L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.
64 jours
5613km
+19281m
/ -19251m
L'Irlande ! La Verte Érin... aux paysages verdoyants. Irlande, Irlande du nord, voilà mon projet de cette année 2025 pour un tour complet de trois-mille-cinq-cents kilomètres auquel il faudra ajouter ma traversée de la France de Roscoff à Besançon : mille-cinq-cents kilomètres.
Partir seule à vélo pour faire le tour de France, rallier Saint-Nazaire à la mer Noire ou encore pédaler de Besançon jusqu’au cap Nord, ce n’est pas simplement admirer des paysages, des villes, des musées et goûter à de nouvelles saveurs. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres cultures, de plonger dans des traditions inconnues et, peut-être plus que tout, d’apprendre à se connaître soi-même.
Partir seule à vélo pour faire le tour de France, rallier Saint-Nazaire à la mer Noire ou encore pédaler de Besançon jusqu’au cap Nord, ce n’est pas simplement admirer des paysages, des villes, des musées et goûter à de nouvelles saveurs. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres cultures, de plonger dans des traditions inconnues et, peut-être plus que tout, d’apprendre à se connaître soi-même.
Activité :
vélo de randonnée
Statut :
réalisé
Distance :
5613km
DATE :
02/07/2025
Durée :
64 jours
Dénivelées :
+19281m
/ -19251m
Alti min/max :
0m/550m
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
ferry
Mise à jour section : 17 nov.
391km
+991m
/ -955m
1m/104m
Westport, Newport, Mulranny, Bangor Erris, Bumba Locha, (lac Doolough) 84 km 378 m
Lac Doolough, Barnatra, Glenamoy, Béal Deirg, Bally Castle, Kilala, Ballina 79 km 524 m
Ballina, Enniscrone, Ballysadare, Sligo Sligeac 83 km 545 m
Sligo Sligeac, Carney, Grogagh, Mullahmore, Cross, Gubacreen, Ballyshannon, Ballintra, Donegal, Ballishannon 80 km 665 m
Ballishannon, Donegal, Ardara, An Fhearthann 80 km 665 m
Lac Doolough, Barnatra, Glenamoy, Béal Deirg, Bally Castle, Kilala, Ballina 79 km 524 m
Ballina, Enniscrone, Ballysadare, Sligo Sligeac 83 km 545 m
Sligo Sligeac, Carney, Grogagh, Mullahmore, Cross, Gubacreen, Ballyshannon, Ballintra, Donegal, Ballishannon 80 km 665 m
Ballishannon, Donegal, Ardara, An Fhearthann 80 km 665 m
Lundi 28 juillet – 27e jour
84 km / 378 m
Doogort, Mulranny, Bangor Erris, Bumba Locha (lac Doolough)
Le temps de chercher et d’installer ma moustiquaire de tête, pas plus grosse qu’un pruneau d’Agen, je me fais assaillir par les midges dès la sortie de ma tente. Je ressens très rapidement les multiples morsures sur mon visage : le front, le pourtour du visage, le bord des paupières, y compris le cuir chevelu.
Mes voisins, une famille bretonne, avec deux enfants de dix et onze ans, m’envient de posséder un objet aussi efficace. À condition de la porter avant de sortir de la tente.
Je dois revenir sur une partie de mon parcours d’hier et emprunter la voie verte si agréable et bien pensée avec tables et bancs disposés régulièrement.
Hier j’ai parcouru soixante-dix kilomètres dont une cinquantaine sur la Greenway au dénivelé modeste. J’ai fait un détour par Mulranny, situé sur un isthme entre les baies de Clew et de Blacksod. Une simple glace dégustée a pris une grande saveur devant un paysage majestueux. Mais pour repartir, j’ai pensé ne pas pouvoir remonter les cinquante mètres, au dénivelé de vingt pour cent, qui me séparaient de la Greenway.
Aujourd’hui, après la traversée de l’île d’Achill et une erreur de parcours, j’arrive malencontreusement jusqu’à Mulranny aux baies envoûtantes et aux délicieuses glaces.
Puis l’Eurovelo1 m’entraîne dans le comté de Mayo qui n’a plus le faste du sud. Les maisonnettes ne font pas de chichi. Elles ont perdu porches et vérandas.
