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John Muir Trail, Sierra High Route, High Sierra Trail 540km

(réalisé)
Voyage en solitaire à partir de Yosemite Village sur le John Muir Trail, puis une portion du sierra High Trail de Tuolumne meadows jusqu'à read meadows, reprise sur le John Muir jusqu'au Mont Whitney et enfin le High Sierra Trail à partir de Cottonwood Lake.
randonnée/trek
Quand : 10/09/18
Durée : 23 jours
Carnet publié par Monneal le 10 déc. 2018
modifié le 06 mars 2019
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Bart San Francisco - Richmond Train richmond - Merced Bus Merced - Yosemite Village
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Vue d'ensemble

Le compte-rendu : Section 7 (mise à jour : 08 mars 2019)

Je redescends rapidement du col sur un chemin aérien  taillé dans la roche. Il descend en planant, comme une aile de pierre  et délicatement arrive sur le grand plateau où sont posés deux lacs à l'aspect glacé, dans un espace que la végétation a déserté faute de terres.
Le chemin trace sa route rectiligne au milieu de ce désert d'altitude.
Je croise enfin une marmotte à peu près civilisée qui se laisse prendre en photo.
Elles sont bien farouches les demoiselles du roc fort.
Une aire bien et bien m’accueille finalement avec une vue ouverte sur le sud, le feulement félin du vent  et le soleil qui éclaire les montagnes distantes. L’emplacement est à découvert à 3657 m mais plat et à proximité du plus  petit des deux lacs. 
Pas trop mal choisi.
Il va encore faire froid.
Je protège les bas de tente avec des rochers pour essayer de limiter les aérations.
Pour une fois, je me passerai de nuisette et garderai la totalité de mes vêtements sur moi, y compris ceux qui se croyaient à l’abri dans le sac.
Je fais un dernier point sur la nourriture, un inventaire rapide car il me reste environ deux jours de marche avant de refaire le plein et j’ai à peu près trois jours de réserve.
Je m'allonge.
Je .... 

… me réveille pour entamer une longue descente sous un ciel très bleu avec juste quelques coups de pinceaux couleur nuage, quelques marmottes couleurs paille, beaucoup de cailloux couleur caillou . . .
Les montagnes très grises bordent l’horizon et les arbres d’abord timides puis plus téméraires commencent à occuper le terrain en poussant les nombreuses pierres qui s’obstinent à boucher leur passage.
La lutte est permanente et la frontière entre le monde minéral et végétal est clairement marquée. Difficile de savoir qui va prendre le dessus à moins que ce conflit immobile ne soit le résultat d’un consensus.
Beaucoup d’arbres morts restent fièrement debout comme des sculptures de bois, figés dans une danse incomplète.
Bighorn interrompt ces combats silencieux et éternels en proposant un grand plateau herbeux où auraient pu se dérouler jadis les grandes batailles entre les cowboys arrogants et les indiens dépossédés de leur terres. Mais ce Bighorn là n’a connu ni le général Custer, ni Sitting Bull, ni Crazy Horse. Cet autre BigHorn raconte  une rivière qui se situe dans le Montana mais ce sera une autre histoire.
Je scrute à nouveau le sable du chemin.
Depuis quelques temps déjà, je ne vois plus les traces de semelles en forme de pied.
Je suis très inquiet.
Où es-tu passé François D’Haene ?
M’as-tu abandonné ? Je retire toutes les méchancetés, les mesquineries, les jalousies dont tu as fait l’objet.
Je m’étais habitué à ces traces qui m’accompagnaient, comme un guide invisible. Ne plus les voir me fragilise, me déstabilise, me désoriente.
"François,reviens !"                                                                                                                
Je commence à m’apitoyer, à regretter mes propos moqueurs quand d’un coup je réalise, c’est évident ! 
Il vole !
C’est pour cela qu’il parcourt si vite des distances aussi longues. J’ai enfin compris son manège.
"Ah ah ! François, tu croyais m’avoir ! Mais je suis malin !  J’ai su observer tes traces et comme les sioux, je les ai comprises."
"Tu voles. "
Trop facile !
Fort de cet enseignement, je fais pareil pour flotter jusqu’à Wallace Creek dans un creux de vallée à 3180 m et commence ma tranquille remontée en direction du Mont  Whitney.
Petit arrêt à Crabtree Meadow, où le Pacific Crest et le John Muir trail se séparent, fatigués d’une longue promiscuité entre les randonneurs au long cours et les petits pieds.
J’occupe un court instant le siège du ranger, devant sa cabane. En cette fin de saison, les rangers ont été rangés et le lieu s’est vidé de toute activité.
Je croise Timberline Lake puis atteint Guitar Lake à 3500 m d’altitude, dernière frontière avant  l’empilement minéral qui mènera au sommet.
Comme je ne souhaite pas dormir là-haut, je diffère ma montée au lendemain matin.
Quelques tentes sont déjà posées mais le lac est tellement vaste que je m’isole sans difficulté en gardant ce sentiment agréable d’être seul in the wild.
Il brille au milieu des rochers sous le regard des montagnes alentours et il parvient  contre toute logique à préserver un espace herbeux autour du ruisseau qui l’alimente.
Je trouve un rond sableux sur lequel je m’étale. Chaque jour, ma tente pousse un cri de plaisir quand je la libère du sac. Elle est contente de trouver de nouveaux lieux et celui-ci a l’air de lui convenir.
Je dois soigner sa susceptibilité, elle m’est indispensable.
Le réveil me sonne à 2h30 du matin. En une demi-heure, tout est plié, rien n’est mangé et je pars à la lueur de la lune qui s’est mise sur son 31 pour fournir un éclairage magique.
Je monte sans allumer la lampe.
C’est trop beau, trop étrange.
Je suis en haut vers 6h15.
Il fait encore nuit.
La lune éclaire l'ambiance.





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