est attenante, avec gâteaux, de vraies glaces, tables… des thermos de café sont à disposition et pour la modique somme de 3 euros c’est à discrétion. Qui est-ce qui disait que la Norvège était hors de prix ? L’alcool c’est vrai !
Le village est accueillant, chaleureux, il y a de la vie, il se nomme Bleik, 450 habitants, les enfants jouent dehors, font du vélo. Ils descendent la route en pente devant le Joker et remontent pour recommencer. Je me souviens… c’était il y a 60 ans à Damprichard. Oh là là comme c’est loin ! Nous descendions la rue très en pente devant l’usine Marguet, nous étions en luges de bois, les patins étaient ferraillés. Il fallait s’arrêter avant d’atterrir dans les magnifiques cuves de cuivre de la fromagerie. À cette époque là, il y avait encore de vrais hivers. Ici en Norvège il y a encore de vrais hivers même si le réchauffement est palpable.
Après deux heures de temps passées sur la terrasse, je flâne, je parcours le village, j’apprécie d’être là et tombe sur de magnifiques plages de sable blanc. Un endroit idyllique, paradisiaque ! J’installe ma tente face à l’îlot de Sada, c’est le même un peu plus haut et je me baigne dans une eau à 10 degrés et non à 25 ou 30 degrés comme dans l’autre hémisphère. C’est lorsque je commence à avoir vraiment froid aux bras (étonnant !) que je sors.
Je téléphone aux garçons. Ils sont à 100 km sur une autre île et font de la randonnée. Ils pensent trouver un pêcheur demain qui pourra les faire traverser en bateau pour me rejoindre.
Je pars à la pêche. Mon hameçon se coince dans les algues. Ma canne s’arc-boute, mais l’hameçon ne revient pas. Je tire, je secoue… décidément ! Je cherche mon couteau pour couper le fil, plus de couteau… j’essaie de couper le fil avec mes dents, impossible… j’ai appris que face à une impasse il faut s’arrêter, respirer, prendre son temps. Quelques instants après je mouline et l’hameçon jaillit hors de l’eau.
J’arrête !!! Je me rends compte que ce sport est plus compliqué que le vélo. Si par inadvertance je pêche un poisson, comment vais-je l’attraper et le tuer. J’ai posé la question à mes amies, aucune d’entres elles ne se sont adonnées à la pêche, elles pensent qu’il faut le taper au sol. Emiel me disait qu’il fallait lui donner un coup de couteau au milieu du front. Je n’ai qu’un opinel à bout rond que je ne retrouve plus. Je pense que je ne suis pas au bout de mes peines et je crains ne pas pouvoir toucher un poisson vivant. Je vais persévérer. C’est un nouveau défi pour les jours à venir.
J’ai des nouvelles : Jean-Marc a gravi les 2000 marches au dessus de Reine et retourne à une fête Wiking ; l’aimable famille m’a envoyé une photo ils sont déjà au Cap Nord (en voiture) sous un magnifique ciel bleu ; Raphaël et Juan-Carlos avance rapidement, la roue arrière du vélo de Raphaël a été changée à Tromso et deux rennes se sont mis en travers de leur route ; Stéphane est toujours derrière, il n’arrive pas à partir tôt le matin ; les garçons n’ont pas trouvé de bateau, ils doivent faire 150 km et ne partent jamais très tôt ; les Frenchies en Norvège (blog commun) sont devant ils allient la randonnée au vélo. Quant à moi je ne suis pas devant car j’ai décidé de prendre des vacances à Bleik. J’exagère, je n’ai pas un passé de marathonienne et il m’arrive encore de pousser mon vélo.
Jour 79
12 km
« L’îlot se Sada »
Je fais 12 kilomètres. Un joli parc pour enfants est installé à l’entrée d’un village. De nombreux retraités boivent un café et mangent les fameuses crêpes en forme de cœur sur la terrasse ensoleillée d’un Joker. Je fais comme eux je m’installe. Une autre terrasse est couverte. Ce Joker est particulier, pas très grand, il faut entrer dans une chambre froide ou plutôt glacée pour les produits laitiers, les œufs et la charcuterie et « cerise sur le gâteau », une cafétéria est attenante, avec gâteaux, de vraies glaces, tables… des thermos de café sont à disposition et pour la modique somme de 3 euros c’est à discrétion. Qui est-ce qui disait que la Norvège était hors de prix ? L’alcool c’est vrai !
Le village est accueillant, chaleureux, il y a de la vie, il se nomme Bleik, 450 habitants, les enfants jouent dehors, font du vélo. Ils descendent la route en pente devant le Joker et remontent pour recommencer. Je me souviens… c’était il y a 60 ans à Damprichard. Oh là là comme c’est loin ! Nous descendions la rue très en pente devant l’usine Marguet, nous étions en luges de bois, les patins étaient ferraillés. Il fallait s’arrêter avant d’atterrir dans les magnifiques cuves de cuivre de la fromagerie. À cette époque là, il y avait encore de vrais hivers. Ici en Norvège il y a encore de vrais hivers même si le réchauffement est palpable.
