Journal de cavale : La Grande Traversée du confinement
30 days
101km
+5862m
/ -4419m

Récit d'une traversée du Vercors originale
Activité :
tekking/hiking
packraft
MTB
travel bike
caving
trail
aquatic hiking
Statut :
done
Distance :
101km
DATE :
3/17/20
Durée :
30 days
Dénivelées :
+5862m
/ -4419m
Alti min/max :
218m/1925m
Eco travel
du pas de la porte au pas de la porte
Possible with
bus
Details :
Départ au col de Comboire (Mahivert) en accès vélo depuis Grenoble (possible en bus aussi)
Journal de cavale : La Grande Traversée du confinement
Les étapes :
1
updated : 13 Apr
Journal de Cavale avant la fin d'un monde, une aventure vécue et écrite en 2020.
2
31.9km
+1605m /
-1093m
updated : 13 Apr
Nouvelles du front - Jour 1
*** Grenoble ***
Annoncée la veille par le chef de l’Etat, les dernières restrictions de liberté sont importantes : plus personne ne peut sortir de chez lui sauf motif important valable.
J’ai vite réuni matériel et vivres : tout le monde s’est rué dans les magasins, c’était noir de monde, des queues aux caisses, et une panique certaine qui rappelait étrangement le premier épisode de la série télévisée “Effondrement” toujours en cours de diffusion. Dimanche, j’étais passé au marché pour prendre mes fromages préférés où l’ambiance était encore insouciante. Dans mon sac, j’ai de quoi tenir une semaine voir une dizaine de jours en me rationnant un peu. Pour le gaz, c’est plus compliqué car les magasins de sport font partie des commerces considérés comme non indispensables, alors j’ai réuni toutes les précieuses bonbonnes de gaz au 3/4 vides qui trainaient chez moi.
A midi, ça y est, les mesures en place pour l’Etat d’Urgence s’appliquent. Moi je suis déjà en fuite, mon vélo m’a déposé à l’accès le plus rapide du Vercors : Malhivert, 573m d’altitude, accès numéro 17 déniché dans le topoguide “50 Montagnes à découvrir en Isère sans voiture”. Dans un fourré j’accroche à un arbre ma monture car poursuivre à pied et loin des voies de circulation sera beaucoup plus discret. J’y croise un tracteur qui me salue amicalement. L’agriculture fait partie d’une des rares activités encore au...
*** Grenoble ***
Annoncée la veille par le chef de l’Etat, les dernières restrictions de liberté sont importantes : plus personne ne peut sortir de chez lui sauf motif important valable.
J’ai vite réuni matériel et vivres : tout le monde s’est rué dans les magasins, c’était noir de monde, des queues aux caisses, et une panique certaine qui rappelait étrangement le premier épisode de la série télévisée “Effondrement” toujours en cours de diffusion. Dimanche, j’étais passé au marché pour prendre mes fromages préférés où l’ambiance était encore insouciante. Dans mon sac, j’ai de quoi tenir une semaine voir une dizaine de jours en me rationnant un peu. Pour le gaz, c’est plus compliqué car les magasins de sport font partie des commerces considérés comme non indispensables, alors j’ai réuni toutes les précieuses bonbonnes de gaz au 3/4 vides qui trainaient chez moi.
A midi, ça y est, les mesures en place pour l’Etat d’Urgence s’appliquent. Moi je suis déjà en fuite, mon vélo m’a déposé à l’accès le plus rapide du Vercors : Malhivert, 573m d’altitude, accès numéro 17 déniché dans le topoguide “50 Montagnes à découvrir en Isère sans voiture”. Dans un fourré j’accroche à un arbre ma monture car poursuivre à pied et loin des voies de circulation sera beaucoup plus discret. J’y croise un tracteur qui me salue amicalement. L’agriculture fait partie d’une des rares activités encore au...
3
8.5km
+980m /
-180m
updated : 13 Apr
Nouvelles du front - Jour 2
*** Falaises des Orgeasses ***
Réveil pas très matinal. Le soleil tape déjà sur le volet.
Au grand jour, les lieux sont tout de suite plus rassurants et j’entends une rivière couler, idéal pour me ravitailler en eau et faire la vaisselle. Je tends l’oreille, le bruit de l’eau me conduit au torrent.
