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Un hiver en pèlerinage – Partie 2 : Le Camino Francés

52 jours
878km
+12310m / -12435m
Chris et Ada
Par Chris et Ada
publié hier
125 lecteurs
Informations générales
Après le froid, la neige et les matins gelés du GR65, place à l’Espagne et à son légendaire Camino Francés.
Le froid s’efface, les jours rallongent, et le chemin prend une autre dimension.
Ce n’est plus seulement une marche, mais une transition, une mue. Une suite logique, et pourtant un tout nouveau départ.
Activité :
randonnée/trek
Statut :
réalisé
Distance :
878km
DATE :
09/03/2023
Durée :
52 jours
Dénivelées :
+12310m / -12435m
Alti min/max :
3m/1517m
Toutes les sections GPX , KML

Un hiver en pèlerinage – Partie 2 : Le Camino Francés

Les étapes :

1
9.9km
+337m / -184m
mise à jour : il y a 2 jours
9 Mars – Troquet chaleureux et hospitalité inattendue


La petite ville de Saint-Jean-Pied-de-Port a du charme, et on aurait volontiers pris le temps d’y flâner un peu. On décide donc de prospecter pour y trouver un coin où dormir. Nous passons à l’accueil des pèlerins pour glaner quelques infos. On nous prévient d’abord que le col de Roncevaux est fermé en hiver. Nous emprunterons donc l’itinéraire bis, le Camino Navarro, qui évite le col de Lepoeder à 1 500 m et passe par Arnéguy, une petite commune frontalière connue pour ses ventas, ces commerces détaxés, un peu comme en Andorre.

On nous parle aussi de la credencial, ce « passeport du pèlerin » que nous n’avons même pas. Apparemment, il est obligatoire en Espagne pour accéder aux gîtes. Bien sûr, il est payant... Je n’aime pas les obligations, surtout quand elles sont payantes, et notre but est de bivouaquer autant que possible. Donc non, on repartira sans – même si ça peut représenter un symbole fort pour beaucoup de pèlerins.

Un peu désœuvrés, on traîne en ville avant d’aller trinquer à notre GR65. Un petit verre de rouge dans un troquet du coin, histoire de marquer le coup. La patronne, chaleureuse, propose même de garder nos sacs pendant qu’on file au Lidl faire quelques courses.

À la sortie du magasin, un gros nuage se pointe au-dessus de nos têt...
2
54.3km
+1351m / -1219m
mise à jour : il y a 2 jours
12 Mars – Premiers pas sur le Camino Francés


Les chauves-souris nous ont épargnés cette nuit. J’ouvre la porte et découvre un ciel toujours aussi menaçant. Le soleil commence sérieusement à manquer. Le seul truc qui nous motive aujourd’hui, c’est qu’on va enfin franchir la frontière, en passant le col d’Ibañeta, à un peu plus de 1000 mètres d’altitude. De l’autre côté, c’est l’Espagne. Ce sera aussi notre premier jour sur le Camino Francés.

On plie rapidement bagage, et on profite de cet abri pour abandonner nos plaids. Les températures sont plus douces, autant s’alléger. Et puis, si un pèlerin passe par là, il trouvera de quoi se couvrir… et quelques bougies neuves pour l’ambiance.

Quelques kilomètres sur la route, puis on bifurque sur un sentier qui s’enfonce enfin en forêt. Un vrai chemin de rando. Petit à petit, on grimpe. La pente se raidit, mais on marche bien. Peut-être que l’idée d’entrer en Espagne nous booste. On remonte même deux groupes de randonneurs à la traîne.

Enfin, on aperçoit le col, et la petite chapelle de Puerto de Ibañeta, qui s'avère fermée. Un panneau indique 1057 m. Ça y est, nous sommes en Espagne. La température est parfaite, pas de vent, et la vue sur la vallée est splendide. On dévale la descente presque en trottinant. Le sentier est superbe, bordé de petits ruisseaux.[/cen...
3
94.9km
+1444m / -1508m
mise à jour : il y a 2 jours
15 Mars – Le vent tourne


Maintenant que les nuits sont plus agréables et que la météo s’améliore, on teste un départ plus tôt : à peine levés, on plie les paquetages et on est sur le chemin à 8 h. On a bien dormi et, à notre grande surprise, les jambes sont plutôt bonnes malgré le marathon d’hier. Une bonne astuce serait de préparer un thermos de café la veille. Une fois lancés sur l’étape, on pourrait faire la pause café quand un endroit sympa se présente, sans avoir à sortir le réchaud et tout le bazar.