Après deux heures de temps passées sur la terrasse, je flâne, je parcours le village, j’apprécie d’être là et tombe sur de magnifiques plages de sable blanc. Un endroit idyllique, paradisiaque ! J’installe ma tente face à l’îlot de Sada, c’est le même un peu plus haut et je me baigne dans une eau à 10 degrés et non à 25 ou 30 degrés comme dans l’autre hémisphère. C’est lorsque je commence à avoir vraiment froid aux bras (étonnant !) que je sors.
Je téléphone aux garçons. Ils sont à 100 km sur une autre île et font de la randonnée. Ils pensent trouver un pêcheur demain qui pourra les faire traverser en bateau pour me rejoindre.
Je pars à la pêche. Mon hameçon se coince dans les algues. Ma canne s’arc-boute, mais l’hameçon ne revient pas. Je tire, je secoue… décidément ! Je cherche mon couteau pour couper le fil, plus de couteau… j’essaie de couper le fil avec mes dents, impossible… j’ai appris que face à une impasse il faut s’arrêter, respirer, prendre son temps. Quelques instants après je mouline et l’hameçon jaillit hors de l’eau.
J’arrête !!! Je me rends compte que ce sport est plus compliqué que le vélo. Si par inadvertance je pêche un poisson, comment vais-je l’attraper et le tuer. J’ai posé la question à mes amies, aucune d’entres elles ne se sont adonnées à la pêche, elles pensent qu’il faut le taper au sol. Emiel me disait qu’il fallait lui donner un coup de couteau au milieu du front. Je n’ai qu’un opinel à bout rond que je ne retrouve plus. Je pense que je ne suis pas au bout de mes peines et je crains ne pas pouvoir toucher un poisson vivant. Je vais persévérer. C’est un nouveau défi pour les jours à venir.
J’ai des nouvelles : Jean-Marc a gravi les 2000 marches au dessus de Reine et retourne à une fête Wiking ; l’aimable famille m’a envoyé une photo ils sont déjà au Cap Nord (en voiture) sous un magnifique ciel bleu ; Raphaël et Juan-Carlos avance rapidement, la roue arrière du vélo de Raphaël a été changée à Tromso et deux rennes se sont mis en travers de leur route ; Stéphane est toujours derrière, il n’arrive pas à partir tôt le matin ; les garçons n’ont pas trouvé de bateau, ils doivent faire 150 km et ne partent jamais très tôt ; les Frenchies en Norvège (blog commun) sont devant ils allient la randonnée au vélo. Quant à moi je ne suis pas devant car j’ai décidé de prendre des vacances à Bleik. J’exagère, je n’ai pas un passé de marathonienne et il m’arrive encore de pousser mon vélo.
Mardi 2 août 2022
Jour 80
12 km
«L’avion à Alta m’attendra »
Je jurerais bien comme Émiel ce matin. Il pleut des cordes ! Mes vacances n’ont duré que quelques heures. Je voulais de nouveau me baigner ce matin, retourner au « Joker bistrot du village », pêcher depuis le port où il n’y avait pas d’algue, me promener dans le village, regarder la vie dans le village, observer les détails des maisons… J’aime les maisons !
Foutu ! C’est foutu !
Il est très fastidieux de tout ranger lorsqu’il pleut. Je réussis à mouiller considérablement mes chaussures avec les multiples, les innombrables perles d’eau déposées sur ma tente qui dégoulinent à mon insu sur celles-ci.
J’ai vu tardivement hier soir une photo de Sarah et Joris, sur le blog, rencontrés sur le pont de Bodo, avec en fond l’îlot de Sada. Ils sont ici eux aussi.
Je pars et à 150 mètres j’avise une tente plantée dans l’herbe avec deux bicyclettes. Depuis le chemin j’appelle, puis je crie Sarah ! Joris !
Il est 8h30 du matin, ils me répondent, c’est bien eux. Je marche une cinquantaine de mètres dans l’herbe haute et sur un sol gorgé d’eau… mes pauvres chaussures ! Elles absorbent tout ce qui était encore possible d’eau. Mais il y a pire, Joris a laissé les siennes dehors et elles sont en partie remplies d’eau. Ils sont surpris de me voir apparaître. Nous sommes contents de nous retrouver, nous n’avions pas eu le temps de vraiment échanger lors de notre précédente rencontre. Lorsque je leur dis que je me suis baignée, je crois lire dans les expressions de Sarah : « Cette grand-mère on ne peut pas la retenir !».
Je fais deux cents mètres et je m’arrête au Joker, je suis la première cliente de la cafétéria. Je suis déjà trempée, rincée. Les vieux briscards du cyclotourisme portent des sandales-velos. Je pense que c’est une excellente solution mais j’ai craint d’avoir froid aux pieds dans le grand nord. Lorsque je m’entraînais cet hiver entre 0 et 4 degrés, mes pieds se gelaient progressivement. Mais ici ce n’est pas l’hiver et je n’ai jamais eu réellement froid aux pieds.
Les retraités d’hier arrivent. Ils sont mieux installés à l’intérieur sur les banquettes et les chaises. Hier certains ont eu des difficultés à s’extirper des bancs attachés aux tables.
L’un d’eux mange un miko, en Norvège on mange des glaces à partir de 9 heures du matin. Moi aussi, Youn aussi. Leurs prénoms sont écrits sur leurs tasses. 49 tasses sont accrochées sur un panneau avec des prénoms. Incroyable ! Ou c’est peut-être un plan sanitaire anti-covid.
