Rêver à vélo le long de la Somme avec Gaël et Jacqueline
7 jours
Une semaine de vélo va nous réunir. Cela fait déjà cinq ans que nous partageons cette passion. Une passion transgénérationnelle. Durant une semaine nous allons longer la Somme. Cyclo-voyageurs, nous dormirons dans les rares campings encore ouverts en cette fin de saison. Et une belle récompense nous attendra en baie de Somme : les phoques alanguis sur le sable.
Activité :
vélo de randonnée
Statut :
en cours
DATE :
25/10/2025
Durée :
7 jours
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
Précisions :
Nous allons prendre le train pour aller et revenir des Hauts-de-Seine. Cependant, une traversée à vélo de douze kilomètres est nécessaire au sein de la ville de Paris.
Mise à jour section : hier
25 octobre 2025 – 1er jour
Train – Traversée de Paris à vélo – Parcours pour rejoindre le camping
Dijon, Paris, Saint-Quentin
Gaël, huit ans, est aguerri au cyclotourisme depuis ses trois ans. Il m’accompagne, moi, sa grand-mère, pour deux voyages chaque année. L’un au printemps, l’autre en automne et, très souvent, durant la première semaine lors de mon voyage annuel au long cours.
Cet automne, notre projet est de longer la Somme depuis sa source jusqu’à son estuaire. Faut dire que Gaël attend avec impatience de voir les phoques. Pourvu qu’on en voie !
Chaque jour, nous progresserons d’une cinquantaine de kilomètres.
Nous entendons bien souvent : « Oh ! Ce petit a de la chance de voyager à vélo avec sa grand-mère ! » Gaël et moi, sommes fiers et heureux de partager ces moments inédits. Nous sommes tous les deux chanceux. Nous formons un excellent duo.
Le grand jour est arrivé !
Debout dès six heures. Il fait encore nuit !
Les sacoches fermées, nous nous affairons avec Caroline, la maman de Gaël, à accrocher les bagages sur nos deux vélos. Puis c’est une séance photos et vidéo qui nous accapare au moment de notre départ. Nous devons démarrer, revenir sur nos pas, nous arrêter pour de meilleures prises. Puis nous partons ! Caroline continue à nous filmer jusqu’à ce que nous disparaissions au détour d’un virage. Nous retrouverons Caroline à la gare pour les derniers au revoir.
Notre déplacement pour cette première journée se fera essentiellement en train, hormis notre traversée de Paris que nous ferons à pied et le parcours pour rejoindre le camping situé à une dizaine de kilomètres de Saint-Quentin.
Un peu fatigués, Gaël devant et moi derrière, nous traversons en partie la ville de Dijon encore endormie et plongée dans les ténèbres. Les puissants phares de nos vélos percent l’obscurité de certaines rues. Nous traversons le parc de l’Arquebuse, parc botanique, totalement immergé dans le noir. J’imaginais tout bêtement qu’il était éclairé. Depuis la rue le surplombant, une voix s’élève. Gaël s’écrie : « C’est maman ! » Elle nous voit, mais nous ne la distinguons pas. Néanmoins, sa présence est rassurante car je n’aime pas traverser les parcs la nuit. Quant à Gaël, il me fait une confiance aveugle.
Puis, pour rejoindre la rue depuis le parc, rue attenante à la gare, Caroline peut assister à notre ascension de l’extraordinaire passerelle contemporaine de cent-un mètres de long, éclairée, qui encercle un platane du jardin. Et c’est applaudis par Caroline que nous arrivons en haut de la gracieuse passerelle, Gaël bien devant, car il est devenu meilleur grimpeur que moi.
Le voilà ! Le train arrive en gare avec son lot de bruit de ferraille et s’arrête devant nous.
Nous montons tous les trois à bord, nos vélos trouvent leur place, bien arrimés sur leurs deux roues, nos neuf sacoches toujours accrochées à eux. Un coup de sifflet, une annonce de fermeture des portes, une promesse de donner des nouvelles ce soir, une descente à toute vitesse du train par Caroline, les derniers coucous à travers la vitre et nous voilà en route pour Paris. Avec Gaël, nous avons choisi des activités pour passer le temps : un peu de lecture, de jeux de cartes et nous voilà à Paris Bercy sans avoir vu le temps passer.
