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L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.

64 jours
5613km
+19281m / -19251m
Par Jacqueline25
mis à jour 23 oct.
3306 lecteurs
Informations générales
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L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.

Section 4 : du 23 au 27 juille..

Mise à jour section : 05 août

487km
+1238m / -1282m
0m/191m
Mountshannn , Connagh, Flesk, Kilebrack, Loughrea, Galway, Knocknacarragh 82,1km 450 m
Galway 30 km
Galway, Na Forbacha, Baile na hAbham, Caas Camus, Dhoire lorrais, Doonregan, Toombeola puis à G pour Roundstone 83,7 km 386 m
Roundstone, Ballinaboy, Clifden, Ardmore, Moyard, Letterfrack, Tullycross, Salrock  (Connemara) 75 km 394 m
Salrock, Leenane, Ben Creggan, Liscarney, Westport 64 km 410 m

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Section 4 : du 23 au 27 juille..
Pour ceux qui me suivent et s’inquiètent. Tout va bien ! Mais il me reste peu de temps pour écrire… Et j’ai une semaine de retard dans mon cahier.
J’avance je suis arrivée au point violet, presqu’au Nord.
Section 4 : du 23 au 27 juille..

… 
Section 4 : du 23 au 27 juille..
Mercredi 23 juillet - 22e jour
83,7 km / 386 m
Galway, Na Forbacha, Baile na hAbham, Caas Camus, Dhoire lorrais, Doonregan,
Toombeola puis à G pour Roundstone

