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L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.

64 jours
5613km
+19281m / -19251m
Par Jacqueline25
mis à jour 18 nov.
4046 lecteurs
Informations générales
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L'Irlande par Jacqueline ! La verte Érin, pour un tour complet à vélo.

Section 6 : du 2 au 6 août

Mise à jour section : 17 nov.

306km
+1996m / -2044m
2m/253m
An Fhearthann, Narin, An Clochan Liath Dungloe, Gweedore - 46 km / 521 m
(Annagary) Gaoth Dobhair Croly, Milford, (Ajouter suite GPS vers le nord) Milford, Kerrikeel, Portsalon - 81 km - 781 m
Portsalon, Rathmullan (ferry), Buncrana, Moville Greencastle - 65 km / 723 m
Dungiven, Castlerock (aéroport), Coleraine, Portstewart, (avant) Portrush - 46,4 km / 426 m
Portrush, Dunseverick Chaussée des Géants
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Section 6 : du 2 au 6 août
Samedi 2 août - 32e jour
30 km
Sligo Sligeac, Rosses Point

Ce matin, je me promène sur la plage de Strandhill, qui est une plage de surf populaire. Certains s’y adonnent déjà.
J’ai repéré sur internet un réparateur vélo installé au village. Les leviers de freins sont en butée contre les poignées et ne permettent qu’un médiocre freinage. Hélas, il n’a pas en stock ce genre de patins pour freins hydrauliques.
Je me rends à Sligo, à huit kilomètres de Strandhill. Sligo est la capitale du comté et elle est la seconde plus grande communauté après Galway.
Le premier mécanicien est un homme pressé. Il ne prend que le temps de m’informer : « Je n’ai pas de frein Magura ! »
Chez le deuxième vélociste, je rencontre un homme prévenant. Il n’a pas les patins adéquats. Néanmoins, il me propose de tenter de régler le système de freinage. Il m’indique un restaurant typiquement irlandais au centre de Sligo.
Au Hargadon Bros, la serveuse m’installe dans une pièce dont les murs sont couverts de planche de bois foncées, décorée de multiples cadres comportant des photos. Le plafond est peint, mais presque aussi noir que les murs. Peut-être que des générations d’hommes ont fumé dans cette salle. Nous ne sommes que trois dames seules. Les couples et les familles ont été installés dans une longue  pièce aux box séparés pour une meilleure intimité. Notre petite salle nous convient tout à fait. Je n’observe aucune ouverture sur l’extérieur. Seul le lustre éclaire la pièce d’une lumière tamisée. Les tables robustes sont entourées de banquettes au tissu foncé et de tabourets en bois. Un poêle à tourbe, placé dans une ancienne cheminée, doit réchauffer les journées trop fraîches.
Nous sommes toutes les trois silencieuses, mais nous savons parfaitement ce qui se passe à chacune des deux autres tables.
Je découvre petit à petit Sligo. Ville carrefour et à taille humaine.  Les rues centrales sont animées. J’observe de nombreux pubs qui ont l’air sympa.
Au bas de la rue centrale, à un carrefour, une manifestation rassemble un grand nombre de personnes contre la guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par l’armée israélienne à Gaza. Plusieurs banderoles sont maintenues sur lesquelles je peux lire : « Solidarité avec la Palestine. ! » et : « Mise à l’index d’Israël ! » De multiples personnes soutiennent un patchwork géant, tricoté ou crocheté, aux couleurs et aux logos de la Palestine.
En fin d’après-midi, je récupère ma bicyclette. Le mécanicien n’a pu effectuer le réglage escompté. Je m’apercevrai plus tard, qu’il n’a pas fixé correctement la mâchoire du frein avant. Il me conseille un réparateur à Donegal. C’est à cent kilomètres.
Aujourd’hui, je n’ai pas appris de nouveaux mots irlandais ! J’ai surtout découvert que les freins de ma bicyclette sont munis de patins quasiment introuvables en Irlande. Lorsque je rentrerai chez moi, je commanderai un sac rempli desdits patins.
Je ne pédale que dix kilomètres pour atteindre Rosses Point. Un village qui s’étire le long de la baie. Sur ma gauche, l’île d’Oyster, quelques chevaux, quelques ruines, un phare.
La statue emblématique du village de Rosses Point, Le Waiting On Shore monument, m’arrête. Elle est dédiée aux naufragés de la mer.
La statue se présente sous la forme d’une femme qui tend ses bras face à la mer dans une position quasi dramatique, les cheveux et les vêtements balayés par les vents.
Le spectacle est touchant et poignant à la fois.
Au camping, j’obtiens la dernière place pour les petites tentes. C’est un emplacement à l’abri du vent, creusé dans la dune et accessible par un étroit passage. Les parois de l’emplacement sont renforcées par des poutres. En effet, l’intérieur de cette cavité est bien protégé du vent très puissant en cette fin de journée pluvieuse.
Aujourd’hui je n’ai parcouru que vingt kilomètres.