Une traversée de dix kilomètres dans Paris est nécessaire pour rejoindre la Gare du Nord. Je dois assurer la sécurité de Gaël. Nous ne pouvons pas rouler sur les pistes cyclables, car il faut sans cesse s’arrêter aux feux, repartir à toute vitesse pour traverser les rues ou les carrefours. Impossible ! C’est trop dangereux pour un enfant de huit ans.
Notre seule possibilité est de pédaler sur les trottoirs lorsqu’ils sont très larges et sur les espaces arborés en bordure de canal. Autant dire que nous entamons une longue marche dans Paris en poussant nos vélos. Malgré l’attention nécessaire, indispensable et permanente tout au long de cette marche, Gaël est fasciné et prend le temps d’admirer… les entrées de métro sans que je comprenne pourquoi. Puis il me demande : « Pourquoi on voit souvent ces « trucs » en fer avec un M ? » Ces « trucs »… Je lui explique que ce sont les bouches de métro et que les décorations en fer ont été conçues par un architecte de l’Art nouveau. On prend le temps de remarquer, par la suite, qu’elles sont toutes différentes. Gaël trouve les gens petits à côté du Monument à la République, puis il ajoute : « Regarde comme les vélos vont vite, ils n’ont pas peur des voitures, ils passent au rouge ! Nous on est les seuls à pédaler sur le trottoir ! Il n’y a pas d’enfants à vélo dans Paris ! » Nous avons le temps de rire en voyant un livreur portant une montagne de cartons, plus haute que lui.
En arrivant place de la Bastille, nous nous laissons surprendre par la colonne de juillet et son Génie de la Liberté qui scintille dans le ciel bleu. Puis les reflets du canal Saint-Martin nous éblouissent de clins d’œil irisés.
Nous sommes obligés de faire un grand détour pour accéder à la Gare du Nord, mon moteur de recherche a tenté de nous faire passer par une rue interdite à la circulation. Nous longeons des centaines de tentes posées sur le béton et sous un pont de voies ferrées. Gaël exprime son étonnement : « C’est curieux toutes ces tentes ! Pourquoi ces garçons n’habitent pas dans des maisons ? » Il est triste d’apprendre que les personnes vivent là car elles n’ont pas de maison, pas de famille à proximité. Il continue : « J’ai vraiment beaucoup de chance ! Toute ma famille possède des maisons. Et nous deux, on part en vacances à vélo ! »
Oui ! C’est bien triste toutes ces inégalités sur terre.
Peu après, nous admirons au loin Montmartre sur sa butte et nous arrivons enfin à l’entrée de la gare. Nous aurons mis plus de deux heures de gare à gare ! Jamais je n’aurais cru que Gaël puisse pousser son vélo tout ce temps sans demander de pause, sans rechigner. Ce petit homme m’émerveille et cette traversée de Paris ne fait qu’augurer un voyage agréable et complice, tout en respectant mes consignes affirmées et souvent impératives : à droite, à gauche, stop, marcher, pédaler, se ranger au bord…
Mais pour moi, cette traversée fut un parcours du combattant. Monter sur nos vélos pour en redescendre peu après, marcher, ne pas se tromper de direction, ne pas perdre de temps. Bref, avoir l’œil partout, tout en lui indiquant les curiosités, l’Histoire, la vie quotidienne…
Puis nous prenons place dans le train qui va nous conduire à Saint-Quentin. Mais je dois suspendre les vélos après avoir retiré nos multiples sacoches. Gaël et moi soulevons son vélo et l’accrochons sans difficulté. Le mien, très lourd, trop pour un effort conjugué, nécessite l’aide d’un monsieur.
Avant Saint-Quentin, je décroche les vélos et repositionne une partie des sacoches pour descendre du train le plus rapidement possible. Nous orientons nos fiers destriers vers la porte par laquelle nous sommes montés dans le train. Hélas, ce n’est pas la bonne ; nous sommes obligés de reculer pour rejoindre celle de derrière. Gaël assure et se débrouille comme un chef. Mais voilà que nos vélos s’entrechoquent et que les passagers doivent nous aider à démêler cet imbroglio de ferraille.
