4 membres et 25 invités en ligne

John Muir Trail, Sierra High Route, High Sierra Trail 540km

(réalisé)
Voyage en solitaire à partir de Yosemite Village sur le John Muir Trail, puis une portion du sierra High Trail de Tuolumne meadows jusqu'à read meadows, reprise sur le John Muir jusqu'au Mont Whitney et enfin le High Sierra Trail à partir de Cottonwood Lake.
randonnée/trek
Quand : 10/09/18
Durée : 23 jours
Carnet publié par Monneal le 10 déc. 2018
modifié le 06 mars 2019
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Bart San Francisco - Richmond Train richmond - Merced Bus Merced - Yosemite Village
945 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le compte-rendu : Section 6 (mise à jour : 08 mars 2019)

Une longue descente me mène à Woods creek, 2600 m en longeant une rivière sauvage et tumultueuse. De nombreux arbres habillent les pentes de leurs couleurs d'automne. Il y a des sapins, des bouleaux et toutes sortes de feuillus dans toutes les nuances du vert au jaune. D'autres rivières la rejoignent avec une ardeur mesurée, calmée par le creux de vallée.
Je les traverse sur un pont suspendu pour remonter à Arrowhead Lake à 3136 m. La verdure dans laquelle je m’immerge est rassurante. Elle n’a pas complètement disparue et les immensités de cailloux que j’ai traversées en altitude n’ont pas encore envahi les vallées.
L’avenir de misère climatique n’est pas encore totalement visible. Une fois de plus je suis rassuré, il existe encore de merveilleux endroits sur cette terre malmenée.
L’arbre qui cache la forêt.
Le lac brille à la lumière du soir, tranquille, reposant.
Un liseré d'herbes aquatiques l'entoure.
Le soleil se couche dans un calme montagnard.
J’appuie sur Pause.
Puis j’éteins. 
Cette nuit là, je ne peux m’empêcher de penser à Trump.
« Le concept du réchauffement climatique a été créé par la Chine pour rendre l’industrie américaine non compétitive. »
« Et le concept de l’abruti ? Abruti ! »
Tous ces populistes, au-delà de leurs doctrines qui touchent l’affect avant l’intelligence, ont en commun une négation de l’écologie, de la survie du monde qui nous héberge.
Non seulement, ils se multiplient mais également se réunissent pour s’assurer que leur raisonnement soit bien partagé. La récente adhésion du Brésil à ces thèses barbares de négation du vivant rend encore plus probable une plongée à la limite de l’hypoxie.
L’égoïsme fait la part belle à des décisions irréfléchies, stupides et suicidaires.
Les idées et slogans, réels ou imaginés, défilent devant mes yeux endormis.
« La biodiversité est un concept désuet et économiquement irresponsable.».
« On ne va quand même pas m’empêcher de rouler !».
« Il faut interdire les cyclistes et les promeneurs le dimanche. Ils nuisent à une bonne régulation de l’équilibre  naturel.».
« C’est quand même pas des écolos qui vont m’apprendre à faire pousser des légumes.».
« La forêt amazonienne est bien trop grande, c’est un réservoir d’hectares pour planter de l’essence verte. ».
 « Les loups, les ours, les blaireaux, les renards, les belettes sont des prédateurs nuisibles qui n’ont rien à faire dans une nature moderne et un aménagement responsable du territoire ».
« L’écologie est une contrainte. Elle a un coût  et c’est le prix de la survie »
« La bourse ou la vie ? ».
« OuéOohh ! tu me prends pour un con ! la vie … ma bourse j’y tiens trop ! ».  
Je rêve d’un changement où des activistes écologiques empêcheraient la construction d’un aéroport au bénéfice du maintien de la vie sauvage, où les autoroutes seraient bloquées par des vélos en gilets jaunes  pour que ce mode de locomotion devienne prioritaire et respecté, où il y aurait sanctuarisation de la nature,  des numérus clausus sur les permis de chasse pour que disparaissent chaque année autant de chasseurs dans les forets que de médecins dans les campagnes, où la prise en compte de l’écologie serait le préalable à toute action, à toute décision politique.
 « C’est bon pour la planète ? »
« Non ».
« C’est bon pour toi ? »
"Ben oui, évidemment ! et ça crée de l'emploi !"
«Bon ben c’est Non ! ».
Ce partage entre la survie d’une société complexe et la survie de l’espèce pose énormément de questions. Comment glisser de nos anciens dogmes à de nouveaux paradigmes vivables et acceptables par tous ? Comment renoncer à nos modes de vie sans avenir pour adopter un retour à une vraie collaboration entre tous les vivants, végétaux, animaux et humains ?
