La traversée du Massif des Vosges, malgré tout !
Parti pour un trek de 4 mois, abandonné au bout de 16 jours.
Récit d'une aventure qui n'est pas passée du tout comme prévu...
Récit d'une aventure qui n'est pas passée du tout comme prévu...
Quand : 13/06/2024
Durée : 16 jours
Durée : 16 jours
Distance globale :
432km
Dénivelées :
+22478m /
-21133m
Alti min/max : 164m/1391m
Carnet publié par Béryl
le 05 nov.
modifié le 10 nov.
modifié le 10 nov.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
Précisions :
Tous les trajets aller et retour ont été faits en train, à part un taxi dans Paris pour aller de la gare de l'Est à la gare Montparnasse.
298 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : Jour 16 - Cabane de la Haute Bers/Belfort (mise à jour : 10 nov.)
Distance section :
23.5km
Dénivelées section :
+477m /
-1083m
Section Alti min/max : 514m/1235m
Description :
Données GPS (marche uniquement) :
Distance : 23,52 km
Dénivelé positif : 477 m
Dénivelé négatif : 1083 m
Distance : 23,52 km
Dénivelé positif : 477 m
Dénivelé négatif : 1083 m
Le compte-rendu : Jour 16 - Cabane de la Haute Bers/Belfort (mise à jour : 10 nov.)
Jeudi 13 juin 2024
Il faut que je me fasse violence pour sortir du duvet, ce matin ; à 1121m d'altitude, à 5h00, ça caille !
Comme d'habitude dans ce cas-là, j'ai dormi avec une partie de mes vêtements à mes côtés dans le sac. L'habillage est rapide et je me retrouve dehors, à la lumière rouge de ma frontale. Je sais que les autres dorment à la belle étoile, pas question de les réveiller en allumant un phare dans la nuit.
Je ne vois que le couchage de l'astronome : un énorme sac très épais semble-t-il, entouré d'une espèce de grosse couverture de survie. Le tout doit peser au moins aussi lourd que ma tente !
Je me dirige discrètement vers la source où je peux vider ma vessie à l'écart et faire une toilette de chat. Vivifiante, la toilette ! Les gourdes remplies, je reviens en tapinois à la table où je m'attelle à préparer mon petit déjeuner.
Quand le soleil pointe le bout de son nez, je termine d'essuyer ma tente avec ma serviette et commence à la démonter. Je m'arrête un instant devant ce spectacle dont je ne me lasserai jamais. Le bivouac a ses contraintes, mais il a aussi ses récompenses qui vont bien au-delà.
Tente pliée, c'est l'heure du café ! C'est alors que les autres émergent. Les bonjours sont timides, chacun perdu dans ses lambeaux de rêves ou en contemplation d'une étoile montante.
"Vous avez entendu, cette nuit ? lance le pyromane.
- Oui, c'était bizarre comme bruit ! répond l'astronome.
- Un bruit de quoi ? s'étonne le sportif.
- On aurait dit quelqu'un qui criait au loin ! s'exclame madame.
Je ne dis mot, ne sachant pas de quoi ils parlent.
- Vous savez ce que je pense ? poursuit le maitre du feu.
- Vas-y, dis ! l'incite l'astronome.
- Des séries de cris comme ça, au loin, dans la nuit, apparemment dans les bois sur la colline en hauteur, j'en mettrais ma main au feu... continue l'incendiaire de bivouac en connaisseur.
- Oui, j'ai ma petite idée moi aussi, renchérit madame.
- Ben alors, accouchez ! s'impatiente le sportif.
- Je n'en suis pas sûr à cent pour cent, d'autant plus que la saison des amours est passée, mais pour l'avoir déjà entendu, ça ressemblait énormément au cri du lynx en rut ! conclut le zoologue au feu sacré (surtout quand il fait froid !)
- Oui, c'est ce que je pense aussi, et ça venait effectivement d'en face, là, soutient madame en pointant son doigt vers la colline boisée en face de la cabane. Je me suis levée pour être sûre que je ne rêvais pas !"
S'ensuit une discussion entre les quasi sûrs et les indécis. N'ayant jamais vu ni entendu de lynx, je ne prends pas part au débat. Je regrette quand même de n'avoir rien remarqué. Cela dit, je me serais assurément demandé d'où pouvaient bien venir ces cris particuliers qui ressemblent étrangement à ceux d'un humain.
