Un hiver en pèlerinage – Partie 2 : Le Camino Francés
52 jours
878km
+12310m
/ -12435m
Après le froid, la neige et les matins gelés du GR65, place à l’Espagne et à son légendaire Camino Francés.
Le froid s’efface, les jours rallongent, et le chemin prend une autre dimension.
Ce n’est plus seulement une marche, mais une transition, une mue. Une suite logique, et pourtant un tout nouveau départ.
Le froid s’efface, les jours rallongent, et le chemin prend une autre dimension.
Ce n’est plus seulement une marche, mais une transition, une mue. Une suite logique, et pourtant un tout nouveau départ.
Activité :
randonnée/trek
Statut :
réalisé
Distance :
878km
DATE :
09/03/2023
Durée :
52 jours
Dénivelées :
+12310m
/ -12435m
Alti min/max :
3m/1517m
Mise à jour section : il y a 2 jours
94.9km
+1444m
/ -1508m
331m/762m
Le moral remonte, le soleil revient, le Camino se fait plus doux.
On allège les sacs, on goûte au vin, on retrouve le plaisir simple de marcher.
Puis on le perd. Les bivouacs deviennent des combats, les villes des labyrinthes.
Un jour on rit, un jour on pleure.
On allège les sacs, on goûte au vin, on retrouve le plaisir simple de marcher.
Puis on le perd. Les bivouacs deviennent des combats, les villes des labyrinthes.
Un jour on rit, un jour on pleure.
15 Mars – Le vent tourne
Maintenant que les nuits sont plus agréables et que la météo s’améliore, on teste un départ plus tôt : à peine levés, on plie les paquetages et on est sur le chemin à 8 h. On a bien dormi et, à notre grande surprise, les jambes sont plutôt bonnes malgré le marathon d’hier. Une bonne astuce serait de préparer un thermos de café la veille. Une fois lancés sur l’étape, on pourrait faire la pause café quand un endroit sympa se présente, sans avoir à sortir le réchaud et tout le bazar.
Un petit troquet est ouvert à l’entrée de Muruzábal. L’ambiance est sympa et on est bien accueillis. Quelques ouvriers sont déjà à l’apéro au comptoir, mais on reste sages : un expresso, un cappuccino et deux parts de cake. Le tout pour la modique somme de 4,50 € ! À ce prix-là, chez nous, on aurait à peine le cappuccino.
On dirait que le vent a tourné. On a retrouvé le sourire, et nos pensées sombres de la veille se sont dissipées. C’est fou comme quelques détails peuvent transformer nos émotions et notre manière de percevoir les choses. Il suffit d’une simple interaction, d’un échange, ou d’un événement qui ne se déroule pas comme on l’aurait souhaité, et tout bascule. Tout cela montre à quel point porter un jugement définitif sur un endroit ou une personne n’a pas vraiment de sens. Notre perception du monde dépend énormément des énergies du moment et de notre façon de les interpréter.
Nous passons à la poste de Puente la Reina, il est grand temps de nous délester : collant d’hiver, chaussettes en laine, crampons, etc. Tout ce barda rentre à la maison. Allégés, nous faisons quelques courses puis cassons la croûte le long de la rivière Arga, sur une belle pelouse juste au pied du célèbre pont roman. Les maisons en pierre qui le bordent sont superbes, et tous les balcons sont décorés avec goût.
Un homme vêtu d’un joli chapeau de cow-boy arrive au loin. Il marche en sens inverse et arrive à notre niveau. C’est un Autrichien, un robuste gaillard d’une cinquantaine d’années. Il est en route pour Jérusalem. Rien que ça ! Environ 9 000 km sur la célèbre "Jerusalem Way", l’un des plus longs chemins de pèlerinage au monde. Ça donne encore des idées !
On marque des pauses régulièrement, le coin s’y prête et on a du soleil. On repense à nos premières étapes dans l’Aubrac : pas un moment de répit, il faisait tellement froid qu’il fallait être en mouvement en permanence. On a bien failli abandonner plusieurs fois. On en rigole maintenant, assis en slip les pieds en éventail.