Je remarque la plupart du temps deux zones. Une à droite de la route occupée par de vastes prairies à moutons et, à gauche, d’immenses étendues de tourbières en activité. C’est un moyen de chauffage pour les hivers qui doivent être rigoureux, dans des régions dépourvues de forêts.
Le ciel est gris avec toutes les nuances de ton. Au loin, les montagnes ont leurs sommets cachés par les nuages.
Néanmoins, je traverse quelques forêts de sapins. Quelle désolation ! Des parcelles entières sont attaquées par je ne sais quelle maladie. Les conifères sont secs et, pour la plupart, tombés à terre. Mes longues étapes me permettent d’observer de nombreuses variations de paysages.
C’est une journée solitaire où tout semble sombre !
En fin de journée, je lis sur la carte que le camping que j’avais choisi est fermé définitivement.
Je traverse un village au nom de Bankor… je pourrais planter ma tente au milieu du jardin pour enfants. Mais je continue à pédaler… Je me trompe de route et roule sur une route trop circulante à mon goût.
Et voilà que la pluie vient se mêler à ce désarroi. Je n’ai pas le temps de revêtir mes vêtements étanches. Je suis trempée jusqu’aux os.
Franchement ! Comment cette journée qui a pourtant bien commencé va-t-elle se terminer ?
Je vais être contrainte de demander l’autorisation de planter ma tente à proximité d’une ferme…
Au loin, j’aperçois une petite maison blanche, construite en haut d’une côte. Je ne me laisse pas le choix, je demanderai aux propriétaires si je peux planter ma tente dans leur jardin. Arrivée devant la maison, l’exiguïté du jardin me dissuade de faire ma demande et j’en suis soulagée, car je n’aime pas demander l’hospitalité. Cela me renvoie à la notion de vagabondage.
Mais je n’ai pas le choix. Non loin de là, je prends un chemin jusqu’à une ferme. Sous la pluie qui n’a pas diminué d’intensité, une fille d’une trentaine d’années sort de la maison. Elle me propose soit le jardin soit le hangar à cinquante mètres. Évidemment, je choisis le hangar qui, en définitive, est la bergerie. Heureusement les moutons sont dehors. Bien ! Je serai à l’abri ! Je suis complètement gelée.
Le nettoyage n’est pas celui d’une maison d’habitation. Un monsieur au grand bâton de berger est assis sur un immense sac au milieu de peaux de mouton. Je tourne un peu en rond. Je ne me décide pas à sortir mon matériel de campement. La jeune fille s’en va.
De nombreuses voitures sont stationnées à proximité de la bergerie et, à différents moments, des tracteurs bleus viennent tourner à toute vitesse devant celle-ci. Je ne saisis pas pourquoi il y a tant d’effervescence.
D’autres hommes arrivent. Ils se mettent à l’abri. J’engage la conversation avec l’un d’eux. Il me regarde étrangement lorsque je relate : « Je n’ai pas trouvé d’hébergement ! Je passerai la nuit dans la bergerie, à l’abri de la pluie ! » Je ne comprends pas très bien ce qu’il me répond. Il me fait signe de monter dans sa voiture. Un autre homme me crie : « Non ! Non ! Non ! » car j’allais monter du côté conducteur. Je n’ai pas la notion de la place du passager à l’avant d’une voiture.
Tous ces spectateurs devaient bien se demander quel était cet ovni qui avait atterri devant la bergerie.
Puis je pars… sans savoir où. L’homme me conduit jusqu’à la maison, celle où je voulais m’arrêter précédemment. Il me donne la clef et je commence à comprendre ce qu’il m’a dit précédemment. Il n’habite plus sa maison et me la prête pour la nuit.
Sa maison est encore meublée avec quatre chambres aux lits tirés de draps et couverts de couettes. Le salon est confortable. La cuisine est un peu démantibulée avec certains meubles déplacés. Il m’avise que je peux utiliser la salle de bains.
Puis il me reconduit à la ferme pour aller chercher ma bicyclette. À l’entrée de la bergerie, le groupe s’est étoffé.
