L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.
64 jours
5613km
+19281m
/ -19251m
L'irlande ! La Verte Érin... aux paysages verdoyants. République d’Irlande, Irlande du Nord, voilà mon projet de cette année 2025 pour un tour complet de trois mille kilomètres auquel il faudra ajouter ma traversée de la France de Roscoff à Besançon : mille-cinq-cents kilomètres.
Partir seule à vélo pour faire le tour de France, rallier Saint-Nazaire à la mer Noire ou encore pédaler de Besançon jusqu’au cap Nord, ce n’est pas simplement admirer des paysages, des villes, des musées et goûter à de nouvelles saveurs. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres cultures, de plonger dans des traditions inconnues et, peut-être plus que tout, d’apprendre à se connaître soi-même.
Partir seule à vélo pour faire le tour de France, rallier Saint-Nazaire à la mer Noire ou encore pédaler de Besançon jusqu’au cap Nord, ce n’est pas simplement admirer des paysages, des villes, des musées et goûter à de nouvelles saveurs. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres cultures, de plonger dans des traditions inconnues et, peut-être plus que tout, d’apprendre à se connaître soi-même.
Activité :
vélo de randonnée
Statut :
en cours
Distance :
5613km
DATE :
02/07/2025
Durée :
64 jours
Dénivelées :
+19281m
/ -19251m
Alti min/max :
0m/550m
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
ferry
Mise à jour section : 11 sept.
153km
Dénivelées section :
-6m
4m/7m
Jeudi 7 août – 37e jour
81 km / 781 m
(Annagary) Gaoth, Dobhair, Croly, Glen
Il a continué à pleuvoir une bonne partie de la nuit. Le vent violent a secoué ma tente dans tous les sens, ce qui a eu pour effet d’enlever une attache à une sardine. La pluie s’est infiltrée entre le tapis supplémentaire et le tapis de sol de la tente
le mouillant considérablement. J’ai l’impression que « mon lit » est humide. Si un petit vent est présent ce soir, cela séchera.
Le tracé sur l’application de l’Eurovelo1 indique que je vais parcourir de longs kilomètres sur la nationale. Je me suis habituée aux voitures filant à quatre-vingts voire cent kilomètres à l’heure. Je réussis à garder une cadence rapide. Un compte à rebours indique sur un panneau au logo de vélo, les kilomètres qui restent à parcourir : six, puis cinq… est-ce pour encourager les cyclistes ou informer les automobilistes ? Toutes mes alertes de sécurité sont placées : gilet jaune, drapeau jaune, éclairage de la bicyclette, tout cela comme d’habitude, mais aussi un éclairage additionnel très puissant accroché sur une sacoche arrière.
Plus qu’un kilomètre et je vais bifurquer à droite pour rejoindre le Glenveagh National Parc. Lorsque vous êtes à gauche et qu’il faut tourner à droite et traverser une nationale sur laquelle les voitures roulent à cent kilomètres à l’heure, eh bien c’est sportif. Il faut descendre de son vélo et courir du mieux possible entre les passages des voitures qui roulent derrière vous et celles qui arrivent en face. C’est fait ! Ouf !
Un peu plus loin… je bifurque à nouveau à gauche. Ma route ne m’entraîne pas au Parc de Glenveagh.
Et je grimpe et je pousse la bicyclette et une bruine m’indique que je dois, à toute vitesse, me couvrir de mes vêtements étanches. J’extirpe rapidement de la sacoche veste, pantalon et sur-casque. Ce n’était qu’une alerte car quelques kilomètres plus loin je dois retirer cet équipement.
Après avoir atteint un vaste plateau, je me retrouve encerclée de montagnes. Ni habitation ni élevage ne viennent infléchir l’ordre établi par les montagnes.
Je suis au pied du mont Errigal culminant à une altitude de sept-cent-quarante-neuf mètres. C'est le sommet le plus élevé des montagnes de Derryveagh dans le Nord-Ouest de l'Irlande. C’est la montagne la plus escarpée et la plus élevée des Seven Sisters. Ce massif constitue la majeure partie des terres du Donegal avec la plus basse concentration de population de toute l’île. Je suis seule au monde. Pour combien de temps ?
Un passage entre deux montagnes m’indique que je suis bientôt tirée d’affaire. Mais pas du tout. Je dois repartir de plus belle enveloppée des montagnes de Derryveagh. Certaines sont parfois emmitouflées dans les nuages. Ces derniers font quelques tentatives d’approche sans y parvenir.
À d’autres moments le vent reprend sa course, toujours en me poussant. Quelle chance !
Les panneaux de l’EuroVelo1 sont toujours bien présents. Plantés régulièrement, ils m’indiquent le chemin.
Ce tracé de l’Eurovelo1 Irlandais est difficile, mais ô combien intéressant. Parfois il est interdit aux véhicules, mis à part les riverains. Il m’entraîne depuis le début du voyage dans des sites exceptionnels, grandioses. Ils alternent entre villes, villages, campagne, montagne, îles, la côte atlantique.
Quelle chance de parcourir le monde de cette façon et de rencontrer une population sympathique, conviviale et chaleureuse !
Durant ces longues heures et si peu de kilomètres affichés au compteur, je n’ai croisé que trois voitures, un cycliste et un coureur aussi surpris que moi par nos apparitions respectives dans ce monde magique.
Puis apparaît la mer au loin entre les montagnes et voilà qu’un virage me ramène vers d’autres monts par un petit col. Une côte abrupte, courte, mais quand même, je dois mobiliser beaucoup de force. Et je ne sais pas ce qui m’attend de l’autre côté ! C’est pareil ! Que des montagnes ! Les panoramas sont magnifiques, c’est toujours grandiose !
Le jeu en vaut bien la chandelle ! Le calme est absolu. Il m’a fallu un mois pour véritablement ressentir ce que peut être le calme intérieur. Juste pédaler ! Simplement marcher ! Ne plus penser à rien ! Observer ! Ressentir !
Puis, progressivement, ma route s’échappe des montagnes. Les dénivelés sont toujours là, mais je me suis rapprochée des côtes de l’Atlantique et surtout d’un camping plus proche que celui que j’avais prévu. Je l’ai repéré grâce à l’application installée par Sylvain. Cette application est vraiment parfaite et remplace à merveille mon GPS détérioré par la pluie et l’humidité. Cependant, il utilise considérablement la batterie de mon téléphone. La solution se trouve dans le panneau solaire ultraléger que possédait Frédéric.
Ravie, j’arrive au camping. Mais il ne m’inspire pas. Toutes les installations sont trop ordonnées, en arcs de cercles, un pour les petites cabines, un autre pour les plus grande
Chalets et encore un autre pour les camping-cars. Exceptionnellement, un restaurant, un bar sont implantés dans le camping.
La réceptionniste vient à ma rencontre. Elle mesure au moins cinquante centimètres de plus que moi. Elle aurait dû rester assise. Je ne sais pourquoi, alors que lorsque j’ai à peu près une taille normale, je parais ridiculement petite.
Je reçois une fin de non-recevoir par la géante : « Non ! Nous n’acceptons pas les tentes ! Et nos cabines sont toutes louées. »
Que vais-je faire ? Au secours Lucie ! Viens ici aussi et avec tes amis motards !
Aucun autre hébergement dans le village. Le camping sauvage est pratiquement impossible. Les routes sont bordées de grillage pour dissuader d’entrer dans les tourbières. Et les champs sont occupés par les moutons et les vaches.
Un panneau m’indique le village de Glen à huit kilomètres. Je vais m’arrêter là !
Glen ! Un tout petit village qui abritait autrefois une école, un bureau de poste et un magasin, ainsi qu'une foire. Aujourd'hui, l'un des rares commerces restants est le pub historique local, à l'origine un shebeen datant du XVIIe siècle. Un shebeen « whisky artisanal » était à l’origine un bar ou un club clandestin où l’on vendait des boissons alcoolisées sans licence.
Franchement, je ne peux pas mieux tomber. Lorsque j’explique au patron que je n’ai pas trouvé d’hébergement, son expression est un peu navrée et en même temps compatissante. Il me demande de le suivre. Nous traversons le pub, puis deux autres pièces occupées par de nombreuses familles. Par des fenêtres, j’aperçois une salle de restaurant.
Le patron m’entraîne dehors, à l’arrière du pub, où se trouve une magnifique terrasse d’extérieure en espaliers, équipées de multiples tables, d’un abri. Il m’informe d’une seule contrainte : « Vous devez attendre vingt-deux heures pour planter votre tente, lorsque les clients seront partis. » Ni douches ni sanitaires, mais peu importe, j’enfile ma robe à paillettes, néanmoins très discrète et me voici pour la seconde fois pénétrant dans le pub.
Deirdre, c’est son prénom, me montre comment il procède pour servir une Guinness. Il remplit quatre-vingts pour cent de la pinte à la pression. Il repose ensuite la pinte et patiente jusqu’à ce que les bulles se stabilisent et que la mousse redescende légèrement. Il reprend la pinte et la remplit à ras-bord avec précaution. Puis il me la tend. Ce sera la bière la moins chère de tout le pays. Je la paierai trois euros.