Debout dès l’aurore après une nuit d’insomnie. Mais tout va bien. Je suis en forme. L’exercice physique à haute dose exerce certaines modifications physiques grâce notamment aux endorphines, aux anti-inflammatoires et à un système immunitaire renforcé. Les quatre hormones du bonheur sont là ; Dopamine, ocytocine, sérotonine et endorphine. De quoi parfaire mon voyage !
En principe l’essentiel est rangé dans les sacoches la veille afin d’être opérationnel le plus tôt possible. Mais hier soir, j’ai discuté tardivement avec cette dame. Exceptionnellement la tente est quasiment sèche ce matin. Pas de pluie, pas de rosée. Chaque petit événement simplifiant la vie est un plaisir lorsque l’on est une nomade. 
J’emprunte la R336, route régionale très circulante. Je circule sur le trottoir. Il me met en sécurité durant trente kilomètres. Trente kilomètres pour desservir une maison de temps à autre ! C’est parfait pour moi ! Il est soit à ma gauche, qui est la droite chez nous, ou soit à ma droite qui est la gauche chez nous. Enfin ! J’ai intégré les repères de la conduite à gauche, y compris pour la circulation sur les ronds-points ou dans les carrefours. Lors de la traversée de la route à pied, ce point reste sensible. Je ne sais dans quel sens arrivent les voitures. 
Passant ma vie dehors, il m’est impératif d’être extrêmement vigilante. C’est tout un apprentissage. Une inversion de soixante-douze ans d’expériences. 
Peu avant Spiddal, un groupement de maisons colorées m’arrêtent. Un îlot pour touristes français avec différentes boutiques ; galerie d’art, maroquinerie… et un musée avec fabrication d’objets en rotin, pulls, écharpes et tours de cou en bonne laine de mouton d’Irlande. J’achète une écharpe et un tour de cou. J’ai égaré ce dernier qui m’était très utile, car parfois j’ai froid. Mon corps n’a pas encore inversé son processus d’habituation au froid. Je suis encore dans la lutte contre la canicule française et celle de l’Irlande du sud. Évidemment, le site comporte un bar avec de nombreuses pâtisseries et des cafés de toutes sortes : small, médium et large. Large… un demi-litre environ.
Les Français visitent le Connemara. Nous connaissons tous ce mot par une chanson française de 1981.
J’entre progressivement dans le Connemara où 80 % des terres sont incultivables. 
Cromwell (1649). Après des massacres, les survivants paysans catholiques furent déportés à l’ouest du fleuve Shannon. Cromwell aurait alors prononcé ces paroles : « To Connacht or to Hell », c'est-à-dire : « Le Connacht ou l'enfer ». Le Connacht servit en effet pendant longtemps de zone refuge aux Irlandais catholiques face à l'oppresseur britannique.
Et pourtant, grâce à une économie semi-autarcique et à beaucoup de sacrifices, la population, nombreuse arrivait à survivre, à perpétuer sa langue et à affirmer son identité. La grande famine de 1845 brisa cette société, et l’immense hémorragie de l’émigration acheva de la désorganiser.
Est-ce le passé qui surgit devant moi ? Des ruines de petites masures de pierre avec quelques lopins de terre. De toutes petites parcelles qu’il a fallu épierrer. Les pierres ont été utilisées pour la construction des murs qui, parfois, sont arrêtés par un rocher impossible à déplacer, mais reprennent au bout de ce même rocher. Ces murs sont accidentés, irréguliers, épousant un sol tourmenté. 
Je suis émue. Je ressens le passé qui se dégage de ces lieux. Un tout petit lopin pour faire paître une vache. Un autre pour cultiver des pommes-de-terre. Et une masure pour se mettre à l’abri, chauffée aux galettes de tourbe. Le tout loué à de riches propriétaires.
Puis je quitte ce lieu en bordure de mer. 
J’atteins des plateaux couverts de lande à l’herbe basse, puis de vastes zones couvertes de lacs. Les montagnes sont proches.