Un petit troquet est ouvert à l’entrée de Muruzábal. L’ambiance est sympa et on est bien accueillis. Quelques ouvriers sont déjà à l’apéro au comptoir, mais on reste sages : un expresso, un cappuccino et deux parts de cake. Le tout pour la modique somme de 4,50 € ! À ce prix-là, chez nous, on aurait à peine le cappuccino.

On dirait que le vent a tourné. On a retrouvé le sourire, et nos pensées sombres de la veille se sont dissipées. C’est fou comme quelques détails peuvent transformer nos émotions et notre manière de percevoir les choses. Il suffit d’une simple interaction, d’un échange, ou d’un événement qui ne se déroule pas comme on l’aurait souhaité, et tout bascule. Tout cela montre à quel point porter un jugement définitif sur un endroit ou une personne n’a pas vraiment de sens. Notre perception du monde dépend énormément des éner...
4
119km
+1573m / -1098m
mise à jour : hier
19 Mars – Far West et bivouac sous tension


6h30, j’ouvre les yeux et saute dans mes rangers. Un coup de flotte sur le visage et je suis prêt. Ada fait de même. En trois minutes, nous sommes dehors, au moment même où l’auberge s’active et que les gens font la queue pour aller pisser. Ouf, nous sommes libres.

J’en ai fait, des dortoirs, au fil de mes voyages… Mais là, après deux mois à vivre comme des sauvages, ça transforme l’expérience. Une sensation étrange nous envahit, l’impression d’être en cage, soudainement privés de liberté, parqués comme des moutons.

En chemin, nous croisons le jeune Parisien rencontré il y a quelques jours et lui proposons de se joindre à nous pour le café. On trouve un petit coin, sortons la popote et dressons un super petit-déjeuner.

Il vient d’être emmerdé avec son tendon d’Achille et a changé de chaussures. Les premiers jours sont toujours piégeux, c’est le rodage : il faut laisser le corps s’adapter. Sa longue première étape nous avait laissés perplexes. Il bosse comme cartographe chez IGN, c’est passionnant je trouve. J’adore sortir mes cartes papier et étudier les profils, les reliefs, etc. Malheureusement, c’est de plus en plus délaissé au profit des applis téléphoniques.

 À Ventosa, on se laisse tenter par une jolie terrasse. Cycliste...
5
197km
+840m / -926m
mise à jour : hier
25 mars – Au rythme des costaleros

Ouah, le sommeil a été profond. Je me lève et me passe au scanner : je ne me sens pas trop mal, étonnant vu mon état de la veille. Cette nuit entre quatre murs m’a réparé. Ada y est pour beaucoup : elle a tout géré hier soir sans prendre le temps de s’occuper d’elle.

Le check-out est à 11 h, ça tombe bien, on n’a pas envie de repartir. On traîne un peu. Avant de quitter Burgos, il faut trouver du gaz et faire le plein de provisions. On laisse nos paquetages à la récep et partons en repérage.

La première boulangerie subit un attentat : on découvre les torrijas, un genre de pain perdu encore plus gourmand… une tuerie. Passage chez Decathlon : je déniche un pantalon treillis léger — le mien n’était pas respirant et m’avait causé quelques irritations. Ada, de son côté, ressort avec une gourde de 700 ml pour compléter notre réserve d’eau. Cartouche de gaz, plein de bouffe chez Lidl : on est parés.

Paquetages récupérés, nous voilà repartis au milieu de la foule de la vieille ville. On passe devant la somptueuse cathédrale Sainte-Marie, XIIIᵉ siècle. À l’intérieur, une masse de gens plus occupés à prendre des photos qu’à se recueillir, selfies par-ci, selfies par-là. Un guichet et un petit portique pour entrer... comment ? Je pensais que ce serait gratuit pour les pèlerins… mais non, 5 euros par tête. Pfff non, pas envie. Je comprends que ça serve à financer les travaux et la restauration, mais pour les pèleri...
6
315km
+5303m / -5819m
mise à jour : hier
7 avril – Le luxe du bivouac

Le coin était trop beau pour ne pas y prendre un jour de répit. Baignade, lessive, cuisine au feu de bois. Le seul problème, c’est que les jours de repos, ça me plombe. Ça casse le rythme, physiquement et mentalement. Dès que mon esprit a du temps libre, qu’il n’y a « rien » à faire, ça part dans tous les sens. Je m’éloigne de ma mission, du moment présent. Je pense déjà à de futures aventures, au point de vouloir mettre un terme à celle-là pour démarrer la suivante. Je me vois courir en montagne, une de mes passions, ou en trek avec un petit sac léger, à arpenter les sentiers et dormir en refuge… La montagne me manque, et ce chemin plat, ces sacs plastiques, tout ce bordel me rend fou.

