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John Muir Trail, Sierra High Route, High Sierra Trail 540km

(réalisé)
Voyage en solitaire à partir de Yosemite Village sur le John Muir Trail, puis une portion du sierra High Trail de Tuolumne meadows jusqu'à read meadows, reprise sur le John Muir jusqu'au Mont Whitney et enfin le High Sierra Trail à partir de Cottonwood Lake.
randonnée/trek
Quand : 10/09/18
Durée : 23 jours
Carnet publié par Monneal le 10 déc. 2018
modifié le 06 mars 2019
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Bart San Francisco - Richmond Train richmond - Merced Bus Merced - Yosemite Village
944 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le compte-rendu : Section 10 (mise à jour : 10 déc. 2018)

Cottonwood Lake - Crescent Meadow - Lodgepole 130 km
 
Au matin, l'eau pend dure à la sortie du robinet ... Un signal ?
Je vais faire avec ce que j'ai en gourde.
Un panneau au départ du chemin prévient de la présence d'un lion de montagne et les recommandations d'usage.
Les américains aiment rassurer les randonneurs.
Si vous rencontrez un lion de montagne,
 "Faites vous aussi gros et bruyant que possible",
"Ne vous accroupissez pas",
"Ne faites pas demi tour",
"Regardez-le",
"Brandissez vos bâtons",
"Ne courez pas" ,
et si le puma  attaque "défendez-vous"
mais " surtout ne partez pas seul !".
Rien à faire des conseils, je suis un homme couguar.
Je ne vais pas me laisser impressionner par un chat, surtout que ça doit être le dernier.
Celui de l'est américain fait déjà partie des espèces disparues, si celui là m'attaque, je m'occuperai de celui de l'ouest.
J'en ferai du hachis, de la bouillie.
Je serai le Buffalo Bill des pumas.
Au point où on en est, on n’est plus à une espèce près.
Je pars gonflé comme les pneus de mon vélo le cœur nostalgique de ces espèces qui ne vivent plus que dans les souvenirs.
Quand on fonce dans un mur, il y a 2 solutions, freiner pour atténuer le choc ou accélérer pour en terminer plus vite.
Nous en sommes là.
Il est temps de s’unir dans un grand mouvement de destruction rapide de la planète.
Son programme, favoriser les transports polluants, interdire l’usage du vélo, couler les trains et mettre plus de bateaux porte-containers sur les rails,  accélérer et élargir la déforestation surtout en Amazonie, systématiser l’extraction de pétrole et de gaz de schistes, interdire les écologistes encore que ce serait une mesure avec peu d’impact, répartir l’arsenal nucléaire existant entre tous les pays, faire journées portes ouvertes dans les réacteurs des centrales, interdire l’avortement même si certains ont pris une grande avance dans le domaine, diffuser les théories créationnistes, rendre gratuit l’accès à la chasse voire donner des primes pour chaque animal abattu bref un grand mouvement libéral populaire où le plaisir immédiat et individuel primerait sur la survie collective … mais c’est drôle, je n’ai pas le sentiment que ce programme soit révolutionnaire.
Dans ce cas pourquoi ne pas mettre un gilet jaune pour se différencier ?
Quelques semaines plus tard, on me proposera violemment de brûler un livre posé à l’avant de ma voiture si je ne mets pas un gilet d’une couleur que je n’ai pas choisie à sa place mais je ne le sais pas encore.
Dans cet esprit, sans vouloir répéter l’histoire, je pourrais même rajouter au programme « interdire les livres » mais ce n’est pas nécessaire, la télé a déjà fait le travail.
Quand nous en serons à boire du gasoil, à manger du charbon, à péter de l’uranium, roter des pesticides peut-être qu'enfin nous comprendrons le sens de la vie et les réelles priorités.
Je suis arrivé au col « Cottonwood pass » et me dirige vers Chicken Spring Lake où je vais prendre mon petit déjeuner.
Je prends peu d'eau pour ne pas me charger. Je me sens léger malgré le poids du sac rempli à neuf, j'en trouverai plus loin.
Présomption de débutant.
Je marche dans le sable au milieu d'un paysage qui s'assèche. Les cailloux se plaisent à pousser quelques arbres réfractaires. J'ai la même impression que celle vécue lors des promenades ou des courses à pied dans les sables de Loire.
De la poussière, une chaleur pesante.
Je n'ai qu’un demi-litre et je commence à rationner. La soif est un supplice peu enviable si tant est qu'il y en ait. 
Mes chaussettes étouffent.
Mes chaussures se remplissent.
Ma gorge s'assèche.
J'ai du mal à déglutir et à avaler ma salive. Je retarde les gorgées pour ne pas tomber en panne de carburant et dieu sait – je n’aime pas cette expression – à quel point il est essentiel.
J'avais rencontré des paysages arides précédemment mais jamais avec cette sensation de manque d'eau comme aujourd'hui.
Certainement lié à la poussière que dégagent mes pieds ou à ma mâchoire pendante de ne pas parler.
Pourtant j'aime le silence que dégage cette forêt clairsemée et sèche. Des airs de Terry Lee Hale me trottent dans la tête.
Je suis un indien au milieu d'une terre désolée.