Sac sur le dos, je salue mes compagnons d'un soir et reprends ma route dans la fraicheur matinale.
Il faut que je me fasse violence pour sortir du duvet, ce matin ; à 1121m d'altitude, à 5h00, ça caille !
Comme d'habitude dans ce cas-là, j'ai dormi avec une partie de mes vêtements à mes côtés dans le sac. L'habillage est rapide et je me retrouve dehors, à la lumière rouge de ma frontale. Je sais que les autres dorment à la belle étoile, pas question de les réveiller en allumant un phare dans la nuit.
Je ne vois que le couchage de l'astronome : un énorme sac très épais semble-t-il, entouré d'une espèce de grosse couverture de survie. Le tout doit peser au moins aussi lourd que ma tente !
Je me dirige discrètement vers la source où je peux vider ma vessie à l'écart et faire une toilette de chat. Vivifiante, la toilette ! Les gourdes remplies, je reviens en tapinois à la table où je m'attelle à préparer mon petit déjeuner.
Quand le soleil pointe le bout de son nez, je termine d'essuyer ma tente avec ma serviette et commence à la démonter. Je m'arrête un instant devant ce spectacle dont je ne me lasserai jamais. Le bivouac a ses contraintes, mais il a aussi ses récompenses qui vont bien au-delà.
Tente pliée, c'est l'heure du café ! C'est alors que les autres émergent. Les bonjours sont timides, chacun perdu dans ses lambeaux de rêves ou en contemplation d'une étoile montante.
"Vous avez entendu, cette nuit ? lance le pyromane.
- Oui, c'était bizarre comme bruit ! répond l'astronome.
- Un bruit de quoi ? s'étonne le sportif.
- On aurait dit quelqu'un qui criait au loin ! s'exclame madame.
Je ne dis mot, ne sachant pas de quoi ils parlent.
- Vous savez ce que je pense ? poursuit le maitre du feu.
- Vas-y, dis ! l'incite l'astronome.
- Des séries de cris comme ça, au loin, dans la nuit, apparemment dans les bois sur la colline en hauteur, j'en mettrais ma main au feu... continue l'incendiaire de bivouac en connaisseur.
- Oui, j'ai ma petite idée moi aussi, renchérit madame.
- Ben alors, accouchez ! s'impatiente le sportif.
- Je n'en suis pas sûr à cent pour cent, d'autant plus que la saison des amours est passée, mais pour l'avoir déjà entendu, ça ressemblait énormément au cri du lynx en rut ! conclut le zoologue au feu sacré (surtout quand il fait froid !)
- Oui, c'est ce que je pense aussi, et ça venait effectivement d'en face, là, soutient madame en pointant son doigt vers la colline boisée en face de la cabane. Je me suis levée pour être sûre que je ne rêvais pas !"
S'ensuit une discussion entre les quasi sûrs et les indécis. N'ayant jamais vu ni entendu de lynx, je ne prends pas part au débat. Je regrette quand même de n'avoir rien remarqué. Cela dit, je me serais assurément demandé d'où pouvaient bien venir ces cris particuliers qui ressemblent étrangement à ceux d'un humain.
Sac sur le dos, je salue mes compagnons d'un soir et reprends ma route dans la fraicheur matinale.
Restant majoritairement sur la ligne de crêtes, les cols s'enchainent à peu de chose près à la même altitude : les Charbonniers (1138m), le Morteville (1088m), le Rundkopf (1117m), celui de la Ronde Tête (1072m) avant d'arriver enfin au Ballon d'Alsace (1248m).
J'en fais le tour par un chemin qui évite la route et profite de la magnifique vue sur la vallée de la Haute Moselle.
J'arrive devant le bar des Démineurs à 9h57. Il est noté que l'ouverture est à 10h00 et j'ai dans l'idée de boire mon petit noir de milieu de matinée et refaire le plein de mes gourdes. Une dame est en train de ranger des chaises sur la terrasse barrée d'une chaine. Je m'avance : "Bonjour ! c'est possible de boire un café ?
- C'est fermé ! me répond-elle d'un ton sec.
- Ah ! Fermé jusqu'à 10h00 ou exceptionnellement aujourd'hui ?"