Je reste longtemps, j’ai l’impression qu’une bonne partie du village vient à la cafétéria du Joker. J’aime observer !
Sur un panneau dans le village, j’ai pu lire : « Bienvenue à Bleik • Ne tuer que le temps • Ne prenez que des photos • Ne retirez que les déchets • Ne laissez que des empreintes • »
Je peux dire que les habitants de Bleik sont fantastiques un brin fantasques.
Je peux repartir maintenant, j’ai pris mon temps, j’ai respecté les directives.
En sortant du Joker je croise un Italien, il est barbu comme tous les vélosvoyageurs. Il est parti de Milan jusqu’au Cap Nord et il continue sa route jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle.
J’ai prévenu les garçons que j’allais à Andennes. Youn rêve de voir des baleines. Je suis chargée d’aller me renseigner pour un safari-baleines. Il y a des réductions pour les étudiants et les seniors. Je dois donner nos noms, mais je n’ai plus en tête leurs patronymes. Il est plus simple de dire qu’ils sont mes petits-fils et la gentille fille à l’accueil ne me demande que leurs prénoms et leur âge, je dis 20, 21 et 22 ans. Heureusement qu’ils n’étaient pas là, car ils ont trop de barbe pour avoir cet âge-là. En réalité, ils ont 25, 25 et 28 ans. Et on ne met pas en doute la parole d’une grand-mère qui est partie à vélo de Besançon et qui va bientôt arriver au Cap Nord.
Ce n’est pas tout pour la journée. Je croise trois jeunes français Jeremy, Bastien et Thibault dans une pizzeria qui me disent « Vous êtes Jacqueline ? » là encore c’est Gauthier qui a parlé de moi. Jeremy habite à Morteau à 60 km de Besançon. Ils ne font que du camping sauvage. Ils font au minimum 100 km par jour et pour éviter d’avoir les chaussures mouillées Jeremy pédale en tongs. Ils redescendent du Cap Nord et vont au Cap … en Grèce. Ils ont arrêté leur travail pour faire ce voyage. Je leur donne l’information de la nourriture gratuite des Supermarchés. Quant à moi je n’ai jamais pioché la nourriture gratuite.
Il faudrait que je calcule le temps qu’il me faut pour aller au Cap Nord, car cette semaine je prends des vacances. Les garçons arrivent demain soir à Andennes. Jeudi nous partons faire le safari et je vais reprendre la route vendredi.
Tout va bien ! Mes chaussures et mes vêtements sèchent dans le petit chalet confortable au fond du jardin d’un particulier. Il est prévu pour cinq personnes pour la modique somme de 500 couronnes. Les prix sont donc tout à fait abordables en Norvège.
Et le ciel est redevenu bleu.
Jour 80
12 km
«L’avion à Alta m’attendra »
Je jurerais bien comme Émiel ce matin. Il pleut des cordes ! Mes vacances n’ont duré que quelques heures. Je voulais de nouveau me baigner ce matin, retourner au « Joker bistrot du village », pêcher depuis le port où il n’y avait pas d’algue, me promener dans le village, regarder la vie dans le village, observer les détails des maisons… J’aime les maisons !
Foutu ! C’est foutu !
Il est très fastidieux de tout ranger lorsqu’il pleut. Je réussis à mouiller considérablement mes chaussures avec les multiples, les innombrables perles d’eau déposées sur ma tente qui dégoulinent à mon insu sur celles-ci.
J’ai vu tardivement hier soir une photo de Sarah et Joris, sur le blog, rencontrés sur le pont de Bodo, avec en fond l’îlot de Sada. Ils sont ici eux aussi.
Je pars et à 150 mètres j’avise une tente plantée dans l’herbe avec deux bicyclettes. Depuis le chemin j’appelle, puis je crie Sarah ! Joris !
Il est 8h30 du matin, ils me répondent, c’est bien eux. Je marche une cinquantaine de mètres dans l’herbe haute et sur un sol gorgé d’eau… mes pauvres chaussures ! Elles absorbent tout ce qui était encore possible d’eau. Mais il y a pire, Joris a laissé les siennes dehors et elles sont en partie remplies d’eau. Ils sont surpris de me voir apparaître. Nous sommes contents de nous retrouver, nous n’avions pas eu le temps de vraiment échanger lors de notre précédente rencontre. Lorsque je leur dis que je me suis baignée, je crois lire dans les expressions de Sarah : « Cette grand-mère on ne peut pas la retenir !».
Je fais deux cents mètres et je m’arrête au Joker, je suis la première cliente de la cafétéria. Je suis déjà trempée, rincée. Les vieux briscards du cyclotourisme portent des sandales-velos. Je pense que c’est une excellente solution mais j’ai craint d’avoir froid aux pieds dans le grand nord. Lorsque je m’entraînais cet hiver entre 0 et 4 degrés, mes pieds se gelaient progressivement. Mais ici ce n’est pas l’hiver et je n’ai jamais eu réellement froid aux pieds.
Les retraités d’hier arrivent. Ils sont mieux installés à l’intérieur sur les banquettes et les chaises. Hier certains ont eu des difficultés à s’extirper des bancs attachés aux tables.
L’un d’eux mange un miko, en Norvège on mange des glaces à partir de 9 heures du matin. Moi aussi, Youn aussi. Leurs prénoms sont écrits sur leurs tasses. 49 tasses sont accrochées sur un panneau avec des prénoms. Incroyable ! Ou c’est peut-être un plan sanitaire anti-covid.
