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Trek Haut Atlas marocain

(réalisé)
10 jours de traversée du Haut Atlas marocain pour 17 jours de voyage entre Zaouïa Ahansal et Aït Alla (est/ouest) en passant par les hauts plateaux, les vallées d'Aït Bouguemez et de la Tessaout, au pied du M'Goun avec mon fils de 14 ans
La vidéo sur:  https://www.youtube.com/watch?v=H8WX3gq3gqo 
randonnée/trek
Quand : 04/08/14
Durée : 10 jours
Distance globale : 127km
Dénivelées : +4895m / -4623m
Carnet publié par philippe milhau le 29 oct. 2017
modifié le 07 nov. 2017
709 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Section 5 (mise à jour : 31 oct. 2017)

Distance section : 12.8km
Dénivelées section : +261m / -493m

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Le compte-rendu : Section 5 (mise à jour : 31 oct. 2017)

Jour 5 : Zaouïa Oulmzi (2130m) – Aï Imi / Tabant (1850m)

          16km, 5h45, + 340m, - 620m

Nous nous levons vers 7h pour profiter au maximum du matin, la lumière est splendide et nous préparons nos sacs avec hâte. On déjeune sur la terrasse puis, à 7h45 c’est le départ, nous faisons une photo avec Hamed qui a été un hôte exceptionnel, nous lui dédions d’ailleurs le prix du meilleur thé et de la meilleur soupe. Nous prenons la route alors que le soleil commence timidement à inonder la vallée. Il fait très bon et notre moral est au beau fixe. Nous n’avons pas une étape trop longue pour arriver à Aït Imi (à côté de Tabant), notre prochaine étape où Brahim nous a recommandé un gîte.

          Au bout de 30min de piste nous traversons entièrement la vallée pour rejoindre la rive droite où nous traversons un village préparant une fête. Nous poursuivons notre route et croisons de nombreuses personnes et beaucoup d’enfants s’y rendant, ce qui me fait regretter de ne pas nous y être arrêtés. Un peu plus loin nous atteignons Ifrane, village à partir duquel, nous devons quitter la vallée qui se resserre, pour gravir un massif rive gauche.

Ifrane
Ifrane
Ainsi, à l’entrée du village nous demandons notre route à un groupe de femmes « Maini Abrid n’ Rbat » mais mon accent les font éclater de rire ! Elles sont visiblement intimidées, et j’ai du mal à leur soutirer des informations mais finalement, lorsque je leur montre une piste qui nous semble être la bonne, elle nous la confirme toujours en gloussant de rire.