La vraie transition n’est pas seulement énergétique, elle touche toute la complexité de l’être humain dans ses rapports avec l’autre, avec la nature et l’environnement, avec le monde.
J’ai le sentiment triste d’avoir connu des expériences de vie sauvage, d’utopies, de rêves que nos enfants ne connaitront pas. Expériences en Afrique qui m’ont immergé dans une savane où il y avait encore des animaux, utopies d’un monde où tout était possible, rêves d’un avenir merveilleux guidé par une science positive.
Je me réveille dans un îlot de nature encore préservée. Les montagnes  se reflètent dans l’eau à peine irisée par une légère brise matinale. Les arbres qui l’entourent se gardent de faire le moindre mouvement pour ne pas déranger la quiétude de l’instant. Le lac ensommeillé se réchauffe doucement avec les reflets du soleil en devenir.
Combien de temps saura-t-il résister aux demandes grandissantes d’eau potable, de gaz de schiste, de mines de charbons ?
Combien de temps nous obstinerons-nous à ne rien changer de nos habitudes ?
Combien de temps pourrais-je continuer à prendre l’avion sans remords ?
« Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été péché, alors on saura que l’argent ne se mange pas. Geronimo »
Je me rends compte que j’utilise beaucoup les « Combien », « Comment » et « Pourquoi ».
Quelles réponses apporter ?
Quel comportement adopter ?
Que dois-je faire moi ?
Que devons-nous faire, tous ?
La painted Lady, montagne aux couleurs multiples puis la Glen Pass à 3635 m finissent de me réveiller. Le petit sommet qui la surplombe du haut de ses 3928 m, le Mount Rixford,  fera office de petit déjeuner. Il est facile à avaler et surtout j’ai un bel appétit !
Le yoyo continue mais ses allers retours sont mesurés, redescente à 2916 m, pour rejoindre un fond de vallée vert où les arbres aux troncs jaunes et rouges poussent en spirale, comme s’ils avaient la volonté de percer le ciel, où l’herbe aurait presque pu être verte si elle n’avait pas été si sèche et si jaune, où les ours sont actifs pour tout le monde sauf pour moi.
Une rivière fait une petite virgule entre cette série de cols aériens.
Je croise un panneau  dans le creux de vallée :
« Bears are extremely active in this area. Do not leave improperly stored food or scented items further than arms reach away. Thank you, NPS Ranger Mike Springer”
Les ours sont extrêmement actifs dans cette zone. Ne laissez pas d’aliments ou de produits parfumés entreposés plus loin que vos bras
“Leave NO trace”
Ne laissez pas de traces
J’adhère complètement, et c’est bien respecté. J’ai rarement vu des endroits aussi vastes sans aucune trace de papier, poubelles ou autres cadeaux et offrandes faits au chemin.
“A fed bear is a dead bear “ – un ours nourri est un ours mort
“No fires above 10 000 feet” – pas de feu au dessus de 3 000 m
“Nope 2 soap ”  - pas de savon
“Bear box # Trash can” – les boites à ours ne sont pas des poubelles
“Rinse sun screen and bug spray before swimming” – rincer les crèmes solaires et les lotions anti-moustiques avant de se baigner
“I know I’m gross but pack me out” – je sais que je suis dégoutant mais emmenez-moi (le PQ)
Et pour finir, la phrase de Hulk Hogan (incredible Hulk ? )
« Climb the mountain and get their good tidings. Nature’s peace will flow into you like sunshine into trees”
Escaladez la montagne et obtenez son message de bonheur. La paix de la nature vous envahira comme le soleil dans les arbres.
Le respect de l’environnement a un prix. Là il est de 200 $ si un ranger vous surprenait à contrevenir une des règles ci-dessus.
Cela va m’occuper l’esprit pendant toute la montée vers le deuxième gros col de la journée, d’abord au milieu d’une végétation qui va aller s’éclaircissant puis disparaître pour rejoindre une zone totalement désertique, rocailleuse, « ébouliantée »  -néologisme signifiant pleine d’éboulis - et enfin la Forester Pass à 4023 m.
J’ai été gourmand.
La vue d’ici  dépasse les bornes !  Un plateau d’altitude engageant occupe tout l’espace devant moi. Derrière je laisse un paysage d’éboulis et de roches austères.
Le soir ne va pas tarder à s’imposer.
La nuit tombe vers 19h00.
Et il faut que je trouve une litière acceptable.
Je repère tout en bas 2 lacs  qui devraient convenir, au pied de Diamond Mesa.
Je choisirai l’emplacement définitif le moment venu.





Commentaires