C’était bien la peine de se préparer à ne pas perdre de temps !
Dehors, une pluie battante nous attend. Le ciel déverse-t-il des larmes de tristesse ou pleure-t-il de rire ?
Sur le quai, une autre surprise est là !
Les ascenseurs ne sont pas encore en service et nous devons emprunter les escaliers. Nous avons pris trop de temps à notre descente du train, et nous sommes seuls sur le quai. Personne ne peut nous venir en aide. À nouveau, les neuf sacoches sont à décrocher et, à nous deux, nous les descendons rapidement d’un étage. Puis c’est au tour de chacun des vélos. Heureusement, les marches très profondes nous facilitent la tâche. Moi devant, tout en freinant, et Gaël accroché à l’arrière pour le retenir, l’opération se réalise facilement. Puis cela se corse lorsque nous devons remonter les escaliers pour rejoindre le hall de gare. Par chance, trois militaires nous viennent en aide et c’est avec une facilité déconcertante que deux d’entre eux s’emparent de nos vélos et le troisième la presque totalité du monceau de sacoches.
Ouf ! Au final nous voilà enfin à l’air libre, tous les obstacles de sortie se sont franchis grâce à nos efforts et ceux de personnes compatissantes et certainement aussi attendries par la présence de Gaël ! Opération réussie !
Notre camping est situé à sept kilomètres. Après avoir circulé sur une agréable piste cyclable au revêtement de gravillons collés les uns aux autres, nous empruntons une départementale. Gaël, à vélo, est toujours positionné non loin devant moi. Il peut s’éloigner seulement lorsque nous roulons sur des pistes cyclables. Nous sommes très visibles. Gilets de travailleurs, jaune pour moi et orange pour Gaël, avec bandes réfléchissantes, éclairage des vélos à l’avant et à l’arrière, et même un drapeau à l’arrière de ma bicyclette. Sur route, je m’éloigne un peu du bas-côté afin que les voitures s’éloignent le plus possible de Gaël. Tout va bien, notre sécurité est assurée !
Patatras ! Privée de batterie, le téléphone s’éteint. J’introduis trois codes erronés les uns à la suite des autres.
Quelle maladresse ! Quelle étourderie ! Le téléphone est bloqué ! Plus de possibilité de me référer au parcours initialement tracé.
J’explique à Gaël que le camping sera un peu plus compliqué à trouver, car je ne peux plus me référer au GPS de mon téléphone et il doit, lui aussi, être attentif aux panneaux. Par chance, je me souviens à peu près où se situe le camping et nous réussissons sans embûche à le dénicher, malgré le peu de panneaux de signalisations.
Le gérant du camping tente de me venir en aide en téléphonant à mon opérateur téléphonique, mais sans succès. J’ai appris lors de mes voyages à ne pas développer des inquiétudes pour des choses bénignes. Évidemment, cette histoire de téléphone est rageante, contrariante, mais pas suffisante pour exposer mes appréhensions à Gaël.
Mais nous sommes grandement récompensés, car le camping est construit autour d’une mare et nous pouvons admirer de nombreux canards, cygnes, poules d’eau, avec de petits abris posés sur l’eau. Gaël s’écrie : « Nous avons du pain dans une sacoche. Je vais le chercher ! » À son retour, nous en réservons seulement une partie pour les animaux. Le reste sera pour nous. Et c’est avec quelques chamailleries que cette famille des Anatidae se délecte de ce dîner impromptu au grand plaisir de Gaël et au mien aussi.
À notre arrivée, Gaël a remarqué une petite aire de jeux. Les jeux extérieurs s’imposent donc pour cette fin de journée. À cette époque de l’année, Gaël semble être le seul enfant au camping et je suis la seule adulte assise sur ce banc.