Et je n’en finis pas de pédaler avec l’impression que je me dirige trop à l’est. Seule ! Je suis seule d’un lac à l’autre. Les paysages changent d’aspect, présentant des terres rocailleuses et dépouillées qui alternent avec les tourbières. Quelques maisons de-ci de-là, et je me rends compte de ma méprise. Lors de mes lectures, de l’autrice Edna O’Brien pour ne citer qu’elle par exemple, j’imaginais que la tourbe placée dans les cheminées étaient en forme de galettes. En réalité, ce sont des bûches de trente centimètres, parallélépipédiques de 10 x 10 cm, dont quelques racines en dépassent. D’importantes quantités sont entreposées sous des hangars.
J’observe, des tranchées creusées par l’extraction de la tourbe ; de petits tas au milieu des tourbières de cinq ou six briquettes, posées à la verticale et en appui les unes avec les autres, terminent leur séchage ; des tas de briquettes au bord de la route ; dans les champs, des sacs en plastique d’environ cinquante litres, remplis de ces briquettes attendent, ouverts, face au vent. Je suis fascinée par ce simple fait. J’ai l’impression que mes lectures s’animent.
Un automobiliste s’arrête. Il
s’inquiète de me savoir dans ces montagnes. Il est rassuré lorsque je lui dis que je vais à Roundstone. Je ne suis pas perdue. Pour un automobiliste, c’est la porte à côté, mais pas pour moi.
Évidemment, j’ai le vent de face. 
Victoire ! La route n’a pas rencontré les semelles de mes chaussures, sinon pour photographier toute une variété de panoramas durant ma journée. J’ai progressé depuis le début de mon voyage.
Mes deux compères, traces Garmin et Google Maps ne s’accordent absolument pas. Leur danse est chaotique. Ils se marchent sur les pieds. De surcroît les noms des lieux sont écrits en gaélique.
Cela fait douze heures que je suis partie avec simplement deux petites pauses d’une demi-heure. J’ai donc pédalé onze heures. 
J’arrive enfin au bord de l’océan Atlantique par de belles descentes que je dois remonter en partie pour rejoindre le village de Roundstone et arriver ensuite dans un camping à vingt heures, après une étape de quatre-vingt-cinq kilomètres, peut-être plus, car tous mes appareils de mesure ne fonctionnent plus.
Je passe la soirée avec Lucie, Irlandaise, qui a pris quelques jours de vacances, et Seng, Français, en vacances avec sa femme. Chaque camping en Irlande possède une cuisine avec salle à manger. Seng me demande comment je me dirige. Lorsque je lui montre mon pauvre GPS, il le prend dans ses délicates mains d’informaticien, et l’appareil s’ouvre en deux comme par magie pour livrer ses secrets. L’humidité a désagrégé le joint et la colle du cadran. Seng me conseille : « Tentez de le sécher. Vous pouvez le placer sous le sèche-mains pendant une dizaine de minutes. » J’écouterai ce conseil, mais sans succès. Seng nous raconte sa venue en France, encore enfant, depuis le Laos.
En apprenant ma mésaventure au camping de Doonbeg, Lucie recherche sur son téléphone la photo dudit camping, car elle veut la confirmation de l’endroit. La douce Lucie qui habite le comté de Clare m’annonce tout de go : « Avec mes amis motards, nous irons rencontré ce monsieur. En Irlande on ne refuse jamais l’hospitalité ! »
Elle m’informe aussi : « Trump possède un terrain de golf dans ce village ! »
Lucie nous raconte l’extraction de la tourbe. (Je rapporterai ses paroles plus tard !)
Puis il est très tard ! Il fait froid !
Lucie me montre sa bouillotte et va prendre une douche pour se réchauffer. Dans la nuit, je rejoints le fond d’un champ du camping quatre étoiles, gratuit pour moi, car je ne réussirai pas à rencontrer le gérant.
Stuart
Stuart
Jeudi 24 juillet - 23e jour
75 km / 394 m
Roundstone, Ballinaboy, Clifden