Le sentier de gravier blanc serpente au milieu des vallons, des vignes et des champs à perte de vue, dans un très beau cocktail de couleurs vertes. Un vrai décor de carte postale. On se croirait dans Alice au pays des merveilles ! Au loin, apparaît le village de Mañeru, l’église de San Pedro se dresse en son centre. Après l’avoir traversé, on prend une petite bifurcation qui nous mène dans une oliveraie. C’est bien plat, et la vue panoramique est superbe. Un endroit parfait pour s’y installer.
Maintenant que les nuits sont plus agréables et que la météo s’améliore, on teste un départ plus tôt : à peine levés, on plie les paquetages et on est sur le chemin à 8 h. On a bien dormi et, à notre grande surprise, les jambes sont plutôt bonnes malgré le marathon d’hier. Une bonne astuce serait de préparer un thermos de café la veille. Une fois lancés sur l’étape, on pourrait faire la pause café quand un endroit sympa se présente, sans avoir à sortir le réchaud et tout le bazar.
Un petit troquet est ouvert à l’entrée de Muruzábal. L’ambiance est sympa et on est bien accueillis. Quelques ouvriers sont déjà à l’apéro au comptoir, mais on reste sages : un expresso, un cappuccino et deux parts de cake. Le tout pour la modique somme de 4,50 € ! À ce prix-là, chez nous, on aurait à peine le cappuccino.
On dirait que le vent a tourné. On a retrouvé le sourire, et nos pensées sombres de la veille se sont dissipées. C’est fou comme quelques détails peuvent transformer nos émotions et notre manière de percevoir les choses. Il suffit d’une simple interaction, d’un échange, ou d’un événement qui ne se déroule pas comme on l’aurait souhaité, et tout bascule. Tout cela montre à quel point porter un jugement définitif sur un endroit ou une personne n’a pas vraiment de sens. Notre perception du monde dépend énormément des énergies du moment et de notre façon de les interpréter.
Nous passons à la poste de Puente la Reina, il est grand temps de nous délester : collant d’hiver, chaussettes en laine, crampons, etc. Tout ce barda rentre à la maison. Allégés, nous faisons quelques courses puis cassons la croûte le long de la rivière Arga, sur une belle pelouse juste au pied du célèbre pont roman. Les maisons en pierre qui le bordent sont superbes, et tous les balcons sont décorés avec goût.
Un homme vêtu d’un joli chapeau de cow-boy arrive au loin. Il marche en sens inverse et arrive à notre niveau. C’est un Autrichien, un robuste gaillard d’une cinquantaine d’années. Il est en route pour Jérusalem. Rien que ça ! Environ 9 000 km sur la célèbre "Jerusalem Way", l’un des plus longs chemins de pèlerinage au monde. Ça donne encore des idées !
On marque des pauses régulièrement, le coin s’y prête et on a du soleil. On repense à nos premières étapes dans l’Aubrac : pas un moment de répit, il faisait tellement froid qu’il fallait être en mouvement en permanence. On a bien failli abandonner plusieurs fois. On en rigole maintenant, assis en slip les pieds en éventail.
Le sentier de gravier blanc serpente au milieu des vallons, des vignes et des champs à perte de vue, dans un très beau cocktail de couleurs vertes. Un vrai décor de carte postale. On se croirait dans Alice au pays des merveilles ! Au loin, apparaît le village de Mañeru, l’église de San Pedro se dresse en son centre. Après l’avoir traversé, on prend une petite bifurcation qui nous mène dans une oliveraie. C’est bien plat, et la vue panoramique est superbe. Un endroit parfait pour s’y installer.
16 Mars – Le camino vire au rouge
On teste la technique du thermos ce matin, préparé la veille au coucher. Verdict ? Pas top. Le café est tiède, et la quantité divisée par deux. Finalement, on va rester sur nos bonnes vieilles habitudes. Puis un bivouac comme celui-là, ça se savoure.
On tombe sur un campement aménagé pour les pèlerins. Ça aurait pu être sympa : il n’y a personne, le coin est joli… Dommage que les poubelles mises à disposition débordent. Personne ne semble vouloir les ramasser, et les gens continuent d’empiler leurs déchets. Finalement, on était mieux sous nos oliviers.
Après avoir dévalisé un distributeur en guise de petit déjeuner, on arrive à Villatuerta, une jolie petite commune de Navarre — la région que l’on arpente depuis notre entrée sur le Camino. On s’échoue sur une petite terrasse et on commande deux ballons de rouge, un petit vin pas désagréable. En trinquant, on réalise le luxe du Camino : la logistique devient tellement plus simple.