Pas de réponse. Elle finit d'arranger ses chaises et rentre dans l'établissement en me tournant le dos. Sympa l'accueil ! Tant pis pour mon café. Je traverse la route et trouve des toilettes où je peux au moins refaire les niveaux d'eau. Et la vidange de rigueur, oui. Tout cela ne me prend pas plus de cinq minutes. Quand je sors, la dame est en train d'enlever la chaine qui barre l'entrée de la terrasse. Oui, mais non, là désolé, c'est sans moi ! Je sacrifie mon café tant désiré sur l'autel de mon intransigeance à propos des commerçants peu amènes. Compte sur moi pour te faire de la pub, en plus.
Me voilà reparti, plongeant à nouveau dans la forêt qui m'enferme jusqu'à ce que je m'élève sur un sommet bien connu des cyclistes.
J'en fais le tour par un chemin qui évite la route et profite de la magnifique vue sur la vallée de la Haute Moselle.
J'arrive devant le bar des Démineurs à 9h57. Il est noté que l'ouverture est à 10h00 et j'ai dans l'idée de boire mon petit noir de milieu de matinée et refaire le plein de mes gourdes. Une dame est en train de ranger des chaises sur la terrasse barrée d'une chaine. Je m'avance : "Bonjour ! c'est possible de boire un café ?
- C'est fermé ! me répond-elle d'un ton sec.
- Ah ! Fermé jusqu'à 10h00 ou exceptionnellement aujourd'hui ?"
Pas de réponse. Elle finit d'arranger ses chaises et rentre dans l'établissement en me tournant le dos. Sympa l'accueil ! Tant pis pour mon café. Je traverse la route et trouve des toilettes où je peux au moins refaire les niveaux d'eau. Et la vidange de rigueur, oui. Tout cela ne me prend pas plus de cinq minutes. Quand je sors, la dame est en train d'enlever la chaine qui barre l'entrée de la terrasse. Oui, mais non, là désolé, c'est sans moi ! Je sacrifie mon café tant désiré sur l'autel de mon intransigeance à propos des commerçants peu amènes. Compte sur moi pour te faire de la pub, en plus.
Me voilà reparti, plongeant à nouveau dans la forêt qui m'enferme jusqu'à ce que je m'élève sur un sommet bien connu des cyclistes.
Au détour d'une clairière, le refuge de la Grande Goutte se découvre. Une zone de bivouac idéale, avec la source juste devant, une table extérieure avec ses bancs, un abri sur l'avant du refuge et de la place pour poser la tente. Par contre, surprise : la porte est verrouillée. Seule la partie ouverte où ranger du bois est accessible et bien sûr l'abri dans la continuité du toit. Assis sur un banc sous cet abri, je profite du calme ambiant. Je ne regrette pas de m'être arrêté à la cabane de Haute Bers, finalement. Au moins, celle-ci était ouverte en cas d'orage. Ici, une affiche indique même que le refuge n'est pas prévu pour un hébergement de nuit. Bizarre quand on sait que l'étage permet d'accueillir plusieurs couchages.
Encore tôt dans la matinée, de toute façon, pas question que je m'y arrête.
Près de deux heures sont passées quand j'arrive au pied d'un complexe d'animation en tout genre avec des chalets, des jeux d'extérieur pour les enfants, des tables de pique-nique et de grands parkings. Me voici arrivé à la Planche des Belles Filles. Je longe l'ensemble dans les bois, évitant le bitume, et sors du couvert des arbres dans un champ fortement incliné vers le haut. Un coup d'œil sur mon GPS : c'est tout droit !
J'ai connu pire et plus long dans les Pyrénées, mais j'avoue que comme grimpette, celle-ci est tout de même bien classée ! Il faut dire que j'attaque pleine pente, aucun lacet, comme pour les cyclistes que j'entends cracher leurs poumons sur la route. Tout droit, donc !
Ça se fait, tranquille, même avec quinze kilos sur le dos. J'arrive au sommet de la Super Planche des Belles Filles (1148m) sous les applaudissements des badauds qui se sont tournés vers moi alors qu'ils attendaient les cyclistes. Mon quart d'heure de gloire (qui aura duré trois minutes) !