Siobhan Mc Donagh est le nom de la fille du propriétaire de la bergerie. Elle est là avec son père. Elle me renseigne : « Un garage est situé juste à côté, c’est pour cela que tant de voitures sont stationnées. Le garagiste répare aussi les tracteurs et ils font les essais en tournicotant par ici. » Elle est très heureuse que Paddy, car il s’appelle Paddy, me prête sa maison. Paddy au grand cœur. Paddy si chaleureux. Paddy si généreux. Mais Paddy si triste. Que lui est-il arrivé ? Il a la profonde tristesse des gens qui ont perdu un être cher.
Et je pars seule sous la pluie rejoindre la maison de Paddy. Merci à lui et à Siobhan.
Après cette journée bizarre où les midges m’ont dévorée, où le parcours a été semé d’embûches et d’erreurs, où la désolation des forêts m’a consternée, où j’ai été trempée jusqu’aux os, je trouve que finalement, tout s’arrange.
Une belle fin de journée va compenser ces émotions fortes. La nuit s’annonce calme.
84 km / 378 m
Doogort, Mulranny, Bangor Erris, Bumba Locha (lac Doolough)
Le temps de chercher et d’installer ma moustiquaire de tête, pas plus grosse qu’un pruneau d’Agen, je me fais assaillir par les midges dès la sortie de ma tente. Je ressens très rapidement les multiples morsures sur mon visage : le front, le pourtour du visage, le bord des paupières, y compris le cuir chevelu.
Mes voisins, une famille bretonne, avec deux enfants de dix et onze ans, m’envient de posséder un objet aussi efficace. À condition de la porter avant de sortir de la tente.
Je dois revenir sur une partie de mon parcours d’hier et emprunter la voie verte si agréable et bien pensée avec tables et bancs disposés régulièrement.
Hier j’ai parcouru soixante-dix kilomètres dont une cinquantaine sur la Greenway au dénivelé modeste. J’ai fait un détour par Mulranny, situé sur un isthme entre les baies de Clew et de Blacksod. Une simple glace dégustée a pris une grande saveur devant un paysage majestueux. Mais pour repartir, j’ai pensé ne pas pouvoir remonter les cinquante mètres, au dénivelé de vingt pour cent, qui me séparaient de la Greenway.
Aujourd’hui, après la traversée de l’île d’Achill et une erreur de parcours, j’arrive malencontreusement jusqu’à Mulranny aux baies envoûtantes et aux délicieuses glaces.
Puis l’Eurovelo1 m’entraîne dans le comté de Mayo qui n’a plus le faste du sud. Les maisonnettes ne font pas de chichi. Elles ont perdu porches et vérandas.
Je remarque la plupart du temps deux zones. Une à droite de la route occupée par de vastes prairies à moutons et, à gauche, d’immenses étendues de tourbières en activité. C’est un moyen de chauffage pour les hivers qui doivent être rigoureux, dans des régions dépourvues de forêts.
Le ciel est gris avec toutes les nuances de ton. Au loin, les montagnes ont leurs sommets cachés par les nuages.
Néanmoins, je traverse quelques forêts de sapins. Quelle désolation ! Des parcelles entières sont attaquées par je ne sais quelle maladie. Les conifères sont secs et, pour la plupart, tombés à terre. Mes longues étapes me permettent d’observer de nombreuses variations de paysages.
C’est une journée solitaire où tout semble sombre !
En fin de journée, je lis sur la carte que le camping que j’avais choisi est fermé définitivement.
Je traverse un village au nom de Bankor… je pourrais planter ma tente au milieu du jardin pour enfants. Mais je continue à pédaler… Je me trompe de route et roule sur une route trop circulante à mon goût.
Et voilà que la pluie vient se mêler à ce désarroi. Je n’ai pas le temps de revêtir mes vêtements étanches. Je suis trempée jusqu’aux os.
Franchement ! Comment cette journée qui a pourtant bien commencé va-t-elle se terminer ?
Je vais être contrainte de demander l’autorisation de planter ma tente à proximité d’une ferme…
Au loin, j’aperçois une petite maison blanche, construite en haut d’une côte. Je ne me laisse pas le choix, je demanderai aux propriétaires si je peux planter ma tente dans leur jardin. Arrivée devant la maison, l’exiguïté du jardin me dissuade de faire ma demande et j’en suis soulagée, car je n’aime pas demander l’hospitalité. Cela me renvoie à la notion de vagabondage.
