20 invités en ligne

L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.

64 jours
5613km
+19281m / -19251m
Par Jacqueline25
mis à jour 23 oct.
3313 lecteurs
Informations générales
global view previous

L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.

Section 9 : du 18 au 22 août

Mise à jour section : 12 sept.

539km
+1342m / -1378m
0m/186m
Hacketstown, Tullow, Clonegal, Newtownnbarry, Ballywilliam, pont de Mount Garret Bridge 79 km / 548 m
Hackeststown, New Ross, Rockshire, Waterford, Ballyanne 37 km / 450 m
Waterford, Kilmacthomas, Ballinroad  attent (prendre à D erreur GPS), Ballinvella
Ballinvella, Dungarvan, Ring, Cathédrale Saint-Declan d’Ardmore, pont, Millenium Court, Youghal, Ladysbridge, Ballinacura, 97,2 km / 441 m
Carrigtwohill, Ballynoe (pont), Glenbrook, Monkstown, Raffeen Village, RinGaskiddy 21 km / 39 m

Cette section GPX , KML
Toutes les sections GPX , KML
Section 9 : du 18 au 22 août
Lundi 18 août - 48e jour
30 km
Belfast
 
Au petit matin, me voici dans le bus pour Belfast.
Ma matinée se déroule en déambulation pour quelque peu investir Belfast.
En début d’après-midi, j’ai rendez-vous avec Stéphane, Belfast à pied, pour une visite à dominante politique : « Les deux communautés, les Troubles, l'impasse politique ».
Après une introduction historique, Stéphane présente sans fard, d’un point de vue neutre et objectif, les sentiments, provocations, confrontations, exactions, émeutes et meurtres qui ont parsemé le passé lointain et beaucoup plus récent et continuent de hanter le présent. 
Une grande partie du circuit de la visite est consacrée à ce que l’on continue d’appeler avec pudeur « les Troubles », cette période de 1968 à 1998 pendant laquelle plus de trois mille personnes trouvèrent la mort. Un état de fait qui est au cœur de la société nord-irlandaise. 
Stéphane aborde le processus de paix de 1998, les hauts et les bas d’une réconciliation laborieuse, voire sabotée, et la formation de l’échiquier politique local actuel. 
Il s’attarde sur « les Troubles », violent conflit sectaire qui a sévi en Irlande du Nord entre 1968 et 1998 environ, opposant les unionistes (loyalistes) majoritairement protestants qui souhaitaient que la province reste au Royaume-Uni et les nationalistes (républicains), majoritairement catholiques qui souhaitaient que l'Irlande du Nord soit rattachée à la République d’Irlande. Les autres acteurs majeurs du conflit étaient l’armée britannique avec pour objectif avoué de jouer un rôle de maintien de la paix, notamment entre les nationalistes, l’Armée républicaine irlandaise (IRA), qui considérait le conflit comme une guérilla pour l'indépendance nationale, et les forces paramilitaires unionistes, qui qualifiaient l'agression de l'IRA de terrorisme. Marquée par des combats de rue, des attentats à la bombe sensationnels, des attaques de snipers, des barrages routiers et des internements sans procès, la confrontation présentait les caractéristiques d'une guerre civile, malgré sa classification classique de « guerre de résistance ». Environ trois-mille-six-cents personnes ont été tuées et plus de trente-mille autres blessées avant qu'une solution pacifique, impliquant les gouvernements du Royaume-Uni et d’Irlande ne soit effectivement trouvée en 1998, conduisant à un accord de partage du pouvoir à l'Assemblée d'Irlande du Nord à Srormont.
Nous partons pour le Gaeltacht, quartier ouest de Belfast. Il reste certainement l’un des endroits les plus pittoresques de la ville et si, par le passé, il était considéré comme une zone à risque, il est aujourd’hui possible de le visiter en toute tranquillité. Néanmoins, Stéphane nous donne quelques conseils pour la traversée de ce quartier très pauvre. 
Nous longeons les hauts murs, passons dans des sas se refermant en fin de journée. Ce sont les lignes de paix ou murs de la paix, série de barrières de séparation créé en 1970 qui séparent les quartiers à majorité républicaine irlandaise ou catholique nationaliste des quartiers à majorité protestante loyaliste ou unioniste britannique. Elles ont été construites dans les zones périphériques urbaines de Belfast.
Sur les murs, parfois hauts de plus de sept mètres se trouve la plus grande concentration de peintures murales. Pendant les années de plus fortes tensions politiques, ce quartier d’habitations ouvrières a été un véritable champ de bataille : divisé par différentes orientations religieuses dès l’époque victorienne, il a vu les tensions et l’animosité s’exacerber pendant les Troubles. 
Les premières peintures murales républicaines ont vu le jour dans la ville pendant la grève de la faim des prisonniers politiques de la tristement célèbre prison de Maze. Au fil des ans, les représentations ont varié de thèmes politiques à des sujets d’actualité, d’événements historiques à des légendes irlandaises.
Cependant, les peintures murales de Belfast rappellent au monde son passé turbulent et l'hostilité jamais éteinte entre les nationalistes et les loyalistes. 
Créées par les unionistes pour protester contre l’autonomie de l’Irlande, les peintures murales de Belfast sont devenues au fil des décennies une forme de protestation collective, une manière de marquer le territoire pendant les troubles de la fin des années 1970, en commémorant des événements historiques, des opinions politiques.
Elles se répartissent en deux grandes catégories, appartenant aux deux âmes de la ville, le front républicain aux peintures fortes en symboles représentant le visage de Bobby Sands, militant politique mort lors d’une grève de la faim, ainsi que diverses figures politiques et mythologiques irlandaises. Et le côté loyaliste a toujours été caractérisé par des éléments provocateurs et des images militaristes. 
Fortement ressenties dans la période chaude de la politique irlandaise et utilisées comme moyen de dissidence, les fresques sont un rappel inconfortable du passé turbulent de l’Irlande.
J’avais beau déjà savoir tout ça, entendre Stéphane raconter avec passion, observer une partie de l’histoire dessinée sur les murs et vivre quelques moments à Belfast a été porteur de beaucoup d’émotions. Cela réveille les sensations de toutes ces semaines passées dans ce pays brut, rugueux, poétique et magique, aux habitants qui, pour beaucoup d’entre eux, ont trouvé la capacité à créer du bonheur malgré les brumes de leur histoire complexe et parfois douloureuse. Je n’ai pas souvent rencontré un peuple plus chaleureux et accueillant que les Irlandais. 
Et mes amis m’attendaient au tournant… : « Alors ! Jacqueline ! Politiquement ? » car mes amis ont mon âge et le mot Belfast résonne comme… Beyrouth, Tchernobyl, Gaza. Ce sont des mots enracinés dans nos mémoires.
si je dois mourir, tu dois vivre pour raconter mon histoire
si je dois mourir, tu dois vivre pour raconter mon histoire


