Clik de Schwalbe

Dans le monde du vélo, les standards ont une espérance de vie variable. Certains semblent ne jamais pouvoir disparaître (coucou les roues 26 pouces), tandis que d’autres durent moins longtemps qu’une plaquette de chocolat dans mes placards. J’exagère à peine. Mais au milieu de ce chaos cette valse technologique, il y a un survivant. Un fossile.

Vous voyez ce vélo haut de gamme tout droit sorti de la soufflerie, cadre en carbone, dérailleur sans fil, bardé d’innovations dernier cri ? Pourtant, un détail archaïque subsiste : ses valves de gonflage, inchangées depuis le 19e siècle.
Dans le domaine, deux clans s’affrontent : Schrader (la grosse) et Presta (la fine). La Schrader, c’est la grandeur de l’Amérique saupoudrée de rigueur alémanique. Grosse et robuste, elle équipe les tracteurs comme les trains d’atterrissage du dernier Airbus. Info inutile à replacer lors d’un dîner mondain : son inventeur, August Schrader, fabriquait des scaphandres. La Presta – Sclaverand (SV) pour les intimes, du nom de son inventeur français, cocorico –, c’est la haute-couture, l’élégance à la française. Performante, fragile et arrogante à la fois : conçue dans le métal le plus mou de la table périodique, elle plie dès que tu la regardes de travers. J’entends dire “t’as oublié la Dunlop ?!”. Cette erreur historique qui aurait dû être rangée dans un musée depuis longtemps ?

Vous me voyez venir : pas d’évolution ne signifie pas absence de défaut. Avec l’avènement du tubeless, la vénérable Presta réalise une chose pour laquelle elle n’a pas été conçue : avaler du liquide préventif. Résultat ? L’obus de valve s’encrasse et gonfler son pneu devient aussi simple que de manger une purée à la paille. Bref, elle ne nous pompe pas l’air, elle nous le confisque. Et parlons sécurité : je ne compte plus le nombre de fois où, au moment de détacher la tête de gonflage, ma main est partie à Mach 2 s’empaler dans la cassette.

Mais s’attaquer à ce petit bitoniau, c’est ouvrir la boîte de Pandore. La tyrannie du standard est absolue. Comment rester compatible avec les milliards de roues qui sillonnent ce monde ? Comment ne pas rendre obsolètes les pompes actuelles ? Le paradoxe est savoureux : l’industrie du vélo passe son temps à réinventer la roue (littéralement, c’est leur métier), mais n’a toujours pas modifié le petit tuyau qui sert à la gonfler.

Jusqu’en l’an de grâce 2025. Il aura fallu attendre plus d’un siècle pour que Schwalbe dépoussière le sujet, avec ses valves Clik (SCV pour Schwalbe Clik Valve). Un nom aussi simple que sa promesse : un système qui reprend le format Presta, en l’améliorant en tout point. Finie cette fameuse tige filetée, ce bambou métallique qui, contrairement au roseau de la fable, plie et rompt. L’autre révolution est quasi sensorielle. Grâce à un embout spécifique, brancher et débrancher la pompe est un jeu d’enfant : on clipse, ça tient, c’est solide et étanche. On gonfle, puis on déclipse, sans effort ni sacrifice humain. Presque de l’ASMR. Quid de la compatibilité ? Totale, puisque le système fonctionne également avec une pompe classique (à embout Presta). En somme, la valve du futur, polie avec ses aïeux.

Ainsi, que vous rouliez sur un gravel en titane brossé collection 2025 ou sur un vieux biclou du siècle dernier, Schwalbe prêche pour sa paroisse nouvelle valve… grâce à plusieurs kits de conversion. Pour récapituler, côté roue, on trouve :

• Des obus de valves : méthode simple et économique (6€ la paire). En version SV->SCV, ils permettent de convertir toute valve tubeless, et les chambres à air Presta (sauf modèles premier prix où l’obus est soudé). En version DV->SCV, Schwalbe a pensé aux quelques irréductibles qui utilisent des valves Dunlop. Incroyable.
• Des embouts de conversion Schrader (AV) vers Clik (SCV) (pas testé, ce modèle est sorti plus tard)
• Des valves tubeless complètes, disponibles en 3 tailles : 40, 60 et 80 mm.
• Et depuis peu, la majorité des chambres à air Schwalbe sont déclinées avec valve Clik intégrée. 