Carney, Grogagh, Mullahmore, Cross, Gubacreen, Ballyshannon, BallintraDonegal, Ballishannon
Section 6 : du 2 au 6 août
Dimanche 3 août - 33e jour
74 km / 457 m
Sligo Sligeac Rosses Carney, Grogagh, Mullahmore, Ballishannon

De l’autre côté de la péninsule de Rosses Point, au lointain et en partie dissimulés dans les nuages, j’aperçois les monts Ox. Ils me paraissent tellement imposants.
Aujourd’hui, j’ai encore une longue étape. Elle va m’entraîner à l’extrémité de la péninsule jusqu’à Raghley Point et ensuite par Mullaghmore Head avec un point de vue sur le Ben Bulben, relief tabulaire qui se dresse au nord de Sligo. Je vais aussi longer la belle côte découpée jusqu’a Bellyshannon.
Eh bien ! Cela ne se passera pas ainsi !
Un couple à vélo me double et m’attend un peu plus loin. Ils veulent me faire éviter des montées en éliminant la première presqu’île puis aussi la deuxième, trop touristique, et ne prendre que de petites routes secondaires. 
Joe, grand cycliste est ravi. Il renoue avec des expériences de cyclotourisme. Il mène le bal ! Il nous devance. Betsy et moi tentons de ne pas le laisser trop s’éloigner. Dans les côtes, tous les deux filent. Pestant de tout ce poids à mobiliser, ahanant, j’arrive en haut des côtes essoufflée et surtout sans pousser mon vélo. 
Sur le plat, j’avance vite et les rejoins. Dans les descentes, je deviens une bombe. En effet, ils sont tout minces sur leur vélo fluet.
Tous les deux sont Américains. Ils ont aussi vécu en Irlande et en France durant douze ans, près de Ribeauvillé en Alsace.
Betsy parle français. Joe beaucoup moins. D’Alsace ils sont repartis aux États-Unis durant le Covid car Joe a présenté des soucis cardiaques. Betsy s’émerveille : « Je suis tellement contente de le voir encore pédaler comme cela à soixante-dix-huit ans. »
Betsy et moi avons le même âge. Elle me félicite : « Vous êtes courageuse de voyager à vélo et seule ! Je n’en aurais plus la force. »
On se prend tous les trois 
en photo. On veut garder un souvenir. Betsy veut envoyer une des photos à une amie alsacienne qui aimerait faire du cyclotourisme. 
Après cette demi-journée ensemble, nous nous séparons. Ils se sont considérablement éloignés de leur habitat. Betsy précise : « C’est comme vous ! On campe aussi dans notre minuscule appartement de location ! »
Quel bon moment avec eux !
Il me reste encore de nombreux kilomètres avant d’atteindre Ballyshannon et je désire arriver tôt. Je dois trouver un hébergement. 
Je parcours attentivement la route précisée par Joe, presque tirée au cordeau, en empruntant des voies de campagne et j’arrive à 15h30 à Ballyshannon aux deux-mille habitants.
La ville est célèbre  pour son festival rock, le plus grand d’Irlande. Au début de la grand-rue, une sculpture en bronze nous rappelle que Rory Gallagher, grand guitariste, est né ici.
Je ne remarque qu’un seul hôtel, le Dorrian’s Impérial. Cet hôtel de 1881 a su garder une atmosphère vieille Irlande : tissu à fleurs, mobilier de bois sombre, lustres dorés, moquette épaisse.
La fête bat son plein au village. Les pub sont combles avec pour certains des groupes de musiciens. Une scène a été montée au bas de cette rue trépidante. Différents groupes se produisent.
Puis je rentre à ce bel hôtel en attendant que la tempête arrive. Celle qui s’annonce pour cette nuit et pour une partie de la journée de demain.
… 
Section 6 : du 2 au 6 août
Lundi 4 août - 34e jour
Ballyshannon

Journée tempête 
Impossible de rouler 
Mardi 5 août – 35e jour
80 km / 665 m
BallishannonDonegal, Ardara, An Fhearthann
 