Je ne sais pas ce qu'elle a de "super", mais j'avoue que la fin était bien raidasse, quand même !
Sorti du champ, je m'engage sur le gravier et, après quelques photos, je redescends illico sur l'autre versant.
Encore tôt dans la matinée, de toute façon, pas question que je m'y arrête.
Près de deux heures sont passées quand j'arrive au pied d'un complexe d'animation en tout genre avec des chalets, des jeux d'extérieur pour les enfants, des tables de pique-nique et de grands parkings. Me voici arrivé à la Planche des Belles Filles. Je longe l'ensemble dans les bois, évitant le bitume, et sors du couvert des arbres dans un champ fortement incliné vers le haut. Un coup d'œil sur mon GPS : c'est tout droit !
J'ai connu pire et plus long dans les Pyrénées, mais j'avoue que comme grimpette, celle-ci est tout de même bien classée ! Il faut dire que j'attaque pleine pente, aucun lacet, comme pour les cyclistes que j'entends cracher leurs poumons sur la route. Tout droit, donc !
Ça se fait, tranquille, même avec quinze kilos sur le dos. J'arrive au sommet de la Super Planche des Belles Filles (1148m) sous les applaudissements des badauds qui se sont tournés vers moi alors qu'ils attendaient les cyclistes. Mon quart d'heure de gloire (qui aura duré trois minutes) !
Je ne sais pas ce qu'elle a de "super", mais j'avoue que la fin était bien raidasse, quand même !
Sorti du champ, je m'engage sur le gravier et, après quelques photos, je redescends illico sur l'autre versant.
Le reste n'est qu'une grande descente vers Auxelles-Haut où je commence à chercher un endroit de bivouac. Une dame me renseigne tant bien que mal, plutôt mal même, mais me remplit les gourdes dont les niveaux sont au plus bas. Elle m'indique un restaurant, pas vraiment ce que je cherche et en plus bien excentré du chemin.
Je continue vers Auxelles-Bas où je m'arrête une seconde fois devant un portail dont le propriétaire semble tout étonné de voir un randonneur lui demander s'il connait un endroit où planter sa tente : "Vous pouvez toujours sur mon terrain, mais j'ai un chien, me répond-il. Effectivement, je vois un jeune chien qui court partout sur sa pelouse.
- C'est gentil, merci, mais je vais éviter de vous déranger.
- Et vous allez dormir où, alors ?
- Je ne sais pas. Je vais continuer par là, je trouverai bien un endroit discret. Sinon, je pousse jusqu'à Évette-Salbert.
- Par là ? Mais ce ne sont que des bois ! Vous n'allez pas dormir dans les bois, quand même ? En plus, ils annoncent de la pluie pour cette nuit et tout demain !
- Oh vous savez, pour les bois, j'ai l'habitude. Quant à la pluie... je verrai bien."
Oui, je verrai bien, mais franchement, il faut que je puise profond pour sortir une once de volonté et continuer vers ces bois sombres. Sombres et humides. J'en peux plus de toute cette humidité, ça me plombe, ça gâche tout. Je quitte le village en mode zombi et prends la petite route qui monte vers la forêt. J'espère trouver un endroit à l'abri sous les arbres où je pourrai m'installer pour la nuit avant que la pluie n'arrive. Un bon point déjà : j'ai mes gourdes pleines, idéal pour un bivouac, d'autant plus que je n'ai noté aucune source sur cette section.
Je rumine ces mornes pensées quand j'entends un bruit de moteur derrière moi. Sûrement quelqu'un qui s'est trompé, car la route se termine par un sentier qui s'enfonce dans les bois. La voiture arrive à mon niveau et ralentit. La fenêtre côté conducteur s'ouvre et je reconnais le gars avec qui je discutais tout à l'heure.
"Ça me travaille de savoir que vous allez dormir dans les bois ! Je vais chercher mon gosse à Évette, si vous voulez je vous y dépose, me lance-t-il.
- Ne vous en faites pas, ce n'est pas le premier bivouac que je monte sous les arbres et puis j'ai de l'eau, tout va bien !
- Avec le temps qui est annoncé, ça ne va pas être une partie de plaisir ! Il risque même faire orage, c'est pas prudent ! Allez, montez, je vous dépose au lac de Malsaucy, vous y serez plus à l'aise pour dormir.