..
Section 9 : du 18 au 22 août
Mardi 19 août - 49e jour
65 km / 360 m
Killyleag, Downpatrickl, Dundrum, Ryansford, Newcastle


Par chance, à l'accès facilité par des pistes cyclables, les villes irlandaises sont d’approche assez commode. J’emprunte donc une piste d’une dizaine de kilomètres pour rejoindre Belfast.
Dans un premier temps je roule sur le large trottoir et passe à côté de la sculpture Antrim Coast Road. Elle se dresse sur une petite butte. Une magnifique sculpture aux formes organiques, représentant le littoral d'Antrim. Elle semble être en métal et ses reflets bleu-vert lui donnent une douce brillance. Elle est ornée de champs et de vagues en relief, parsemés d'animaux marins qui peuplent la côte. Un petit cottage est perché au sommet.

Puis je m’engage sur la piste cyclable. À droite, je suis protégée de l’autoroute par le garde-fou et par une épaisse haie constituée d’arbres et de buissons, mais je ne suis pas préservée du bruit occasionné par les voitures qui vont à un train d’enfer. À gauche et à proximité, la mer est là ! Sur le haut grillage, des panneaux régulièrement disposés indiquent l'interdiction de le franchir en raison des boues molles et des obstacles d’eau.
Je n’identifie pas certaines odeurs. Peut-être des industries pétrochimiques sont-elles installées non loin ? Néanmoins cela me convient car je peux pédaler en toute sécurité.
Cela ne gêne en rien non plus les promeneurs avec chiens ou les coureurs à pied. Des cyclistes avec petits sacs à dos se rendent à leur travail. Nous sommes tous logés à la même enseigne, nous respirons les substances toxiques de la pétrochimie.