Le chemin regorge de distributeurs — alors oui, ce ne sont pas forcément des produits locaux, mais pour un marcheur, les snacks, barres et boissons proposées sont toujours les bienvenus. Il y a aussi de nombreux bars ouverts, des petites supérettes… Rien à voir avec notre GR65 hivernale. Profiter d’un verre, le visage au soleil, dans un petit village espagnol — c’est plus l’aventure, c’est les vacances !
Ce n’est pas la première église qu’on trouve fermée. Des passants nous expliquent que la plupart d’entre elles n’ouvrent que le soir, apparemment à cause du manque de surveillance et de nombreuses dégradations. C’est bien triste. Seule une très vieille chapelle, un peu à l’écart du chemin, était ouverte. Ada y a laissé une des peintures de Marie dans un recoin de l’autel, déjà orné de nombreuses photos et chapelets.
On fait quelques emplettes à Estella, ville historique où l’on croise de nombreuses églises, basiliques et vestiges médiévaux aux gravures fabuleuses, datant pour la plupart du XIIe et XIIIe siècle.
On débarque au musée du vin, bordé par l’immense monastère d’Iratxe. Il y a même une vieille fontaine à vin où, autrefois, on pouvait s’abreuver. La fontaine étant à sec, on entre au musée pour se délecter d’un très bon verre de rouge — un Iratxe, justement. On craque pour une deuxième tournée qu’on emporte dans le parc juste en face. Une table de pique-nique nous permet de dresser un festin : nous voilà avec nos ballons de rouge et de délicieux canapés mozzarella-tomates-huile d’olive qu’Ada nous prépare...
Une pèlerine nous aborde. On discute un moment, et elle nous parle de l’HexaTrek, un nouveau trek français qui relie plusieurs GR. Et hop, encore un plan sur la liste ! Décidément, on n’est pas prêts de se poser...
Cap sur Villamayor, où le château de Monjardín domine la vallée. C’est superbe. On rêve tout haut au milieu de ce décor fabuleux, et on ne voit pas le temps passer. Il est déjà 19h, le soleil bascule. Le temps change rapidement, un vent de sud-est se lève et nous frappe violemment.
On ratisse les champs alentour et on trouve difficilement un spot. On peine à monter le tarp, balayé par les rafales. La nuit s’annonce mouvementée.
On teste la technique du thermos ce matin, préparé la veille au coucher. Verdict ? Pas top. Le café est tiède, et la quantité divisée par deux. Finalement, on va rester sur nos bonnes vieilles habitudes. Puis un bivouac comme celui-là, ça se savoure.
On tombe sur un campement aménagé pour les pèlerins. Ça aurait pu être sympa : il n’y a personne, le coin est joli… Dommage que les poubelles mises à disposition débordent. Personne ne semble vouloir les ramasser, et les gens continuent d’empiler leurs déchets. Finalement, on était mieux sous nos oliviers.
Après avoir dévalisé un distributeur en guise de petit déjeuner, on arrive à Villatuerta, une jolie petite commune de Navarre — la région que l’on arpente depuis notre entrée sur le Camino. On s’échoue sur une petite terrasse et on commande deux ballons de rouge, un petit vin pas désagréable. En trinquant, on réalise le luxe du Camino : la logistique devient tellement plus simple.
Le chemin regorge de distributeurs — alors oui, ce ne sont pas forcément des produits locaux, mais pour un marcheur, les snacks, barres et boissons proposées sont toujours les bienvenus. Il y a aussi de nombreux bars ouverts, des petites supérettes… Rien à voir avec notre GR65 hivernale. Profiter d’un verre, le visage au soleil, dans un petit village espagnol — c’est plus l’aventure, c’est les vacances !
Ce n’est pas la première église qu’on trouve fermée. Des passants nous expliquent que la plupart d’entre elles n’ouvrent que le soir, apparemment à cause du manque de surveillance et de nombreuses dégradations. C’est bien triste. Seule une très vieille chapelle, un peu à l’écart du chemin, était ouverte. Ada y a laissé une des peintures de Marie dans un recoin de l’autel, déjà orné de nombreuses photos et chapelets.