Quelle vitalité chez les enfants ! Le moindre jeu suscite leur intérêt. Dans ce minuscule jardin pour enfant, seules deux balançoires sur chaînes et une troisième sur ressort ont été installées. Mais c’est suffisant pour Gaël qui, sans cesse, m’appelle : « Grand-mère ! Regarde comme je vais haut. » Inlassablement, sur la balançoire, il recule, avance, monte et descend. Cette balançoire contribue à son bonheur, il rit, s’exclame, hurle parfois.
Quant à moi, assise sur ce banc, je conçois que, sans téléphone, notre expédition va se complexifier. Voici mes constats : difficulté à suivre le parcours planifié, impossibilité de prendre des photos, incapacité de rester en lien avec la maman de Gaël, empêchement de contacter Michèle et Gérard qui nous logent une nuit, incapacité à trouver des hébergements confortables si toutefois la météo se dégrade. Et j’ai la nette impression que la liste est encore très longue. Je réalise aussi, qu’il me suffit d’acheter un nouveau téléphone pour résoudre le souci. Bref ! Autant s’amuser ! Je décide de faire de la balançoire au grand étonnement de Gaël. Juste quelques secondes, car je crains qu’elle ne puisse supporter un adulte.
Maintenant, nous pouvons rejoindre notre mobile home après avoir récupéré nos vélos abandonnés devant la réception.
Nous faisons la connaissance d’Anthony, notre voisin de camping. Il est en mission professionnelle, durant six mois, dans une grande entreprise électrique de la région. Lorsqu’il apprend ma mésaventure téléphonique, il nous invite à entrer chez lui et, chaleureusement, me prête son téléphone. Tranquillement, je réussis à entrer en contact avec une opératrice qui, après m’avoir demandé de multiples renseignements, jusqu’au montant de ma dernière facture téléphonique, me redonne le code puck qui débloque le téléphone. Magique ! Quel souci en moins !
Pendant tout ce temps, Gaël est aux anges, car il a regardé un match de foot sur l’immense écran de la télévision d’Anthony. Il a même eu l’audace de me dire : « J’aurais bien aimé que ta conversation au téléphone dure encore plus longtemps ! »
Après cette journée bien remplie, il est temps d’investir notre petit habitat par quelques jeux : Skyjo, petits chevaux, puis un peu de lecture et un repas des plus simples : pâtes aux sardines et fruits.
Et nous nous couchons avec les poules et aussi avec canards, cygnes, poules d’eau en vue d’une nuit de repos bien méritée pour attaquer la journée de demain avec entrain et volonté.
Notre aventure a commencé dès l’aurore. Tout est bien qui finit bien !
Train – Traversée de Paris à vélo – Parcours pour rejoindre le camping
Dijon, Paris, Saint-Quentin
Gaël, huit ans, est aguerri au cyclotourisme depuis ses trois ans. Il m’accompagne, moi, sa grand-mère, pour deux voyages chaque année. L’un au printemps, l’autre en automne et, très souvent, durant la première semaine lors de mon voyage annuel au long cours.
Cet automne, notre projet est de longer la Somme depuis sa source jusqu’à son estuaire. Faut dire que Gaël attend avec impatience de voir les phoques. Pourvu qu’on en voie !
Chaque jour, nous progresserons d’une cinquantaine de kilomètres.
Nous entendons bien souvent : « Oh ! Ce petit a de la chance de voyager à vélo avec sa grand-mère ! » Gaël et moi, sommes fiers et heureux de partager ces moments inédits. Nous sommes tous les deux chanceux. Nous formons un excellent duo.
Le grand jour est arrivé !
Debout dès six heures. Il fait encore nuit !
Les sacoches fermées, nous nous affairons avec Caroline, la maman de Gaël, à accrocher les bagages sur nos deux vélos. Puis c’est une séance photos et vidéo qui nous accapare au moment de notre départ. Nous devons démarrer, revenir sur nos pas, nous arrêter pour de meilleures prises. Puis nous partons ! Caroline continue à nous filmer jusqu’à ce que nous disparaissions au détour d’un virage. Nous retrouverons Caroline à la gare pour les derniers au revoir.
Notre déplacement pour cette première journée se fera essentiellement en train, hormis notre traversée de Paris que nous ferons à pied et le parcours pour rejoindre le camping situé à une dizaine de kilomètres de Saint-Quentin.