Je me plonge dans mes pensées. Hier soir à Belfast, à la suite de la visite orchestrée par Stéphane et après un passage assez furtif dans un pub typique irlandais, j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver l’arrêt de bus pour me reconduire au camping. Une heure a passé, puis deux, et encore un peu plus. Il faisait nuit ! Et je n’aime pas être seule la nuit dans une grande ville inconnue. Les abris de bus ne présentaient pas de plan et je ne savais quel bus prendre, sinon le soixante-neuf qui m’avait accompagnée à Belfast. Heureusement, une jeune fille parlant français, de père allemand, de mère dublinoise habitant en Italie et de grand-mère belfastoise chez qui elle était en vacances, a fait une recherche sur son application-transports. Peu après, j'étais installée dans le bus soixante-neuf. La chauffeuse a refusé que je paie la course et m’a informée du lieu où je devais descendre. C’était un parc, le Jordanwstone, avec jeux pour enfants et café. À cette heure tardive de la nuit, le lieu était plongé dans l’obscurité. Il comportait le camping qui était une petite aire de camping-cars avec trois emplacements pour tentes. L’espace camping était complètement fermé avec code pour rentrer dans la forteresse. Il était occupé seulement par des Italiens qui sont tous partis ensemble ce matin. Longue procession d’une douzaine de camping-cars !
Je sors de ces moments vécus la veille et reviens à la réalité. Je ne suis partie que depuis vingt minutes et je suis déjà perdue ! Je pédale au milieu d’une zone industrielle ! J’opère un demi-tour et je finis par rencontrer Steven qui se rend à son travail au centre de Belfast. Il me montre l’intersection où il faut changer de direction. Là où je suis allée tout droit. Il tient à m’accompagner jusqu’au centre de Belfast où je ferai une petite pause avant de quitter définitivement la capitale d’Irlande du Nord. Il règle sa vitesse sur la mienne. Il est stupéfait du long voyage que je viens d’entreprendre et de la route qui me reste encore à réaliser pour terminer ce tour d’Irlande.
Il m’avise : « Ce sera difficile de traverser la partie Est de la ville. Il faudra vous efforcer de trouver les panneaux de Comber Greenway, numéro 99. Ensuite vous circulerez sur une magnifique voie verte de onze kilomètres jusqu’à Comber. »
Avant de se rendre à son travail Steven propose de m’accompagner jusqu’au musée Titanic Belfast qui représente aujourd'hui la plus grosse exposition mondiale sur le Titanic. Il est situé à l'endroit même où celui-ci a été construit en 1909. L’objectif est d’en admirer l’architecture : l’imposant musée est couvert de plaques d'aluminium rappelant la coque d'un bateau.
Puis Steven s’en va ! Très certainement, il a dû arriver en retard à son travail.
Une petite pause sur la place Arthur Square me permet à nouveau d’admirer Spirit of Belfast de Dan George. Hier soir, j’ai pu l’observer sous un éclairage coloré. Selon Stéphane : « L’éclairage coloré est conçu pour refléter la texture et la légèreté du lin, tandis que le métal évoque la solidité et la beauté de la construction navale, deux aspects importants de l'histoire de Belfast. »
Hier, la visite de la ville débutait depuis l’hôtel de ville. En repassant devant, je m’attarde à observer cet impressionnant édifice achevé en 1906 avec son toit en dôme de cuivre, ses vitraux et son élégante pierre de Portland. C’est le siège du conseil municipal de la ville. D’après Stéphane : « Il présente un mélange de style architectural baroque et est entouré de monuments commémoratifs, notamment le jardin commémoratif du Titanic. »
Je suis les conseils de Steven. Je traverse Belfast Est. De petites maisons de brique ou alors de longs bâtiments composent le quartier.