- ...
Je ne sais que dire. J'hésite. J'ai déjà triché pour me rapprocher de Thann et c'est idiot, mais j'ai l'impression de trahir quelque chose ou quelqu'un en cédant à la facilité. D'un autre côté, avec mes pieds en vrac, mon sac à dos en morceaux et mon moral en berne...
- J'insiste ! rajoute-t-il en me voyant me débattre avec ma conscience.
- Ah bah, allez, j'accepte. Va pour Malsaucy."
Quelque chose vient de craquer, là, pile à ce moment, je le sais, je le sens. Alors que j'en prends grand soin depuis des jours, je balance mon sac à dos dans le coffre sans ménagement, j'attrape le hayon des deux mains et m'apprête à le claquer. Mon regard se bloque sur mon sac, mes bâtons et d'un coup, la boule remonte dans la gorge. Je ferme les yeux, je force, mais ça ne suffit pas. Quelques larmes vite essuyées trouvent la sortie.
C'est plié.
Le reste n'est qu'un vague souvenir. J'oscille entre rêve et réalité. La tête sur le chemin, je regarde le paysage défiler par la vitre de la voiture. Le gars me parle, mais je n'y prête pas attention. Mes réponses mécaniques font illusion, semble-t-il, puisqu'il me serre chaleureusement la main en me souhaitant bonne continuation lorsque nous nous séparons devant le lac.
Je reprends ma route sans savoir où aller. Je ne regarde même pas mon GPS. J'avance, comme si je rentrais à la maison. Bientôt une douche chaude, mon lit et une bonne nuit de sommeil au sec. Je me mens et ça marche, puisque je marche.
Je passe devant l'Auberge du Lac, c'est ouvert alors j'entre : "Un demi, s'il vous plait."
Je pars à la pêche aux infos, mais j'ai beau fouiller je ne trouve aucun hébergement dans le coin. J'interpelle le serveur : "Savez-vous où je pourrais poser ma tente ce soir sans déranger personne ?
- D'habitude, en vous éloignant un peu, vous avez quelques berges un peu plus sauvages du lac où vous seriez tranquille, mais avec le festival qui se prépare, les forces de l'ordre sont un peu sur les dents, alors je serais vous, je ne tenterais pas ! Il y a bien le camping, mais il n'est pas encore ouvert.
Et oui, le festival... Les Eurockéennes de Belfort. C'est de cela que m'a parlé mon chauffeur en venant. Effectivement, j'ai vu de grandes structures en cours de montage sur un site, genre base militaire avec pas mal de flics à droite et à gauche. Le camping en question n'est que pour les festivaliers.
- Et sinon, pas de camping un peu à l'écart ?
- Non. Le plus proche, c'est Belfort.
- Je n'ai pas prévu de passer par Belfort, ça me fait un sacré détour.
- J'y habite, si vous pouvez attendre la fin de mon poste, je peux vous y déposer."
Comme ça, gratuit, une main de plus à saisir. Comme dans la chanson, je voulais dire non, je crois que j'ai dit oui. Sans hésiter, même. Ou si peu.
Pour patienter et me donner un peu de baume au cœur, je commande une Dame Blanche, un de mes péchés mignons. Alors que je la déguste, assis au soleil tant qu'il en reste, une autre dame - à peine moins blanche - m'aborde, curieuse, et me demande où je vais avec mon gros sac à dos. Ma réponse est vite mise de côté pour embrayer sur sa vie. Elle se sent proche de moi parce qu'elle aime marcher, selon ses mots. Et puis elle prie aussi. Beaucoup depuis la mort de son fils. Elle priera pour moi, mais ça ne suffira pas ou alors elle n'a pas été entendue, allez savoir. Je suis à mille lieues de ses bondieuseries qu'en temps normal, déjà, j'exècre, mais là, ce n'est vraiment pas le genre de réconfort que je cherche. Peut-être s'en aperçoit-elle quand en plein milieu d'une phrase que j'écoute à peine, elle me lance un "Au revoir et bon courage !" en me serrant la main, et la voilà qui s'en va.
J'entre régler ma note et rejoins le serveur qui est en caisse. Il a appelé le camping de Belfort pour s'assurer qu'il reste de la place. Adorable. Voilà le genre de main tendue que j'apprécie vraiment. C'est désintéressé, c'est délibéré, c'est humain.