Il est difficile de repartir après deux nuits et une journée passées dans un excellent confort. De nouveau, il me faut endosser mes vêtements de vélo peu seyants. La météo annonce de violentes rafales à 65 km/h. Hier, mon amie Nicole m’a envoyé le message suivant : « Oh ! Pire que la Tramontane et le Mistral réunis ! Heureusement, finalement, que ton vélo pèse son poids, au moins on n'ira pas te chercher au Groenland ! »
Heureusement mes amies ne sont pas comme ça et je lis entre les lignes un élan d’encouragement et d’admiration !
Pour me remettre en jambe, je dois pousser ma bicyclette car la ville de Ballyshannon est construite sur un coteau. Je remarque la violence du vent. Cela a pour avantage de pousser les nuages malgré leurs tentatives de m’arroser.
Mon objectif est de réduire l’étape d’aujourd’hui. Quatre-vingts kilomètres sont beaucoup trop avec ce vent. À Donegal, je dois me rendre chez un vélociste recommandé par un de ses confrères de Sligo. Ma bicyclette, ma fidèle compagne, qui n’a jamais failli depuis nos épopées de ces dernières années, me joue des tours. Ou alors, sont-ce les mécaniciens qui ont omis de me prévenir… Les patins sont spécifiques aux freins hydrauliques Magura et les réparateurs irlandais n’ont pas ce produit en stock.
La prise au vent est maximale avec ma bicyclette encombrée de ses sacoches. Le vent fait siffler les parties métalliques des lignes électriques lorsqu’il s’enroule autour des pylônes et des fils. Le bruit du vent dans les arbres n’est plus du psithurisme, mais plutôt un immense remue-ménage.
Lorsque le vent est puissant, je suis concentrée sur la route et sur le maintien de ma lourde monture et pas grand-chose d’autre n’existe. À mon passage, deux ânes se précipitent derrière le grillage voulant incontestablement attirer mon attention. Cet arrêt impromptu me permet d’apercevoir la baie de Ballyshannon et d’immenses plages de sable blanc égayées par un rayon de soleil. Au lointain, pour parachever ce magnifique panorama, une légère brume enveloppe les montagnes.
Rossnowlagh est une plage de surf avec de gros rouleaux et dont la majeure partie est accessible en voiture. L’Eurovélo1 passe aussi sur cette plage mais la piste est souvent détournée pour éviter, je suppose, les marées.
Cela me replonge dans la traversée d’une plage au Danemark lorsque j’étais partie au cap Nord en 2022, au cours de laquelle ma bicyclette s’était mise à danser dans le sable. Devenue ingérable, elle me fit tomber avec elle. Cette fois-ci, je ne tente même pas de monter dessus. Je la pousse, pas sur cinq kilomètres comme la première fois, mais sur seulement deux kilomètres.
Les surfeurs s’en donnent à cœur joie. De jeunes enfants et des adolescents suivent leurs professeurs, à la queue leu leu, portant leur planche sous leur bras gauche, tous de la même façon. Les enfants de l’un des groupes portent sur leur combinaison des polos jaunes, quant à l’autre groupe, ils ont revêtu des polos vert fluo. L’image est saisissante. On pourrait imaginer que c’est un tableau dont la scène est vivante.
La température est de treize degrés. Quelques-uns, habillés comme en hiver, jouent à construire des châteaux de sable avec leurs enfants.
Le vent est extrêmement puissant sur cette plage située dans la baie de Donegal. Je tourne une vidéo où l’on me voit avec mes vêtements remués violemment et au son du vent qui siffle comme un forcené. Il est certain que j’ai fait sensation ! Car dès la vidéo envoyée à ma famille, sans tarder, plusieurs messages me parviennent m’informant de mon manque de discernement à rouler par un temps pareil. J’ai donc dû, rapidement, recommencer une autre vidéo, en dehors de la plage, pour bien montrer que je ne me mettais pas en danger.
Je poursuis ma route… aucun réparateur vélo n’est installé à Donegal. Je ne m’arrête pas dans cette jolie ville. Ma route est encore longue.
Lorsque j’entre dans les terres au paysage encombré de buissons, de petites parcelles de sapins et essentiellement de tourbières, je comprends qu’il ne me sera pas possible d’arriver à destination.
En effet, le nord de l’Irlande ne regorge pas de campings.
Je m’attelle donc à la tâche et pousse mon vélo dans des côtes de quinze à vingt pour cent. Un pas, puis un autre et encore un autre. Lors des descentes, tout aussi vertigineuses, là encore je marche pour ne pas provoquer plus d’usure aux patins de freins. Tout cela me semble absurde ! 
Comme l’on ne peut arrêter le temps, celui-ci passe à une vitesse folle au gré de mon avancée dérisoire. Je dois donc prendre les mesures qui s’imposent. Trouver un endroit pour planter ma tente. Ici, il est impossible de faire du camping sauvage. Les tourbières ne s’y prêtent pas. D’ailleurs, la route est longée par des fossés infranchissables. La seule solution qui s’offre à moi est de demander à un habitant de planter la tente dans son jardin. Je passe devant une maison, puis deux… il est toujours difficile pour moi de faire ce genre de démarche.
Je passe devant la dernière maison du petit groupement et j’entends du bruit dans le jardin. C’est plus facile pour moi de questionner sans être obligée de frapper à la porte. Un jeune homme me répond en français : « Oh ! Je parle un peu français ! Entre boire un thé dans la maison de ma famille. Et je te propose de t’emmener jusqu’au camping de An Fearthann. »