Je reste longtemps, j’ai l’impression qu’une bonne partie du village vient à la cafétéria du Joker. J’aime observer !
Sur un panneau dans le village, j’ai pu lire : « Bienvenue à Bleik • Ne tuer que le temps • Ne prenez que des photos • Ne retirez que les déchets • Ne laissez que des empreintes • »
Je peux dire que les habitants de Bleik sont fantastiques un brin fantasques.
Je peux repartir maintenant, j’ai pris mon temps, j’ai respecté les directives.
En sortant du Joker je croise un Italien, il est barbu comme tous les vélosvoyageurs. Il est parti de Milan jusqu’au Cap Nord et il continue sa route jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle.
J’ai prévenu les garçons que j’allais à Andennes. Youn rêve de voir des baleines. Je suis chargée d’aller me renseigner pour un safari-baleines. Il y a des réductions pour les étudiants et les seniors. Je dois donner nos noms, mais je n’ai plus en tête leurs patronymes. Il est plus simple de dire qu’ils sont mes petits-fils et la gentille fille à l’accueil ne me demande que leurs prénoms et leur âge, je dis 20, 21 et 22 ans. Heureusement qu’ils n’étaient pas là, car ils ont trop de barbe pour avoir cet âge-là. En réalité, ils ont 25, 25 et 28 ans. Et on ne met pas en doute la parole d’une grand-mère qui est partie à vélo de Besançon et qui va bientôt arriver au Cap Nord.
Ce n’est pas tout pour la journée. Je croise trois jeunes français Jeremy, Bastien et Thibault dans une pizzeria qui me disent « Vous êtes Jacqueline ? » là encore c’est Gauthier qui a parlé de moi. Jeremy habite à Morteau à 60 km de Besançon. Ils ne font que du camping sauvage. Ils font au minimum 100 km par jour et pour éviter d’avoir les chaussures mouillées Jeremy pédale en tongs. Ils redescendent du Cap Nord et vont au Cap … en Grèce. Ils ont arrêté leur travail pour faire ce voyage. Je leur donne l’information de la nourriture gratuite des Supermarchés. Quant à moi je n’ai jamais pioché la nourriture gratuite.
Il faudrait que je calcule le temps qu’il me faut pour aller au Cap Nord, car cette semaine je prends des vacances. Les garçons arrivent demain soir à Andennes. Jeudi nous partons faire le safari et je vais reprendre la route vendredi.
Tout va bien ! Mes chaussures et mes vêtements sèchent dans le petit chalet confortable au fond du jardin d’un particulier. Il est prévu pour cinq personnes pour la modique somme de 500 couronnes. Les prix sont donc tout à fait abordables en Norvège.
Et le ciel est redevenu bleu.
Voici les fameuses crêpes en forme de cœur, très bonnes et on ajoute confiture, crème et beurre. J’ai un peu exagéré les doses.
Mercredi 3 août 2022
Jour 81
28 km
«Le village fantôme de Nyksund »
Visite d’Andenes de son phare…
Les Garçons arrivent en milieu d’après-midi.
Ces derniers jours ils ont fait un grand détour pour aller au village fantôme de Nyksund situé sur une presqu’île au nord de Langoya. Ce sont piste de terre et digues qui permettent d’arriver au village. C’est un ancien port de pêche abandonné au début des années 1970, concurrencé par Myre. Le gouvernement a décidé de déplacer les habitants en échange d’une prime, il leur était interdit de revenir à Nyksund pendant 30 ans. Seul le forgeron y demeura… jusqu’à sa mort. C’est un Allemand passionné qui y débarqua par hasard et initia de nombreux chantiers de restauration. Depuis sa mort les 20 habitants permanents continuent de redonner vie au village. Le « port fantôme » ne l’est plus tout à fait.
Les Garçons me racontent cette histoire…
J’aime l’histoire de Nyksund !
et je vais pouvoir enfin faire mon apprentissage de pêcheuse.
Je reste en hauteur sur les rochers. Le noeud de mon hameçon se détache et l’hameçon disparaît dans la mer. Peu après j’entends un drôle de bruit lors de mon lancer… j’ai cassé le fil… plus de hameçon de nouveau. Youn vient à mon aide et nous entendons crier Emiel. L’un des trois maquereaux qu’ils ont pêchés a disparu. Nous apercevons l’objet du délit, c’est une toute petite martre, fouine… ? Le poisson est plus gros qu’elle ! Elle tentera ensuite de prendre les autres que nous mettrons en sécurité. Pour terminer, les Garçons pêchent trois maquereaux et moi …. Rien de rien ! Trois poissons nous suffisent puisque Ewen n’en mange pas.
Le petit apéritif pris sur la terrasse du chalet nous vaut une attaque de midges… une nuée de midges. Les garçons se sont achetés les chapeaux appropriés, j’ai dans mes bagages une minuscule moustiquaire de tête.
J’aime bien leurs chapeaux ! Boire et manger avec nos moustiquaires n’est pas très pratique. Soirée très agréable autour d’un bon repas de poissons et d’excellentes pomme de terre gratuites cuisinées par Ewen.
Seuls les moustiques et les midges viendront perturber notre nuit.
Néanmoins nos entraînements quotidiens nous font dormir comme des bienheureux !