Un peu fatigués, Gaël devant et moi derrière, nous traversons en partie la ville de Dijon encore endormie et plongée dans les ténèbres. Les puissants phares de nos vélos percent l’obscurité de certaines rues. Nous traversons le parc de l’Arquebuse, parc botanique, totalement immergé dans le noir. J’imaginais tout bêtement qu’il était éclairé. Depuis la rue le surplombant, une voix s’élève. Gaël s’écrie : « C’est maman ! » Elle nous voit, mais nous ne la distinguons pas. Néanmoins, sa présence est rassurante car je n’aime pas traverser les parcs la nuit. Quant à Gaël, il me fait une confiance aveugle.
Puis, pour rejoindre la rue depuis le parc, rue attenante à la gare, Caroline peut assister à notre ascension de l’extraordinaire passerelle contemporaine de cent-un mètres de long, éclairée, qui encercle un platane du jardin. Et c’est applaudis par Caroline que nous arrivons en haut de la gracieuse passerelle, Gaël bien devant, car il est devenu meilleur grimpeur que moi.
Le voilà ! Le train arrive en gare avec son lot de bruit de ferraille et s’arrête devant nous.
Nous montons tous les trois à bord, nos vélos trouvent leur place, bien arrimés sur leurs deux roues, nos neuf sacoches toujours accrochées à eux. Un coup de sifflet, une annonce de fermeture des portes, une promesse de donner des nouvelles ce soir, une descente à toute vitesse du train par Caroline, les derniers coucous à travers la vitre et nous voilà en route pour Paris. Avec Gaël, nous avons choisi des activités pour passer le temps : un peu de lecture, de jeux de cartes et nous voilà à Paris Bercy sans avoir vu le temps passer.
Une traversée de dix kilomètres dans Paris est nécessaire pour rejoindre la Gare du Nord. Je dois assurer la sécurité de Gaël. Nous ne pouvons pas rouler sur les pistes cyclables, car il faut sans cesse s’arrêter aux feux, repartir à toute vitesse pour traverser les rues ou les carrefours. Impossible ! C’est trop dangereux pour un enfant de huit ans.
Notre seule possibilité est de pédaler sur les trottoirs lorsqu’ils sont très larges et sur les espaces arborés en bordure de canal. Autant dire que nous entamons une longue marche dans Paris en poussant nos vélos. Malgré l’attention nécessaire, indispensable et permanente tout au long de cette marche, Gaël est fasciné et prend le temps d’admirer… les entrées de métro sans que je comprenne pourquoi. Puis il me demande : « Pourquoi on voit souvent ces « trucs » en fer avec un M ? » Ces « trucs »… Je lui explique que ce sont les bouches de métro et que les décorations en fer ont été conçues par un architecte de l’Art nouveau. On prend le temps de remarquer, par la suite, qu’elles sont toutes différentes. Gaël trouve les gens petits à côté du Monument à la République, puis il ajoute : « Regarde comme les vélos vont vite, ils n’ont pas peur des voitures, ils passent au rouge ! Nous on est les seuls à pédaler sur le trottoir ! Il n’y a pas d’enfants à vélo dans Paris ! » Nous avons le temps de rire en voyant un livreur portant une montagne de cartons, plus haute que lui.
En arrivant place de la Bastille, nous nous laissons surprendre par la colonne de juillet et son Génie de la Liberté qui scintille dans le ciel bleu. Puis les reflets du canal Saint-Martin nous éblouissent de clins d’œil irisés.
Nous sommes obligés de faire un grand détour pour accéder à la Gare du Nord, mon moteur de recherche a tenté de nous faire passer par une rue interdite à la circulation. Nous longeons des centaines de tentes posées sur le béton et sous un pont de voies ferrées. Gaël exprime son étonnement : « C’est curieux toutes ces tentes ! Pourquoi ces garçons n’habitent pas dans des maisons ? » Il est triste d’apprendre que les personnes vivent là car elles n’ont pas de maison, pas de famille à proximité. Il continue : « J’ai vraiment beaucoup de chance ! Toute ma famille possède des maisons. Et nous deux, on part en vacances à vélo ! »
Oui ! C’est bien triste toutes ces inégalités sur terre.