On fait quelques emplettes à Estella, ville historique où l’on croise de nombreuses églises, basiliques et vestiges médiévaux aux gravures fabuleuses, datant pour la plupart du XIIe et XIIIe siècle.
On débarque au musée du vin, bordé par l’immense monastère d’Iratxe. Il y a même une vieille fontaine à vin où, autrefois, on pouvait s’abreuver. La fontaine étant à sec, on entre au musée pour se délecter d’un très bon verre de rouge — un Iratxe, justement. On craque pour une deuxième tournée qu’on emporte dans le parc juste en face. Une table de pique-nique nous permet de dresser un festin : nous voilà avec nos ballons de rouge et de délicieux canapés mozzarella-tomates-huile d’olive qu’Ada nous prépare...
Une pèlerine nous aborde. On discute un moment, et elle nous parle de l’HexaTrek, un nouveau trek français qui relie plusieurs GR. Et hop, encore un plan sur la liste ! Décidément, on n’est pas prêts de se poser...
Cap sur Villamayor, où le château de Monjardín domine la vallée. C’est superbe. On rêve tout haut au milieu de ce décor fabuleux, et on ne voit pas le temps passer. Il est déjà 19h, le soleil bascule. Le temps change rapidement, un vent de sud-est se lève et nous frappe violemment.
On ratisse les champs alentour et on trouve difficilement un spot. On peine à monter le tarp, balayé par les rafales. La nuit s’annonce mouvementée.
17 Mars – Fiasco sous les oliviers
Si on avait su que le vent soufflerait jusqu’au matin… on aurait monté le tarp différemment. Les rafales nous ont mené la vie dure, fouettant le tipi toute la nuit. Un sommeil épouvantable, en fractionné, entre cauchemars et paranoïa…
Léna nous rattrape ce matin. Une pèlerine aperçue la veille. C’est une fille du coin, qui vient de frôler le burn-out et a tout plaqué. Elle laisse au chemin le temps qu’il faudra pour la remettre sur pied. En attendant, elle file plus heureuse que jamais, après seulement quatre jours de marche. Certainement le meilleur médicament.
On arrive à Los Arcos, ravitaillement pour le casse-dalle. Au menu : sardines, pain céréales et tomate fraîche. Un groupe de Coréens attablés en terrasse nous lancent tous en chœur un "Buen Camino". Ils sont nombreux à arpenter le chemin. À ce qu’il paraît, la Compostella compte sur leur CV — c’est le certificat remis à Saint-Jacques, qui marque la fin du pèlerinage.
On casse la croûte depuis une toute petite caselle planquée sur les hauteurs d’une colline, avec vue imprenable sur le Camino et les pèlerins qui défilent. À peine la place pour y entrer, on n’y dormira pas ce soir. À chaque pause maintenant, on se fout en slip et on laisse nos corps tout blancs respirer et absorber le soleil. Seules nos mains et nos visages sont bronzés. Il est temps de faire respirer le reste.
Cerisiers, oliviers, champs à perte de vue — le chemin est superbe, et les villages sont tous plus jolis les uns que les autres. Au loin, on aperçoit Torres del Rio. Un petit tronçon d’asphalte nous y emmène. Il n’y a aucune voiture. C’est le calme plat, comme dans un rêve.
Logroño approche à grands pas. Ce sera la deuxième grande ville à traverser. Et vu notre dernière expérience à Pampelune, ça ne nous réjouit pas vraiment. On fait l’erreur de ne pas se recharger en eau, pensant en trouver plus loin. Mais le coin est desséché. Aucun point d’eau. Dommage, car on passe à côté de bons spots de bivouac. C’est chiant cette logistique !
Ce n’est qu’à 18h30 qu’on trouve un peu d’eau, planquée sous des roseaux. Toujours le même problème, pas facile de dénicher un spot dans le coin. C’est seulement en s’éloignant du Camino qu’on tombe sur un champ d’oliviers. À 21h, alors qu’on s’apprête à se coucher, la pluie se met à tomber et le vent se lève d’un seul coup, nous prenant par surprise. L’entrée du tipi est pile face au vent. Mince, c'est pas de chance…
Le vent s’engouffre et un piquet de l’entrée saute. C’est l’alerte. Il faut maintenir le mât, qui tient grâce à la tension de la bâche. Je replante le piquet, mais le sol est trop meuble. L’ancrage est merdique. Les piquets ne tiendront pas. Il faut prendre une décision rapide. La pluie s’intensifie, la pression monte.