C’est un pub de village, aux murs couverts de bois foncé décorés d’une multitude de photos, d’affiches de voitures, de tableau des montagnes d’ici et de plaques métal de différentes boissons. Accrochés au plafond du bar, des quantités impressionnantes de billets de banques périmés sont suspendus à des fils. Le restaurant semble réputé au vu du parking rempli de voitures. Quatre plats composent le menu. Dommage, les réservations ne me permettent pas de faire, enfin, un gueuleton.
Voilà comment un désespoir, une crainte de ne pas savoir où dormir, se transforment en moments d’hospitalité, de solidarité et de bienveillance dans un lieu hors du commun.
81 km / 781 m
(Annagary) Gaoth, Dobhair, Croly, Glen
Il a continué à pleuvoir une bonne partie de la nuit. Le vent violent a secoué ma tente dans tous les sens, ce qui a eu pour effet d’enlever une attache à une sardine. La pluie s’est infiltrée entre le tapis supplémentaire et le tapis de sol de la tente
le mouillant considérablement. J’ai l’impression que « mon lit » est humide. Si un petit vent est présent ce soir, cela séchera.
Le tracé sur l’application de l’Eurovelo1 indique que je vais parcourir de longs kilomètres sur la nationale. Je me suis habituée aux voitures filant à quatre-vingts voire cent kilomètres à l’heure. Je réussis à garder une cadence rapide. Un compte à rebours indique sur un panneau au logo de vélo, les kilomètres qui restent à parcourir : six, puis cinq… est-ce pour encourager les cyclistes ou informer les automobilistes ? Toutes mes alertes de sécurité sont placées : gilet jaune, drapeau jaune, éclairage de la bicyclette, tout cela comme d’habitude, mais aussi un éclairage additionnel très puissant accroché sur une sacoche arrière.
Plus qu’un kilomètre et je vais bifurquer à droite pour rejoindre le Glenveagh National Parc. Lorsque vous êtes à gauche et qu’il faut tourner à droite et traverser une nationale sur laquelle les voitures roulent à cent kilomètres à l’heure, eh bien c’est sportif. Il faut descendre de son vélo et courir du mieux possible entre les passages des voitures qui roulent derrière vous et celles qui arrivent en face. C’est fait ! Ouf !
Un peu plus loin… je bifurque à nouveau à gauche. Ma route ne m’entraîne pas au Parc de Glenveagh.
Et je grimpe et je pousse la bicyclette et une bruine m’indique que je dois, à toute vitesse, me couvrir de mes vêtements étanches. J’extirpe rapidement de la sacoche veste, pantalon et sur-casque. Ce n’était qu’une alerte car quelques kilomètres plus loin je dois retirer cet équipement.
Après avoir atteint un vaste plateau, je me retrouve encerclée de montagnes. Ni habitation ni élevage ne viennent infléchir l’ordre établi par les montagnes.
Je suis au pied du mont Errigal culminant à une altitude de sept-cent-quarante-neuf mètres. C'est le sommet le plus élevé des montagnes de Derryveagh dans le Nord-Ouest de l'Irlande. C’est la montagne la plus escarpée et la plus élevée des Seven Sisters. Ce massif constitue la majeure partie des terres du Donegal avec la plus basse concentration de population de toute l’île. Je suis seule au monde. Pour combien de temps ?
Un passage entre deux montagnes m’indique que je suis bientôt tirée d’affaire. Mais pas du tout. Je dois repartir de plus belle enveloppée des montagnes de Derryveagh. Certaines sont parfois emmitouflées dans les nuages. Ces derniers font quelques tentatives d’approche sans y parvenir.
À d’autres moments le vent reprend sa course, toujours en me poussant. Quelle chance !
Les panneaux de l’EuroVelo1 sont toujours bien présents. Plantés régulièrement, ils m’indiquent le chemin.
Ce tracé de l’Eurovelo1 Irlandais est difficile, mais ô combien intéressant. Parfois il est interdit aux véhicules, mis à part les riverains. Il m’entraîne depuis le début du voyage dans des sites exceptionnels, grandioses. Ils alternent entre villes, villages, campagne, montagne, îles, la côte atlantique.
Quelle chance de parcourir le monde de cette façon et de rencontrer une population sympathique, conviviale et chaleureuse !
Durant ces longues heures et si peu de kilomètres affichés au compteur, je n’ai croisé que trois voitures, un cycliste et un coureur aussi surpris que moi par nos apparitions respectives dans ce monde magique.
Puis apparaît la mer au loin entre les montagnes et voilà qu’un virage me ramène vers d’autres monts par un petit col. Une côte abrupte, courte, mais quand même, je dois mobiliser beaucoup de force. Et je ne sais pas ce qui m’attend de l’autre côté ! C’est pareil ! Que des montagnes ! Les panoramas sont magnifiques, c’est toujours grandiose !
Le jeu en vaut bien la chandelle ! Le calme est absolu. Il m’a fallu un mois pour véritablement ressentir ce que peut être le calme intérieur. Juste pédaler ! Simplement marcher ! Ne plus penser à rien ! Observer ! Ressentir !
Puis, progressivement, ma route s’échappe des montagnes. Les dénivelés sont toujours là, mais je me suis rapprochée des côtes de l’Atlantique et surtout d’un camping plus proche que celui que j’avais prévu. Je l’ai repéré grâce à l’application installée par Sylvain. Cette application est vraiment parfaite et remplace à merveille mon GPS détérioré par la pluie et l’humidité. Cependant, il utilise considérablement la batterie de mon téléphone. La solution se trouve dans le panneau solaire ultraléger que possédait Frédéric.
Ravie, j’arrive au camping. Mais il ne m’inspire pas. Toutes les installations sont trop ordonnées, en arcs de cercles, un pour les petites cabines, un autre pour les plus grande
Chalets et encore un autre pour les camping-cars. Exceptionnellement, un restaurant, un bar sont implantés dans le camping.
La réceptionniste vient à ma rencontre. Elle mesure au moins cinquante centimètres de plus que moi. Elle aurait dû rester assise. Je ne sais pourquoi, alors que lorsque j’ai à peu près une taille normale, je parais ridiculement petite.
Je reçois une fin de non-recevoir par la géante : « Non ! Nous n’acceptons pas les tentes ! Et nos cabines sont toutes louées. »
Que vais-je faire ? Au secours Lucie ! Viens ici aussi et avec tes amis motards !
Aucun autre hébergement dans le village. Le camping sauvage est pratiquement impossible. Les routes sont bordées de grillage pour dissuader d’entrer dans les tourbières. Et les champs sont occupés par les moutons et les vaches.
Un panneau m’indique le village de Glen à huit kilomètres. Je vais m’arrêter là !
Glen ! Un tout petit village qui abritait autrefois une école, un bureau de poste et un magasin, ainsi qu'une foire. Aujourd'hui, l'un des rares commerces restants est le pub historique local, à l'origine un shebeen datant du XVIIe siècle. Un shebeen « whisky artisanal » était à l’origine un bar ou un club clandestin où l’on vendait des boissons alcoolisées sans licence.
Franchement, je ne peux pas mieux tomber. Lorsque j’explique au patron que je n’ai pas trouvé d’hébergement, son expression est un peu navrée et en même temps compatissante. Il me demande de le suivre. Nous traversons le pub, puis deux autres pièces occupées par de nombreuses familles. Par des fenêtres, j’aperçois une salle de restaurant.
Le patron m’entraîne dehors, à l’arrière du pub, où se trouve une magnifique terrasse d’extérieure en espaliers, équipées de multiples tables, d’un abri. Il m’informe d’une seule contrainte : « Vous devez attendre vingt-deux heures pour planter votre tente, lorsque les clients seront partis. » Ni douches ni sanitaires, mais peu importe, j’enfile ma robe à paillettes, néanmoins très discrète et me voici pour la seconde fois pénétrant dans le pub.
Deirdre, c’est son prénom, me montre comment il procède pour servir une Guinness. Il remplit quatre-vingts pour cent de la pinte à la pression. Il repose ensuite la pinte et patiente jusqu’à ce que les bulles se stabilisent et que la mousse redescende légèrement. Il reprend la pinte et la remplit à ras-bord avec précaution. Puis il me la tend. Ce sera la bière la moins chère de tout le pays. Je la paierai trois euros.
C’est un pub de village, aux murs couverts de bois foncé décorés d’une multitude de photos, d’affiches de voitures, de tableau des montagnes d’ici et de plaques métal de différentes boissons. Accrochés au plafond du bar, des quantités impressionnantes de billets de banques périmés sont suspendus à des fils. Le restaurant semble réputé au vu du parking rempli de voitures. Quatre plats composent le menu. Dommage, les réservations ne me permettent pas de faire, enfin, un gueuleton.
Voilà comment un désespoir, une crainte de ne pas savoir où dormir, se transforment en moments d’hospitalité, de solidarité et de bienveillance dans un lieu hors du commun.
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Vendredi 8 août - 38e jour
35 km / 481 m
(Annagary) Gaoth Dobhair Croly, Milford, Letterkenny
J’ai des jambes de plomb ce matin. Je n’ai pas le temps de me dérouiller que, d’emblée, j’aborde une côte pour sortir du village. Et ce sera la même configuration de montagnes qu’hier. Heureusement, seulement sur douze kilomètres pour arriver à Milford.
Les patins des freins ne répondent pratiquement plus à mes sollicitations. Les descentes sont suivies de côtes qui me ralentissent.
