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La traversée des Pyrénées par le GR10, entre autres !

(réalisé)
randonnée/trek
Quand : 31/05/19
Durée : 39 jours
Distance globale : 810km
Dénivelées : +46533m / -46555m
Alti min/max : 19m/2705m
Carnet publié par Béryl le 14 juil. 2019
modifié le 20 mai 2020
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Départ possible depuis les gares de toute grande ville.
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Vue d'ensemble

Le topo : J29 - Cabane de Balledreyt/Village nordique d'Angaka (mise à jour : 10 sept. 2019)

Distance section : 10.3km
Dénivelées section : +1042m / -845m
Section Alti min/max : 1591m/1788m

Description :

Indications GPS  (différentes de celles du site à cause du retour en arrière !) :

Distance : 18,42Km
Dénivelé positif : 1291m
Dénivelé négatif : 1081m
Temps de marche : 5h16
Temps d'arrêt : 2h05

Cliquez sur la trace pour faire apparaître le dénivelé.

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Le compte-rendu : J29 - Cabane de Balledreyt/Village nordique d'Angaka (mise à jour : 10 sept. 2019)

Vendredi 28 juin 2019

Hier soir, on s'est fait bombarder par les moustiques en mangeant, j'ai bien cru que la nuit serait sportive, mais non, dès la porte fermée plus rien ! Classes, les moustiques du coin !
Bon, je vous passe le petit-déj.
Je démarre avant Fred qui s'arrête au village nordique d'Angaka sur le plateau de Beille. Il a réservé une yourte avec son fils qui doit le rejoindre là-bas.
C'est un peu court pour moi. Je vise le refuge de Rhule, mais à plus de onze heures de marche, pas sûr que je ne pose pas la tente avant.
Mais comme souvent, cela ne se déroulera pas tout à fait comme prévu...
Un départ comme je les aime.
Un départ comme je les aime.
Petit passage fraîcheur.
Petit passage fraîcheur.
Tu montes, chéri ?
Tu montes, chéri ?
Le démarrage est plutôt rapide. Une bonne grimpette dans les bois et j'arrive très vite au col de Sirmont (1693m) où le soleil m'éblouit. De petits piquets repèrent le chemin et me guident sur le sentier qui entre à nouveau dans un bois. La longue descente vers Coudènes s'amorce alors.
Les balises se font discrètes. Très discrètes. Au bout d'un moment, je me fie plutôt à ma trace GPS jusqu'à ce que je retrouve enfin les indications sur le terrain. Le chemin amorce alors une remontée sévère. J'ai dû prendre beaucoup d'avance, car j'avais prévu deux bonnes heures de descente non-stop.
Je cale mon souffle sur mon pas et monte lentement. Les balises sont là, bien nettes. Bon sang que c'est raide, aussi raide que la descente de tout à l'heure !
La vue s'éclaircit soudain et je suis de nouveau éclaboussé par les photons solaires.
Le temps de m'accoutumer, je m'arrête un peu.
C'est là que mon estomac s'est noué d'un coup. Mon regard vient de se poser au sol et j'ai de suite reconnu un des petits piquets du col de Sirmont. Plus loin, un autre et puis un autre...
J'ai le droit d'être vulgaire ? Non ? Dommage, je vous aurais déballé tout ce que j'ai hurlé à ce moment-là.
J'étais revenu en arrière. De plus d'une heure. J'ai suivi les balises qui mènent à Hendaye pour la seconde fois !
Comment vous faire comprendre la colère qui m'envahit à cet instant ? Comment vous faire comprendre l'envie d'abattre un arbre à coup de poing ? Comment vous faire comprendre le dégout de moi que je ressens ?
Je regarde mon GPS. Pas étonnant que je me sois planté. Déjà, la trace n'est (encore !) pas raccord avec le GR qui a (encore !) été modifié. Ensuite, j'ai bien vu que je suivais la ligne bleue sur l'écran, pensant que c'était le ruisseau que je longeais dans la pente. Mais non, c'était la trace par laquelle j'étais déjà passé ! Elle est bleue aussi, comme les cours d'eau !
De suite, j'ai modifié cela dans les paramètres de mon GPS : désormais le journal du tracé est rouge.
J'ai plus qu'à faire marche arrière et me cogner à nouveau la descente bien raidasse avec mon genou bien faiblard.
Un branque. Vous m'auriez vu dans la descente : un vrai branque, à fond la caisse.
Si tu tombes, bien fait pour ta gu.... Si tu te blesses, bien fait pour ta gu....
J'ai envie de me punir, de me faire du mal. Si je ne me calme pas, ça va mal finir. Mais je ne me calme pas.
Je repère l'endroit où j'ai raté la balise pour me fier au GPS. Bien planqué sur un tronc d'arbre avec une branche devant ! J'arrive au petit pont où j'ai fait une deuxième erreur : c'est là, en arrivant de l'autre côté par le mauvais tracé du GPS, que j'ai suivi les balises à l'envers et remonté la pente.
Triple buse. Crétin de Pyrénées.
Quand j'arrive à Coudènes, voilà cinq heures que je marche, ce qui aurait dû me prendre une heure et demie de moins.
Là encore, les balises disparaissent. Je débouche sur une piste et mon GPS m'indique de partir sur la gauche, mais puis-je encore m'y fier ?
J'hésite, j'avance, je reviens en arrière, je tourne. Mais elles sont où ces p..... de balises ?!! Le sang me bat aux tempes, j'en ai ras le bol.
À ce moment-là, un gars sort des fourrés et s'avance vers moi : tiens te voilà, je te croyais loin devant !
Ah Fred ! Tu tombes bien, je ne sais pas où aller !
C'est par là, dit-il en m'indiquant la piste qui descend.
Je lui explique alors la galère que je viens de vivre. Il ne s'étonne pas, lui aussi a perdu les balises à maintes reprises dans le bois.
Je reprends : il faut que je me calme, sinon je vais finir par me faire mal.
J'ai ce qu'il te faut : regarde, je sors d'un coin paradisiaque où j'ai déjeuné et même fait trempette.
Il me montre alors un petit coin planqué par des broussailles, qui donne sur un torrent dont une vasque est alimentée par une petite cascade. Une vraie piscine naturelle avec des rochers moussus à souhait pour se poser en douceur. Exactement l'endroit qu'il me fallait. Tu es un père pour moi, merci !
Écoute, dans l'état où tu es, tu n'iras jamais jusqu'à Rhule. Mon gosse m'a appelé, il ne peut venir me rejoindre que demain à Mérens. Si tu veux, j'appelle Angaka et leur dis que tu prends sa place.
Sage décision, Fred, j'accepte.