Ardmore, Moyard, Letterfrack, Tullycross, Salrock

Ce matin, Lucie vient me demander : « Quelle est ta philosophie de vie pour te déplacer à vélo et aussi pour monter et démonter ton campement quotidiennement. »
Pour moi, c’est un rêve d’enfance ! C’est un besoin de liberté ! C’est prendre le temps ! C’est s’imprégner de la nature ! C’est découvrir le monde et les gens d’une façon hors du commun… 
À chaque départ, dès que j’ai pris en main ma lourde monture, je sais que je fais ce que j’aime. D’emblée, je suis envahie par une immense sensation de liberté et de légèreté. Je plonge dans un changement radical de mes habitudes valorisant l’autonomie, l’entraide, le dépassement de soi, les découvertes, le plaisir d’avancer selon un mode de déplacement doux.
De citadine, je deviens nomade.
De discrète, je deviens volubile.
De solitaire, je deviens liante.
D’effacée, je deviens exubérante.
De taciturne, je deviens communicative.
Et parfois, de citadine au confort certain, je deviens vagabonde.
Lucie m’écoute avec attention. Elle m’avoue : « Nos conversations d’hier et de ce matin m’ont apporté beaucoup de réconfort. Je te remercie. » je n’ai pas gardé de contacts avec Lucie. Quel dommage ! 
À mon départ, je fais  connaissance brièvement avec un jeune couple de Parisiens. Ils sont partis de Dublin pour une traversée de l’Irlande en passant par la ville d’Althone, rejoindre Galway en vue de découvrir le Connemara.
Le garçon m’informe qu’ils suivent l’Eurovelo1 grâce à une application qu’il a téléchargée et qui reprend l’intégralité de l’Eurovélo1. Du cap Nord au Portugal. Cette trace est découpée en 224 séquences.
Avant la ville de Clifden, ville de deux-mille habitants, considérée comme la capitale du Connemara, je m’arrête… Je ne peux faire l’impasse. Sur un espace au bord de la route, Edna est là ! Dans son van à cheval qu’elle a personnalisé. 
Magnifique ! Il est peint en rose aux fleurs blanches dont le cœur est jaune. Le salon d’été, constitué de petites tables roses aussi, m’accueille pour le déjeuner où je me régale  d’un sandwich garni de boudin blanc et noir. Je résiste aux pâtisseries, décorées avec brio, qui sont déposées sous cloches. 
Je remarque que le pull d’Edna est en parfait accord avec son van. Quel bon moment avec la fantaisiste Edna !
J’arrive à Clifden. Je dois remplacer ma béquille qui montre quelques faiblesses. Décidément, je ne pourrai plus me vanter de posséder le vélo le plus robuste au monde !
Je m’arrête à Clifden bike shop où Stuart, le mécanicien, recherche la plus robuste des béquilles pour supporter ma bicyclette et sa lourde charge. Il prend le temps. Il installe aussi un compteur puisque le mien ne fonctionne plus, même après être allée changer la pile chez le bijoutier de Clifden. 
Rien n’a résisté aux pluies irlandaises ! Le précédent était un véritable petit ordinateur avec de nombreuses fonctions. Celui-ci est un modèle de base.
Stuart , garçon extrêmement sympathique parle un peu français.
Il me dit : « Je suis absolument ravi d’avoir remis votre vélo en état et, aujourd’hui, j’ai appris un nouveau mot français : béquille. »
Merci ci à Stuart, patient et chaleureux. J’ai eu le temps, pendant la remise en état, de me promener dans la jolie ville de Clifden.
Un camping  est situé non loin. Mon étape se termine après vingt-cinq kilomètres. Deviendrais-je fainéante ? Ou alors dois-je considérer qu’une remise en état vaut bien une demi-journée de pédalage.
Je peux enfin laver mon linge ! Depuis plus d’une semaine, je n’ai pas eu de machine à laver à disposition. Tout ce qui est en tissu pénètre dans la machine. Sauf la tente ! Malgré de bonnes sacoches étanches, mes effets ont absorbés l’humidité.
Au cours de cette fin d’après-midi, je ressens des démangeaisons au niveau du visage. Les petites mouches dévoreuses, les midges, à peine visibles, sont à l’œuvre. Je suis un véritable festin pour elles. Je vais devoir porter ma moustiquaire de tête. Déjà que je n’ai pas fière allure, je pense que cela complétera le tableau.
Section 4 : du 23 au 27 juille..
Vendredi 25 juillet - 24e jour
75 km / 394 m
Roundstone, Ballinaboy, 
Clifden, Ardmore, Moyard, Letterfrack, Tullycross, Salrock  (Connemara)