Occupée à parler avec Lee, je n’ai pas vraiment regardé la maison. Mais je me souviens l’avoir vu de loin, en haut de la colline, et avoir pensé : « Quelle grande et jolie maison ! », mais je ne pourrais la décrire. Cette image s’est effacée de ma mémoire au profit des personnes qui vivaient là.
La pièce où nous entrons est en L. Katleen, la mère de Lee, est affairée dans l’espace cuisine. Lee me présente et sa mère me salue chaleureusement. Elle n’est pas étonnée de voir apparaître une dame, beaucoup plus âgée qu’elle, en tenue de vélo et portant un casque.
Lee et moi sommes installés à la table. Nous prenons le thé préparé par ce gentil jeune homme. J’accepte un énorme scone à la noix de coco fourré d’une confiture de framboise cuisiné par Katleen. Un divan et un fauteuil sont aussi installés dans la pièce. Un élément majeur a une place centrale : le poêle pour les briquettes de tourbe.
Lee révèle : « Je suis heureux de pouvoir parler avec une Française chez moi ! Je n’en ai jamais l’occasion ! » Et il me raconte son Irlande : « La région que tu viens de traverser est très pauvre. Les tourbières ne permettent que peu d’élevage. L’herbe n’est pas suffisamment grasse. Aucune industrie. Mais Ardara, à quelques kilomètres d’ici, bien qu’il soit un village perdu en pleine nature est réputé pour le négoce du tweed et de la laine fabriqués dans la région.
Les petites maisons ont été construites par l’état dans les années quatre-vingts pour venir en aide aux agriculteurs. Ils sont d’ailleurs en difficulté depuis la guerre en Ukraine, car le prix des graines, nourriture donnée aux animaux, a considérablement augmenté. »
Lee à vingt-quatre ans. De temps à autre, il travaille avec son père dans le magasin à Killybegs. Actuellement, il enseigne l’anglais à des Ukrainiens, en vis à vis ou à distance.
Lee est très ouvert et possède de multiples connaissances. D’ailleurs son français en témoigne. Bien qu’il l’ait apprise à l’école, je perçois toutes les subtilités de la langue qu’il utilise.
Il poursuit : « Je connais la langue irlandaise, le Gaélique. C’est une langue celtique. En république d'Irlande, environ 40 % de la population totale la parle. Dans ma famille, je suis le seul à être intéressé par les langues étrangères. »
C’est un plaisir pour moi d’écouter Lee. Sa sœur et son frère font une apparition, se demandant sans doute ce qui se narre dans la cuisine dans une langue étrangère. Le troisième garçon, l’aîné, travaille à Dublin comme metteur en scène.
Katleen va préparer sa voiture, car c’est elle qui va m’accompagner à An Fhearthann. Lee sera de la partie évidemment. Il ne veut pas perdre une minute de la possibilité d’échanger en français.
Nous rencontrons bien des difficultés à charger la bicyclette. La roue dépasse de la portière arrière et la poignée empêche le haillon de se refermer. Puis nous trouvons la solution… Nous plaçons le vélo en sens inverse et Lee avance le siège du passager. Le père de Lee rentre du travail, lui non plus, n’est pas étonné de nous voir nous démener dans la cour.
Après avoir réussi à fermer toutes les portes et un bon lavage de mains couvertes de cambouis, nous partons à environ trente kilomètres de là. La route est une succession de virages en lacets. Elle monte, et cela aurait été un défi insurmontable pour moi. Plus on gagne en altitude, plus on a accès à un panorama exceptionnel sur la vallée. Ce n’est que verdure sur cette partie-ci. Un panorama splendide ! Nous traversons le joli village d’Ardara.
Katleen me propose un petit détour pour admirer une très ancienne maison irlandaise. Lee, toujours aussi heureux de raconter, reprend son récit : « Mon père est né dans cette petite chaumière. Elle doit avoir trois siècles et elle est toujours habitée. Autrefois, les maisons n’étaient pas très solides, alors on les construisait au pied des montagnes pour les protéger du vent. Je vais te prendre en photo devant l’ancienne chaumière pour que tu gardes le souvenir. »
Puis il m’entraîne à la barrière d’un champ. Il m’indique trois moutons : « Leur couleur marron n’est pas naturelle. Ils sont teints pour être présentés à des foires exposition. C’est étonnant, mais certains préfèrent le marron au blanc ! »
Plus tard, nous arrivons au camping. Des monticules de dunes au fond desquelles sont posés des mobiles-homes nous surprennent. Simplement, un petit endroit pour tentes et vans est intégré à ce paysage. Nous n’avons pas vu de réception, mais le gérant nous a observé passer devant sa petite cabine à l’entrée. Katleen le connaît et discute avec lui. En Irlande, on prend le temps. Lee constate : « Dans ma région si peu peuplée, tout le monde se connaît. Je ne connais pas ce monsieur, mais je connais certainement ses enfants. »
Puis ils partent. Ce soir-là, je présume que le repas familial sera pris très tardivement. Quelle belle famille au grand sens de l’entraide et de la générosité !
Mes voisins, Paul et Jane, Britanniques, en vacances en van, viennent discuter avec moi. Je crée toujours un peu la surprise par mon arrivée sur cette bicyclette de cyclo-voyageuse. Puis ils m’offrent un dîner copieux composé d’un excellent poulet au curry accompagné de multiples légumes, le tout cuisiné par Paul.
Tellement copieux que je ne pourrai pas terminer mon assiette !