Peu après, nous admirons au loin Montmartre sur sa butte et nous arrivons enfin à l’entrée de la gare. Nous aurons mis plus de deux heures de gare à gare ! Jamais je n’aurais cru que Gaël puisse pousser son vélo tout ce temps sans demander de pause, sans rechigner. Ce petit homme m’émerveille et cette traversée de Paris ne fait qu’augurer un voyage agréable et complice, tout en respectant mes consignes affirmées et souvent impératives : à droite, à gauche, stop, marcher, pédaler, se ranger au bord…
Mais pour moi, cette traversée fut un parcours du combattant. Monter sur nos vélos pour en redescendre peu après, marcher, ne pas se tromper de direction, ne pas perdre de temps. Bref, avoir l’œil partout, tout en lui indiquant les curiosités, l’Histoire, la vie quotidienne…
Puis nous prenons place dans le train qui va nous conduire à Saint-Quentin. Mais je dois suspendre les vélos après avoir retiré nos multiples sacoches. Gaël et moi soulevons son vélo et l’accrochons sans difficulté. Le mien, très lourd, trop pour un effort conjugué, nécessite l’aide d’un monsieur.
Avant Saint-Quentin, je décroche les vélos et repositionne une partie des sacoches pour descendre du train le plus rapidement possible. Nous orientons nos fiers destriers vers la porte par laquelle nous sommes montés dans le train. Hélas, ce n’est pas la bonne ; nous sommes obligés de reculer pour rejoindre celle de derrière. Gaël assure et se débrouille comme un chef. Mais voilà que nos vélos s’entrechoquent et que les passagers doivent nous aider à démêler cet imbroglio de ferraille.
C’était bien la peine de se préparer à ne pas perdre de temps !
Dehors, une pluie battante nous attend. Le ciel déverse-t-il des larmes de tristesse ou pleure-t-il de rire ?
Sur le quai, une autre surprise est là !
Les ascenseurs ne sont pas encore en service et nous devons emprunter les escaliers. Nous avons pris trop de temps à notre descente du train, et nous sommes seuls sur le quai. Personne ne peut nous venir en aide. À nouveau, les neuf sacoches sont à décrocher et, à nous deux, nous les descendons rapidement d’un étage. Puis c’est au tour de chacun des vélos. Heureusement, les marches très profondes nous facilitent la tâche. Moi devant, tout en freinant, et Gaël accroché à l’arrière pour le retenir, l’opération se réalise facilement. Puis cela se corse lorsque nous devons remonter les escaliers pour rejoindre le hall de gare. Par chance, trois militaires nous viennent en aide et c’est avec une facilité déconcertante que deux d’entre eux s’emparent de nos vélos et le troisième la presque totalité du monceau de sacoches.
Ouf ! Au final nous voilà enfin à l’air libre, tous les obstacles de sortie se sont franchis grâce à nos efforts et ceux de personnes compatissantes et certainement aussi attendries par la présence de Gaël ! Opération réussie !
Notre camping est situé à sept kilomètres. Après avoir circulé sur une agréable piste cyclable au revêtement de gravillons collés les uns aux autres, nous empruntons une départementale. Gaël, à vélo, est toujours positionné non loin devant moi. Il peut s’éloigner seulement lorsque nous roulons sur des pistes cyclables. Nous sommes très visibles. Gilets de travailleurs, jaune pour moi et orange pour Gaël, avec bandes réfléchissantes, éclairage des vélos à l’avant et à l’arrière, et même un drapeau à l’arrière de ma bicyclette. Sur route, je m’éloigne un peu du bas-côté afin que les voitures s’éloignent le plus possible de Gaël. Tout va bien, notre sécurité est assurée !
Patatras ! Privée de batterie, le téléphone s’éteint. J’introduis trois codes erronés les uns à la suite des autres.
Quelle maladresse ! Quelle étourderie ! Le téléphone est bloqué ! Plus de possibilité de me référer au parcours initialement tracé.