J’entends les abeilles, les oiseaux chanter.
Face à moi se dressent les impressionnantes falaises abruptes des Orgeasses, un bon terrain pour les mouflons et bouquetins mais pas pour moi.
*** Falaises des Orgeasses ***
Réveil pas très matinal. Le soleil tape déjà sur le volet.
Au grand jour, les lieux sont tout de suite plus rassurants et j’entends une rivière couler, idéal pour me ravitailler en eau et faire la vaisselle. Je tends l’oreille, le bruit de l’eau me conduit au torrent.
J’entends les abeilles, les oiseaux chanter.
Face à moi se dressent les impressionnantes falaises abruptes des Orgeasses, un bon terrain pour les mouflons et bouquetins mais pas pour moi.
4
8.3km
+147m /
-699m
updated : 13 Apr
Jour 3
*** Coq de bruyère ***
Depuis ma cabane, j’entendais le volet grincé depuis mon réveil mais il me semblait maintenant aussi entendre le roucoulement d’un tétra-lyre, cet oiseau décrit souvent comme une poule des montagnes qu’on appelle aussi coq de bruyères, si emblématique de la tuerie de masse du vivant que nous commettons aujourd’hui.
Alors que l’hiver, il se réfugie à l’abri du froid dans un igloo creusé dans la neige pour ne sortir qu’à de rares occasions pour s’alimenter, il se fait plus visible au printemps :
on peut en effet l’observer à la limite de la forêt alpine où les coqs, de noir et blanc vêtus, profitent des milieux semi-ouverts, rhododendrons et aulnes verts, pour leurs parades. Ils chantent ainsi dès l’aube pour trouver l’âme soeur et leurs chorégraphies sont spectaculaires.
Mais leurs nombres n’a cessé de décroitre depuis le début du 20ème siècle.
Outre la chasse désormais réglementée (mais toujours autorisée!), les principales menaces auxquels il doit faire face sont la fermetures des habitats due à la déprise pastorale ainsi que le développement des infrastructures touristiques tels que les stations, qui réduisent toujours plus leur aire de vie, sans compter les risques de collision avec les câbles des remontées mécaniques.
L’hiver, il n’est pas épargné car les randonneurs peuvent le déranger à leurs passages (ce qui peut vite pour lui devenir synonyme d’épuisement et le conduire à la mort) : il...
*** Coq de bruyère ***
Depuis ma cabane, j’entendais le volet grincé depuis mon réveil mais il me semblait maintenant aussi entendre le roucoulement d’un tétra-lyre, cet oiseau décrit souvent comme une poule des montagnes qu’on appelle aussi coq de bruyères, si emblématique de la tuerie de masse du vivant que nous commettons aujourd’hui.
Alors que l’hiver, il se réfugie à l’abri du froid dans un igloo creusé dans la neige pour ne sortir qu’à de rares occasions pour s’alimenter, il se fait plus visible au printemps :
on peut en effet l’observer à la limite de la forêt alpine où les coqs, de noir et blanc vêtus, profitent des milieux semi-ouverts, rhododendrons et aulnes verts, pour leurs parades. Ils chantent ainsi dès l’aube pour trouver l’âme soeur et leurs chorégraphies sont spectaculaires.
Mais leurs nombres n’a cessé de décroitre depuis le début du 20ème siècle.
Outre la chasse désormais réglementée (mais toujours autorisée!), les principales menaces auxquels il doit faire face sont la fermetures des habitats due à la déprise pastorale ainsi que le développement des infrastructures touristiques tels que les stations, qui réduisent toujours plus leur aire de vie, sans compter les risques de collision avec les câbles des remontées mécaniques.
L’hiver, il n’est pas épargné car les randonneurs peuvent le déranger à leurs passages (ce qui peut vite pour lui devenir synonyme d’épuisement et le conduire à la mort) : il...
5
7.2km
+730m /
-159m
updated : 13 Apr
Nouvelles du front - Jour 4
*** L’Abri de la Peyrouse ***
Au réveil, Lucas m’indique que les forces de l’ordre se déploient actuellement jusqu’aux portes des vallées et me conseille d’éviter dorénavant au plus possible les coins habités.
Je me dirige donc rapidement vers les falaises élancés des rochers de Lapeyrouse. A ce niveau de de la barrière Est du Vercors, on dirait les croupes de navires.