Il pleut, j’entends les gouttes tomber sur ma tente avec sa cadence régulière et douce. Elle  agit comme un calmant naturel. Ce son enveloppant est un bruit blanc ou bruit rose, en créant un fond sonore stable. Je resterais volontiers des heures  enveloppée de mon duvet. 
C’est moins drôle lorsqu’il faut boucler les sacoches courbées en sous la tente. Je ne vois plus la vie en rose et blanc.
Dans la salle commune un cycliste s’adresse à moi. Il habite à Belfast et sillonne le Connemara. Il me tend la main et se présente. C’est une tradition irlandaise que d’annoncer son prénom et son patronyme. Il ne comprend pas mon prénom et je ne comprends pas non plus le sien. Il me fait un geste avec les deux mains jointes. Il s’appelle Amen. Devant mon sourire, Amen O’Connor poursuit : « Je ne me serais jamais choisi ce prénom-là ! » Entre cyclistes, la fraternité est toujours de mise.
Aujourd’hui je vais contourner le le parc national du Connemara. À l’extrémité d’une baie, je m’arrête à une épicerie avec sa station-service et une vaste salle café-restaurant. La route doit être fréquentée. Chaque matin je m’efforce de m’approvisionner pour la journée, afin de ne pas être prise de court.
Affairée à ranger les quelques provisions, j’entends : « Salut ! » C’est le jeune parisien croisé avant-hier. Sa compagne et lui ont loué un hébergement « Afin que Juliette puisse se reposer » m’informe Sylvain. Tout sourire, il enchaîne : « Hier, à Clifden, nous avons vu ta bicyclette devant l’atelier du  réparateur. » Je lui montre l’objet de la réparation. 
Il propose : « Veux-tu que j’installe sur ton téléphone la trace GPX relevée sur le site de l’Eurovelo ? » Seng lui a relaté mon histoire de GPS  qui s’est ouvert dans sa main.
En un tour de main il enregistre la trace, et la positionne sur une l’application wiever2. Devant mon regard ébahi par tant de dextérité, il précise : « C’est mon métier ! »
Un grand merci à Sylvain. Cet outil est simple d’utilisation. Je suis géolocalisée sur le parcours. Je peux donc, à tout instant, procéder à une vérification, ou alors prendre d’autres chemins en sachant continuellement où je me situe. Le seul ennui, est que je consomme l’énergie de la batterie de mon téléphone. Mais c’est le moindre mal !
Il poursuit : « Nous avons été surpris lorsque tu es arrivée au camping avec ta bicyclette et ton équipement. » Et mon âge, mais il ne l’ajoutera  pas franchement. Je lui indique que mon atout est de ne pas véritablement ressentir la fatigue. Il me raconte cette  histoire : « Dans les années 1960, un biathlon, déjà âgé,continuait à remporter des victoires en surprenant le monde de la science. Il s’est avéré qu’il possédait une hormone qui venait contrarier la fatigue et lui permettait d’avoir beaucoup d’endurance. Enfin, c’était de cet ordre-là ! ». 
Je lui relate à mon tour le commentaire d’Éliane ma voisine, celui qui m’a bien fait rire  « Jacqueline "la machine"...
C'est un surnom qu'ils t'avaient donnés et qui te va comme un gant...
Je pense que plus tard tu devrais léguer ton corps à la science afin que l'on comprenne comment tu es capable de faire ce que tu fais… »
Au cours des soixante-dix kilomètres parcourus aujourd’hui, les paysages seront splendides, alternant entre lacs, prairies, moutons, chevaux… et quatre Français à côté de leur voiture admirant le paysage.
L’un, Jean-François, me repère de loin poussant mon vélo dans une côte. Ce n’est pas très glorieux ! Mais si je veux arriver à la fin de mon périple, je dois préserver mes genoux en mauvais état. 
La discussion animée, essentiellement par l’amuseur Jean-François, s’engage de façon dynamique. Il accompagne un couple d’amis, Laurence et Thierry, venu rendre visite à leur fille. Annabelle est fille au pair à Dublin pendant une année avant de reprendre ses études en architecture. La famille habite à Clermont-Ferrand et espère me rencontrer au festival vélo qui a lieu chaque année. Voilà encore un moment partagé qui fait chaud au cœur et vient briser les moments de solitude.
Le camping Connemara est magnifiquement situé. Les petites tentes placées sur un promontoire surplombent les falaises, la mer et la plage logée dans une crique. Les quatre petites tentes sont plantées sur des plates-formes juste assez grandes pour les accueillir. Cet espace nous est réservé car les campings-cars ou les vans ne peuvent y accéder. Le vent puissant vient encore vivifier les trois cyclo-voyageurs que nous sommes et le motard.
Je décide de dîner sur une table que je perçois de l’autre côté de la plage sur un autre promontoire. Accrochée au grillage pour ne pas tomber dans la crique en contrebas, je marche péniblement sur un sentier boueux, marneux, en dévers, à peine suffisamment large pour des chevrettes et pieds nus car mes tongs étaient encore un autre danger. C’est ainsi, glissant dans la boue, que j’accomplis mon dernier exploit de la journée. Celui d’une dame qui n’a plus rien d’un cabri.