On met au point une stratégie rapide : simplement changer l’entrée de côté, faire pivoter le tipi pour tourner le dos au vent. J’ai besoin d’Ada pour m’assister dans la manip et maintenir le mât pendant que je refais le montage. Les affaires, elles, n’auront pas besoin d’être bougées sur la bâche de sol. En théorie, ça devrait être rapide.
À peine commencée, la pluie redouble de force. Le vent nous fouette. Ma frontale déconne au mauvais moment, rien ne va. Fatigue, tension, on s’énerve, on panique, et on se mélange les pinceaux. C’est le bordel ! On hurle au milieu du champ, tout est trempé, et le mât s’effondre… Ce qui aurait dû être réglé en deux minutes en prend vingt. Un vrai fiasco.
Lessivés, on réalise à peine ce qui vient de se passer. Tout a basculé tellement vite. L’ironie du sort : le vent tombe. Soudain, c'est le calme après la tempête.
On s’écroule de fatigue. Puis vers 4h, le vent et la pluie reprennent de plus belle. Paranos, on reste les yeux ouverts. Impossible de retrouver le sommeil après ça. Les forêts, les feux de camp… tout ça nous manque terriblement.
Si on avait su que le vent soufflerait jusqu’au matin… on aurait monté le tarp différemment. Les rafales nous ont mené la vie dure, fouettant le tipi toute la nuit. Un sommeil épouvantable, en fractionné, entre cauchemars et paranoïa…
Léna nous rattrape ce matin. Une pèlerine aperçue la veille. C’est une fille du coin, qui vient de frôler le burn-out et a tout plaqué. Elle laisse au chemin le temps qu’il faudra pour la remettre sur pied. En attendant, elle file plus heureuse que jamais, après seulement quatre jours de marche. Certainement le meilleur médicament.
On arrive à Los Arcos, ravitaillement pour le casse-dalle. Au menu : sardines, pain céréales et tomate fraîche. Un groupe de Coréens attablés en terrasse nous lancent tous en chœur un "Buen Camino". Ils sont nombreux à arpenter le chemin. À ce qu’il paraît, la Compostella compte sur leur CV — c’est le certificat remis à Saint-Jacques, qui marque la fin du pèlerinage.
On casse la croûte depuis une toute petite caselle planquée sur les hauteurs d’une colline, avec vue imprenable sur le Camino et les pèlerins qui défilent. À peine la place pour y entrer, on n’y dormira pas ce soir. À chaque pause maintenant, on se fout en slip et on laisse nos corps tout blancs respirer et absorber le soleil. Seules nos mains et nos visages sont bronzés. Il est temps de faire respirer le reste.
Cerisiers, oliviers, champs à perte de vue — le chemin est superbe, et les villages sont tous plus jolis les uns que les autres. Au loin, on aperçoit Torres del Rio. Un petit tronçon d’asphalte nous y emmène. Il n’y a aucune voiture. C’est le calme plat, comme dans un rêve.
Logroño approche à grands pas. Ce sera la deuxième grande ville à traverser. Et vu notre dernière expérience à Pampelune, ça ne nous réjouit pas vraiment. On fait l’erreur de ne pas se recharger en eau, pensant en trouver plus loin. Mais le coin est desséché. Aucun point d’eau. Dommage, car on passe à côté de bons spots de bivouac. C’est chiant cette logistique !
Ce n’est qu’à 18h30 qu’on trouve un peu d’eau, planquée sous des roseaux. Toujours le même problème, pas facile de dénicher un spot dans le coin. C’est seulement en s’éloignant du Camino qu’on tombe sur un champ d’oliviers. À 21h, alors qu’on s’apprête à se coucher, la pluie se met à tomber et le vent se lève d’un seul coup, nous prenant par surprise. L’entrée du tipi est pile face au vent. Mince, c'est pas de chance…
Le vent s’engouffre et un piquet de l’entrée saute. C’est l’alerte. Il faut maintenir le mât, qui tient grâce à la tension de la bâche. Je replante le piquet, mais le sol est trop meuble. L’ancrage est merdique. Les piquets ne tiendront pas. Il faut prendre une décision rapide. La pluie s’intensifie, la pression monte.