Puis je suis surprise par une pente abrupte qui m’entraîne trop vite. Point de remontée, mais je remarque un virage en fin de descente.
Je dois absolument m’arrêter, surtout ne pas prendre encore plus de vitesse.
Je tiraille tant et plus les leviers de vitesse. J’essaie de tirer mon guidon à moi. Je suppose que c’est un geste réflexe. Je dois me rendre à l’évidence : les freins ne fonctionnent plus !
Que faire ? Rouler dans le talus herbeux et buissonneux, en espérant que cela freine la bicyclette, au risque que je tombe et me blesse avec les branches ?
Ces réflexions ne durent qu’un quart de seconde. Mon sang ne fait qu’un tour et comme les enfants, je freine avec un pied, ceci me fait zigzaguer, puis avec les deux, ce qui me semble périlleux. Lorsque le vélo ralentit, je me mets à courir avec lui en le retenant avec force, ce qui a pour effet de le freiner considérablement, jusqu’au moment où la selle percute le bas de mon dos et un autre élément du vélo, je ne saurais dire lequel, heurte l’intérieur de ma cuisse. Je ressens de vives douleurs.
Et je m’immobilise… Heureuse d’avoir accompli cet exploit, sans véritablement de dommages, puisque les douleurs disparaîtront aussi vite qu’elles sont apparues.
Je suis à deux kilomètres de Milford. Je pédale sur le plat et dans les côtes. Je marche dans les descentes en retenant mon vélo, ce qui n’est pas un exercice facile.
Je m’informe à la mairie sur les horaires de bus. La secrétaire pense que le bus ne transportera pas la bicyclette et elle téléphone à la compagnie. Je l’entends s’exclamer : « Fantastique ! »
Milford est un joli village. Les maisons sont en pierre de taille ou alors colorées. Je n’ai que vingt minutes avant l’arrivée du bus. Juste le temps de remarquer une fresque entre deux petites maisons de ville. Un grand tableau sur lequel sont dessinés plusieurs hommes avec une pinte à la main. Un tonneau de bière est posé devant eux. Ces hommes, placés de profil, marchent et leur expression démontre une franche rigolade. C’est une représentation qui, par la déformation, l'exagération de détails, tend à ridiculiser ces buveurs de bière. Dorénavant, je pense que je me limiterai à de « smalls » bières !
Le bus arrive en bordure de trottoir. Mon vélo est déchargé et les sacoches bien rangées au sol afin de ne pas affoler le chauffeur. Ce dernier m’aide à charger l’ensemble dans la soute, et c’est parti pour Letterkenny situé à vingt kilomètres.
La veille, Caroline m’a envoyé des patins de freins depuis la France. Je lui ai donné l’adresse du seul magasin de vélo dans la ville. L’acheminement peut mettre de un à six jours. J’attendrai le temps qu’il faudra !
Depuis ce matin, j’observe que je n’ai plus accès aux réseaux Internet.
Le bus me dépose au centre de Letterkenny. Puis je me rends à LK Bike par une piste cyclable, le long de la nationale. Le trafic est intense. De nombreuses grandes voies de circulation encerclent la ville qui a seulement vingt-mille habitants, mais elle est la plus grande du comté de Donegal.
Sans plan et sans internet il est compliqué de trouver une adresse ! J’arrive enfin à LK Bikes.
Le mécanicien pose un jeu de patins noirs sur la selle. Sur l’emballage, je peux lire qu’ils sont compatibles avec les freins hydrauliques sur jantes Magura. Si la bienséance ne me l’interdisait pas, je crierais ma joie.
Uriel, d’origine espagnole, s’empare de la bicyclette et la place sur un support de réparation hydraulique. Voici ce qu’il faudrait à Marianne dont la grossesse avance depuis que nous nous sommes rencontrées à mon passage à Morlaix.
Durant plus d’une demi-heure je vais observer Uriel. Ses gestes sont précis. De multiples manipulations viendront à bout du remplacement des patins. Pour terminer, un réglage de grande finesse est nécessaire.
À mon retour, je devrai apprendre ces gestes ! Je ne peux plus repartir sans savoir réparer les freins de ma bicyclette !
C’est un magasin de vélos d’une marque américaine, celle de mon premier vélo de cyclo-voyageuse. La boutique est un peu feutrée, organisée avec soin et attention.
J’observe, je constate, je reconnais et je félicite Uriel, ce qui a pour effet d’attirer clients et responsable, très calmes au préalable, pour un bon moment d’hilarité. Un client me recherche un camping… plus d’internet pour moi ! Mais il n’y en a pas ! Le responsable ose : « Vous devriez aller au pub ce soir avec Uriel ! » et moi de lui répondre : « En effet, je lui dois bien une Guinness ! Il vient de sauver mon voyage ! Mais je suppose qu’il a mieux à faire que de sortir avec une dame qui pourrait être sa grand-mère ! » Il n’en faut pas plus pour une explosion de rires. Et tous regardent plus attentivement la cycliste que je suis, vêtue de vêtements de vélo, portant des lunettes de soleil et, surtout, arborant un drôle de casque avec la visière remontée.
Je reste persuadée qu’il faut avoir la précision et la dextérité d’Uriel pour réaliser cette mécanique de précision. Je ne le sais pas encore, mais en effet, plus tard et en pensée, je remercierai constamment Uriel pour ses ajustements qui ne se dérégleront jamais au cours de descentes vertigineuses où les freins seront soumis à rudes épreuves.
J’achète aussi un autre jeu de patins que je range précieusement dans la sacoche-outils accrochée à la selle. LK Bike de Letterkenny recevra d’ici quelques jours des patins rouges, envoyés depuis la France. Les meilleurs !
Mon voyage va pouvoir se poursuivre !
La ville, dont on ne compte pas le nombre de Bars & Kitchens et de pubs dans la Grand-rue, me permet de me désaltérer et de me restaurer.
J’ai relevé deux possibilités d’hébergement. Sans internet, je tournicote dans la ville, perdant les repères spéciaux. Pourtant le sens de l’orientation ne me fait pas défaut ordinairement.
Je passe devant un immense hôtel. Voici la solution ! Le prix est déraisonnable ! Je pars en catimini lorsque la réceptionniste, aux cheveux bleus, me délaisse au profit d’autres clients.
Je parviens enfin à la Guest-House recherchée. La maison est imposante avec ses Windows-box, sa véranda vitrée et son jardin très arboré.
Les propriétaires, âgés, sont extrêmement gentils. Ils prennent soin de de moi, rangent mon vélo dans leur garage et me proposent une jolie chambre. Je suis surprise, car ici aussi, une épaisse moquette recouvre l’intégralité des sols.
Je m’aperçois de la perte d’une petite pochette jaune fluo. Je l’ai confectionnée pour qu’elle soit très visible. Elle contient adaptateurs électriques, fils de connexion de certains appareils, notamment pour les éclairages additionnels. Un adaptateur spécifique est indispensable pour les prises irlandaises. J’avais acheté à Sligo un adaptateur universel supplémentaire pour cent-cinquante pays, c’était ce qui était noté sur la boîte, avec deux prises USB.
Depuis plusieurs jours je pensais que je ne devais pas ranger cet adaptateur dans la pochette jaune !
Par chance ma batterie nomade reste équipée des fils pour mon téléphone et d’un jeu de fils pour les phares additionnels.
Les propriétaires, compréhensifs, me donnent un adaptateur avec prise USB.
Hier, je suppose avoir fait tomber cette petite pochette, dans les montagnes, lorsque j’ai retiré avec précipitation les vêtements de pluie.
Je n’aime pas perdre mes affaires. J’ai même horreur de les perdre ! D’ailleurs, j’ai acheté de nouvelles gourdes à LK Bike, car j’ai perdu le bouchon de l’une d’elles !
En principe, je ne possède qu’un exemplaire de chaque objet. Thierry, rencontré il y a plusieurs jours, déteste aussi perdre ses affaires lors de ses voyages à vélo. Thierry le survivant ! Et sa compagne, la patiente Anne-Françoise ! Je raconterai plus tard notre rencontre. Je vais juste préciser que Thierry a refixé solidement la béquille de mon vélo avec d’excellents écrous et a utilisé de bons outils aussi.
Béquille indispensable, sinon je ne peux pas m’arrêter fortuitement, car je peux me blesser en relevant mon vélo de quarante-cinq kilogrammes lorsqu’il est couché.
35 km / 481 m
(Annagary) Gaoth Dobhair Croly, Milford, Letterkenny
J’ai des jambes de plomb ce matin. Je n’ai pas le temps de me dérouiller que, d’emblée, j’aborde une côte pour sortir du village. Et ce sera la même configuration de montagnes qu’hier. Heureusement, seulement sur douze kilomètres pour arriver à Milford.
Les patins des freins ne répondent pratiquement plus à mes sollicitations. Les descentes sont suivies de côtes qui me ralentissent.
Puis je suis surprise par une pente abrupte qui m’entraîne trop vite. Point de remontée, mais je remarque un virage en fin de descente.
Je dois absolument m’arrêter, surtout ne pas prendre encore plus de vitesse.
Je tiraille tant et plus les leviers de vitesse. J’essaie de tirer mon guidon à moi. Je suppose que c’est un geste réflexe. Je dois me rendre à l’évidence : les freins ne fonctionnent plus !