Mais je n’ai pas le choix. Non loin de là, je prends un chemin jusqu’à une ferme. Sous la pluie qui n’a pas diminué d’intensité, une fille d’une trentaine d’années sort de la maison. Elle me propose soit le jardin soit le hangar à cinquante mètres. Évidemment, je choisis le hangar qui, en définitive, est la bergerie. Heureusement les moutons sont dehors. Bien ! Je serai à l’abri ! Je suis complètement gelée.
Le nettoyage n’est pas celui d’une maison d’habitation. Un monsieur au grand bâton de berger est assis sur un immense sac au milieu de peaux de mouton. Je tourne un peu en rond. Je ne me décide pas à sortir mon matériel de campement. La jeune fille s’en va.
De nombreuses voitures sont stationnées à proximité de la bergerie et, à différents moments, des tracteurs bleus viennent tourner à toute vitesse devant celle-ci. Je ne saisis pas pourquoi il y a tant d’effervescence.
D’autres hommes arrivent. Ils se mettent à l’abri. J’engage la conversation avec l’un d’eux. Il me regarde étrangement lorsque je relate : « Je n’ai pas trouvé d’hébergement ! Je passerai la nuit dans la bergerie, à l’abri de la pluie ! » Je ne comprends pas très bien ce qu’il me répond. Il me fait signe de monter dans sa voiture. Un autre homme me crie : « Non ! Non ! Non ! » car j’allais monter du côté conducteur. Je n’ai pas la notion de la place du passager à l’avant d’une voiture.
Tous ces spectateurs devaient bien se demander quel était cet ovni qui avait atterri devant la bergerie.
Puis je pars… sans savoir où. L’homme me conduit jusqu’à la maison, celle où je voulais m’arrêter précédemment. Il me donne la clef et je commence à comprendre ce qu’il m’a dit précédemment. Il n’habite plus sa maison et me la prête pour la nuit.
Sa maison est encore meublée avec quatre chambres aux lits tirés de draps et couverts de couettes. Le salon est confortable. La cuisine est un peu démantibulée avec certains meubles déplacés. Il m’avise que je peux utiliser la salle de bains.
Puis il me reconduit à la ferme pour aller chercher ma bicyclette. À l’entrée de la bergerie, le groupe s’est étoffé.
Siobhan Mc Donagh est le nom de la fille du propriétaire de la bergerie. Elle est là avec son père. Elle me renseigne : « Un garage est situé juste à côté, c’est pour cela que tant de voitures sont stationnées. Le garagiste répare aussi les tracteurs et ils font les essais en tournicotant par ici. » Elle est très heureuse que Paddy, car il s’appelle Paddy, me prête sa maison. Paddy au grand cœur. Paddy si chaleureux. Paddy si généreux. Mais Paddy si triste. Que lui est-il arrivé ? Il a la profonde tristesse des gens qui ont perdu un être cher.
Et je pars seule sous la pluie rejoindre la maison de Paddy. Merci à lui et à Siobhan.
Après cette journée bizarre où les midges m’ont dévorée, où le parcours a été semé d’embûches et d’erreurs, où la désolation des forêts m’a consternée, où j’ai été trempée jusqu’aux os, je trouve que finalement, tout s’arrange.
Une belle fin de journée va compenser ces émotions fortes. La nuit s’annonce calme.
…
Mardi 29 juillet - 28e jour
79 km / 524 m
Lac Doolough, Barnatra, Glenamoy, Béal Deirg, Bally Castle, Kilala,
À écrire
79 km / 524 m
Lac Doolough, Barnatra, Glenamoy, Béal Deirg, Bally Castle, Kilala,
À écrire
Mercredi 30 juillet
…
À Ballina
Jeudi 31 juillet - 30e jour
Journée farniente
Jeudi 31 juillet - 30e jour
Journée farniente
…
Vendredi 1er août – 31e jour
83 km / 545 m
Ballina, Enniscrone, Ballysadare, Sligo Sligeac
Ce matin, la route ondule dans un paysage ressemblant étrangement à la Franche-Comté.
Au cours de ces ondoiements, dans la forme concave, je prends de la vitesse dans la partie descendante afin de remonter le plus loin possible dans la partie ascendante. Hélas, rarement jusqu’en haut. Sans anticipation, les vitesses, mal positionnées, ne me permettent pas de poursuivre ma progression et, en pestant, je suis obligée de terminer, la côte à pied.