Jeudi 4 août 2022
Jour 82
10 km et beaucoup en bateau
«Le safari baleine à Andenes »
Lors de la conférence intéressante sur les baleines, vivante et avec de nombreuses données scientifiques, Youn ne pu s’empêcher de poser sa question, il eut sa réponse : entre 2,50 mètres et 3 mètres et pour les autres éléments : de 50 à 100 kg, ce qui valut quelques sourires et gloussements.
Nous sommes ensuite partis au loin à la recherche des baleines. Trois baleines nous firent honneur ! Nous étions assez proches. On voyait leur souffle, puis une dizaine de mn après, le spectacle était là lorsqu’elles ont plongé !!!
Mais j’aime bien la pêche aux maquereaux, le bénéfice secondaire est de ne pas avoir le mal de mer.
Jour 82
10 km et beaucoup en bateau
«Le safari baleine à Andenes »
Lors de la conférence intéressante sur les baleines, vivante et avec de nombreuses données scientifiques, Youn ne pu s’empêcher de poser sa question, il eut sa réponse : entre 2,50 mètres et 3 mètres et pour les autres éléments : de 50 à 100 kg, ce qui valut quelques sourires et gloussements.
Nous sommes ensuite partis au loin à la recherche des baleines. Trois baleines nous firent honneur ! Nous étions assez proches. On voyait leur souffle, puis une dizaine de mn après, le spectacle était là lorsqu’elles ont plongé !!!
Mais j’aime bien la pêche aux maquereaux, le bénéfice secondaire est de ne pas avoir le mal de mer.
Vendredi 5 août 2022
Jour 83
96 km
« Une victoire aujourd’hui ! »
Nous quittons les Westeralen après avoir traversé les Lofoten. Îles magnifiques sur lesquelles on peut admirer les paysages, faire de la randonnée, de l’escalade ou simplement les traverser pour les cyclovoyageurs du Cap Nord. J’ai séjourné 14 jours dans ces îles : 56 000 habitants pour les Lofoten et les Vesteralen ; majesté des paysages ; infinie beauté des fjords, étonnante couleur des eaux ; longueur des plages ; charme des cabanes de pêcheurs sur pilotis (rorbuer) ; morue ; multitude de ponts pour relier les différentes îles ; effrayant tunnel à vélo entre l’île de Vestvagoy et Flakstadoy ; baleines…
Nous nous rendons au ferry-route pour l’île de Senja. En quelques minutes nous y arrivons poussés par un vent violent, ainsi la pluie ne nous cingle pas le visage. Nous sommes totalement trempés et nous aurons froid durant la traversée.
J’ai appris aussi depuis que je suis en Norvège qu’une journée peut représenter les quatre saisons. Le temps change sans crier gare.
L’étape d’aujourd’hui est longue et difficile car le dénivelé est important. Des travaux allongent encore l’étape.
J’obtiens une petite victoire aujourd’hui, je ne pose pas le pied au sol, je pédale jusqu’au sommet de chaque côte.
Il me reste encore quelques jours d’entraînement, je décide que je prendrai à vélo l’impressionnant tunnel sous-marin reliant le continent à l’île du Cap Nord.
Certes ce sera difficile, il descend au fond de la mer puis il remonte sur une longueur de 7 ou 9 km, personne (ceux qui reviennent du Cap Nord) ne dit la même chose et personne ne sait si il y a un trottoir !
Je le prendrai la nuit, celle qui n’existe pas ici, mais elle sera là certainement au fond du tunnel, j’éviterai la circulation et aussi la pollution par les gaz d’échappement car vraisemblablement je devrai pousser mon vélo pour remonter et je resterai trop longtemps sous la mer dans ce tunnel.
Ils se sont arrêtés boire un café au village de … à la sortie du ferry. Ils ont rencontre Andi, Allemand, à Egun, il fait route avec eux maintenant. Quant à moi je pars avant eux, je m’arrête rarement, j’arrive bien après eux. À chacun son rythme !
Ils m’ont rattrapée, je les entendais m’appeler au loin.
Ils m’ont rattrapée, je les entendais m’appeler au loin.
Samedi 6 août 2022
Jour 84
86 km dont quelques uns en ferry-route
« Deux étoiles »
Je pars bien avant les quatre garçons. J’ai une heure trente devant moi pour prendre le ferry à l’heure et je dois faire onze kilomètres, je dois être prévoyante car si toutefois il y a des côtes…
J’arrive bien en avance ce qui ne sera pas le cas pour mes quatre coéquipiers, ils entreront après les voitures, juste à temps.
En attendant le départ, un jeune Hollandais vient discuter avec moi et m’offre un café. Il circule avec sa voiture et fait du camping sauvage. Lorsqu’il apprend que j’ai fait presque 6 500 kilomètres, il rit, il s’exclame, il lève les bras au ciel comme la plupart depuis quelque temps qui veulent en savoir un peu plus sur moi.
Pour moi aussi cela me semble incroyable ! J’ai l’impression que la traversée des autres pays, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, faisait partie d’un autre voyage.
Je fais quelques côtes à pied car je discute au téléphone avec Caroline et Gaël qui partent en vacances, puis avec Nadine. Je ne peux pas parler et grimper les côtes en même temps.
Puis je pense !