Que faire ? Rouler dans le talus herbeux et buissonneux, en espérant que cela freine la bicyclette, au risque que je tombe et me blesse avec les branches ?
Ces réflexions ne durent qu’un quart de seconde. Mon sang ne fait qu’un tour et comme les enfants, je freine avec un pied, ceci me fait zigzaguer, puis avec les deux, ce qui me semble périlleux. Lorsque le vélo ralentit, je me mets à courir avec lui en le retenant avec force, ce qui a pour effet de le freiner considérablement, jusqu’au moment où la selle percute le bas de mon dos et un autre élément du vélo, je ne saurais dire lequel, heurte l’intérieur de ma cuisse. Je ressens de vives douleurs.
Et je m’immobilise… Heureuse d’avoir accompli cet exploit, sans véritablement de dommages, puisque les douleurs disparaîtront aussi vite qu’elles sont apparues.
Je suis à deux kilomètres de Milford. Je pédale sur le plat et dans les côtes. Je marche dans les descentes en retenant mon vélo, ce qui n’est pas un exercice facile.
Je m’informe à la mairie sur les horaires de bus. La secrétaire pense que le bus ne transportera pas la bicyclette et elle téléphone à la compagnie. Je l’entends s’exclamer : « Fantastique ! »
Milford est un joli village. Les maisons sont en pierre de taille ou alors colorées. Je n’ai que vingt minutes avant l’arrivée du bus. Juste le temps de remarquer une fresque entre deux petites maisons de ville. Un grand tableau sur lequel sont dessinés plusieurs hommes avec une pinte à la main. Un tonneau de bière est posé devant eux. Ces hommes, placés de profil, marchent et leur expression démontre une franche rigolade. C’est une représentation qui, par la déformation, l'exagération de détails, tend à ridiculiser ces buveurs de bière. Dorénavant, je pense que je me limiterai à de « smalls » bières !
Le bus arrive en bordure de trottoir. Mon vélo est déchargé et les sacoches bien rangées au sol afin de ne pas affoler le chauffeur. Ce dernier m’aide à charger l’ensemble dans la soute, et c’est parti pour Letterkenny situé à vingt kilomètres.
La veille, Caroline m’a envoyé des patins de freins depuis la France. Je lui ai donné l’adresse du seul magasin de vélo dans la ville. L’acheminement peut mettre de un à six jours. J’attendrai le temps qu’il faudra !
Depuis ce matin, j’observe que je n’ai plus accès aux réseaux Internet.
Le bus me dépose au centre de Letterkenny. Puis je me rends à LK Bike par une piste cyclable, le long de la nationale. Le trafic est intense. De nombreuses grandes voies de circulation encerclent la ville qui a seulement vingt-mille habitants, mais elle est la plus grande du comté de Donegal.
Sans plan et sans internet il est compliqué de trouver une adresse ! J’arrive enfin à LK Bikes.
Le mécanicien pose un jeu de patins noirs sur la selle. Sur l’emballage, je peux lire qu’ils sont compatibles avec les freins hydrauliques sur jantes Magura. Si la bienséance ne me l’interdisait pas, je crierais ma joie.
Uriel, d’origine espagnole, s’empare de la bicyclette et la place sur un support de réparation hydraulique. Voici ce qu’il faudrait à Marianne dont la grossesse avance depuis que nous nous sommes rencontrées à mon passage à Morlaix.
Durant plus d’une demi-heure je vais observer Uriel. Ses gestes sont précis. De multiples manipulations viendront à bout du remplacement des patins. Pour terminer, un réglage de grande finesse est nécessaire.
À mon retour, je devrai apprendre ces gestes ! Je ne peux plus repartir sans savoir réparer les freins de ma bicyclette !
C’est un magasin de vélos d’une marque américaine, celle de mon premier vélo de cyclo-voyageuse. La boutique est un peu feutrée, organisée avec soin et attention.
J’observe, je constate, je reconnais et je félicite Uriel, ce qui a pour effet d’attirer clients et responsable, très calmes au préalable, pour un bon moment d’hilarité. Un client me recherche un camping… plus d’internet pour moi ! Mais il n’y en a pas ! Le responsable ose : « Vous devriez aller au pub ce soir avec Uriel ! » et moi de lui répondre : « En effet, je lui dois bien une Guinness ! Il vient de sauver mon voyage ! Mais je suppose qu’il a mieux à faire que de sortir avec une dame qui pourrait être sa grand-mère ! » Il n’en faut pas plus pour une explosion de rires. Et tous regardent plus attentivement la cycliste que je suis, vêtue de vêtements de vélo, portant des lunettes de soleil et, surtout, arborant un drôle de casque avec la visière remontée.
Je reste persuadée qu’il faut avoir la précision et la dextérité d’Uriel pour réaliser cette mécanique de précision. Je ne le sais pas encore, mais en effet, plus tard et en pensée, je remercierai constamment Uriel pour ses ajustements qui ne se dérégleront jamais au cours de descentes vertigineuses où les freins seront soumis à rudes épreuves.
J’achète aussi un autre jeu de patins que je range précieusement dans la sacoche-outils accrochée à la selle. LK Bike de Letterkenny recevra d’ici quelques jours des patins rouges, envoyés depuis la France. Les meilleurs !
Mon voyage va pouvoir se poursuivre !
La ville, dont on ne compte pas le nombre de Bars & Kitchens et de pubs dans la Grand-rue, me permet de me désaltérer et de me restaurer.
J’ai relevé deux possibilités d’hébergement. Sans internet, je tournicote dans la ville, perdant les repères spéciaux. Pourtant le sens de l’orientation ne me fait pas défaut ordinairement.
Je passe devant un immense hôtel. Voici la solution ! Le prix est déraisonnable ! Je pars en catimini lorsque la réceptionniste, aux cheveux bleus, me délaisse au profit d’autres clients.
Je parviens enfin à la Guest-House recherchée. La maison est imposante avec ses Windows-box, sa véranda vitrée et son jardin très arboré.
Les propriétaires, âgés, sont extrêmement gentils. Ils prennent soin de de moi, rangent mon vélo dans leur garage et me proposent une jolie chambre. Je suis surprise, car ici aussi, une épaisse moquette recouvre l’intégralité des sols.
Je m’aperçois de la perte d’une petite pochette jaune fluo. Je l’ai confectionnée pour qu’elle soit très visible. Elle contient adaptateurs électriques, fils de connexion de certains appareils, notamment pour les éclairages additionnels. Un adaptateur spécifique est indispensable pour les prises irlandaises. J’avais acheté à Sligo un adaptateur universel supplémentaire pour cent-cinquante pays, c’était ce qui était noté sur la boîte, avec deux prises USB.
Depuis plusieurs jours je pensais que je ne devais pas ranger cet adaptateur dans la pochette jaune !
Par chance ma batterie nomade reste équipée des fils pour mon téléphone et d’un jeu de fils pour les phares additionnels.
Les propriétaires, compréhensifs, me donnent un adaptateur avec prise USB.
Hier, je suppose avoir fait tomber cette petite pochette, dans les montagnes, lorsque j’ai retiré avec précipitation les vêtements de pluie.
Je n’aime pas perdre mes affaires. J’ai même horreur de les perdre ! D’ailleurs, j’ai acheté de nouvelles gourdes à LK Bike, car j’ai perdu le bouchon de l’une d’elles !
En principe, je ne possède qu’un exemplaire de chaque objet. Thierry, rencontré il y a plusieurs jours, déteste aussi perdre ses affaires lors de ses voyages à vélo. Thierry le survivant ! Et sa compagne, la patiente Anne-Françoise ! Je raconterai plus tard notre rencontre. Je vais juste préciser que Thierry a refixé solidement la béquille de mon vélo avec d’excellents écrous et a utilisé de bons outils aussi.
Béquille indispensable, sinon je ne peux pas m’arrêter fortuitement, car je peux me blesser en relevant mon vélo de quarante-cinq kilogrammes lorsqu’il est couché.
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Samedi 9 août - 39e jour
60 km /
Letterkenny / Buncrana
Je suis devenue une nomade et j’éprouve de plus en plus de difficultés à trouver le sommeil lorsque je suis allongée dans un lit confortable et à l’intérieur d’une chambre.
Quotidiennement, j’ai des nouvelles de Paul, Acadien, qui est arrivé à Oslo depuis le cap Nord. Hier, lui également n’avait plus accès à internet. Mon opérateur m’indique que tous les Français en Irlande rencontre ce problème. Par une série de manipulations la connexion est rétablie.
Je quitte Letterkenny au trafic épouvantable. Je circule sur le trottoir, je contourne les ronds-points à pied.
Maintenant, j’ai l’esprit tranquille puisque la bicyclette a de nouveau de bons freins, et je me dois de revenir sur Letterkenny qui est nichée entre la splendeur épique des montagnes de Donegal et le fjord glaciaire du Lough Swilly. Hier, je suis passée devant plusieurs théâtres : « Car Letterkenny est un bourg avec une scène artistique et culturelle dynamique ! » m’a informé la propriétaire de la maison d’hôtes.
Progressivement, je rejoins la campagne et notamment je longe le fjord glaciaire du Lough Swilly. Mon intention est de parcourir en deux jours, du sud au nord, la péninsule d’Inishowen afin d’atteindre le point le plus septentrional de l’Irlande.