Et côté pompe :

• L’adaptateur universel : par serrage ou vissage, il s’intègre sur toute pompe compatible avec les valves Schrader (la très grande majorité des mini-pompes ont la double compatibilité Presta/Schrader) 
• La tête de pompe dédiée : pour remplacer celle de votre pompe à pied, elle s’installe directement sur le flexible.

INFO BONUS : si votre jante a un perçage pour valves Schrader (8,5 mm), il est possible d’y installer proprement des chambres à air à valves Presta (6.5 mm) à l'aide d'un mini-adaptateur pour « caler »  la tige de valve (il s'agit du modèle DT Swiss Adaptateur de Valve pour Schrader/Presta que l'on devine sur de nombreuses photos de ce test). Il permet de maintenir la valve en bonne position sur mon vieux VTT 26 pouces du siècle dernier.

Il faut être conscient d’une chose : adopter le système Clik, c’est mettre le doigt dans un engrenage. Si vous installez la tête de gonflage dédiée sur votre pompe à pied, vous n’aurez plus envie de vous battre avec les anciennes valves. Une invitation à convertir toutes les valves à votre portée : les vôtres, celles de vos partenaires... et peut-être même celle de la brouette au fond du jardin. Génie marketing ou croisade d’utilité publique, je vous laisse en décider.

Soyons honnêtes : au début, j’étais plutôt circonspect. À quoi bon introduire une nouveauté dans le monde du pneumatique vélo, déjà saturé de normes : tailles et largeur de pneu, gommes, types de tubeless, etc. Mais dès le premier clik, mon scepticisme s'est envolé immédiatement : tous les avantages de la valve Presta, sans ses talons d’Achille. À 6 € la paire d’obus, la conversion d’une flotte de biclous coûte moins cher qu’une barre énergétique bio à la spiruline. Désormais convaincu, je suis devenu cet évangélisateur qui tente de convertir ses potes à chaque sortie vélo. Et sur la toile, les avis convergent : l’essayer c’est l’adopter.

Aussi, en voyage, si vous laissez l’adaptateur vissé sur votre mini-pompe fixée au cadre, cela crée une protubérance parfois gênante, et souvent peu esthétique (oui, ça compte). Sans oublier un petit risque de perte de cet embout (bien qu’on puisse toujours utiliser l’embout Presta classique). À quand les mini-pompes avec cet embout directement intégré, pour un écosystème complet ? Au moment d’écrire ces lignes, il semblerait que seule l’enseigne Wolf Tooth propose un modèle directement compatible (avec des embouts interchangeables, donc la pompe peut aussi être compatible avec les ancêtres valves Presta et Schrader).

Avant de clore ce dossier, il faut aborder l’éléphant dans la pièce. Le grand schisme de la communauté cycliste : le bouchon. Faut-il le garder pour protéger la valve ? Faut-il le jeter pour gagner 0,3 gramme et améliorer son coefficient de pénétration dans l’air de 0,00001 % ? Schwalbe a eu le courage de s’attaquer au détail le moins sexy du monde, mais n’a pas tranché cette question cruciale. Un capuchon est donc fourni, libre à vous de l’utiliser ou non.

Petit ajout de dernière minute : sur le site du fabricant, on peut lire que "Une pompe SV normale ne permet toutefois pas de vérifier la pression des pneus". Mon hypothèse serait que la force de rappel du ressort à l'intérieur de la valve Clik fausserait la mesure. Pourtant, en utilisant un manomètre de précision (un Topeak Shuttle Gauge en l'occurence, avec lequel j'avais testé quelques pompes), je lis la même pression, avec ou sans l'adaptateur Clik... Je n'ai pas eu de réponse de la part de Schwalbe à ce sujet, pour le moment.


RÉCAPITULATIF DES MODÈLES
Kits de conversion :

• Paire d'obus SCV : 6 € pour valves Presta et Dunlop
• Embout de conversion Schrader (AV) vers Clik (SCV) : 10€
• Paire d'obus SCV + adaptateur de tête de pompe universel : 14 €
• Paire d'obus SCV + tête de pompe à pied : 17 €

Valves tubeless :

• Jeu de 2 valves tubeless 40 mm - 24 €
• Existent aussi en 60 mm et 80 mm (27 € et 30 € respectivement)

Chambres à air :

• L'ensemble de la gamme de chambres à air (Standard en butyl, et Aerothan en TPU)  est désormais déclinée avec valve Clik intégrée.