Je n’ai jamais eu, au cours de ma vie, autant de temps pour penser.
Je suis dans le calme. Je ne suis que dans l’observation des paysages . Mes pensées vagabondent et je me souviens…
Je me souviens d’eux. Ils avaient onze ans. Ils étaient inséparables. C’était une gamine et un gamin incroyablement vivants. Claude était un vrai « garçon manqué » , malicieuse, espiègle, indomptable par mes parents. Ils l’ont donc laissée tranquille.
Ils grimpaient aux arbres, Dédé avait un vélo ce qui était exceptionnel dans le village, il le prêtait à Claude. Ils faisaient de la luge ensemble, à toute vitesse, dans la côte au-dessus de la fromagerie.
Ils n’avaient qu’une hâte, se retrouver après l’école car à cette époque-là les écoles n’étaient pas mixtes à Damprichard.
Ils s’étaient fait le serment qu’ils ne se sépareraient jamais.
Leur grand bonheur prit fin, trop rapidement, beaucoup trop tôt dans leur jeune vie.
Dédé à vélo, fut fauché par une des rares voitures traversant le village à cette époque là. Il disparut laissant Claude dans un chagrin incommensurable pendant longtemps.
Ils avaient 11 ans, ils avaient connu un rare bonheur aussi jeunes.
C’était deux étoiles ces deux enfants là ! L’une s’est éteinte en 1967.
Claude a gardé cette étincelle, elle est devenue une femme rayonnante, pétillante, remarquable. Elle s’est éteinte aussi en 2019, nous laissant inconsolables. Claude était ma sœur.
Quelle chance qu’elle ait partagé nos vies !
Puis les garçons sont là ! En haut d’une côte, ils repartent de leur arrêt pique-nique. Ils me voient avant que je ne les vois. Ils m’appellent, ils m’attendent. Ils prennent soin de moi. Ils veulent que je déjeune mais je n’ai pas faim, j’ai un peu mangé en pédalant.
Ils repartent, tous devant et moi derrière. Nous allons nous retrouver à Tromso, la grande ville de 75 600 habitants très animée à une telle latitude. Tromso occupe une petite île longue coincée entre la côte et la grosse île de Kvaloya qui la protège, reliée à chacune d’elle par un magnifique pont en dos d’âne…
En arrivant à Tromso par une belle descente à 15 %, quelqu’un m’appelle : « Eh Jacqueline ! Tu ne t’arrêtes plus ! » c’est Stephane. Quelle coïncidence ! Il est bloqué quelques jours ici car il a cassé la jante arrière de son vélo.
Les garçons vont faire la fête ce soir, cette nuit, ils vont m’emmener avec eux.
Jour 84
86 km dont quelques uns en ferry-route
« Deux étoiles »
Je pars bien avant les quatre garçons. J’ai une heure trente devant moi pour prendre le ferry à l’heure et je dois faire onze kilomètres, je dois être prévoyante car si toutefois il y a des côtes…
J’arrive bien en avance ce qui ne sera pas le cas pour mes quatre coéquipiers, ils entreront après les voitures, juste à temps.
En attendant le départ, un jeune Hollandais vient discuter avec moi et m’offre un café. Il circule avec sa voiture et fait du camping sauvage. Lorsqu’il apprend que j’ai fait presque 6 500 kilomètres, il rit, il s’exclame, il lève les bras au ciel comme la plupart depuis quelque temps qui veulent en savoir un peu plus sur moi.
Pour moi aussi cela me semble incroyable ! J’ai l’impression que la traversée des autres pays, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, faisait partie d’un autre voyage.
Je fais quelques côtes à pied car je discute au téléphone avec Caroline et Gaël qui partent en vacances, puis avec Nadine. Je ne peux pas parler et grimper les côtes en même temps.
Puis je pense !
Je n’ai jamais eu, au cours de ma vie, autant de temps pour penser.
Je suis dans le calme. Je ne suis que dans l’observation des paysages . Mes pensées vagabondent et je me souviens…
Je me souviens d’eux. Ils avaient onze ans. Ils étaient inséparables. C’était une gamine et un gamin incroyablement vivants. Claude était un vrai « garçon manqué » , malicieuse, espiègle, indomptable par mes parents. Ils l’ont donc laissée tranquille.
Ils grimpaient aux arbres, Dédé avait un vélo ce qui était exceptionnel dans le village, il le prêtait à Claude. Ils faisaient de la luge ensemble, à toute vitesse, dans la côte au-dessus de la fromagerie.
Ils n’avaient qu’une hâte, se retrouver après l’école car à cette époque-là les écoles n’étaient pas mixtes à Damprichard.
Ils s’étaient fait le serment qu’ils ne se sépareraient jamais.
Leur grand bonheur prit fin, trop rapidement, beaucoup trop tôt dans leur jeune vie.
Dédé à vélo, fut fauché par une des rares voitures traversant le village à cette époque là. Il disparut laissant Claude dans un chagrin incommensurable pendant longtemps.
Ils avaient 11 ans, ils avaient connu un rare bonheur aussi jeunes.
C’était deux étoiles ces deux enfants là ! L’une s’est éteinte en 1967.
Claude a gardé cette étincelle, elle est devenue une femme rayonnante, pétillante, remarquable. Elle s’est éteinte aussi en 2019, nous laissant inconsolables. Claude était ma sœur.