Au vu des maisons imposantes, toujours dans le même style, avec véranda et porche, la région semble prospère.
Des vaches noires sont tellement nombreuses dans certains prés, qu’elles pourraient entrer en collision, sinon à défaut de se déplacer dans le même sens. Ailleurs, quelques bœufs couleur beige, s’approchent de la barrière au bas d’un champ. Puis il en sort de tous les côtés. Certains étaient cachés derrière des monticules, d’autres broutaient au plus loin, hors du champ.
C'est principalement par les mouvements de la tête et du corps qu'ils s'échangent des informations. La curiosité est signalée par la tête haute, le cou étiré et le museau en avant. Et les voilà, agglutinés à la barrière, jouant du poitrail pour mieux me voir. Je suppose que je suis un petit divertissement pour eux.
Plus loin, un tracteur me double sur l’étroit chemin de campagne. L’enfant, assis à côté de son père dans la cabine, à force de grands cris et gestes semble heureux de voir cette hurluberlue vêtue de jaune, perchée sur cet imposant vélo.
Une digue me permet de rejoindre l’île d'Inch située au cœur du Lough Swilly. Entre l'île et le continent se trouve la réserve d'oiseaux sauvages.
Caleb, égyptien, médecin à l’hôpital de Derry, me questionne lorsque j’arrive sur l’île : « Avez-vous vu les aigles blancs ? » et ajoute : « Je suis passionné par l’ornithologie. Je viens régulièrement ici. Cette réserve est un paradis et offre un environnement idéal pour les espèces d'oiseaux indigènes et migrateurs. » Il me questionne sur mon voyage et poursuit : « Vous êtes une personne inspirante ! Vous gagnez à être connue ! »
Merci Caled ! Inspirante ! Je n’ai jamais autant entendu ce mot depuis que je suis devenue une cyclo-voyageuse solitaire. Ne serait-ce pas un mot fourre-tout, passe-partout, incolore et qui n’a pas grand impact sur l’esprit. Voyons les synonymes : stimulante, provocante, motivante, encourageante, exaltante, enthousiasmante…
Caled aime parler. Il s’exprime parfaitement en français. D’ailleurs il a vécu quelques années en France.
Ma route se poursuit après ce bon moment avec lui.
À Newtown Cunningham, l’église The Church of All Saints m’arrête. Cette église catholique est magnifiquement conçue. Elle a été construite en 1999 pour un coût de plus d’un million d'euros. Son architecture s'inspire du bateau de pêche de Saint-Pierre, symbole fort de l'Église chrétienne primitive. Construite en pierre locale, elle est ornée de vitraux et de peintures murales d'artistes locaux. Dans le cimetière, quelques tombes récentes tournent le dos aux autres. Elles sont face et très proches d’un des murs d’enceinte.
Aujourd’hui, je fais étape à Buncrana. Cité côtière traversée par la rivière Crane. C’est une jolie cité balnéaire au nombre incalculable d’églises et de pubs. Je fais quelques pas sur la plage située à quelques minutes du centre. Elle est superbe et son sable blanc très fin s’étend sur plusieurs kilomètres.
Je quitte tout ce monde sur la plage qui indique que le lieu est très prisé et je rejoins l’auberge de tourisme à l’extrémité de la ville. Dommage ! Elle est située un peu trop loin du centre et au pied d’une bonne côte, trop pentue pour revenir en ville ce soir.
Dans le dortoir, ce soir, je serai seule à revivre les événements de la journée et à penser la journée de demain.
60 km /
Letterkenny / Buncrana
Je suis devenue une nomade et j’éprouve de plus en plus de difficultés à trouver le sommeil lorsque je suis allongée dans un lit confortable et à l’intérieur d’une chambre.
Quotidiennement, j’ai des nouvelles de Paul, Acadien, qui est arrivé à Oslo depuis le cap Nord. Hier, lui également n’avait plus accès à internet. Mon opérateur m’indique que tous les Français en Irlande rencontre ce problème. Par une série de manipulations la connexion est rétablie.
Je quitte Letterkenny au trafic épouvantable. Je circule sur le trottoir, je contourne les ronds-points à pied.
Maintenant, j’ai l’esprit tranquille puisque la bicyclette a de nouveau de bons freins, et je me dois de revenir sur Letterkenny qui est nichée entre la splendeur épique des montagnes de Donegal et le fjord glaciaire du Lough Swilly. Hier, je suis passée devant plusieurs théâtres : « Car Letterkenny est un bourg avec une scène artistique et culturelle dynamique ! » m’a informé la propriétaire de la maison d’hôtes.
Progressivement, je rejoins la campagne et notamment je longe le fjord glaciaire du Lough Swilly. Mon intention est de parcourir en deux jours, du sud au nord, la péninsule d’Inishowen afin d’atteindre le point le plus septentrional de l’Irlande.
Au vu des maisons imposantes, toujours dans le même style, avec véranda et porche, la région semble prospère.
Des vaches noires sont tellement nombreuses dans certains prés, qu’elles pourraient entrer en collision, sinon à défaut de se déplacer dans le même sens. Ailleurs, quelques bœufs couleur beige, s’approchent de la barrière au bas d’un champ. Puis il en sort de tous les côtés. Certains étaient cachés derrière des monticules, d’autres broutaient au plus loin, hors du champ.
C'est principalement par les mouvements de la tête et du corps qu'ils s'échangent des informations. La curiosité est signalée par la tête haute, le cou étiré et le museau en avant. Et les voilà, agglutinés à la barrière, jouant du poitrail pour mieux me voir. Je suppose que je suis un petit divertissement pour eux.
Plus loin, un tracteur me double sur l’étroit chemin de campagne. L’enfant, assis à côté de son père dans la cabine, à force de grands cris et gestes semble heureux de voir cette hurluberlue vêtue de jaune, perchée sur cet imposant vélo.
Une digue me permet de rejoindre l’île d'Inch située au cœur du Lough Swilly. Entre l'île et le continent se trouve la réserve d'oiseaux sauvages.
Caleb, égyptien, médecin à l’hôpital de Derry, me questionne lorsque j’arrive sur l’île : « Avez-vous vu les aigles blancs ? » et ajoute : « Je suis passionné par l’ornithologie. Je viens régulièrement ici. Cette réserve est un paradis et offre un environnement idéal pour les espèces d'oiseaux indigènes et migrateurs. » Il me questionne sur mon voyage et poursuit : « Vous êtes une personne inspirante ! Vous gagnez à être connue ! »
Merci Caled ! Inspirante ! Je n’ai jamais autant entendu ce mot depuis que je suis devenue une cyclo-voyageuse solitaire. Ne serait-ce pas un mot fourre-tout, passe-partout, incolore et qui n’a pas grand impact sur l’esprit. Voyons les synonymes : stimulante, provocante, motivante, encourageante, exaltante, enthousiasmante…
Caled aime parler. Il s’exprime parfaitement en français. D’ailleurs il a vécu quelques années en France.
Ma route se poursuit après ce bon moment avec lui.
À Newtown Cunningham, l’église The Church of All Saints m’arrête. Cette église catholique est magnifiquement conçue. Elle a été construite en 1999 pour un coût de plus d’un million d'euros. Son architecture s'inspire du bateau de pêche de Saint-Pierre, symbole fort de l'Église chrétienne primitive. Construite en pierre locale, elle est ornée de vitraux et de peintures murales d'artistes locaux. Dans le cimetière, quelques tombes récentes tournent le dos aux autres. Elles sont face et très proches d’un des murs d’enceinte.
Aujourd’hui, je fais étape à Buncrana. Cité côtière traversée par la rivière Crane. C’est une jolie cité balnéaire au nombre incalculable d’églises et de pubs. Je fais quelques pas sur la plage située à quelques minutes du centre. Elle est superbe et son sable blanc très fin s’étend sur plusieurs kilomètres.
Je quitte tout ce monde sur la plage qui indique que le lieu est très prisé et je rejoins l’auberge de tourisme à l’extrémité de la ville. Dommage ! Elle est située un peu trop loin du centre et au pied d’une bonne côte, trop pentue pour revenir en ville ce soir.
Dans le dortoir, ce soir, je serai seule à revivre les événements de la journée et à penser la journée de demain.
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Dimanche 10 août - 40e jour
60 km /
Buncrana / Malin / Port-Ronan
Je quitte l'auberge de tourisme Tullyarvan Mill, située à Buncrana, dans le comté de Donegal, par la voie sauvage de l’Atlantique. Le bâtiment moderne est rattaché au moulin à maïs rénové du XIXe siècle, qui est aujourd'hui un projet communautaire.
J’ai abandonné l’EuroVelo1 et l’indispensable application de Sylvain. C’est plus difficile de me repérer. Hier, Google Maps m’a dirigée dans un chemin pierreux qui s’est terminé par trois barrières qui clôturaient des champs occupés par des vaches. Parfois, j’ai l’impression d’être seule au monde !
Mais aujourd’hui est un autre jour ! Je repère sur ma carte que je ne suis pas très loin de Malin Head, le point le plus septentrional d’Irlande. Et j’apprécie les bouts du monde !
Avec une dizaine de jours de retard sur mon programme, je ne suis plus à quelques jours près. Évidemment, je dois déplacer mon billet de ferry prévu le vingt août.