On met au point une stratégie rapide : simplement changer l’entrée de côté, faire pivoter le tipi pour tourner le dos au vent. J’ai besoin d’Ada pour m’assister dans la manip et maintenir le mât pendant que je refais le montage. Les affaires, elles, n’auront pas besoin d’être bougées sur la bâche de sol. En théorie, ça devrait être rapide.
À peine commencée, la pluie redouble de force. Le vent nous fouette. Ma frontale déconne au mauvais moment, rien ne va. Fatigue, tension, on s’énerve, on panique, et on se mélange les pinceaux. C’est le bordel ! On hurle au milieu du champ, tout est trempé, et le mât s’effondre… Ce qui aurait dû être réglé en deux minutes en prend vingt. Un vrai fiasco.
Lessivés, on réalise à peine ce qui vient de se passer. Tout a basculé tellement vite. L’ironie du sort : le vent tombe. Soudain, c'est le calme après la tempête.
On s’écroule de fatigue. Puis vers 4h, le vent et la pluie reprennent de plus belle. Paranos, on reste les yeux ouverts. Impossible de retrouver le sommeil après ça. Les forêts, les feux de camp… tout ça nous manque terriblement.
18 Mars – Traversée maudite
Silence total ce matin autour du café, lessivés par la veille. Aujourdhui, il faut traverser Logroño, pas le choix si on veut continuer. Encore une dure journée qui s’annonce.
À Viana, on dévalise une boulangerie. Les estomacs crient famine : du sucre, du gras, et vite ! Demain, c’est dimanche, jour de repos espéré. Objectif : trouver un coin après la ville. On compte charger en bouffe à Logroño pour ne pas manquer.
La ville surgit enfin et nous engloutit. Passage au supermarché, on ne lésine pas sur la marchandise. Puis je fais découvrir à Ada les cafeterías locales, leurs comptoirs à tapas, flippers et machines à sous. Ça me rappelle mes années en Espagne. On en profite pour mettre la frontale à charger et avaler quelques tapas.
Je pars à la recherche d’une cartouche de gaz, mais les ferreterías (quincailleries) sont fermées le samedi après-midi. Pas de bol… Y’a pas urgence, mais la dernière cartouche se vide doucement.
Nous repartons chargés comme des mules, sacs plastiques en main, réserves d’eau pleines. Vivement le premier coin sympa, on en peut plus. La sortie de la ville est interminable. De gros nuages noirs menacent, et la pluie finit par tomber… Puis le vent. La routine j'ai envie de dire !
Déjà 17h30 et pas la moindre trace de paix, c'est encore trop fréquenté. On a beau s’écarter, le terrain n’est pas du tout propice. Déchets, squats, terrain vague… ça fait pas rêver. Et puis l’autoroute… le pompon. Le chemin longe cet enfer, les voitures, le bruit... c’est pénible. On en a ras le bol, vraiment. Autant certains coins sont jolis, autant ces zones urbaines cassent l’ambiance, et bivouaquer devient un vrai challenge.
19h passées. On ne se fait plus d’illusions... La nuit tombe, on avance comme des zombies. On ne ressent plus rien. Plus de douleur, plus d’émotion.
Au loin, les lumières de Navarrete. Une autre ville, plus petite. On a dépassé les 30 km, notre plus grosse étape. Toujours pas de miracle.
À 21h, on pousse la porte d’un rade encore ouvert. Peut-être que le comptoir nous réconfortera. Pichet de rouge, tapas, machine à sous. Bref, tous les vices... On se divertit, après tout, on n’est pas malheureux.
La tenancière, sympa, a compris notre détresse. Elle nous parle d’une auberge pas loin. On se regarde avec Ada : on a l’impression d’avoir perdu la bataille aujourd’hui.
À 23h, on débarque à l’auberge. La patronne fait les gros yeux en nous voyant débarquer, pourtant elle en voit, des pèlerins. Elle n’ose même pas nous demander le credencial. De toute façon, on l’a même pas… Elle nous mène à un dortoir, 2 lits sont libres au milieu de ce foutoir. Tout le monde dort. Ça ronfle, ça pue. Un sentiment d’oppression nous envahit.