Aujourd’hui, je dois parcourir quatre-vingts kilomètres selon mon tracé Osmand. La trace de l’Eurovelo1, celle que je vais suivre, diffère et je crains d’en faire beaucoup plus. Vais-je y arriver ? J’en doute, je suis partie à dix heures, très tardivement.
Devant leurs petites maisons au jardinet bien entretenu, des dames âgées s’affairent. L’une retire les mauvaises herbes d’un parterre de fleurs et l’autre tond le gazon d’un espace pas plus grand qu’un mouchoir de poche.
Ce début d’étape est reposant. La route secondaire est bordée de crocosmias, de salicaires, de fuchsias de Magellan, de centaurées noires. Elles sont toutes là ! Je me suis habituée à ces jolies plantes invasives et elles égaient mon début de parcours.
Mon amie Monique me téléphone. Je marche durant une heure à lui narrer l’Irlande. Je lui expose ma crainte de devoir franchir les montagnes qui sont à ma droite. Monique se remet péniblement de multiples fractures d’une jambe. Je pense être chanceuse, de marcher, pédaler, pousser ma bicyclette. Je suis heureuse de vivre cette journée même si celle-ci va s’étendre jusqu’à la nuit, qu’aucune rencontre ne viendra l’égayer, une journée fatigante, harassante, mais surtout remplie d’émotions. Mais tout cela je ne le sais pas encore !
Et voilà… je commence une traversée du désert. Désert de dunes qui se succèdent. Parfois couvertes de sapins ou d’herbe rase, rougie, courbée par le vent. La plaine, enserrée entre les montagnes, où serpente la route étroite aux dénivelés de plus en plus difficiles, me met en difficulté. À certains moments, mes efforts doivent être colossaux pour réussir à pousser ma bicyclette. Dès que cela est possible, j’essaie d’appuyer le plus vite possible sur les pédales. C’est déjà le milieu de l’après-midi. Heureusement j’ai le vent dans le dos ou alors de profil.
Je traverse les monts Ox. Slieve Gamph en irlandais : montagnes de la tempête. Ils sont également connus sous le nom de monts Saint-Patrick, du nom du saint qui construisit des églises sur ses pentes et laissa son nom à certains de ses puits. Lorsque je sortirai de ces difficultés, plusieurs heures après, à la suite de deux immenses boucles me conduisant à des lacs et aux montagnes Ox, je ne verrai qu’une seule église. En ruine.
À certains endroits, je remarque qu’il y a longtemps, la terre a été tranchée pour l’excavation de la tourbe. Les tourbières ont commencé leur régénération. Quelquefois, un spectacle de désolation se présente à cause des forêts de sapins desséchés, tombés aux sols. De grands arbres ont capitulé aussi. Ils se sont couchés emportant racines et terre. Ils ne sont pas malades ceux-ci, mais ils montrent que leurs racines se sont développées en surface. Sans ancrage suffisant, les arbres tombent exposant ainsi à la vue des promeneurs un immense disque de terre parcouru de racines.
Néanmoins, le spectacle des montagnes d’Ox est saisissant, se modifiant perpétuellement. Je découvre des monts couverts de lande battue par les vents, d’autres revêtus par les forêts de sapins et de pins. À certains endroits, la bruyère commune couleur violine vient donner une note de gaieté au bas des montagnes. Évidemment, les moutons sont ici aussi en liberté. Parfois couchés au milieu de cette route étroite, craintifs, ils ne font qu’un bond à mon approche et s’éloignent prestement.
Il est beaucoup trop tard pour moi ! Les montagnes m’entourent et je ne perçois pas où la route peut se faufiler pour me permettre d’en sortir.
Il y a parfois des moments qui ressemblent à de l’accablement lorsque le soir arrive et que l’on est toujours dans l’incertitude d’un hébergement. Et pour parfaire l’image, le vent est face à moi. Une église en ruine vient ponctuer ces panoramas somptueux malgré quelques accrocs dans la nature.
Enfin, petit à petit, les montagnes diminuent d’intensité et l’horizon s’ouvre progressivement. La mer apparaît puis disparaît derrière le relief. Malgré les trente ou quarante kilomètres qui m’attendent encore, alors qu’il est dix-huit heures, je ressens un immense bonheur, une immense fierté d’avoir franchi les montagnes de la tempête.