Tout est sec ici
Le sol n'est que poussière
Les arbres ont brulé
Les oiseaux sont envolés
Tout est sec ici
L'air est chaud
Le silence entier
Les pierres brulantes
Tout est sec ici
Alors pourquoi pleurer ?

Quelques vieux séquoias tordus et desséchés essaient de rester dignement debout. De  jeunes pousses cailloux essaient d'arracher au sable de quoi subsister.
Mes pas vibrent avec ceux des peuples qui quittent leurs terres pour en rejoindre d'autres plus accueillantes.
Je suis un nomade de luxe.
Pas de privations, pas de tortures, pas de brimades.
Je ressens à travers ma courte peine, pleinement acceptée, la douleur, la misère, l'inquiétude, la faim de ceux qui fuient.
Le manque d'eau rappelle à quel point elle est importante. Mes idées flottent sur les rivières que j'imagine.
Les feux  attendent l’occasion de déclarer leur flamme à ces paysages vulnérables. Ils sont aux aguets.
J’ai vu il y a plusieurs jours des fumées qui s’élevaient dans la direction où portait mon regard mais heureusement l’itinéraire m’a tiré ailleurs.

Mètre après mètre
Je dévore le chemin
J'avale les côtes
Et le paysage défile
Tout autour de moi.
 
Mètre après mètre
Je digère le chemin
Les pas sont lourds
La destination lointaine.
 
Mètre après mètre
Je vomis le chemin
Le sable dans les chaussures
La bouche sèche
L'arrivée incertaine.
 
Mètre après mètre
Le chemin me dévore
Je n'en vois pas la fin
Je ne sais plus où je vais
Tellement ça parait loin.
 
Mètre après mètre
Le chemin me digère
M'oblige à respirer
Faire du ménage en moi
Sortir plus beau que soi.
 
Mètre après mètre
Le chemin m'accompagne
Nous avançons ensemble
Sans se préoccuper
De notre destinée.

L'eau revient et les bivouacs l'accompagnent.
Bear creek, Junction Meadow, 19 jours que je marche.
La fatigue et l'exaltation se succèdent.
La fin s'approche.
Je la sens.
Je la redoute.
Chaque périple en appelle un autre. Le nomadisme est un voyage sans fin qui se poursuivra longtemps dans ma tête. J'espère en garder des séquelles profondes. Je souhaite mon cerveau modelé pour résister à la vie sédentaire qui revient.
Je longe la Kern river qui descend un canyon escarpé.
J'arrive devant un  espace à tente aimable et attirant
Tout près d’une source d'eau chaude,
une source d'eau chaude à m'attendre.
Kern Hot spring. 
Il est tôt.
Je me trempe, je sors, je me trempe, je sors all the day long.
Mon linge est propre
Je suis propre
Mes muscles sont propres
Ma tête est lavée.
Au milieu coule une rivière
Je suis seul dans ma baignoire.
Je regarde les murailles rocheuses qui m’entourent.
Que cette journée est belle !
Je garderai cette étape méditative pendant les 3 jours que j'estime pour terminer le périple.
Quoi de plus simple que de marcher.
Il suffit de mettre son esprit en route et les jambes en mouvement.
Le reste suit...





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