Pour cette nouvelle étape, je vais traverser Inishowen, la plus grande péninsule de l’île d’Irlande, d’ouest en est dans un premier temps, puis du sud au nord. Je vais ainsi éviter la route sur la façade atlantique, certainement très circulante en cette fin de semaine.
Là encore, l’intérieur du pays est montagneux. Par chance, le vent, telle une main dans le dos, me pousse
Exceptionnellement, car les cyclistes sont rares en Irlande, j’en croise plusieurs. Les deux filles du groupe ont été reléguées à l’arrière du peloton. Je pédale péniblement alors qu’ils sont, dans la descente, en pleine vitesse. L’un me crie : « Courage ! Courage ! »
Deux mots ! Deux simples mots qui réchauffent le cœur au cours de plusieurs heures de solitude.
Je pédale dans les contreforts de Slieve Snaght qui signifie « Montagne enneigée ». L'une des montagnes les plus septentrionales d'Irlande.
Il est à noter que la neige en Irlande est assez rare.
Au-dessus d’un mont à proximité, le vent s’emmêle dans les pales de quelques éoliennes et vient chuchoter en harmonie avec les montagnes paisibles.
Je traverse un panorama exceptionnel sur une vingtaine de kilomètres, constitué des montagnes Slieve Snaght, du lac Turk où l’on pêche la truite brune et où les moutons quittent rapidement le bord des champs à mon approche. Peu habitués aux êtres humains, ils sont très craintifs.
Puis j’arrive sur la R240, limitée à 80 km/h, en direction du nord cette fois-ci et je rejoins la petite ville de Carndonaght située à une quinzaine de kilomètres. J’avance à une vitesse étourdissante. Je suis devenue excellente sur le plat, dans les descentes et sur le faux plat. Ma moyenne sera de 28 km/h. Vent ou pas, je ne sais pas !
Je pense ne pas avoir grandement progressé dans les côtes. Mais je n’ai pas décidé de rendre visite à Olivier qui a son chalet au col de Porte à une altitude de mille-trois-cent-vingt-six mètres et, pour une longueur de dix-sept kilomètres, un dénivelé de mille-cent-seize mètres.
En Irlande il est interdit de doubler sur les nationales et sur les routes secondaires. Je n’ai donc pas à me préoccuper des voitures venant en sens inverse. Les Irlandais sont très prudents et s’arrêtent derrière moi à plusieurs dizaines de mètres. Ils me doublent sur l’autre voie lorsque cela est possible. Sans manifester d’impatience, ils peuvent rester de longs instants à me suivre. Si tel n’est pas le cas, ce sont des touristes au volant des voitures.
À partir du village de Malin, je longe la baie de Trawbreaga Bay. Depuis un point de vue, la vue est à couper le souffle sur un paysage de dunes, la Trawbreaga Bay et les vagues qui viennent battre les étendues de sable.
Je passe devant quelques maisons à la construction modeste, ainsi que devant une petite église perdue dans la nature. Celle-ci, avec son cimetière l’entourant, ne possède pas de clocher.
En milieu d’après-midi, j’arrive à Sandrock holiday Hostel, situé à deux kilomètres de Malin Head. À l’écart de tout, sauf du minuscule quai où les pêcheurs vendent poissons, homards…
Je suis sympathiquement reçue par Rodney, sa femme est décédée depuis deux ans. Si le ménage n’est pas parfait, la maison l’est ! Elle est conviviale et très confortable. La cuisine, charmante, expose encore sa cuisinière à l’ancienne. Deux dortoirs de dix lits au mobilier robuste et élégant sont pourvus d’un mini-salon.
Le spacieux salon, aux innombrables fauteuils et divans, offre une vue inoubliable sur la baie et les montagnes. J’aperçois au loin, très très éloigné, minuscule, le mont Arrigal au pied duquel je suis passée il y a quelques jours. J’ai fait bien du chemin depuis !
Je partage le dortoir avec une autre dame, Jane. Elle est étrange, ne s’exprime avec personne, pose ses pieds chaussés sur de jolis coussins blancs… Un couple d’Anglais, Avy, Olivier et Adam leur petit d’un an, occupe une chambre familiale. Ils sont ici depuis une semaine et repartent demain. Adam m’a adoptée, il me sourit tant et plus et me parle dans un gazouillis de bébé. Admise par le bébé, je le suis par les parents.
Après les corvées de douche et de lessive, je m’installe dans l’un des fauteuils avec pouf pour allonger mes jambes. Par la boîte de fenêtres avec vue à 180 degrés, je peux ainsi contempler la baie extraordinaire et les montagnes de l’autre côté. J’observe la pluie tomber alors que l’on m’avait dit que c’est l’une des zones les plus ensoleillées d’Irlande. Pour terminer, j’écris mon journal.
60 km /
Buncrana / Malin / Port-Ronan
Je quitte l'auberge de tourisme Tullyarvan Mill, située à Buncrana, dans le comté de Donegal, par la voie sauvage de l’Atlantique. Le bâtiment moderne est rattaché au moulin à maïs rénové du XIXe siècle, qui est aujourd'hui un projet communautaire.
J’ai abandonné l’EuroVelo1 et l’indispensable application de Sylvain. C’est plus difficile de me repérer. Hier, Google Maps m’a dirigée dans un chemin pierreux qui s’est terminé par trois barrières qui clôturaient des champs occupés par des vaches. Parfois, j’ai l’impression d’être seule au monde !
Mais aujourd’hui est un autre jour ! Je repère sur ma carte que je ne suis pas très loin de Malin Head, le point le plus septentrional d’Irlande. Et j’apprécie les bouts du monde !
Avec une dizaine de jours de retard sur mon programme, je ne suis plus à quelques jours près. Évidemment, je dois déplacer mon billet de ferry prévu le vingt août.
Pour cette nouvelle étape, je vais traverser Inishowen, la plus grande péninsule de l’île d’Irlande, d’ouest en est dans un premier temps, puis du sud au nord. Je vais ainsi éviter la route sur la façade atlantique, certainement très circulante en cette fin de semaine.
Là encore, l’intérieur du pays est montagneux. Par chance, le vent, telle une main dans le dos, me pousse
Exceptionnellement, car les cyclistes sont rares en Irlande, j’en croise plusieurs. Les deux filles du groupe ont été reléguées à l’arrière du peloton. Je pédale péniblement alors qu’ils sont, dans la descente, en pleine vitesse. L’un me crie : « Courage ! Courage ! »
Deux mots ! Deux simples mots qui réchauffent le cœur au cours de plusieurs heures de solitude.
Je pédale dans les contreforts de Slieve Snaght qui signifie « Montagne enneigée ». L'une des montagnes les plus septentrionales d'Irlande.
Il est à noter que la neige en Irlande est assez rare.
Au-dessus d’un mont à proximité, le vent s’emmêle dans les pales de quelques éoliennes et vient chuchoter en harmonie avec les montagnes paisibles.
Je traverse un panorama exceptionnel sur une vingtaine de kilomètres, constitué des montagnes Slieve Snaght, du lac Turk où l’on pêche la truite brune et où les moutons quittent rapidement le bord des champs à mon approche. Peu habitués aux êtres humains, ils sont très craintifs.
Puis j’arrive sur la R240, limitée à 80 km/h, en direction du nord cette fois-ci et je rejoins la petite ville de Carndonaght située à une quinzaine de kilomètres. J’avance à une vitesse étourdissante. Je suis devenue excellente sur le plat, dans les descentes et sur le faux plat. Ma moyenne sera de 28 km/h. Vent ou pas, je ne sais pas !
Je pense ne pas avoir grandement progressé dans les côtes. Mais je n’ai pas décidé de rendre visite à Olivier qui a son chalet au col de Porte à une altitude de mille-trois-cent-vingt-six mètres et, pour une longueur de dix-sept kilomètres, un dénivelé de mille-cent-seize mètres.
En Irlande il est interdit de doubler sur les nationales et sur les routes secondaires. Je n’ai donc pas à me préoccuper des voitures venant en sens inverse. Les Irlandais sont très prudents et s’arrêtent derrière moi à plusieurs dizaines de mètres. Ils me doublent sur l’autre voie lorsque cela est possible. Sans manifester d’impatience, ils peuvent rester de longs instants à me suivre. Si tel n’est pas le cas, ce sont des touristes au volant des voitures.
À partir du village de Malin, je longe la baie de Trawbreaga Bay. Depuis un point de vue, la vue est à couper le souffle sur un paysage de dunes, la Trawbreaga Bay et les vagues qui viennent battre les étendues de sable.
Je passe devant quelques maisons à la construction modeste, ainsi que devant une petite église perdue dans la nature. Celle-ci, avec son cimetière l’entourant, ne possède pas de clocher.
En milieu d’après-midi, j’arrive à Sandrock holiday Hostel, situé à deux kilomètres de Malin Head. À l’écart de tout, sauf du minuscule quai où les pêcheurs vendent poissons, homards…
Je suis sympathiquement reçue par Rodney, sa femme est décédée depuis deux ans. Si le ménage n’est pas parfait, la maison l’est ! Elle est conviviale et très confortable. La cuisine, charmante, expose encore sa cuisinière à l’ancienne. Deux dortoirs de dix lits au mobilier robuste et élégant sont pourvus d’un mini-salon.