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Section 6 : du 2 au 6 août
Mercredi 6 août – 36e jour
46 km / 570 m
An Fhearthann, Narin, An Clochan Liath Dungloe, Gweedore
 
La tente est sèche ! Étonnement sèche ! Les arceaux glissent à l’intérieur de leur fourreau. Lorsque la toile est mouillée, ils se désarticulent avant d’en sortir, rendant la tache compliquée. La journée s’annonce sous de bons augures.
Le ciel est tacheté de nuages, juste ce qu’il faut pour empêcher le soleil de me brûler la peau.
Mon étape du jour n’est pas très longue, quarante-six kilomètres avec un dénivelé de cinq-cent-soixante-dix mètres. Frédéric, le dandy à la canne à vélo, parcourt un tour d’Irlande inversé au mien. Il m’indiquait : « Les relevés des dénivelés par nos applications sont inexacts. Ils ne s’appuient que sur quelques points. Je me réfère à mon compte-tour pour avoir des données exactes. » C’est le même que celui que je possédais et qui n’a pas résisté à la pluie ! Celui-ci indique régulièrement un tiers de plus que les applications. J’en déduis que ma journée sera encore sportive.
Après quelques kilomètres, je rejoins la nationale, limitée à cent kilomètres à l’heure, longée d’une agréable piste cyclable. Qui dit piste cyclable, dit sécurité car séparée de la route. Alors que voie cyclable n’est séparée de la route que par une trace de peinture.
Cette belle piste cyclable, au dénivelé peu important, fait quelques petits détours au bord de lacs et m’entraîne, dos au vent, dans la ville de Dungloe.
J’espère, cette fois-ci, trouver des patins de freins. Ma bicyclette, ma compagne de route, m’escorte depuis plusieurs années lors de mes longs périples à vélo. Elle se distingue, et ne fait pas comme toutes les autres. Cependant, elles possèdent des patins de frein. Somme toute c’est un élément très banal, mais non standard, juste adapté aux freins hydrauliques Magura. Je les ai remplacés avant de partir, ainsi qu’à Galway. Ou bien ils ont été usés de façon prématurée dans les pentes vertigineuses ou bien ils étaient de mauvaise qualité !
Leur remplacement est devenu indispensable. Je devrais taire cela aussi, car le jeu de patins dans ma trousse à matériel renferme des patins, hélas, pour le vélo resté chez moi. Et hélas et trois fois hélas… Aucun vélociste à Dungloe. J’en ai repéré un autre beaucoup plus loin, j’y arriverai en fin de journée.
Sans oublier de pédaler, je me laisse conduire par la route secondaire. Joli décor de plaine de tourbières. L’extraction a été arrêtée pour laisser place à sa régénération.
Peu après Dungloe, dans un virage, je m’arrête instantanément. Je traverse la route. Un grand panneau éveille en moi un intérêt puissant, une sympathie profonde. Je suis profondément émue, touchée.
Le fermier affirme son soutien à la Palestine. À l’intérieur de sa propriété, il a planté un haut mat au-dessus duquel flotte le drapeau palestinien.
Comment décrire la puissante image portée par le panneau…
Trois anges, une fillette et deux garçonnets, enfants palestiniens aux keffiehs, écharpes à carreaux noir et blanc portées autour de la tête et flottant au vent, volent dans un ciel qui pourrait être irlandais car l’on perçoit la mer et une côte découpée. Cette image est saisissante.