Section 4 : du 23 au 27 juille..

Samedi 26 juillet - 25e jour
64 km / 810 m
Salrock, Leenane, Ben Creggan, Liscarney,
Westport

Au petit matin, je replie mon campement en un temps record de cinquante minutes. Je redescends de mon promontoire et m’installe dans la salle à manger. Je ne repartirai que trois heures plus tard !
De nombreuses personnes sont intriguées par ma bicyclette et ses bagages. Tous l’inspectent, cherchent parfois un moteur, me demandent à quoi sert ce petit objet dans le moyeu de la roue avant. Il s’agit de la dynamo pour fournir l’énergie aux phares avant et arrière.
Et les questions toujours identiques. « D’où venez-vous ? Où allez-vous ? Avez-vous de l’expérience à vélo ? N’êtes-vous pas partie sur un coup de tête ? » On ne m’avait encore jamais posé cette dernière question.
Toujours dans le Conemara, je longe la péninsule de Renvyle, à environ 30 minutes de route de Clifden. Je surplombe les plages qui se succèdent et offrent de  longues étendues de sable doré contrastant avec les eaux bleues et limpides de l'océan Atlantique et la montagne Mweelrea verdoyantes et grises en arrière-plan.
Tout est calme, tranquille, reposant. Un promeneur pointe son doigt dans une direction et me renseigne : « Voyez-vous la plage de Lettergesh ? La célèbre scène de course hippique du film « L'Homme tranquille » a été tournée là ! Pour nous, Irlandais, c’est une référence ! »
Film de John Ford sorti en 1952. 
Je relate le synopsis, car durant cette journée, plusieurs Irlandais se feront la joie de me parler de la fameuse scène.
« À la suite de la mort de son adversaire au cours d'un combat, le boxeur Sean Thornton décide d'abandonner sa carrière en Amérique et de regagner son Irlande natale pour s'y installer et couler des jours paisibles. Il s'attire pourtant rapidement l'animosité de Will « Red » Danaher, en rachetant le cottage que ce dernier convoitait. Les rapports amoureux que vont nouer Sean et Mary Kate, la sœur de Will, ne vont rien arranger. » Wikipedia 
Je reverrai ce film à mon retour, car je l’ai un peu oublié avec le temps.
La journée m’entraîne auprès de grands lacs qui s’enchaînent les uns aux autres et reliés par de petites rivières.
Le vent est là, dans mon dos. Mais lequel ? Je tournicote tellement que je ne sais plus où sont les points cardinaux. Peut-être Borée, le vent du nord ou Euros de l'est ou alors Zéphyr de l'ouest et pourquoi pas Notos, celui du sud.
Je roule au côté de Killary Harbour, le plus long fjord d’Irlande de quatorze kilomètres. Il se situe entre la région du Connemara que je vais quitter et le Comté de Mayo au nord.
Le fjord dessert, en son extrémité, le petit port de Leenaun où je m’arrête pour une petite pause.
Le fjord est dominé au nord par l'imposante « colline grise chauve », culminant à huit-cent-quatorze mètres, montagne de la chaîne des Mweelrea Mountains.
Mamma mia ! Je vais contourner le fjord et, inévitablement, avec le vent de face et, surtout, je vais pédaler dans ces montagnes.
Je prends mon courage à deux mains ! À vélo, avec une lourde monture, la rencontre avec les splendeurs de la nature ne se gagnent pas aisément. Cela va démultiplier aussi toute sa richesse.
Lors d’un petit arrêt en bordure de route, je rencontre Nicolas, Sol et leurs trois enfants. Ils visitent l’Irlande après avoir accompagné une de leurs filles de quatorze ans, danseuse et sélectionnée pour une représentation à Birmingham.
Ils circulent en van. La famille  habite à Leysin dans le canton de Vaud en Suisse. Sol est péruvienne, ils se sont rencontrés au Pérou. Elle travaille dans une école. Nicolas est artiste peintre et il n’a pas encore commencé les cinq toiles qu’il doit exposer très prochainement lors d’un festival à Leysin. Il remarque : « L’Irlande, aux tons de vert si chatoyant, m’inspire ! J’aimerais monter sur le tout petit mont en face de nous, il semble plein d’énergie, mais mes filles, très suissesses, ne veulent pas enfreindre la loi en passant les barrières. »
Sol fait partie des cent-vingt-et-une nationalités différentes habitant à Leysin, ville comprenant trois-mille-sept-cents habitants. Les personnes ont été conviées à participer à un patchwork réunissant un morceau de tissu de chacun des pays d’origine.
Nicolas s’exclame : « Ma mère aussi ! Elle a quelques années de plus que vous et participe à des marathons, à son rythme, en les terminant toujours. Parfois je suis inquiet au vu de son âge ! »
De me voir, cela doit le rassurer.
Je dois maintenir ma bicyclette, car la béquille s’est démonté. Malgré les resserrages successifs que j’ai effectués avec les outils de ma véritable panoplie de jouets d’enfants. Le poids, toujours le poids ! Et Nicolas sort de sa poche… un couteau suisse ! Et le voici, assis par terre, à effectuer tous les resserrages.
Je dois poursuivre… je dois attaquer les montagnes…
Heureusement les routes sont tracées dans des plaines étroites depuis lesquelles j’observe une rivière et ses multiples cascades. Les flancs des montagnes sont profondément fissurés par les multiples cascades, parfois encaissés, à peine visibles. 
Plus de barrières. Les moutons sont en liberté et, d’un bond, s’enfuient en m’apercevant.
Les panoramas sont grandioses. Les montagnes me surplombent. La route ondule fortement au gré du relief. Paysage enchanteur aux multiples lacs.
Quelle belle idée de parcourir le monde à vélo ! Hors des sentiers battus ! Et découvrir à chaque instant les beautés exceptionnelles de la nature.
Parfois, le vent de dos vient à mon aide. Des forêts de sapins font leur apparition sur le versant des montagnes à ma gauche. Les conifères sont bien souvent couchés atteints par une mystérieuse maladie. À ma droite, les versants des montagnes sont nus, vierges de toute végétation, hormis une herbe rase.
Et cela se complique ! Un col sans doute ! Une côte abrupte de plusieurs kilomètres m’oblige à pousser mon vélo. Un panneau m’indique un dénivelé de 10 %. 
Le spectacle est en haut, avec une vue éblouissante sur un immense lac et sur la chaîne des Mweelrea Mountains.
« Vous êtes presque arrivée en haut ! » me précise un rare marcheur passant par là.
En effet ! Une superbe descente m’attend par une route étroite et bordée d’un mur de pierre. Elle rejoint une vallée. Les montagnes diminuent en intensité. Mes patins de frein remplissent leur fonction au cours de cette pente vertigineuse. 
En fin de journée, je rejoins Westport, ville de villégiature très prisée par les Irlandais. Le camping est complet. Il est vingt heures. Je ressens un peu d’effroi à cette nouvelle, vite dissipé par le garçon de la réception : « On ne refuse pas une cyclo-voyageuse avec une simple petite tente ! Trouvez un petit espace et tout ira bien ! »
Section 4 : du 23 au 27 juille..
Dimanche 27 juillet - 26e jour
84 km / 378 m
Westport, Newport, Mulranny, Bangor Erris, Bumba Locha, (lac Doolough) 