Quelle chance qu’elle ait partagé nos vies !
Puis les garçons sont là ! En haut d’une côte, ils repartent de leur arrêt pique-nique. Ils me voient avant que je ne les vois. Ils m’appellent, ils m’attendent. Ils prennent soin de moi. Ils veulent que je déjeune mais je n’ai pas faim, j’ai un peu mangé en pédalant.
Ils repartent, tous devant et moi derrière. Nous allons nous retrouver à Tromso, la grande ville de 75 600 habitants très animée à une telle latitude. Tromso occupe une petite île longue coincée entre la côte et la grosse île de Kvaloya qui la protège, reliée à chacune d’elle par un magnifique pont en dos d’âne…
En arrivant à Tromso par une belle descente à 15 %, quelqu’un m’appelle : « Eh Jacqueline ! Tu ne t’arrêtes plus ! » c’est Stephane. Quelle coïncidence ! Il est bloqué quelques jours ici car il a cassé la jante arrière de son vélo.
Les garçons vont faire la fête ce soir, cette nuit, ils vont m’emmener avec eux.
Ewen qui voulait apprendre à jouer de l’accordéon. Il le transporte juste pour le plaisir. Ces multiples livres sont presque tous lus.
Samedi 6 août 2022
Jour 84
10 km
« La fête à Tromso »
Après avoir bu d’excellents gins toniques au camping, nous rejoignons la ville à vélo en empruntant le magnifique pont en dos d’âne.
Les garçons ont repéré un café installé dans un ancien cinéma. Le lieu est magnifique resté dans son esprit original.
Ensuite c’est un pub qui nous accueille pour un shooter à la menthe. Les garçons ont envie de danser, nous voici donc repartis à la recherche d’un lieu qu’ils trouvent. Néanmoins les choses se compliquent. Les vigiles estiment qu’ils sont trop alcoolisés. Les garçons sont pourtant calmes, tranquilles, je ne sais donc sur quels critères les vigiles jugent ce fait. Nous repartons dans le bar qui ressemblait à un pub et là encore, la fille derrière le comptoir refuse de nous resservir un verre. Décidément ! Alors qu’elle nous avait servi peu avant.
Les cafés ne sont pas vraiment bondés mais il y a du monde en ville. Un monde fou ! Les gens sont éméchés. Il est dit qu’en Norvège les fins de semaine sont bien arrosés. Les taxis sont là ! Ils attendent ! La police aussi ! Une ambulance stationne, certainement pour les comas éthyliques. Mais certainement pas pour nous les recalés des bars de Tromso, les cyclistes pour le Cap Nord partis de si loin.
Ewen et moi décidons de rentrer. Il n’est pas très tard, il est deux heures du matin. Nous repartons à vélo, pas besoin de taxi pour nous.
Puis c’est le bouquet final ! Nous décidons en passant devant un « Café, Bar, Music » situé sur le port de nous y arrêter avant de rentrer réellement. Là encore nous nous faisons rejeter car nous n’avons pas de tampon. Il semble qu’il est trop tard pour de nouveaux clients. Ewen plaide notre cause mais il n’y a rien à faire. Les vigiles sont inflexibles et même assez désagréables. Ils n’ont pas le calme et la gentillesse des Norvégiens. Nous repartons sur nos vélos et Ewen me dit : « fais-leur ça aussi ! » Il lève le bras et un doigt dans un geste grossier.
Je me souviens d’une histoire, c’était il y a fort longtemps à l’école Champront. Une jolie petite école au centre-ville de Besançon au bord du Doubs. Je me suis retournée et je vis Jules avec ce doigt levé en ma direction et me dire : « Maîtresse je me suis trompé de doigt ! » Il avait six ans et c’était un enfant bien élevé.
Je ne sais pas si je me suis trompée de doigt, mais je fis ce qu’Ewen me demandait. Nos bras levés et dans ce geste vulgaire, indélicat, nous nous sommes retournés. Les vigiles nous regardaient.
J’ai compris à cet instant que s’ils ne savaient pas qui nous étions, ils le comprirent à ce moment-là. Seuls des Français pouvaient avoir cette attitude. Un peuple de latins, vivants, revendicatifs, révolutionnaires, généreux, francs, expressifs.
Ewen le garçon de 25 ans et moi la dame respectable de Besançon, de 68 ans, ancienne directrice d’école de l’Education Nationale Française, nous partîmes pédalant et heureux, virevoltant sur nos bécanes trop légères, soulagées du poids considérable que nous leur faisons porter.
Nous vîmes, au bas du pont et devant la Cathédrale arctique le point d’orgue de notre soirée, un ciel rouge somptueux, sublime ce que les trois autres garçons ne virent pas car ils continuèrent la fête, acceptés ou ils allèrent ensuite.
Jour 84
10 km
« La fête à Tromso »
Après avoir bu d’excellents gins toniques au camping, nous rejoignons la ville à vélo en empruntant le magnifique pont en dos d’âne.
Les garçons ont repéré un café installé dans un ancien cinéma. Le lieu est magnifique resté dans son esprit original.