Quelques kilomètres sur la nationale limitée à 100 km/h me créent des frayeurs. Je bifurque rapidement et rejoint la route secondaire en bord de mer.
Je ne trouve pas d’hébergement, mais je sais que si j’atteins le bout de mon étape, je trouverai le camping de Strandhill, proche de Sligo.
La nuit tombe. Puis il fait de plus en plus sombre pour finir par une nuit noire. Les phares de ma bicyclette me rendent très visible et mon gilet jaune aux bandes réfléchissantes également.
Sur mon parcours, je cherche un endroit où planter ma tente. Derrière deux énormes bottes de foin… mais c’est plus fort que moi, je poursuis ma route. Plus loin, j’arrive à un village et j’aperçois le haut du clocher d’une église. C’est décidé, je vais planter ma tente contre l’église. J’y suis ! Et je vois sur son mur d’enceinte un panneau : camping à sept kilomètres.
Il est vingt-deux heures ! Je ne suis plus à une demi-heure près. Je pourrai prendre une bonne douche et me rendre rapidement à Sligo demain matin pour remplacer les patins de frein déjà usés.
Dans la nuit, le gardien du camping m’installe dans un endroit tranquille. Amélie, rencontrée quatre jours auparavant, cyclo-voyageuse belge, me repère de loin grâce à mon accoutrement jaune. Elle vient m’aider à installer mon campement.
Cette journée aura été la plus longue, la plus solitaire et peut-être la plus difficile.
C’est cela l’aventure. L’incertitude, l’inconnu, les craintes.
Mais également celle d’une rencontre avec les montagnes de la tempête, un gardien prévenant, une cyclo-voyageuse aidante.
Et puis un ange gardien ! Et tant pis si mes convictions d’athée vacillent sur leurs piédestaux.
83 km / 545 m
Ballina, Enniscrone, Ballysadare, Sligo Sligeac
Ce matin, la route ondule dans un paysage ressemblant étrangement à la Franche-Comté.
Au cours de ces ondoiements, dans la forme concave, je prends de la vitesse dans la partie descendante afin de remonter le plus loin possible dans la partie ascendante. Hélas, rarement jusqu’en haut. Sans anticipation, les vitesses, mal positionnées, ne me permettent pas de poursuivre ma progression et, en pestant, je suis obligée de terminer, la côte à pied.
Aujourd’hui, je dois parcourir quatre-vingts kilomètres selon mon tracé Osmand. La trace de l’Eurovelo1, celle que je vais suivre, diffère et je crains d’en faire beaucoup plus. Vais-je y arriver ? J’en doute, je suis partie à dix heures, très tardivement.
Devant leurs petites maisons au jardinet bien entretenu, des dames âgées s’affairent. L’une retire les mauvaises herbes d’un parterre de fleurs et l’autre tond le gazon d’un espace pas plus grand qu’un mouchoir de poche.
Ce début d’étape est reposant. La route secondaire est bordée de crocosmias, de salicaires, de fuchsias de Magellan, de centaurées noires. Elles sont toutes là ! Je me suis habituée à ces jolies plantes invasives et elles égaient mon début de parcours.
Mon amie Monique me téléphone. Je marche durant une heure à lui narrer l’Irlande. Je lui expose ma crainte de devoir franchir les montagnes qui sont à ma droite. Monique se remet péniblement de multiples fractures d’une jambe. Je pense être chanceuse, de marcher, pédaler, pousser ma bicyclette. Je suis heureuse de vivre cette journée même si celle-ci va s’étendre jusqu’à la nuit, qu’aucune rencontre ne viendra l’égayer, une journée fatigante, harassante, mais surtout remplie d’émotions. Mais tout cela je ne le sais pas encore !
Et voilà… je commence une traversée du désert. Désert de dunes qui se succèdent. Parfois couvertes de sapins ou d’herbe rase, rougie, courbée par le vent. La plaine, enserrée entre les montagnes, où serpente la route étroite aux dénivelés de plus en plus difficiles, me met en difficulté. À certains moments, mes efforts doivent être colossaux pour réussir à pousser ma bicyclette. Dès que cela est possible, j’essaie d’appuyer le plus vite possible sur les pédales. C’est déjà le milieu de l’après-midi. Heureusement j’ai le vent dans le dos ou alors de profil.