Et le coucou chantait encore, insouciant… Mais gare à toi tu vas te faire repérer.
Moi aussi, je rejoins donc rapidement Saint Andéol, hameau surtout connu pour son canyon des Moules Marinières en contrebas.
Pas pour cette fois, c’est vers le haut que je vais par les pistes forestières. Après le pré du Grand Clos, la neige fait à nouveau son apparition et j’enfile les crampons.
La pente se raidit pour rejoindre ma cabane du jour à la sortie du bois : l’abri de la Peyrouse.
A proximité du Pas Morta, un nom qui attire forcément l’apprenti aventurier, ce fut ma première découverte du Vercors en dehors des sentiers battus. Juste au-dessus de la cabane, un raide couloir suivi d’une vire à chamois permet de rejoindre le Pas Etoupe et de boucler par ce fameux Pas Morta. L’ambiance des falaises qui nous entoure y est presque magique.
Mais aujourd’hui, la neige est encore là et il n’est pas question de s’y aventurer.
Je profite tout simplement de cette modeste cabane comme refuge : une table, 2 couchettes superposées, même pas de poêle ! Mais toujou...
*** L’Abri de la Peyrouse ***
Au réveil, Lucas m’indique que les forces de l’ordre se déploient actuellement jusqu’aux portes des vallées et me conseille d’éviter dorénavant au plus possible les coins habités.
Je me dirige donc rapidement vers les falaises élancés des rochers de Lapeyrouse. A ce niveau de de la barrière Est du Vercors, on dirait les croupes de navires.
Et le coucou chantait encore, insouciant… Mais gare à toi tu vas te faire repérer.
Moi aussi, je rejoins donc rapidement Saint Andéol, hameau surtout connu pour son canyon des Moules Marinières en contrebas.
Pas pour cette fois, c’est vers le haut que je vais par les pistes forestières. Après le pré du Grand Clos, la neige fait à nouveau son apparition et j’enfile les crampons.
La pente se raidit pour rejoindre ma cabane du jour à la sortie du bois : l’abri de la Peyrouse.
A proximité du Pas Morta, un nom qui attire forcément l’apprenti aventurier, ce fut ma première découverte du Vercors en dehors des sentiers battus. Juste au-dessus de la cabane, un raide couloir suivi d’une vire à chamois permet de rejoindre le Pas Etoupe et de boucler par ce fameux Pas Morta. L’ambiance des falaises qui nous entoure y est presque magique.
Mais aujourd’hui, la neige est encore là et il n’est pas question de s’y aventurer.
Je profite tout simplement de cette modeste cabane comme refuge : une table, 2 couchettes superposées, même pas de poêle ! Mais toujou...
6
29.9km
+1667m /
-1618m
updated : 13 Apr
*** Mont Aiguille ***
Le réveil sonne, c’est l’heure. Déjà les falaises sont baignées sont baignées de lumière. J’avale vite ces délicieux flocons d’avoine agrémentés de quelques fruits secs, je compacte l’ensemble de mes affaires dans mon sac et c’est partie pour une nouvelle journée ensoleillée.
Mon objectif est de rejoindre le plateau du Vercors où je pourrais me cacher plus facilement.
En effet, la réserve naturelle nationale des hauts plateaux du Vercors, créée en 1985 a une une superficie de 17 000 ha ! constituant ainsi la plus grande réserve naturelle terrestre de France métropolitaine. Pas de villages, on y trouve seulement quelques alpages au milieu de vastes forêts et de nombreuses étendues de lapiazs, ces roches calcaires curieusement creusées sous l’effet de la fonte de la neige. Le plateau est constitué de micro-reliefs qui peuvent rendre l’orientation hasardeuse, encore plus bien sûr en cas de mauvais temps, mais c’est aussi un sacré avantage si on ne veut pas se faire repérer.
Pour y accéder à cette saison depuis le Trièves, seuls quelques “Pas” aux chemins bien tracés permettent de franchir des ouvertures entre les falaises de la barrière Est, les autres étant trop engagés à cause de la neige restante et de leur raideur. Le plus proche de moi, le Pas des Bachassons, me semble trop enneigée encore d’autant qu’il oblige à monter jusqu’à 1900m d’altitude. Dommage, car au pied du Grand Veymont, point culminant du Vercors, il permet d’accéder...