Ce matin, comme d’habitude, vers sept heures, je n’ai qu’une petite fenêtre météo pour ranger mes affaires et, évidemment, avec la tente trempée, puisqu’il pleut la plupart de temps vers six heures.
J’ai l’impression que l’on a rempli mes sacoches de cailloux. Parfois le corps dit non ! Heureusement, grâce à une force mystérieuse, cela ne dure pas.
Proche de mon départ, une côte raide me met à l’épreuve. Je m’impose d’arriver à son sommet. Avec bien des difficultés j’y parviens. Un marcheur m’observe. L’honneur est sauf ! L’homme me rattrape et me dit : «Chapeau ! Elle était rude celle-ci ! »
Je décide de changer mon itinéraire. Je vais prendre la grande voie verte de l’Ouest,« The Great western Greenaway » de quarante-deux kilomètres. La plus longue voie pédestre et cyclable protégée d’Irlande, de Westport à l’île d’Achill, ouverte en 2010. Elle suit le tracé d’une ancienne voie de chemin de fer fermée en 1937. Les propriétaires le long de la voie ont donné accès à leur terrain et autorisé le développement du sentier gratuitement, mettant cette voie hors de la route. Quel plaisir et quelle quiétude pour moi de ne pas emprunter les nationales à grande vitesse.
Le couteau suisse de Nicolas n’a pu venir à bout de cette récalcitrante et défaillante béquille ! À Newport, j’hésite à acheter une canne qui serait un bon tuteur pour ma bicyclette. Je ne sais pourquoi, j’abandonne l’idée alors que je passe devant un magasin, ouvert en ce dimanche, avec un seau plein de cannes, affichant la modique somme de cinq euros.
Et voilà, je vais rouler sur des dizaines de kilomètres sur une voie parfaitement asphaltée, aux barrières d’un rouge vif pour obliger les cyclistes à ralentir lorsque nous passons devant des sorties de maisons ou alors lorsque nous devons croiser de petits chemins. Des barrières parfaitement conçues, espacées qui évitent d’accrocher les sacoches à leur passage comme celles que nous rencontrons notamment en France. Les panneaux miniatures, stop, priorité à droite ou autres, sont légions sur cette voie. Cette dernière a suscité de grandes et bonnes réflexions. Si les cyclistes sont rares en Irlande, ils sont nombreux sur cette voie. Notamment des familles avec des remorques transportant enfants et chiens.
Je peux admirer la spectaculaire chaîne de montagne de Nephin Beg, en espérant ne pas être obligée de la traverser d’ici quelques jours.
À un moment donné, les barrières changent de forme et de matière. Elles sont en bois avec un passage canadien.
Il suffit de se laisser porter sur son vélo… puis, au loin, une maison en partie effondrée retient mon attention. Petit à petit je distingue une sculpture à l’arrière de la maison. 
Un père, encadré de ses deux enfants, dont la main gauche repose sur l’épaule de l’un, font un signe de la  main. Une famille pauvre dont la mère est absente.
Le père est chaussé de sabots. Les enfants sont nu-pieds et leurs vêtements sont élimés. Ils portent un morceau de tissu à la main. Serait-ce un mouchoir ? L’autre main est levée en signe d’au-revoir. Malgré la beauté des visages, ceux-ci sont graves. L’expression de la scène est tragique, renforcée par la maison en ruine. À qui font-ils leurs adieux ?
Cette sculpture m’émeut. Elle me renvoie à des histoires familiales racontées par Vittorio, mon père, au cours desquelles il nous narrait que certains de ses ascendants étaient partis en Amérique au dix-neuvième siècle. Plusieurs ne sont jamais revenus. Mais d’autres sont rentrés en Italie et ont dépeint leur traversée de l’Atlantique et leur vie, si loin de chez eux, qui n’était pas meilleure.
Je quitte cette famille représentée par un sculpteur qui n’a pas laissé de cartel.
Après quelques kilomètres, au loin, je distingue un cyclo-voyageur. Je n’en rencontre que très peu.
À l’arrière de son vélo, se détache un drapeau Breton. Bien sûr, lorsque nous arrivons à hauteur respective nous nous arrêtons. 
Je suis à califourchon sur mon vélo, puisque plus rien ne le retient, quand lui sort un objet qui se déplie comme un bâton de tente pour devenir un support à vélo. Une canne à vélo ! Génial ! Je m’empresse de relever la marque de l’entreprise américaine qui les fabrique sur mesure.
Frédéric ! Un vrai dandy à vélo !
Sa bicyclette est prolongée par une troisième roue. Le poids de ses bagages est réparti sur l’ensemble des roues. Sur ce vélo, on ne parle pas Ortlieb ou Vaud, mais Carradice Super C. Cela ne va que pour le mot, car je pense que ce matériel est moins résistant et imperméable que le mien. 
Tout est en adéquation avec le meilleur matériel me confie-t-il : « Mon téléphone ! Totalement étanche ! » Une drôle de marque  française que je ne connais pas.
Je suis intéressée par son capteur solaire qui semble ultra-léger, d’une marque belge. Il avait aussi une batterie Cinq placée dans la fourche de son vélo. Comme la mienne, très rapidement, elle n’a plus fonctionné.
Et voilà ! Pendant une heure, nous  discutons au milieu de la Greenway. Frédéric vapote pendant tout ce temps. Nous partageons nos expériences de cyclo-voyageuse (r). Je peux admirer aussi sa mise impeccable, constituée d’un pull marron en shetland et d’un pantalon de coton, aussi distingué qu’un corsaire vélo ne l’est pas. Pour parfaire l’ensemble, il porte un mini gilet-gaufrette orangé pour être vu de loin. 
J’ai rencontré un dandy du cyclo-voyage ! Très sympathique !
Sur l’île d’Achille je traverse de vastes  zones de tourbières. 