Le message inscrit dessus « Anges of Palestine. I’am sorry the world failed you. » (« Anges de Palestine. Je suis désolé que le Monde ait échoué. ») touche ma sensibilité. Je le trouve bouleversant.
Quant à nous, Bisontins, nous nous sommes simplement offusqués lorsque le préfet a fait retirer le drapeau palestinien hissé devant la mairie. Nous restons dans des démarches collectives. Ce fermier irlandais affirme haut et fort ses convictions. Un grand merci à lui et sa famille.
Ma route se poursuit. Petite voie sinueuse, entrecoupée par une bande d’herbe, qui montre une nature laissant peu de possibilités à l’Homme, trop humide à l’herbe rougie et couchée par les vents violents, aux rochers se disputant la place au détriment des vaches et des moutons.
Des plateaux à l’infini. L’atmosphère est reposante, mais comment vais-je en sortir ? Et à quelle heure ?
Ni village ni maison isolée, d’ailleurs pourquoi les habitants viendraient-ils habiter ces lieux, aux sols de misère qui ne peut que se taire ? Parfois le sol continue à donner sa subsistance par des parcelles sillonnées par la main de l’Homme pour en extraire son moyen de chauffage. Seuls les propriétaires des lieux concernés en ont le droit. Je ne verrai pas ce dur labeur car nous sommes au temps du séchage.
Puis j’emprunte une route secondaire, toujours dans la montagne, bordée de bruyère cendrée ou de genêts hirsutes.
Chez lui, dans son garage ou se déplaçant avec son véhicule, je rencontre « Doc bike » habitant tout en haut d’un village. Il constate « Vos patins ne sont pas usés, ce sont les freins qui demandent un réglage et je ne possède pas les outils adaptés. » Je tais mon propre diagnostic. Je vois bien que le support est au même niveau que le reste des patins. Il m’indique : « Allez à Letterkenny et vous trouverez un réparateur. »
Cette histoire commence à être perturbante. Il en va de ma sécurité ! Caroline va envoyer en urgence les patins tant convoités chez le réparateur de la ville en question. Des rouges ! Car j’apprends par elle, qu’ils sont rouges. Qu’ils sont les plus résistants. À mon retour, j’en commanderai un sac de rouges !
Plus tard dans la soirée, je me présente au chaleureux camping Sleepy Hollow.
Conor se présente et ne m’appellera plus que par mon prénom. Il prend le temps de me faire visiter l’intégralité du site, extrêmement accueillant, chaleureux, pensé avec goût. Des fleurs embellissent les lieux, jusqu’aux sanitaires où elles poussent au-dessus de ma tête. Tout est pensé avec soin. De nombreux articles sont vendus et entreposés dans la cuisine. Des moustiquaires de tête, du dentifrice, des céréales… et jusqu’à des bouillottes qui sont prêtées.
Installée sous l’abri, meublé de bibliothèques, buffets, lourdes tables en bois, fauteuils, lustres aux bougies qui viendront tamiser la nuit qui tombera un peu plus tard, j’attends… un peu trop longtemps avant de partir à Leo Taverne à un kilomètre de là ! Une pluie torrentielle se met à se déverser et me cloue ici !
Lorsque je rejoins ma tente, guidée par de nombreuses guirlandes en forme d’arbres ou d’animaux, le charme des lieux continue à opérer.
Commentaires
Maryalpes - 06 août
1 messages
Immense Nana Warrior….! Bises Maryline

Maryalpes - 14 août
1 messages
🚴🏻👍