Le spacieux salon, aux innombrables fauteuils et divans, offre une vue inoubliable sur la baie et les montagnes. J’aperçois au loin, très très éloigné, minuscule, le mont Arrigal au pied duquel je suis passée il y a quelques jours. J’ai fait bien du chemin depuis !
Je partage le dortoir avec une autre dame, Jane. Elle est étrange, ne s’exprime avec personne, pose ses pieds chaussés sur de jolis coussins blancs… Un couple d’Anglais, Avy, Olivier et Adam leur petit d’un an, occupe une chambre familiale. Ils sont ici depuis une semaine et repartent demain. Adam m’a adoptée, il me sourit tant et plus et me parle dans un gazouillis de bébé. Admise par le bébé, je le suis par les parents.
Après les corvées de douche et de lessive, je m’installe dans l’un des fauteuils avec pouf pour allonger mes jambes. Par la boîte de fenêtres avec vue à 180 degrés, je peux ainsi contempler la baie extraordinaire et les montagnes de l’autre côté. J’observe la pluie tomber alors que l’on m’avait dit que c’est l’une des zones les plus ensoleillées d’Irlande. Pour terminer, j’écris mon journal.
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Lundi 11 août - 41e jour
20 km /
Port-Ronan / Malin Head
Je pars à vélo. Quelques maisons côtoient celle de Rodney.
L’asphalte est très roulant et ma bicyclette est silencieuse. Aucun bruit suspect ! Preuve de ses bons roulements et d’un parfait graissage. En ce début de matinée, le calme de ce bout du monde est absolu. Simplement rompu par le chant des oiseaux.
Je prends un peu de hauteur et me parvient ici la susurration de la mer.
De magnifiques moutons hauts sur pattes, à la tête tachetée de noir me regardent passer. Ceux-ci semblent moins craintifs qu’habituellement.
Incroyable ! Et voilà qu’un important troupeau de moutons s’organise dans un mouvement collectif depuis le haut d’un champ. Des moutons de Panurge ! Heureusement, une bonne haie et une solide barrière les arrêtent dans leur course folle. Et les voilà qui jouent du collier pour venir me regarder de plus près. Quel succès ! Mais quel triomphe !
Une magnifique chaumière, à deux corps de bâtiments disposés en équerre, a trouvé un endroit douillet dans ce bout du monde.
Plus loin je remarque une tour. Il faut bien matérialiser ce bout du monde ! En effet, après une côte, j’arrive à Malin Head.
Très peu de touristes se rendent à Malin Head. La première raison est la position extrême du lieu très loin au nord qui ne fait pas partie des circuits touristiques. Néanmoins, je ne suis pas seule ! Quelques italiens m’ont devancée. Ils sont arrivés par la côte est.
Une tour de guet a été construite par l’amirauté britannique en 1805. Vers 1902 un poste de signalisation est également construit tout près de l'ancienne tour de guet napoléonienne. Ces deux bâtiments sont encore conservés.
Depuis Cork, je rencontre des panneaux avec une ligne brisée blanche entourée de bleu et l’indication du site incontournable. Arrivée sur le lieu en question, un panneau marron en fer à la texture rouillée porte à la verticale le nom de l’endroit et un poteau laisse échapper au plus haut un rectangle découpé en forme de ligne brisée pour WAW. Wild Atlantique Way ou Voie Sauvage de l’Atlantique. Le premier est à Cork, mon point de départ et le dernier est ici à Malin Head.
Un sentier débute près de la tour et longe le bord des falaises sur environ un kilomètre. Il est boueux ou caillouteux. Il peut aussi se séparer par les différents passages des visiteurs. Je n’apprécie plus ce genre de marche car je ressens, ô combien, mes genoux ont perdu en élasticité et n’absorbent plus les variations du relief.
Néanmoins, je persévère pour une vue grandiose sur la mer, venant frapper les falaises et entrant dans les failles de celles-ci pour venir terminer sa course. Les panoramas sont majestueux ! C’est grandiose de pouvoir approcher au plus près de cette nature somptueuse.
Et je vais au plus loin ! Là où l’herbe rase a poussé en mottes. Là où un rocher se dresse fièrement comme une pyramide couronnée d’une flèche.
Je devrais rentrer à l’auberge après avoir vu un site aussi somptueux s’il n’y avait pas ce panneau en bordure de route : « Taverne de Farren. La taverne la plus au nord d'Irlande : 1825. Deuxième à gauche. Y avez-vous déjà été ? » J’y vais ! Je commande une soupe de poisson. Elle est très épicée. Cela est spécifique aux plats Irlandais. Pour compléter je prends une Guinness. Je me suis habituée à cette bière noire à la mousse dense.
À mon retour, Rodney me montre le mont Errigal. Il est si loin… derrière les autres montagnes. À l’aide du télescope posé sur une table du salon, on s’en rapproche quelque peu. Lorsque je raconte à Rodney que je suis passée à vélo dans les montagnes et au pied du mont Errigal, il me regarde étrangement.
20 km /
Port-Ronan / Malin Head
Je pars à vélo. Quelques maisons côtoient celle de Rodney.
L’asphalte est très roulant et ma bicyclette est silencieuse. Aucun bruit suspect ! Preuve de ses bons roulements et d’un parfait graissage. En ce début de matinée, le calme de ce bout du monde est absolu. Simplement rompu par le chant des oiseaux.
Je prends un peu de hauteur et me parvient ici la susurration de la mer.
De magnifiques moutons hauts sur pattes, à la tête tachetée de noir me regardent passer. Ceux-ci semblent moins craintifs qu’habituellement.
Incroyable ! Et voilà qu’un important troupeau de moutons s’organise dans un mouvement collectif depuis le haut d’un champ. Des moutons de Panurge ! Heureusement, une bonne haie et une solide barrière les arrêtent dans leur course folle. Et les voilà qui jouent du collier pour venir me regarder de plus près. Quel succès ! Mais quel triomphe !
Une magnifique chaumière, à deux corps de bâtiments disposés en équerre, a trouvé un endroit douillet dans ce bout du monde.
Plus loin je remarque une tour. Il faut bien matérialiser ce bout du monde ! En effet, après une côte, j’arrive à Malin Head.
Très peu de touristes se rendent à Malin Head. La première raison est la position extrême du lieu très loin au nord qui ne fait pas partie des circuits touristiques. Néanmoins, je ne suis pas seule ! Quelques italiens m’ont devancée. Ils sont arrivés par la côte est.
Une tour de guet a été construite par l’amirauté britannique en 1805. Vers 1902 un poste de signalisation est également construit tout près de l'ancienne tour de guet napoléonienne. Ces deux bâtiments sont encore conservés.
Depuis Cork, je rencontre des panneaux avec une ligne brisée blanche entourée de bleu et l’indication du site incontournable. Arrivée sur le lieu en question, un panneau marron en fer à la texture rouillée porte à la verticale le nom de l’endroit et un poteau laisse échapper au plus haut un rectangle découpé en forme de ligne brisée pour WAW. Wild Atlantique Way ou Voie Sauvage de l’Atlantique. Le premier est à Cork, mon point de départ et le dernier est ici à Malin Head.
Un sentier débute près de la tour et longe le bord des falaises sur environ un kilomètre. Il est boueux ou caillouteux. Il peut aussi se séparer par les différents passages des visiteurs. Je n’apprécie plus ce genre de marche car je ressens, ô combien, mes genoux ont perdu en élasticité et n’absorbent plus les variations du relief.
Néanmoins, je persévère pour une vue grandiose sur la mer, venant frapper les falaises et entrant dans les failles de celles-ci pour venir terminer sa course. Les panoramas sont majestueux ! C’est grandiose de pouvoir approcher au plus près de cette nature somptueuse.
Et je vais au plus loin ! Là où l’herbe rase a poussé en mottes. Là où un rocher se dresse fièrement comme une pyramide couronnée d’une flèche.
Je devrais rentrer à l’auberge après avoir vu un site aussi somptueux s’il n’y avait pas ce panneau en bordure de route : « Taverne de Farren. La taverne la plus au nord d'Irlande : 1825. Deuxième à gauche. Y avez-vous déjà été ? » J’y vais ! Je commande une soupe de poisson. Elle est très épicée. Cela est spécifique aux plats Irlandais. Pour compléter je prends une Guinness. Je me suis habituée à cette bière noire à la mousse dense.
À mon retour, Rodney me montre le mont Errigal. Il est si loin… derrière les autres montagnes. À l’aide du télescope posé sur une table du salon, on s’en rapproche quelque peu. Lorsque je raconte à Rodney que je suis passée à vélo dans les montagnes et au pied du mont Errigal, il me regarde étrangement.
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Mardi 12 août - 42e jour
75 km /
Port-Ronan / Gleencastle
Première partie de la journée, en République d’Irlande.
La suite de cette journée, en Irlande du Nord, est positionnée sur la section 8.
La côte atlantique m’a demandé beaucoup plus de temps que prévu. Mon billet de ferry est daté au vingt août. Je vais le déplacer au cinq septembre en espérant ne pas me confronter à autant de montagnes sur la côte est. Je suis prise de vague à l’âme de ne pas rentrer chez moi comme prévu.