L'identité de ce dernier est clairement identifiable. Des drapeaux de l'ordre d'Orange, de l'Union, du drapeau de l'Irlande… sont accrochés à chaque fenêtre, dans les jardins, tout le long des mâts des réverbères. Dans un carrefour, deux fresques font référence au roi Charles et à la reine Élisabeth. Le quartier est unioniste, historiquement liée à la population protestante, qui a soutenu l'appartenance au Royaume-Uni.
Selon Stéphane : « Si par inadvertance vous achetez une maison dans une zone qui ne correspond pas à votre communauté, vous n’y resterez pas longtemps. Vous serez vite identifié par votre prénom et l’école que vous avez fréquentée. » « Seulement sept pour cent des enfants Nord-Irlandais sont inscris dans des écoles neutres ou mixtes. »

J’emprunte la Comber Greenway, tronçon de quinze kilomètres d’une ancienne ligne ferroviaire. Outre sa vocation de piste cyclable, elle est également très appréciée des piétons, des promeneurs de chiens et des coureurs. Très confortable pour les cyclo-voyageurs car le dénivelé ne dépasse que rarement les quatre pour cent. Il suffit d’adopter un rythme constant. Et lorsque vient la descente, je me contente de me laisser rouler en toute douceur. Sur la voie, des feux me permettent de traverser la route. Je dois être sur le qui-vive car le temps est compté. Je parviens à peine de l’autre côté de la route que le feu est déjà au rouge.
Néanmoins, je garde les réflexes de sécurité. Je marche sur les trottoirs dans la ville et dès que je dois traverser une route ou contourner un rond-point, je redeviens une piétonne poussant son vélo. L’expérience m’indique que si je suis une cycliste traversant sur un passage piéton je n’ai pas la priorité. En Irlande, le piéton semble être tout en bas de l’échelle. Je n’ai pas observé de bandes blanches sur la route, mais le trottoir s’abaisse pour les piétons. Dans ce cas ce sont les voitures qui ont la priorité. Seuls les feux donnent la priorité aux piétons et aux cyclistes.
Au cours de ce voyage, si j’ai acquis des compétences dans les côtes… j’ai aussi appris à courir avec ma bicyclette pour traverser les nationales, les routes secondaires et les rues au niveau des trottoirs abaissés.
Tranquillement, paisiblement, j’arrive à Comber, petite ville très animée. Des adultes, des enfants à vélo circulent sur les trottoirs. L’Irlande n’est pas un pays favorisant le vélo. Je ne croise que peu de cyclistes de route. Les Greenway, les voies vertes, favorisent considérablement cette pratique. Ici, après quinze kilomètres en toute sécurité où l’on traverse un écosystème de zones humides désigné par le SLNCI (site d'importance locale pour la conservation de la nature) on arrive à la ville de Belfast, à ses cinémas, musées, sculptures qui embellissent la ville ou street art qui raconte l’histoire passée et actuelle…
Un vélo, fluet et bleu-marine, avec un petit écriteau accroché à l’intérieur du cadre sur lequel est écrit Trait, est posé délicatement sur un support-vélo au bord du trottoir. C’est l’enseigne du café-pâtisserie à l’étroite façade de la même couleur que le vélo. C’est original ! L’intérieur est intime, un mouchoir de poche avec seulement quatre petites tables aux épais plateaux sont alignées face au bar. Le couple derrière le comptoir qui me sert avec prévenance, porte dans ses expressions toute la gentillesse et la bonté caractérisant les Irlandais.
Ma route se poursuit.
Le soleil resplendit aujourd’hui. Les maisons le long de la route ou dans les villages sont essentiellement en pierre. Les rayons du soleil en révèlent les nuances de couleur allant du gris clair au noir et de l’orangé au rouge foncé.
À quelques kilomètres de Comber, je rejoins le Strangford Lough, l'un des plus grands lacs des îles britanniques. Une dame promenant son chien m’informe : « Le Lough compte 365 îles. Une pour chaque jour de l'année ! »
En effet, les petites routes que j’emprunte soulignent un paysage étonnant, ponctué d’un chapelet d’îlots. C’est un vrai paradis isolé à une vingtaine de kilomètres de Belfast.
Les terres ont été transformées pour cultiver diverses essences végétales destinées à notre consommation : blé dont il ne reste que les énormes bottes de paille rondes dans les champs et d’immenses étendues de choux marin et de Romanesco prêts à être récoltés.