          Nous prenons la piste d’un bon pas et sereins, nous sommes en avance de 30 min sur le temps du topo. Nous attaquons bientôt l’ascension sur cette piste monotone et dépourvue de végétation qui ondule dans les replis du relief bosselé, et progressant sur les courbes de niveaux des strates rocailleuses. Nous avons la surprise de rencontrer une source retenue par une succession de bassins. La chaleur commençant à se faire sentir et totalement à la merci du soleil nous nous mouillons abondamment, tête, chèche et tee-shirt, avant de reprendre notre route.
Après Ifrane, prendre la piste en rive gauche de la vallée
Après Ifrane, prendre la piste en rive gauche de la vallée
Nous ne croisons personne et atteignons seuls la crête avant de la suivre en légère descente dans l’axe de la vallée, où un pick-up nous double, et d’où nous pouvons admirer les différentes formations géologiques, les falaises en vires calcaires, les massifs tabulaires rongés par l’érosion et tout en bas, la vallée verte comme une cicatrice mais promesse de vie.
          A l’ombre d’un bosquet de résineux nous faisons une longue pause, cela fait environ 3 h que nous sommes partis. On s’installe sur nos tapis, on enlève nos chaussures et prenons quelques bonbons achetés la veille. On boit beaucoup et apprécions ce repos procuré par cet espace d’ombre car le soleil est très usant et plombe nos marches et nos journées.
          Nous reprenons notre route sur la piste qui passe dans un étroit et plonge dans la vallée en délaissant une vulgaire trace abrupte qui descend sur notre gauche. La piste nous amène rapidement dans la vallée en suivant un profond talweg mais, aux abords d’un ensemble de constructions en dur, nous sommes sceptiques. Nous approchons en effet d’un complexe de bâtiments modernes ressemblant à une vaste centrale ou une usine mais je fais rapidement le rapprochement avec Tabant, le chef lieu de la vallée et à ses lycées et craint que nous soyons allés trop à l’Ouest car aucune autre commune ne pourrais abriter de telles infrastructures.
          Nous dépassons les constructions mais toutes les informations que nous pourrions glaner sur les façades sont écrites en arabes et c’est finalement un homme d’origine européenne qui nous renseigne, effectivement, nous sommes à Tabant et avons donc dépassés notre objectif ! Nous aurions du prendre la trace descendant à notre gauche et qui nous semblait insignifiante. Bref nous n’avons plus qu’à remonter la vallée pour rejoindre Aït Imi car Tabant qui est plutôt une grande bourgade, manque d’intérêt. L’homme nous indique le chemin.         
               Nous remontons donc la vallée désireux de passer la nuit à Aït Imi, que l’on aperçoit perché sur un éperon rocheux à notre droite (sud), fondu dans cette teinte qui oscille entre le beige et l’ocre, surplombant la végétation fait d’arbres et de cultures. Arrivés à sa hauteur, il nous reste à savoir comment traverser les cultures boisées qui nous séparent du village car nous n’apercevons aucun chemin. Nous surprenons alors une vieille femme qui entre dans un verger avec un jeune garçon, je la hèle et nous nous approchons, je lui demande la direction du village et elle m’indique une vague trace entre les pommiers et les noyers mais enchaine aussitôt en s’adressant à moi et en me montrant ses yeux et son nez.
           Je ne comprends pas puis, alors qu’elle insiste, je pense qu’elle me demande de retirer mes lunettes de soleil, ce que je fais mais non, rien n’y fait, je ne comprends rien. Elle poursuit son geste en mettant sa main sur son front, ses yeux puis, lorsqu’elle fait mine d’éternuer, je comprends enfin, aidé par Martin plus réactif que moi, qu’elle souffre d’un rhume et me demande des cachets. Je lui donne une plaquette de doliprane et des pastilles pour la gorge et « perds » 10 minutes à lui expliquer la posologie. Ravie, elle me propose de m’accompagner au village mais nous devons l’attendre un peu. Nous nous réfugions sous un noyer pendant qu’elle emballe un fagot de luzerne qu’elle amène dans une maison toute proche avant de nous rejoindre avec un ballot de linge sous lequel on ne la distingue presque plus.
          Sur le chemin, je lui indique que nous souhaitons dormir « chez Moha » (prononcez « Morra »). Elle m’y accompagne et nous la suivons dans un dédale de cultures et de vergers tous aussi verts les uns que les autres, nous enjambons des bras de ruisseau où l’eau, dominée et domestiquée, irrigue à tour de rôle les parcelles. Nous croisons un jeune homme qui se renseigne sur nous et qui nous quitte en nous disant « à toute à l’heure ! ». Depuis notre départ dans l’Atlas, c’est le premier endroit où l’on voit de grands arbres, des noyers pour la plupart mais aussi des chênes, des figuiers, des cèdres et des pins, dont notre guide nous indique les noms en arabe, mais je suis bien incapable de les retenir. Elle dit s’appeler Sofiane et son fils aussi, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris....         
          Aux abords d’un ruisseau nous découvrons plusieurs dizaines d’enfants jouant entre les arbres et dans l’eau, protégés du soleil par les hautes branches. Nous arrivons enfin devant le gîte Moha où s’affairent pas mal de gens. La vieille nous laisse précipitamment, j’ai à peine le temps de la remercier. Il est près de 14h. Nous nous avançons et un homme nous accueille chaleureusement. Il parle le français, aussi je lui demande s’il est possible de passer la nuit, il nous fait passer au milieu d'un groupe d’adolescents français et d’hommes puis nous conduit à notre chambre à l’étage. Je me rendrai compte plus tard que, cet homme prénommé Saïd, est en fait guide et qu’il accompagne un groupe de jeunes parisiens et leurs éducateurs, eux-mêmes pensionnaires du gîte.