Je monte dans sa voiture à 17h30, la relève a eu du retard aujourd'hui. Un quart d'heure après, il me dépose devant le camping des Forges, ce qui m'aurait pris plus de deux heures à pied si j'avais eu le courage de dévier le chemin pour arriver là.
La tente est vite mise à sécher au soleil avant le montage, le temps de la douche et de la lessive. Une fois plantée, je rejoins l'entrée où des tables sont mises à disposition pour manger. Un groupe de cyclistes à la retraite se fait une boucle dans la région. La conversation s'engage et nous passons une partie du début de soirée à papoter sur nos aventures.
J'écris quelques mots dans mon carnet. Le style télégraphique tranche avec les notes détaillées des jours précédents. Tout tranche, de toute façon, dans cette journée avec les jours précédents.
Mais ce n'est rien à côté de ce qui m'attend demain.
Je continue vers Auxelles-Bas où je m'arrête une seconde fois devant un portail dont le propriétaire semble tout étonné de voir un randonneur lui demander s'il connait un endroit où planter sa tente : "Vous pouvez toujours sur mon terrain, mais j'ai un chien, me répond-il. Effectivement, je vois un jeune chien qui court partout sur sa pelouse.
- C'est gentil, merci, mais je vais éviter de vous déranger.
- Et vous allez dormir où, alors ?
- Je ne sais pas. Je vais continuer par là, je trouverai bien un endroit discret. Sinon, je pousse jusqu'à Évette-Salbert.
- Par là ? Mais ce ne sont que des bois ! Vous n'allez pas dormir dans les bois, quand même ? En plus, ils annoncent de la pluie pour cette nuit et tout demain !
- Oh vous savez, pour les bois, j'ai l'habitude. Quant à la pluie... je verrai bien."
Oui, je verrai bien, mais franchement, il faut que je puise profond pour sortir une once de volonté et continuer vers ces bois sombres. Sombres et humides. J'en peux plus de toute cette humidité, ça me plombe, ça gâche tout. Je quitte le village en mode zombi et prends la petite route qui monte vers la forêt. J'espère trouver un endroit à l'abri sous les arbres où je pourrai m'installer pour la nuit avant que la pluie n'arrive. Un bon point déjà : j'ai mes gourdes pleines, idéal pour un bivouac, d'autant plus que je n'ai noté aucune source sur cette section.
Je rumine ces mornes pensées quand j'entends un bruit de moteur derrière moi. Sûrement quelqu'un qui s'est trompé, car la route se termine par un sentier qui s'enfonce dans les bois. La voiture arrive à mon niveau et ralentit. La fenêtre côté conducteur s'ouvre et je reconnais le gars avec qui je discutais tout à l'heure.
"Ça me travaille de savoir que vous allez dormir dans les bois ! Je vais chercher mon gosse à Évette, si vous voulez je vous y dépose, me lance-t-il.
- Ne vous en faites pas, ce n'est pas le premier bivouac que je monte sous les arbres et puis j'ai de l'eau, tout va bien !
- Avec le temps qui est annoncé, ça ne va pas être une partie de plaisir ! Il risque même faire orage, c'est pas prudent ! Allez, montez, je vous dépose au lac de Malsaucy, vous y serez plus à l'aise pour dormir.
- ...
Je ne sais que dire. J'hésite. J'ai déjà triché pour me rapprocher de Thann et c'est idiot, mais j'ai l'impression de trahir quelque chose ou quelqu'un en cédant à la facilité. D'un autre côté, avec mes pieds en vrac, mon sac à dos en morceaux et mon moral en berne...
- J'insiste ! rajoute-t-il en me voyant me débattre avec ma conscience.
- Ah bah, allez, j'accepte. Va pour Malsaucy."
Quelque chose vient de craquer, là, pile à ce moment, je le sais, je le sens. Alors que j'en prends grand soin depuis des jours, je balance mon sac à dos dans le coffre sans ménagement, j'attrape le hayon des deux mains et m'apprête à le claquer. Mon regard se bloque sur mon sac, mes bâtons et d'un coup, la boule remonte dans la gorge. Je ferme les yeux, je force, mais ça ne suffit pas. Quelques larmes vite essuyées trouvent la sortie.