La ville de Killyleagh, à l’élégante rue principale aux maisons colorées, est dominée par un château. Un habitant de la ville précise : « C’est un château privé style Walt Disney, datant du XVIIsiècle. C’est le plus vieux château encore habité d’Irlande. »
Claudine et Jean-Jacques, rencontrés à la frontière nord de l’Irlande du Nord, sont les derniers cyclo-voyageurs que j’aie croisés. Autant dire que nous sommes peu nombreux. Au camping, deux hommes s’intéressent à cette façon de voyager. Sachant que je vais à Newcastle, leur ville de résidence, ils me montrent des photos de la fameuse station balnéaire avec des pentes boisées en toile de fond, les Mourne Mountains. Je comprends qu’ils m’avertissent que je dois les traverser. Ce sera encore difficile ! Ils m’informent aussi qu’une agréable auberge des voyageurs est située sur le front de mer. 



.
Section 9 : du 18 au 22 août
Mercredi 20 août - 50e jour
75 km / 194 m
Killyleag, Downpatrickl, Dundrum,
Bryansford, Newcastle
 
Dès potron minet je débute la journée. Une étape de soixante-quinze kilomètres en partie dans les montagnes, devrait être réalisable.
Ne plus avoir de GPS me complique considérablement les déplacements, car les routes secondaires sur la partie Est de
l’Irlande sont organisées en maillage aux ramifications abondantes. À chaque carrefour ou croisement de routes, je dois vérifier la direction à prendre et cela prend du temps.
La ville de Downpatrick est le fief du saint patron d’Irlande. La cathédrale domine la ville. La côte raide pour y accéder me dissuade de toute visite.
Je roule rapidement. Le dénivelé est faible. Les Mourne Mountains sont loin devant moi. Puis je me rapproche d’elles mais elles restent à ma droite.
Parfois je suis obligée d’emprunter l’A25. Une nationale très circulante. Comme bien souvent, à l’approche des villes, un bas-côté de la route permet de s’extraire de cette dernière. C’est le cas sur une dizaine de kilomètres avant Newcastle. Cette voie cyclable est aussi large qu’une des voies de la route empruntée par les voitures.
J’arrive en milieu d’après-midi à Newcastle, fameuse et plus importante station balnéaire du comté, qui est étonnamment peu touristique en cette période de l’année.
Les pentes boisées sont en toile de fond de la ville, les montagnes sont là, juste derrière et dominent la ville. Je comprends la fierté des deux hommes rencontrés au camping hier soir. Leur ville nichée entre mer et montagnes offre un panorama absolument saisissant. Cela me convainc de rester deux nuits à l’Hostel Hutt.
L’auberge des voyageurs est une belle maison bleu ciel de style victorien particulièrement bien située sur le front de mer. L’intérieur est mignon, coloré, avec très peu de monde. On me loge dans un dortoir à six lits où je resterai seule durant mon séjour. Depuis la fenêtre en saillie, je profite d’une vue sur mer. Dans la salle à manger avec billard, une immense carte du monde est… inversée. Un Hostel vraiment sympa.
Il est temps de me resocialiser. De nombreux restaurants occupent la rue principale. Je choisis le plus calme et le plus sobre et je m’offre, dans un premier temps, un Spritz original au Sarti rosa. Apéritif très raffiné !
...