Au village ce matin, on arrive pile quand l’épicerie ambulante entre en klaxonnant. Les petites vieilles rappliquent avec leur panier. Fruits frais, gâteaux secs, quelques bricoles en guise de petit dej’ qu’on grignote en marchant. On passe au sud de León et on trace droit à travers champs. On ne se pose même plus la question de savoir si c’est à droite ou à gauche : on gambade, complètement libérés des balises et des panneaux. On s’en fout : la Galice, c’est tout droit, alors en avant. Boue, ruisseaux à enjamber : un vrai parcours du combattant.


Une pause sous un pommier, au milieu de nulle part, nous fait réaliser qu’on est seuls au monde. Des hectares de champs à perte de vu...
7
87.2km
+1462m / -1681m
mise à jour : hier
27 avril – Cap sur le bout du continent

On a tourné le problème dans tous les sens, et on a tranché : on continue.
Pas indéfiniment, non. On va pousser jusqu’au bout du continent, comme on l’appelle : Finisterre. La fin symbolique du Camino, la fin de la terre. Là-bas, on se retrouvera face à l’océan, au kilomètre zéro. Peut-être qu’avec une falaise devant nous, la houle qui se fracasse sur les rochers, on acceptera enfin que c’est la fin, qu’il est temps de rentrer.


On verra bien ce que la destinée nous réserve.
En attendant, ce matin, on est juste heureux de retrouver le chemin. Notre repère.


Nous voilà repartis pour environ 90 bornes, que l’on entame sous un soleil de plomb. On retrouve la balise du Camino à Carballal, à deux kilomètres de la ville. C’est calme : la grosse vague de pèlerins Sarria–Santiago s’est volatilisée, et ce n’est pas plus mal. J’aperçois aussi une balise de l’EuroVelo 3 et quelques cyclistes qui filent.


Le sentier est agréable : on retrouve vite la nature, les ruisseaux, les petites maisons en pierre de Pedrido, Portela, Ventosa, Aguapesada. Ça grimpe, on dégouline de sueur. Puis on tombe sur une source entourée de forêt : parfait pour le bivouac. On a démarré tard, il est déjà 19 h.


On monte le campement et on profite de la source pour laver les vêtements du jour et se doucher. Par cette chaleur, l’hygiène redevient primord...
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mise à jour : hier
Plusieurs raisons nous ont contraints à rester sur le camp. La première : ma forme physique. Chute totale, allergies en rafale, immunité en berne après tant d’efforts… bref, brisé. La deuxième : la météo. Pluie tous les jours, averses incessantes, vent froid. Il n’en fallait pas plus pour nous plonger dans la mélancolie, un état presque végétatif. On s’est juste laissé vivre.

Et puis, il y avait encore cette idée de marche qui nous hantait : refaire le Camino en sens inverse ? Continuer vers le chemin portugais ? Impossible de se dire « on rentre » avec un objectif précis. Tout était flou. Une indécision qui nous torturait l’esprit, un vertige intérieur, parallèle au vertige réel des falaises et de l’océan tout proche.

Ada, comme souvent, a pris les rênes. Elle faisait les courses, préparait nos repas, organisait le bivouac. Je me contentais de recharger nos quatre litres d’eau à la fontaine, un kilomètre avant le phare, au milieu des bourrasques. Le poncho était devenu notre meilleur ami, chaque sortie ressemblait à une mission.

Sur le campement, l’humidité nous écrasait lentement, les migraines et les crises d’allergie rendaient les nuits impossibles. La marche nous manquait, mais le chemin était terminé. Plus d’objectif précis, juste un vide diffus et cette inquiétude sourde : que faire maintenant ? 

Pour ne pas sombrer complètement, je me plongeais dans l’Évangile, méditant sur les paraboles et essayant de trouver un peu de lumière dans cette semaine de pluie et de...