On balance nos sacs et on file dans la cage d’escalier pour dévorer une grosse tortilla achetée à Logroño. On fait le point. Rien ne va plus. J’ai presque envie de sortir et dormir sur le pas de l’église. Mais bon, on a un toit, alors pas le moment de se plaindre.
De retour dans la chambre, je retire mes rangers et me couche tel quel. Même pas sous la couette, position pharaon, les mains sur le ventre. Ada, qui dort juste au-dessus, se résout à faire de même.
Quelle journée… Malgré le vacarme dans la chambre, la fatigue est telle que je sombre en quelques minutes.
Silence total ce matin autour du café, lessivés par la veille. Aujourdhui, il faut traverser Logroño, pas le choix si on veut continuer. Encore une dure journée qui s’annonce.
À Viana, on dévalise une boulangerie. Les estomacs crient famine : du sucre, du gras, et vite ! Demain, c’est dimanche, jour de repos espéré. Objectif : trouver un coin après la ville. On compte charger en bouffe à Logroño pour ne pas manquer.
La ville surgit enfin et nous engloutit. Passage au supermarché, on ne lésine pas sur la marchandise. Puis je fais découvrir à Ada les cafeterías locales, leurs comptoirs à tapas, flippers et machines à sous. Ça me rappelle mes années en Espagne. On en profite pour mettre la frontale à charger et avaler quelques tapas.
Je pars à la recherche d’une cartouche de gaz, mais les ferreterías (quincailleries) sont fermées le samedi après-midi. Pas de bol… Y’a pas urgence, mais la dernière cartouche se vide doucement.
Nous repartons chargés comme des mules, sacs plastiques en main, réserves d’eau pleines. Vivement le premier coin sympa, on en peut plus. La sortie de la ville est interminable. De gros nuages noirs menacent, et la pluie finit par tomber… Puis le vent. La routine j'ai envie de dire !
Déjà 17h30 et pas la moindre trace de paix, c'est encore trop fréquenté. On a beau s’écarter, le terrain n’est pas du tout propice. Déchets, squats, terrain vague… ça fait pas rêver. Et puis l’autoroute… le pompon. Le chemin longe cet enfer, les voitures, le bruit... c’est pénible. On en a ras le bol, vraiment. Autant certains coins sont jolis, autant ces zones urbaines cassent l’ambiance, et bivouaquer devient un vrai challenge.
19h passées. On ne se fait plus d’illusions... La nuit tombe, on avance comme des zombies. On ne ressent plus rien. Plus de douleur, plus d’émotion.
Au loin, les lumières de Navarrete. Une autre ville, plus petite. On a dépassé les 30 km, notre plus grosse étape. Toujours pas de miracle.
À 21h, on pousse la porte d’un rade encore ouvert. Peut-être que le comptoir nous réconfortera. Pichet de rouge, tapas, machine à sous. Bref, tous les vices... On se divertit, après tout, on n’est pas malheureux.
La tenancière, sympa, a compris notre détresse. Elle nous parle d’une auberge pas loin. On se regarde avec Ada : on a l’impression d’avoir perdu la bataille aujourd’hui.
À 23h, on débarque à l’auberge. La patronne fait les gros yeux en nous voyant débarquer, pourtant elle en voit, des pèlerins. Elle n’ose même pas nous demander le credencial. De toute façon, on l’a même pas… Elle nous mène à un dortoir, 2 lits sont libres au milieu de ce foutoir. Tout le monde dort. Ça ronfle, ça pue. Un sentiment d’oppression nous envahit.
On balance nos sacs et on file dans la cage d’escalier pour dévorer une grosse tortilla achetée à Logroño. On fait le point. Rien ne va plus. J’ai presque envie de sortir et dormir sur le pas de l’église. Mais bon, on a un toit, alors pas le moment de se plaindre.
De retour dans la chambre, je retire mes rangers et me couche tel quel. Même pas sous la couette, position pharaon, les mains sur le ventre. Ada, qui dort juste au-dessus, se résout à faire de même.
Quelle journée… Malgré le vacarme dans la chambre, la fatigue est telle que je sombre en quelques minutes.

Pampelune → Logroño