Ce matin, je reprends en partie le chemin inverse à celui parcouru pour venir à Malin Head. Puis je me rendrai à Gteencastle qui est un port de pêche situé au nord-est de la péninsule d'Inishowen.
Les chiens ! Chaque jour je me confronte aux chiens. Ils ont un odorat incroyable qui dépasse très largement le nôtre ! Ils peuvent me sentir à des kilomètres de distance. Chaque habitat possède son chien de garde. Dans le meilleur des cas ils sont derrière le mur d’enceinte aussi féroces que des lions, à aboyer, à tournoyer sur eux-mêmes, à bondir… Heureusement qu’ils n’ont pas les capacités du kangourou. Dans le pire des cas, le portail est ouvert provoquant une panique chez moi. Ils respectent la limite de la propriété ou en sortent en trombe. Je n’ai jamais su quelle attitude adopter face à leur hargne. Je me mets donc en protection de mon vélo et marche tranquillement sans croiser le regard et les canines des molosses. Par chance, Ils restent de l’autre côté de la route tout en aboyant. Lorsque je dépasse les limites de la propriété dont ils en sont les fidèles gardiens, ils repartent chez eux, me laissant effrayée.
La route traversant la péninsule est une plaine. Le bilan après des milliers de kilomètres de pédalage est positif. J’ai acquis de bonnes compétences dans les descentes, sur le faux plat, au cours des fortes ondulations du relief avec même quelques exploits en danseuse pour terminer l’ondulation. Une côte de quatre à six pour cent est devenue une bagatelle. J’ai aussi d’excellentes compétences à pousser mon vélo. Il faut une force de titan pour réussir à mobiliser un poids de quarante-cinq kilogrammes parfois durant plusieurs kilomètres sur des côtes à neuf pour cent et parfois plus. Si mon entraînement avait été effectif avant mon départ, j’aurais pu améliorer mes performances.
Je n’ai vraiment aucune qualité en résistance, c’est à dire par un travail musculaire d'intensité très élevée pendant un temps court. Cependant, je suis pourvue de la qualité d’endurance qui est la capacité à maintenir un effort continu d'intensité au moins modéré sur un temps long. La force ne me manque pas. La souplesse est toujours au rendez-vous. Et l'équilibre... Aucune chute n’est à déplorer depuis mon départ.
Cela fait quarante-deux jours que je pédale régulièrement et bien souvent dix heures par jour. La liberté n’a pas de prix si je veux aller au-delà de celle convenue.
J’arrive au village de Moville situé sur les rives ouest de Lough Foyle. Moville servit durant la seconde moitié du XIXe siècle de point de départ pour les voyageurs et émigrants vers le Canada et les États-Unis.
Je m’arrête sur la place. Un magasin de téléphonie est juste en face de moi. Cela me permet de racheter un nouvel adaptateur électrique. Pour la première fois depuis mon arrivée en Irlande je remarque un marché et surtout des pêches. Je n’en avais encore jamais vues auparavant. Je m’approvisionne essentiellement dans les supérettes des stations-service où cela manque de diversité. J’achète deux pêches de vigne. Seulement deux ! Car à vélo on limite le poids. Délicieuses ! Succulentes ! J’aurais dû en acheter beaucoup plus !
J’observe une église. Depuis la rue elle ressemble à un grand cube en haut duquel, on aperçoit un lanterneau de toit à douze pans, recouvert de cuivre, avec toit conique surmonté d'une croix de faîtage en cuivre aussi. Les fenêtres sont des panneaux de verre. Le tout est couvert d’une patine verte. Drôle d’église ! C’est l’église St. Pius X Church construite en 1958.
Un adaptateur, une pêche, une église, le franchissement imminent de la frontière de l’Irlande du Nord me redonnent des ailes.
J’arrive in extremis au port de Gleencastle pour monter dans le ferry qui traverse le lac Foyle. Ce dernier est l’estuaire de la Foyle qui constitue l’extrémité nord de la frontière entre la république d’Irlande et l’Irlande du Nord qui est une nation constitutive du Royaume-uni.
Je quitte provisoire la République d’Irlande. J’ai découvert ce pays de la meilleure manière qui soit, faisant face à la vraie Irlande, au contact avec les gens authentiques de ce pays brut, rugueux, poétique et magique. La plupart ont eu la capacité à trouver et créer du bonheur malgré les brumes de leur histoire complexe et parfois douloureuse. J’ai trouvé un peuple chaleureux, accueillant, solidaire, aidant.
75 km /
Port-Ronan / Gleencastle
Première partie de la journée, en République d’Irlande.
La suite de cette journée, en Irlande du Nord, est positionnée sur la section 8.
La côte atlantique m’a demandé beaucoup plus de temps que prévu. Mon billet de ferry est daté au vingt août. Je vais le déplacer au cinq septembre en espérant ne pas me confronter à autant de montagnes sur la côte est. Je suis prise de vague à l’âme de ne pas rentrer chez moi comme prévu.
Ce matin, je reprends en partie le chemin inverse à celui parcouru pour venir à Malin Head. Puis je me rendrai à Gteencastle qui est un port de pêche situé au nord-est de la péninsule d'Inishowen.
Les chiens ! Chaque jour je me confronte aux chiens. Ils ont un odorat incroyable qui dépasse très largement le nôtre ! Ils peuvent me sentir à des kilomètres de distance. Chaque habitat possède son chien de garde. Dans le meilleur des cas ils sont derrière le mur d’enceinte aussi féroces que des lions, à aboyer, à tournoyer sur eux-mêmes, à bondir… Heureusement qu’ils n’ont pas les capacités du kangourou. Dans le pire des cas, le portail est ouvert provoquant une panique chez moi. Ils respectent la limite de la propriété ou en sortent en trombe. Je n’ai jamais su quelle attitude adopter face à leur hargne. Je me mets donc en protection de mon vélo et marche tranquillement sans croiser le regard et les canines des molosses. Par chance, Ils restent de l’autre côté de la route tout en aboyant. Lorsque je dépasse les limites de la propriété dont ils en sont les fidèles gardiens, ils repartent chez eux, me laissant effrayée.
La route traversant la péninsule est une plaine. Le bilan après des milliers de kilomètres de pédalage est positif. J’ai acquis de bonnes compétences dans les descentes, sur le faux plat, au cours des fortes ondulations du relief avec même quelques exploits en danseuse pour terminer l’ondulation. Une côte de quatre à six pour cent est devenue une bagatelle. J’ai aussi d’excellentes compétences à pousser mon vélo. Il faut une force de titan pour réussir à mobiliser un poids de quarante-cinq kilogrammes parfois durant plusieurs kilomètres sur des côtes à neuf pour cent et parfois plus. Si mon entraînement avait été effectif avant mon départ, j’aurais pu améliorer mes performances.
Je n’ai vraiment aucune qualité en résistance, c’est à dire par un travail musculaire d'intensité très élevée pendant un temps court. Cependant, je suis pourvue de la qualité d’endurance qui est la capacité à maintenir un effort continu d'intensité au moins modéré sur un temps long. La force ne me manque pas. La souplesse est toujours au rendez-vous. Et l'équilibre... Aucune chute n’est à déplorer depuis mon départ.
Cela fait quarante-deux jours que je pédale régulièrement et bien souvent dix heures par jour. La liberté n’a pas de prix si je veux aller au-delà de celle convenue.
J’arrive au village de Moville situé sur les rives ouest de Lough Foyle. Moville servit durant la seconde moitié du XIXe siècle de point de départ pour les voyageurs et émigrants vers le Canada et les États-Unis.
Je m’arrête sur la place. Un magasin de téléphonie est juste en face de moi. Cela me permet de racheter un nouvel adaptateur électrique. Pour la première fois depuis mon arrivée en Irlande je remarque un marché et surtout des pêches. Je n’en avais encore jamais vues auparavant. Je m’approvisionne essentiellement dans les supérettes des stations-service où cela manque de diversité. J’achète deux pêches de vigne. Seulement deux ! Car à vélo on limite le poids. Délicieuses ! Succulentes ! J’aurais dû en acheter beaucoup plus !
J’observe une église. Depuis la rue elle ressemble à un grand cube en haut duquel, on aperçoit un lanterneau de toit à douze pans, recouvert de cuivre, avec toit conique surmonté d'une croix de faîtage en cuivre aussi. Les fenêtres sont des panneaux de verre. Le tout est couvert d’une patine verte. Drôle d’église ! C’est l’église St. Pius X Church construite en 1958.
Un adaptateur, une pêche, une église, le franchissement imminent de la frontière de l’Irlande du Nord me redonnent des ailes.
J’arrive in extremis au port de Gleencastle pour monter dans le ferry qui traverse le lac Foyle. Ce dernier est l’estuaire de la Foyle qui constitue l’extrémité nord de la frontière entre la république d’Irlande et l’Irlande du Nord qui est une nation constitutive du Royaume-uni.
Je quitte provisoire la République d’Irlande. J’ai découvert ce pays de la meilleure manière qui soit, faisant face à la vraie Irlande, au contact avec les gens authentiques de ce pays brut, rugueux, poétique et magique. La plupart ont eu la capacité à trouver et créer du bonheur malgré les brumes de leur histoire complexe et parfois douloureuse. J’ai trouvé un peuple chaleureux, accueillant, solidaire, aidant.

Section 7 : du 7 au 11 août