..
Section 9 : du 18 au 22 août
Jeudi 21 août – 51e jour
10 km à pied
 
Une journée à Newcastle
 
Quelle nuit ! Dans un demi-sommeil permanent, j’ai eu l’impression de tanguer toute la nuit sur un matelas à eau. 
Ce matin, avec les pieds au sol, mon état est significatif. J’ai des vertiges ! Sensation extrêmement désagréable de perte de contrôle. J’ai déjà connu ces symptômes après une déshydratation lors de fortes chaleurs au cours d’un voyage à vélo. Cela m’avait provoqué une hypertension. Mais ces derniers temps, ni chaleur ni déshydratation ! Ou alors devrais-je envisager une intoxication alimentaire ?
Il est navrant de ressentir une sensation vertigineuse au cours d’une journée qui devait être de tout repos dans un cadre idyllique.
La pharmacienne me renseigne pour une prise de tension artérielle : « Allez au cabinet médical situé à quelques pas. Vous trouverez dans le hall une machine qui prendra votre tension. C’est gratuit ! » Et elle me tapote délicatement le bras.
La machine en question est exceptionnelle. Elle précise ma hauteur qui n’a pas changé depuis mon adolescence. Elle calcule mon indice de masse corporelle et m’informe la perte sensible de kilogrammes. Elle m’indique aussi le poids idéal qui n’est pas encore atteint. La prise de la tension montre que… Tout va bien ! Elle tend même vers le bas. C’est parfait ! L’inquiétude en moins, je me sens déjà mieux.
Sur la plaisante promenade le long de la baie, je découvre une œuvre qui célèbre la vie d’un artiste aux multiples talents, Percy French, auteur de la chanson « Les Montagnes de Mourne ». Pour représenter cette lettre mélancolique, l'acier inoxydable est maintenu par le bord et gravé de paroles manuscrites, imitant ainsi une page. Une image emblématique de Percy est définie par la feuille, et offre une vue sur les montagnes de Mourne en reliant l'homme, le paysage et la chanson. L’œuvre a été créée par Kevin Killen et Conor McKeanna.
La longue promenade le long de la baie tranquille et une boisson rafraîchissante dans un salon de thé où je suis assise confortablement, me permettent de me rétablir.
Tellement en forme et seulement la rue à traverser, je me rends au Quinn en restant fort raisonnable par la consommation en tout et pour tout d’un seul thé. Rien ne manque à ce vaste pub typique : boiseries, plafonds à moulures, mezzanine avec cheminée, billards, tables rondes, banquettes rembourrées. Heureusement, les musiciens ne sont pas encore installés, car aujourd’hui, je ne supporterai pas la musique.
« Là où les montagnes de Mourne descendent jusqu’à la mer » chante Percy French, hommage à la beauté de ces montagnes de granit et au galbe inimitable de leurs pentes qui glissent doucement vers la mer. Demain, en longeant le littoral, je ne vais qu’effleurer les pentes qui glissent doucement. Le dénivelé n’est que de trois-cent-vingt-huit mètres pour soixante-quinze kilomètres. Cela devrait aller !
...

..
Section 9 : du 18 au 22 août
Vendredi 22 août – 52e jour
120 km / 230 m
Newcastle, Annalong, Kilkeel, Dundalk, Annagassan, Clogherhead

 Je n’ai pas repéré de campings pour la fin de la journée.

 Je quitte Newcastle de bon matin. Le trafic n’est pas très dense. La limitation de vitesse est à 80 km/h. Toutes mes alertes sont mises au rouge et au jaune : gilet jaune, drapeau jaune, éclairage constant à l’avant et à l’arrière du vélo grâce à la dynamo et un phare additionnel clignotant à l’arrière.
Depuis la frontière nord de l’Irlande du Nord, je roule essentiellement sur l’A2. C’est une route côtière qui débute à Londonderry située au nord et se termine à Newri, ville située sur la frontière sud.
 Il est incontestable que pédaler sur l’A2 est dangereux. Cependant, me déplacer sur les routes de l’Irlande du Nord est une véritable liberté. J’ai filé sur la Causeway Coastal Route, la célèbre route côtière de la Chaussée des Géants, avec, entre autres, des paysages époustouflants qui m’ont laissée pantoise, de grands espaces bien verts, un brin sauvage… Route qui m’a parfois mise en difficulté lorsque je devais aborder les montagnes, les falaises… 
Depuis Belfast, je roule sur la Mourne Coastal Route. Elle s’arrête à la frontière sud de l’Irlande du Nord, au sud des montagnes de Mourne.