J’explique à Gaël que le camping sera un peu plus compliqué à trouver, car je ne peux plus me référer au GPS de mon téléphone et il doit, lui aussi, être attentif aux panneaux. Par chance, je me souviens à peu près où se situe le camping et nous réussissons sans embûche à le dénicher, malgré le peu de panneaux de signalisations.
Le gérant du camping tente de me venir en aide en téléphonant à mon opérateur téléphonique, mais sans succès. J’ai appris lors de mes voyages à ne pas développer des inquiétudes pour des choses bénignes. Évidemment, cette histoire de téléphone est rageante, contrariante, mais pas suffisante pour exposer mes appréhensions à Gaël.
Mais nous sommes grandement récompensés, car le camping est construit autour d’une mare et nous pouvons admirer de nombreux canards, cygnes, poules d’eau, avec de petits abris posés sur l’eau. Gaël s’écrie : « Nous avons du pain dans une sacoche. Je vais le chercher ! » À son retour, nous en réservons seulement une partie pour les animaux. Le reste sera pour nous. Et c’est avec quelques chamailleries que cette famille des Anatidae se délecte de ce dîner impromptu au grand plaisir de Gaël et au mien aussi.
À notre arrivée, Gaël a remarqué une petite aire de jeux. Les jeux extérieurs s’imposent donc pour cette fin de journée. À cette époque de l’année, Gaël semble être le seul enfant au camping et je suis la seule adulte assise sur ce banc.
Quelle vitalité chez les enfants ! Le moindre jeu suscite leur intérêt. Dans ce minuscule jardin pour enfant, seules deux balançoires sur chaînes et une troisième sur ressort ont été installées. Mais c’est suffisant pour Gaël qui, sans cesse, m’appelle : « Grand-mère ! Regarde comme je vais haut. » Inlassablement, sur la balançoire, il recule, avance, monte et descend. Cette balançoire contribue à son bonheur, il rit, s’exclame, hurle parfois.
Quant à moi, assise sur ce banc, je conçois que, sans téléphone, notre expédition va se complexifier. Voici mes constats : difficulté à suivre le parcours planifié, impossibilité de prendre des photos, incapacité de rester en lien avec la maman de Gaël, empêchement de contacter Michèle et Gérard qui nous logent une nuit, incapacité à trouver des hébergements confortables si toutefois la météo se dégrade. Et j’ai la nette impression que la liste est encore très longue. Je réalise aussi, qu’il me suffit d’acheter un nouveau téléphone pour résoudre le souci. Bref ! Autant s’amuser ! Je décide de faire de la balançoire au grand étonnement de Gaël. Juste quelques secondes, car je crains qu’elle ne puisse supporter un adulte.
Maintenant, nous pouvons rejoindre notre mobile home après avoir récupéré nos vélos abandonnés devant la réception.
Nous faisons la connaissance d’Anthony, notre voisin de camping. Il est en mission professionnelle, durant six mois, dans une grande entreprise électrique de la région. Lorsqu’il apprend ma mésaventure téléphonique, il nous invite à entrer chez lui et, chaleureusement, me prête son téléphone. Tranquillement, je réussis à entrer en contact avec une opératrice qui, après m’avoir demandé de multiples renseignements, jusqu’au montant de ma dernière facture téléphonique, me redonne le code puck qui débloque le téléphone. Magique ! Quel souci en moins !
Pendant tout ce temps, Gaël est aux anges, car il a regardé un match de foot sur l’immense écran de la télévision d’Anthony. Il a même eu l’audace de me dire : « J’aurais bien aimé que ta conversation au téléphone dure encore plus longtemps ! »
Après cette journée bien remplie, il est temps d’investir notre petit habitat par quelques jeux : Skyjo, petits chevaux, puis un peu de lecture et un repas des plus simples : pâtes aux sardines et fruits.
Et nous nous couchons avec les poules et aussi avec canards, cygnes, poules d’eau en vue d’une nuit de repos bien méritée pour attaquer la journée de demain avec entrain et volonté.
Notre aventure a commencé dès l’aurore. Tout est bien qui finit bien !
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