Ah le moment de rêve que j'ai passé au bord de ce torrent, les pieds dans l'eau pour me rafraîchir, puis assis sur le velours d'un rocher moussu pour savourer mon saucisson et ma pomme, doucement chauffé par les quelques rayons de soleil qui percent la canopée.
Je me suis allongé un court instant, appuyé contre un autre rocher confortable, et je crois bien que je me suis endormi. Ou du moins assoupi.
Quand j'ouvre les yeux, ça va beaucoup mieux. C'est l'heure du bilan.
Pourquoi me suis-je mis dans un état pareil ? Pourquoi me suis-je mis sciemment en danger ?
Oui, bien sûr j'ai horreur de me perdre. Oui, bien sûr j'ai marché près de huit kilomètres avec un dénivelé de dingue pour rien. Oui, surtout, j'ai un caractère à la con qui me fait monter en pression dès que je perds prise sur les évènements, vieux démon qui ne me lâche pas.
Surtout.
Après la colère, la honte. Comme souvent une fois que j'ai explosé. Et dire que j'aurais pu me blesser et tout arrêter là sur un coup de sang. De la chance dans mon malheur.

Une énième leçon.

Ah te voilà, toi...
Oui, tu as raison, une leçon de plus. Vais-je enfin apprendre ?
Si tu étais réel, je te présenterais mes excuses.

Je les accepte quand même...
Source d'apaisement.
Source d'apaisement.
On appelle ça se ressourcer !
On appelle ça se ressourcer !
Je reprends le chemin, apaisé.
Apaisé, mais pas rechargé, j'ai perdu beaucoup de jus dans cette histoire. Il est évident que je ne peux prétendre rallier le refuge de Rhule avec le peu qu'il me reste.
Au pont qui traverse l'Aston, j'indique le spot de rêve d'où je viens à un jeune randonneur qui fait la traversée vers Hendaye. Fait tourner !
Un peu plus loin je passe devant le panneau indiquant la cabane de Clarans. Je continue, elle est trop excentrée. J'entre à nouveau dans un bois où un troupeau de chevaux de Merens sont au frais. Les coquins prennent un malin plaisir à me barrer le chemin. Ils viennent vers moi et d'un coup de tête demandent à être caressés. Pas sauvages pour deux sous !
Je me méfie quand même, des poulains sont dans le lot. Je ne connais pas la réaction des juments qui surveillent leurs petits. Si elles réagissent comme les vaches, mieux vaut être vigilant.
Leur petit jeu va durer un bon moment jusqu'à ce que je force un peu le passage, n'hésitant pas à les pousser. Gentiment tout de même, vu les bestiaux !
Arrivée à la jasse d'Artaran (1695m), je fais une petite pause à la cabane éponyme. L'intérieur est cosy. Une belle fresque murale représente une scène rassemblant tous les habitants du coin, berger comme animaux. L'ours, pourtant discret a été tailladé avec un couteau.
Je ne suis pas le seul crétin des Pyrénées et cela ne me console pas du tout.