Ensuite c’est un pub qui nous accueille pour un shooter à la menthe. Les garçons ont envie de danser, nous voici donc repartis à la recherche d’un lieu qu’ils trouvent. Néanmoins les choses se compliquent. Les vigiles estiment qu’ils sont trop alcoolisés. Les garçons sont pourtant calmes, tranquilles, je ne sais donc sur quels critères les vigiles jugent ce fait. Nous repartons dans le bar qui ressemblait à un pub et là encore, la fille derrière le comptoir refuse de nous resservir un verre. Décidément ! Alors qu’elle nous avait servi peu avant.
Les cafés ne sont pas vraiment bondés mais il y a du monde en ville. Un monde fou ! Les gens sont éméchés. Il est dit qu’en Norvège les fins de semaine sont bien arrosés. Les taxis sont là ! Ils attendent ! La police aussi ! Une ambulance stationne, certainement pour les comas éthyliques. Mais certainement pas pour nous les recalés des bars de Tromso, les cyclistes pour le Cap Nord partis de si loin.
Ewen et moi décidons de rentrer. Il n’est pas très tard, il est deux heures du matin. Nous repartons à vélo, pas besoin de taxi pour nous.
Puis c’est le bouquet final ! Nous décidons en passant devant un « Café, Bar, Music » situé sur le port de nous y arrêter avant de rentrer réellement. Là encore nous nous faisons rejeter car nous n’avons pas de tampon. Il semble qu’il est trop tard pour de nouveaux clients. Ewen plaide notre cause mais il n’y a rien à faire. Les vigiles sont inflexibles et même assez désagréables. Ils n’ont pas le calme et la gentillesse des Norvégiens. Nous repartons sur nos vélos et Ewen me dit : « fais-leur ça aussi ! » Il lève le bras et un doigt dans un geste grossier.
Je me souviens d’une histoire, c’était il y a fort longtemps à l’école Champront. Une jolie petite école au centre-ville de Besançon au bord du Doubs. Je me suis retournée et je vis Jules avec ce doigt levé en ma direction et me dire : « Maîtresse je me suis trompé de doigt ! » Il avait six ans et c’était un enfant bien élevé.
Je ne sais pas si je me suis trompée de doigt, mais je fis ce qu’Ewen me demandait. Nos bras levés et dans ce geste vulgaire, indélicat, nous nous sommes retournés. Les vigiles nous regardaient.
J’ai compris à cet instant que s’ils ne savaient pas qui nous étions, ils le comprirent à ce moment-là. Seuls des Français pouvaient avoir cette attitude. Un peuple de latins, vivants, revendicatifs, révolutionnaires, généreux, francs, expressifs.
Ewen le garçon de 25 ans et moi la dame respectable de Besançon, de 68 ans, ancienne directrice d’école de l’Education Nationale Française, nous partîmes pédalant et heureux, virevoltant sur nos bécanes trop légères, soulagées du poids considérable que nous leur faisons porter.
Nous vîmes, au bas du pont et devant la Cathédrale arctique le point d’orgue de notre soirée, un ciel rouge somptueux, sublime ce que les trois autres garçons ne virent pas car ils continuèrent la fête, acceptés ou ils allèrent ensuite.
Dimanche 7 août 2022
Jour 85
12 km
« Visite de la ville de Tromso »
Après une longue nuit, je m’extirpe de ma tente. C’est le milieu de l’après-midi.
Le sensible et intellectuel Ewen est à l’abri dans sa tente . Il restera toute la journée plongé dans sa lecture.
Les trois autres garçons sont déjà partis en ville visiter le Polar Museet (musée Polaire) mais c’est trop tard pour moi.
Je rejoins la ville à vélo et je visite cette jolie ville.
La Storgata (rue principale), commerçante est en partie piétonne, bordée d’anciennes maisons en bois colorées.
Installée sur la terrasse de l’excellente bakeri de Tromso je hèle Paul. Il vient de faire ses 20 derniers kilomètres avec une pédale cassée. Dans quelques jours il rentrera chez lui en Écosse. Nos rencontres sont toujours un plaisir. Nous sommes sur les mêmes courants de pensées ce qui rend la discussion aisée. Lorsque je lui raconte nos mésaventures de la nuit, il rit en me disant : « Donc, cette ville est ouvertement un peu une ville de fête. Je suppose que vous devriez aller dans un endroit plus calme où les enfants peuvent jouer sur des balançoires ». Il me dit aussi qu’il aimerait connaître le français pour pouvoir vraiment échanger avec moi. Il a été pour moi un vrai compagnon de voyage par intermittence.
C’est au tour de Stéphane de passer devant nous. Il s’est transformé en randonneur en attendant la réparation de son vélo. Son voyage à vélo s’arrête à Tromso, il pense repartir au sud visiter les fjords. Il me propose de faire avec lui sa randonnée de plusieurs jours. Je décline son invitation car je ne fais pas de randonnée. Les sentiers me paraissent trop glissants dans la montagne norvégienne et je préfère me rendre tranquillement au Cap Nord à vélo.
Puis les garçons arrivent. Décidément ! Cette bakeri est située à un carrefour de la rue principale. Ils cherchent le bowling pour terminer leur fin d’après-midi.
Ensuite je m’installe dans un pub pour écrire mon carnet, j’ai du retard. Il pleut des cordes. Plusieurs femmes et hommes sont là aussi, ils regardent un match de foot à la télévision. Ils sortent de leur réserve naturelle, ils s’exclament, ils gesticulent en s’écriant lorsque le but est marqué. Je peux dire qu’il y a de l’ambiance.