Ce matin, tout le long de mon itinéraire, je traverse des villages. Le petit port de pêche d’Annalong présente des panneaux m’informant que d’ici de grandes quantités de granit extrait localement étaient expédiées vers tout le Royaume-Uni et l'Irlande.
La petite ville de Kilkeel est coincée entre la mer et les Mourne Mountains. Au centre de la ville les ruines d’une vieille église médiévale du XIVè siècle, la Old Church of St Colman, est dominée par un drapeau britannique.
Côté montagne, les paysages sont constitués de champs séparés de murets de pierre qui grimpent doucement vers le pied des Mourne Mountains. Les pierres sont empêtrées les unes aux autres avec une dextérité exemplaire.
Puis j’arrive juste à temps à Greencastle pour traverser en ferry le Carlingford Lough, estuaire constituant ainsi l’extrémité Est de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.
Sur le ferry, un événement égaie cette journée. Le matelot, Aedan, vient s’asseoir à mes côtés quelques instants et s’exclame : « Tu es incroyable ! » Il me montre une photo sur laquelle on le voit sur son vélo chargé de sacoches. Il commente : « Je suis aussi un cyclo-voyageur. Je viens de rentrer de Malaisie et au cours de ma vie j’ai parcouru une bonne partie du monde. » La traversée est trop courte pour échanger plus longuement. Il doit faire partie des rares cyclo-voyageurs de nationalité irlandaise. Aedan est âgé d'une cinquantaine d'années. Il a gardé la posture du cycle-voyageur au long cours par une tonicité du dos un peu infléchi vers l'avant.
Je ne rencontre que peu de cyclistes. Le football gaélique, mélange de rugby et de football est le sport le plus populaire en Irlande.
Je dois traverser la ville de Dundalk. Elle se situe sur l’axe routier Belfast – Dublin. La ville est encerclée d’un maillage important de routes. J’y accèderai en fin de journée, en pleine heure de pointe. Ce n’est pas judicieux ! Je repère un camping à une vingtaine de kilomètres en amont de la ville. Hélas, la gérante m’informe tout de go : « Nous n’avons pas d’emplacement pour les tentes ! »  Ce qui est inexact car je vois un emplacement qui peut accueillir de petites tentes. Le panneau à l’entrée du camping indique encore par des logos : caravane, van, tente.  Dépitée, je repars sans avoir oublié de susurrer en français quelque invective.
Je remarque que les ramifications des routes secondaires fusionnent à la périphérie de la ville. Ce qui ne me rassure pas. Je compte sur les bas-côtés des routes et les trottoirs très souvent présents à l’approche des villes. En effet, la route que j’emprunte est bordée d’une piste à la fois piétonne et cycliste. C’est ainsi que je contourne longuement la ville en toute sécurité. 
Pas de camping ! Pas de chambre libre en B & B ! Il commence à être tard ! En outre, je me suis considérablement éloignée de la côte sur laquelle plusieurs villages sont situés, où j’aurais plus de chance de trouver un hébergement. Je rejoins donc la côte.
Après avoir parcouru cent-dix kilomètres, j’arrive à Clogherhead, petite station balnéaire. Il est vingt heures. Un peu à l’écart du village, je passe devant une vieille église. J’y adjoindrai ma tente si je n’ai pas d’autres options.

Le village est très animé avec de nombreux pubs et restaurants. Je remarque un camping mobile-home. Je n’ai pas le temps d’arguer du fait de mon manque d’hébergement, que le jeune garçon à la réception mentionne : « On ne peut pas vous accueillir ici ! En revanche, à Port Beach, vous trouverez un spot sensationnel pour tentes et vans avec une splendide vue sur la mer et où la plage est accessible. C’est gratuit ! Et vous repérerez toilettes et lavabos, rudimentaires mais fonctionnels. C’est à six kilomètres. Dix minutes à vélo. » 
Dix minutes… pas pour moi ! Et pour m’aider, il m’indique le trajet sur mon téléphone.
Il est déjà vingt heures. Le temps de me rendre à Port Beach, de monter mon campement, il sera tard pour revenir ici. Dommage ! Je ne passerai pas la soirée au village.
Lorsque j’arrive, la nuit commence à tomber.

Le site est exceptionnel. Deux zones herbeuses sont aménagées surplombant la plage de deux mètres. L’une avec de nombreuses tables et bancs et l’autre où quelques tentes et un van sont positionnés côte à côte face à la mer. Quel magnifique endroit !
Commentaires
cousine - 25 août
4 messages
Coucou Cousine,
même si je n'écris pas souvent je suis toujours avec toi et je te lis toujours avec grand plaisir.
Encore bravo et merci pour tout ce que tu nous partages, je suis vraiment embarquée avec toi, bon courage pour la suite, à bientôt et gros bisous.