Je traverse les monts Ox. Slieve Gamph en irlandais : montagnes de la tempête. Ils sont également connus sous le nom de monts Saint-Patrick, du nom du saint qui construisit des églises sur ses pentes et laissa son nom à certains de ses puits. Lorsque je sortirai de ces difficultés, plusieurs heures après, à la suite de deux immenses boucles me conduisant à des lacs et aux montagnes Ox, je ne verrai qu’une seule église. En ruine.
À certains endroits, je remarque qu’il y a longtemps, la terre a été tranchée pour l’excavation de la tourbe. Les tourbières ont commencé leur régénération. Quelquefois, un spectacle de désolation se présente à cause des forêts de sapins desséchés, tombés aux sols. De grands arbres ont capitulé aussi. Ils se sont couchés emportant racines et terre. Ils ne sont pas malades ceux-ci, mais ils montrent que leurs racines se sont développées en surface. Sans ancrage suffisant, les arbres tombent exposant ainsi à la vue des promeneurs un immense disque de terre parcouru de racines.
Néanmoins, le spectacle des montagnes d’Ox est saisissant, se modifiant perpétuellement. Je découvre des monts couverts de lande battue par les vents, d’autres revêtus par les forêts de sapins et de pins. À certains endroits, la bruyère commune couleur violine vient donner une note de gaieté au bas des montagnes. Évidemment, les moutons sont ici aussi en liberté. Parfois couchés au milieu de cette route étroite, craintifs, ils ne font qu’un bond à mon approche et s’éloignent prestement.
Il est beaucoup trop tard pour moi ! Les montagnes m’entourent et je ne perçois pas où la route peut se faufiler pour me permettre d’en sortir.
Il y a parfois des moments qui ressemblent à de l’accablement lorsque le soir arrive et que l’on est toujours dans l’incertitude d’un hébergement. Et pour parfaire l’image, le vent est face à moi. Une église en ruine vient ponctuer ces panoramas somptueux malgré quelques accrocs dans la nature.
Enfin, petit à petit, les montagnes diminuent d’intensité et l’horizon s’ouvre progressivement. La mer apparaît puis disparaît derrière le relief. Malgré les trente ou quarante kilomètres qui m’attendent encore, alors qu’il est dix-huit heures, je ressens un immense bonheur, une immense fierté d’avoir franchi les montagnes de la tempête.
Quelques kilomètres sur la nationale limitée à 100 km/h me créent des frayeurs. Je bifurque rapidement et rejoint la route secondaire en bord de mer.
Je ne trouve pas d’hébergement, mais je sais que si j’atteins le bout de mon étape, je trouverai le camping de Strandhill, proche de Sligo.
La nuit tombe. Puis il fait de plus en plus sombre pour finir par une nuit noire. Les phares de ma bicyclette me rendent très visible et mon gilet jaune aux bandes réfléchissantes également.
Sur mon parcours, je cherche un endroit où planter ma tente. Derrière deux énormes bottes de foin… mais c’est plus fort que moi, je poursuis ma route. Plus loin, j’arrive à un village et j’aperçois le haut du clocher d’une église. C’est décidé, je vais planter ma tente contre l’église. J’y suis ! Et je vois sur son mur d’enceinte un panneau : camping à sept kilomètres.
Il est vingt-deux heures ! Je ne suis plus à une demi-heure près. Je pourrai prendre une bonne douche et me rendre rapidement à Sligo demain matin pour remplacer les patins de frein déjà usés.
Dans la nuit, le gardien du camping m’installe dans un endroit tranquille. Amélie, rencontrée quatre jours auparavant, cyclo-voyageuse belge, me repère de loin grâce à mon accoutrement jaune. Elle vient m’aider à installer mon campement.
Cette journée aura été la plus longue, la plus solitaire et peut-être la plus difficile.
C’est cela l’aventure. L’incertitude, l’inconnu, les craintes.
Mais également celle d’une rencontre avec les montagnes de la tempête, un gardien prévenant, une cyclo-voyageuse aidante.
Et puis un ange gardien ! Et tant pis si mes convictions d’athée vacillent sur leurs piédestaux.

Section 5 : du 28 au 1er août