C'est plié.
Le reste n'est qu'un vague souvenir. J'oscille entre rêve et réalité. La tête sur le chemin, je regarde le paysage défiler par la vitre de la voiture. Le gars me parle, mais je n'y prête pas attention. Mes réponses mécaniques font illusion, semble-t-il, puisqu'il me serre chaleureusement la main en me souhaitant bonne continuation lorsque nous nous séparons devant le lac.
Je reprends ma route sans savoir où aller. Je ne regarde même pas mon GPS. J'avance, comme si je rentrais à la maison. Bientôt une douche chaude, mon lit et une bonne nuit de sommeil au sec. Je me mens et ça marche, puisque je marche.
Je passe devant l'Auberge du Lac, c'est ouvert alors j'entre : "Un demi, s'il vous plait."
Je pars à la pêche aux infos, mais j'ai beau fouiller je ne trouve aucun hébergement dans le coin. J'interpelle le serveur : "Savez-vous où je pourrais poser ma tente ce soir sans déranger personne ?
- D'habitude, en vous éloignant un peu, vous avez quelques berges un peu plus sauvages du lac où vous seriez tranquille, mais avec le festival qui se prépare, les forces de l'ordre sont un peu sur les dents, alors je serais vous, je ne tenterais pas ! Il y a bien le camping, mais il n'est pas encore ouvert.
Et oui, le festival... Les Eurockéennes de Belfort. C'est de cela que m'a parlé mon chauffeur en venant. Effectivement, j'ai vu de grandes structures en cours de montage sur un site, genre base militaire avec pas mal de flics à droite et à gauche. Le camping en question n'est que pour les festivaliers.
- Et sinon, pas de camping un peu à l'écart ?
- Non. Le plus proche, c'est Belfort.
- Je n'ai pas prévu de passer par Belfort, ça me fait un sacré détour.
- J'y habite, si vous pouvez attendre la fin de mon poste, je peux vous y déposer."
Comme ça, gratuit, une main de plus à saisir. Comme dans la chanson, je voulais dire non, je crois que j'ai dit oui. Sans hésiter, même. Ou si peu.
Pour patienter et me donner un peu de baume au cœur, je commande une Dame Blanche, un de mes péchés mignons. Alors que je la déguste, assis au soleil tant qu'il en reste, une autre dame - à peine moins blanche - m'aborde, curieuse, et me demande où je vais avec mon gros sac à dos. Ma réponse est vite mise de côté pour embrayer sur sa vie. Elle se sent proche de moi parce qu'elle aime marcher, selon ses mots. Et puis elle prie aussi. Beaucoup depuis la mort de son fils. Elle priera pour moi, mais ça ne suffira pas ou alors elle n'a pas été entendue, allez savoir. Je suis à mille lieues de ses bondieuseries qu'en temps normal, déjà, j'exècre, mais là, ce n'est vraiment pas le genre de réconfort que je cherche. Peut-être s'en aperçoit-elle quand en plein milieu d'une phrase que j'écoute à peine, elle me lance un "Au revoir et bon courage !" en me serrant la main, et la voilà qui s'en va.
J'entre régler ma note et rejoins le serveur qui est en caisse. Il a appelé le camping de Belfort pour s'assurer qu'il reste de la place. Adorable. Voilà le genre de main tendue que j'apprécie vraiment. C'est désintéressé, c'est délibéré, c'est humain.
Je monte dans sa voiture à 17h30, la relève a eu du retard aujourd'hui. Un quart d'heure après, il me dépose devant le camping des Forges, ce qui m'aurait pris plus de deux heures à pied si j'avais eu le courage de dévier le chemin pour arriver là.
La tente est vite mise à sécher au soleil avant le montage, le temps de la douche et de la lessive. Une fois plantée, je rejoins l'entrée où des tables sont mises à disposition pour manger. Un groupe de cyclistes à la retraite se fait une boucle dans la région. La conversation s'engage et nous passons une partie du début de soirée à papoter sur nos aventures.
J'écris quelques mots dans mon carnet. Le style télégraphique tranche avec les notes détaillées des jours précédents. Tout tranche, de toute façon, dans cette journée avec les jours précédents.
Mais ce n'est rien à côté de ce qui m'attend demain.