A peine avons-nous finit de décharger nos sacs à terre que Nordine, le gérant du gîte, un jeune berbère d’une vingtaine d’année, nous souhaite la bienvenue et nous indique que le thé nous attend dans le salon attenant à notre chambre.
          Après une petite collation, une sieste et avoir lavé notre linge nous profitons de la terrasse ombragée pour discuter avec Saïd (qui me donne de nombreuses indications utiles pour la suite de notre périple), les jeunes et leurs éducateurs. Martin part avec quelques jeunes à Tabant (15min) visiter le souk.
          Quand à moi, je passe près de deux heures assis sur ce banc en pierre, incapable de bouger et dans une plénitude proche du Nirvana ! Je suis bien, à l’ombre, je profite de la douceur de l’instant, du calme lorsque je ne discute pas avec un des éducateurs ou avec Saïd qui est admiratif de notre démarche et trouve bien que je voyage ainsi avec Martin, lui qui se coltine un groupe d’ados pas franchement motivés !
          Pendant ces quelques heures de calme, je ne pense à pas grand-chose, je suis mystérieusement porté par un bien être divin. Je me sens tout léger, en phase avec les éléments, dans une grande paix intérieure et je savoure pleinement ces instants. 
          Nous restons encore un moment sur le parvis du gîte à profiter et à bavarder avec le groupe de jeunes, leurs éducateurs, Saïd leur guide et Nordine, lorsque nous voyons arriver un cycliste sur un VTT harnaché de sacoches. Il se présente, nous le saluons et Nordine le conduit à sa chambre. Un peu plus tard, je rejoins les toilettes pour faire mes besoins et là, surprise, pas de chasse d’eau mais juste un seau vide posé sous un robinet !
          Vers 20h Nordine nous invite à monter à l’étage pour le repas, la salle du bas étant occupée par le groupe. Je monte et retrouve le cycliste qui va partager notre repas, nous prenons place devant un thé que nous partageons en échangeant sur nos voyages respectifs. Il est italien et parle très peu français et moi, pas du tout italien, nous conversons plutôt en anglais et ça me fait drôle de parler anglais à un italien en plein Atlas marocain ! Il est très sympa et m’explique qu’il se rend dans les gorges du M’Goun. Il devra pour cela passer un col à 2800m le lendemain. J’avais pensé à y aller aussi et suivre cet itinéraire, mais les gorges finissent en un cul de sac infranchissable et l’idée de rebrousser chemin pendant trois jours ne m’intéressait pas.
          Nous sympathisons rapidement et entamons notre soupe. Nous mangeons la soupe d’orge, très typique du coin et révélatrice de la frugalité des repas : de l’eau et de la farine d’orge ! C’est un peu insipide mais au moins c’est traditionnel ! 
          Mustapha nous rejoint, il est faux guide et vit à Ifrane. Il a rencontré le cycliste la veille, l’a emmené aujourd’hui à Tabant pour faire réparer son dérailleur puis pensait repartir chez lui espérant arrêter une voiture ou une charrette, mais personne ne remontait la vallée, donc il est venu passer la nuit au gîte. C’est une connaissance de Nordine, dès son arrivée, son couvert est dressé, il partagera notre repas et dormira sur une banquette.
          Mustapha est un homme très intéressant, il connaît l’Atlas comme sa poche et bien au-delà, je lui livre mon itinéraire et il me conseille sur le meilleur chemin. Il parle plusieurs langues, en dehors de l’arabe et de l’Amazigh, dont l’italien, le français, l’anglais, l’espagnol et quelques brides d’allemand. Je lui demande où il a appris, il me répond « les touristes ». Il  tient un modeste gîte à Ifrane et surtout, il est très avide de rencontres et ne rate jamais une occasion de recevoir chez lui un étranger.
          Quand je le questionne sur le fait de devoir renoncer à rentrer chez lui ce soir, il me répond que ce n’est pas grave, qu’il ne faut pas se presser et que les gens pressés arrivent toujours plus vite au cimetière. Je retiens la leçon. Et lorsque David, le cycliste italien, lui rappelle qu’il a eu de la chance de tomber sur lui parlant italien, alors qu’il était en difficulté avec son dérailleur abîmé, il répond par un proverbe berbère « il vaut mieux une coïncidence que mille rendez-vous ».
               Nous poursuivons le repas avec un tajine d’agneau confectionné par la mère de Nordine, captivés que nous sommes par les mots de Mustapha qui nous parle de son pays, de sa culture Amazigh et nous livre des anecdotes de montagnard. Puis après les fruits et la verveine, nous finissons la soirée avec le groupe sur la terrasse du gîte avant de nous coucher vers 23h30.
          Nous resterons à Aït Imi le lendemain pour visiter le souk de Tabant (à voir mais âme sensible s’abstenir de parcourir les allées des bouchers !), faire des provisions et en remontant la vallée vers l’est, visiter Ibaqalliwn et ses traces de dinosaures incruster dans l’argile durcie et un vieux grenier à grain tenu par un vieillard à l’ouest de Tabant. Nordine a été adorable avec nous (et surtout avec Martin) et nous avons passé un merveilleux séjour en ses murs.
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