La montée vers le plateau de Beille (1817m) est bien raide. Raidasse, même. Je suis au bout de ma vie, comme dirait ma fille. Il est vraiment temps que je m'arrête.
Je pense être arrivé au village nordique d'Angaka quand je vois des cabanes et surtout un panneau l'indiquant. Mais non, il n'y a personne. Seule une meute de chiens de traineaux vit ici, dans les cabanes précisément. Le village est plus loin. Allez, je repars.
J'arrive enfin au plateau, sur une piste de ski où les skieurs ne se bousculent pas. Probablement parce que la seule remontée mécanique est fermée !
Le village nordique est juste derrière. Personne n'est là quand je passe devant l'accueil. Je reconnais le sac de Fred devant un tipi indien (pléonasme, non ?), mais aucune âme qui vive. Enfin, pas humaine en tout cas.
Au bout d'un moment, je le vois qui sort d'une cabane, la serviette à la main. J'ai au moins trouvé la salle de bain !
Il vient vers moi : c'est bon, tout est arrangé, tu dors avec moi dans le tipi ce soir et je t'ai pris la demi-pension.
Merci Fred, vraiment merci (même si une voix de démon me titille : hé, t'es pas avocat, toi !). Pas grave, je me priverai sur d'autres choses.
Les chevaux de Merens qui ne voulaient pas me laisser passer !
Les chevaux de Merens qui ne voulaient pas me laisser passer !
La cabane d'Artaran où la fresque de l'ours a été tailladée au couteau.
La cabane d'Artaran où la fresque de l'ours a été tailladée au couteau.
Le genre de tente que je planterai pas tous les soirs !
Le genre de tente que je planterai pas tous les soirs !
Le poêle ne servira pas cette nuit.
Oui, c'est bien le nounours qu'on aperçoit sur le sac de Fred !
Le poêle ne servira pas cette nuit.
Oui, c'est bien le nounours qu'on aperçoit sur le sac de Fred !
Le temps de prendre une douche en lavant mon linge (optimisation !), Fred est parti boire une bière au resto de la station. Je l'y rejoins dès que j'ai terminé.
Entre temps, trois gars ont débarqué dans le village. Des pros du GR10 qui le font par étape. Des pros qui ont même le teeshirt avec le nom de leur "équipe" (dont je ne me souviens pas). Ils sont suivis par un couple de Hollandais qui fait une boucle dans le coin.
Isabelle, notre hôtesse fait aussi son apparition. Elle nous enjoint de nous servir de bières dans le frigo si on veut se faire un petit apéro. Oui, pour passer à la salle de bain, on doit traverser une cuisine avec un frigo bien rempli.
Les gus y sont allés voir et ont de suite lorgné sur la bouteille de Ricard d'apéritif anisé (mais non je l'ai pas dit).
Elle le verra en nous amenant le repas, préparé par le resto. Bon, c'est pas gratuit tout de même, mais on donne ce que l'on veut.
Je lui donne un coup de main pour amener les plats sur la table tout en discutant. Je lui apprends la fresque vandalisée de la cabane d'Artaran. Elle est dégoûtée car elle connait bien l'artiste qui l'a faite. Elle le préviendra.
Une fois la table mise, tout le monde mange à la bonne franquette.
J'ai l'impression qu'il y a juste assez pour moi, mais non, il faut partager ! En plus, horreur absolue, il y a du fromage dans la salade en entrée. Je déteste le fromage. Je vais faire alors une chose incroyable. Incroyable en tout cas pour ceux qui me connaissent. Je me sers en triant le fromage ! Oui, ce fromage qui a contaminé la salade aussi sûrement qu'un déchet radioactif. Je le mets de côté pour me jeter sur les légumes, chose que je n'ai jamais pu faire auparavant. Pour moi, le plat est à jeter dès qu'un morceau de fromage le touche.
Oui, mais là, J'AI FAIM !
La cuisse de canard qui vient après avec son riz en sauce, je la dévore en croquant même les os. Et, oh joie ! deux des sportifs du GR ne finissant pas leur assiette me proposent leurs restes que j'engouffre en quelques bouchées.
Les Hollandais sont sur le cul.
Voilà un moment que je n'ai plus de scrupules à réclamer du rab, plus de honte à finir les assiettes des autres et me moque pas mal des regards obliques ou des réflexions qui fusent.
J'aide Isabelle à préparer aussi le petit-déjeuner. Elle l'installe dehors et je la préviens que je me lève très tôt.
Tu n'auras qu'à prendre le tien dans la cuisine, alors, me répond-elle. Tu prends ce que tu veux.
Vraiment ?...
Enfin, dans la limite du raisonnable !
Sois tranquille, j'en laisserai pour les autres !

Et je tiendrai parole ; je sais me (re)tenir, même tenaillé par la faim !
Les trois "pros" du GR10, le couple de hollandais en bout de table et Fred, debout, que je ne reverrai plus.
Les trois "pros" du GR10, le couple de hollandais en bout de table et Fred, debout, que je ne reverrai plus.
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