Le réveil sonne, c’est l’heure. Déjà les falaises sont baignées sont baignées de lumière. J’avale vite ces délicieux flocons d’avoine agrémentés de quelques fruits secs, je compacte l’ensemble de mes affaires dans mon sac et c’est partie pour une nouvelle journée ensoleillée.
Mon objectif est de rejoindre le plateau du Vercors où je pourrais me cacher plus facilement.
En effet, la réserve naturelle nationale des hauts plateaux du Vercors, créée en 1985 a une une superficie de 17 000 ha ! constituant ainsi la plus grande réserve naturelle terrestre de France métropolitaine. Pas de villages, on y trouve seulement quelques alpages au milieu de vastes forêts et de nombreuses étendues de lapiazs, ces roches calcaires curieusement creusées sous l’effet de la fonte de la neige. Le plateau est constitué de micro-reliefs qui peuvent rendre l’orientation hasardeuse, encore plus bien sûr en cas de mauvais temps, mais c’est aussi un sacré avantage si on ne veut pas se faire repérer.
Pour y accéder à cette saison depuis le Trièves, seuls quelques “Pas” aux chemins bien tracés permettent de franchir des ouvertures entre les falaises de la barrière Est, les autres étant trop engagés à cause de la neige restante et de leur raideur. Le plus proche de moi, le Pas des Bachassons, me semble trop enneigée encore d’autant qu’il oblige à monter jusqu’à 1900m d’altitude. Dommage, car au pied du Grand Veymont, point culminant du Vercors, il permet d’accéder...
7
15.3km
+733m /
-670m
updated : 13 Apr
Nouvelles du front - Jour 6
*** Maître Renard ***
Les braises étaient désormais éteintes. Réveillé autour d’un bon thé, je parcourais le livre d’or, il finissait avec ces quelques mots :
“Depuis le lever du jour, j’entends le bruit des hélicoptères. Depuis ma fenêtre, j’ai aperçu les bouquetins affolés détaler. Je ne sais pas trop quand je pourrais tenter une sortie. Peut-être demain ou dans la nuit”
Pas de date de précisée...
Par la fenêtre, tout paraissait pour l’heure si paisible…
J’eus même l’impression d'apercevoir le renard, dont les récits des aventuriers du plateau relatent régulièrement sa présence et parfois son impertinence. On raconte que ce fameux renard est plutôt farceur et s’amuse parfois à subtiliser les affaires des bivouaqueurs peu méfiants… moi-même, je me rappelle cette nuit dégagée où content de m’endormir sous les étoiles juste au devant de la cabane, j’avais prévu ma goretex comme oreiller. Il n’a pas fallu longtemps pour que le maître des lieux tente de me la récupérer, en me la tirant par la manche, heureusement, le sommeil léger, j’avais promptement réagi mais ce n’est qu’après l’avoir éclairé au plus fort avec ma frontale qu’il avait consenti à me laisser en paix.
*** Maître Renard ***
Les braises étaient désormais éteintes. Réveillé autour d’un bon thé, je parcourais le livre d’or, il finissait avec ces quelques mots :
“Depuis le lever du jour, j’entends le bruit des hélicoptères. Depuis ma fenêtre, j’ai aperçu les bouquetins affolés détaler. Je ne sais pas trop quand je pourrais tenter une sortie. Peut-être demain ou dans la nuit”
Pas de date de précisée...
Par la fenêtre, tout paraissait pour l’heure si paisible…
J’eus même l’impression d'apercevoir le renard, dont les récits des aventuriers du plateau relatent régulièrement sa présence et parfois son impertinence. On raconte que ce fameux renard est plutôt farceur et s’amuse parfois à subtiliser les affaires des bivouaqueurs peu méfiants… moi-même, je me rappelle cette nuit dégagée où content de m’endormir sous les étoiles juste au devant de la cabane, j’avais prévu ma goretex comme oreiller. Il n’a pas fallu longtemps pour que le maître des lieux tente de me la récupérer, en me la tirant par la manche, heureusement, le sommeil léger, j’avais promptement réagi mais ce n’est qu’après l’avoir éclairé au plus fort avec ma frontale qu’il avait consenti à me laisser en paix.
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