(J’écrirai… plus tard… un chapitre sur ce sujet avec des éléments sur l’évolution sociétale de l’Irlande. 

Tout au nord de de l'île d'Achill, je rejoins Doogort, village historique, situé à proximité du mont Slievemore. Le camping y fait face. Avec toutes les peines du monde, je rejoins mon emplacement situé tout en haut pour bénéficier d’une vue absolument éblouissante sur la plage Brin d’argent au pied du mont Slievemore. 





Commentaires
Pamuk - 12 juil.
2 messages
Salut.
Tu maitrises bien cette appli "mytrip".Pas trop de mitchees?

domii70 - 30 juil.
23 messages
Coucou , aujourd'hui je fais ma valise ....
Ah les midges sont de retour !!!!. Les côtes sont bien abruptes mais tu les franchis, bravo.
Jai toujours autant de plaisir à lire tes récits et à admirer tes belles photos. L'irlande est belle. Bisous

Jujuuu - 01 août
2 messages
Olala, me voilà Parisienne ! Ça nous a fait très plaisir de vous croiser, et que l'application vous ait aidée. Nous, on est dans le train du retour. À chaque étape du voyage, on se demandait "mais où en est Jacqueline ?"
Juliette et Sylvain

Voisine12 - 02 août
12 messages
Coucou voisine
Tu vois je ne plaisante pas.. !!
Tu es sans doute dotée d'un organisme particulier pour ne jamais ressentir la fatigue !!!!
C'est pas normal ça.... Après parfois 11 heures de pédalage..🤔
Bon ben du coup continue...
Prends quand même soin de toi.
Bises