3 membres et 35 invités en ligne

Comment choisir son matelas gonflable : comprendre la R-Value

par Anthony 25 mars 2020 3807 lecteurs Soyez le premier à commenter Lecture 8 min.

Résumé :

L’isolation d’un matelas est une caractéristique primordiale, malheureusement trop souvent négligée. L’objectif de cet article est de comprendre comment elle fonctionne, et comment choisir son matelas en conséquence.
Pour bien choisir notre matelas de bivouac, voilà le plan :
1) comprendre comment il nous isole du sol
2) voir l'intérêt de la norme ASTM FF3340 pour le choisir
D’emblée, commençons par tordre le cou à trois idées reçues.

Idée reçue #1
Plus un matelas est épais, plus il est isolant

Une rhétorique souvent entendue, mais à moitié erronée ! Ce qui garantit l’isolation d’un matelas, c’est surtout sa structure interne (matériaux, géométrie…), et non son épaisseur. On y reviendra plus loin.


Idée reçue #2
Plus un matelas est épais, plus il est confortable

Contre-intuitivement, l’épaisseur n’est pas le seul gage de confort. Elle joue en sa faveur certes, mais c’est encore la structure du matelas qui prédomine. Par exemple, avec certains matelas épais, même bien gonflés, lorsqu’on s’assoit dessus on a les fesses directement en contact avec le sol (potentiellement froid !). Ce qui ne se produit jamais avec un matelas mousse par exemple.

Le seule conclusion qui peut être faite sur l’épaisseur d’un matelas :
Plus un matelas est épais, moins il est mince. C’est tout :)


Idée reçue #3
Pour avoir chaud la nuit, il suffit d’avoir un bon duvet

Pour avoir chaud la nuit, l’isolation du duvet est aussi importante que celle du matelas. Utiliser un sac de couchage “chaud” avec un matelas peu isolant revient à monter le chauffage chez soi en hiver tout en laissant les fenêtres ouvertes !
Donc il faut prendre un matelas épais c'est ça ?
Donc il faut prendre un matelas épais c'est ça ?

Pourquoi un matelas doit être isolant ?


Faisons simple : notre corps est chaud, plus chaud que l’air et que le sol. Naturellement, l’univers ne supportant pas les déséquilibres, il peut perdre de la chaleur par ces deux biais. Notre but est donc de minimiser ces pertes. Pour faire très simple :

ISOLER = RÉDUIRE LES PERTES THERMIQUES

Pour l’air, on utilise un sac de couchage. Et pour le sol, on utilise, je vous le donne en mille, un matelas isolant.

Nos sens sont trompeurs : on sait dire que l’air est frais (sensation sur le visage, température mesurée…), mais on ne sait pas estimer si un sol est “froid”. Pourtant, on perd aussi bien de la chaleur par l’air que par le sol. D’où l’égale importance d’avoir un duvet isolant et un matelas isolant. L’un sans l’autre, c’est un peu comme faire du ski en doudoune et en slip. Ça vous tente ? Moi pas :)

Sur le terrain, il est très difficile d'estimer le froid du sol. Un exemple concret : le soir venu, un rocher peut être encore chaud s’il a vu le soleil toute la journée, plus chaud que le sol en terre voisin. Pourtant, après quelques heures de nuit, il sera bien plus froid et les pertes thermiques seront accentuées : c’est parce que le rocher est bien plus conducteur.
Potiron l'a bien compris : pour s'isoler du carrelage froid et dormir paisiblement, un matelas fin (R-Value de 2) est idéal.
Potiron l'a bien compris : pour s'isoler du carrelage froid et dormir paisiblement, un matelas fin (R-Value de 2) est idéal.

Comment un matelas nous isole du sol ?


Le sujet est long et mériterait un article à part entière, je vais tâcher d'être synthétique. Comme on a dit plus haut, l’isolation d’un matelas est principalement gérée par sa structure interne : les matériaux utilisés et la géométrie interne. 

L’air est un très bon isolant. À une condition, c’est de l’empêcher de circuler trop vite. C’est exactement l’idée d’un sac de couchage en duvet : en reprenant leur gonflant, les plumes et plumettes vont épaissir chaque compartiment et créer des milliers d’interstices remplis d’air. Un grand volume d’air se retrouve ainsi comme “piégé” : l’isolation est optimale.
 
C’est identique à l’intérieur de nos matelas : on veut piéger de l’air, et qu’il soit le plus statique possible. Les matelas en mousse sont pleins de micro-bulles d’air à l’intérieur. Idem pour les matelas auto-gonflants, dont la mousse expansible joue le même rôle. Quant aux matelas gonflables, ils ne sont pas juste pleins d’air, il y a une structure interne très élaborée pour éviter que l’air ne circule trop. A contrario, un matelas de piscine est très épais, mais pas du tout isolant !

Revenons à l'épaisseur, avec des cas simples : par exemple, prenons 2 matelas en mousse, en supposant que leur mousse soit exactement de même type. Dans ce cas, le matelas de 4cm d'épaisseur isolera 2 fois plus que le matelas de 2cm d'épaisseur. Mais un matelas de piscine de 10cm d'épaisseur, constitué de gros boudins d'air, sera quant à lui bien moins isolant !

Enfin, parmi les matelas gonflables, d’autres technologies (qui s'ajoutent) permettent d'augmenter l’isolation, comme :
  • Mettre une feuille aluminisée réfléchissante dans le matelas (cf. photo d'un Therm-a-Rest NeoAir X-Lite ci-dessous)
  • Utiliser plusieurs isolants : parfois, une doublure en synthétique est ajoutée à l’intérieur (enfin il s’agit toujours de piéger de l’air…). Comme pour l'Exped Synmat HL Winter par exemple.
Matelas de piscine versus Therm-a-Rest : lequel isole le plus ?
Indice : celui qui n'est pas prévu d'aller sur l'eau. D'ailleurs, à droite, on voit bien la structure complexe, ainsi que la feuille réfléchissante au milieu.
Crédit photo de droite : Therm-a-Rest.
Matelas de piscine versus Therm-a-Rest : lequel isole le plus ?
Indice : celui qui n'est pas prévu d'aller sur l'eau. D'ailleurs, à droite, on voit bien la structure complexe, ainsi que la feuille réfléchissante au milieu.
Crédit photo de droite : Therm-a-Rest.

Comment est mesurée l’isolation ? La norme ASTM FF3340


Par la R-Value, qui permet de comparer les matelas du marché aisément. C’est une heureuse nouveauté en 2020 : tous les constructeurs sont désormais tenus de communiquer cette valeur, évaluée via le même protocole.

La R-Value est mesurée en suivant une norme internationale : la norme ASTM FF3340. Ce n’est pas sans rappeler la norme EN 13537 pour les sacs de couchage, qui a permis d’étalonner la communication sur les températures d’utilisation.

Ce qu’il faut retenir de cette nouvelle norme :
  • Désormais, la R-Value est systématiquement affichée et mesurée de la même manière pour tous les matelas.
  • Avec cette nouvelle norme, en 2020, certains matelas ont vu leur R-Value évoluer, parfois à la hausse et parfois à la baisse, tandis que le matelas est resté identique. Par conséquent, certains matelas testés ici avant 2019 ont désormais une R-Value légèrement différente, mais il s’agit bien du même matelas.

Comme toute norme, elle a ses faiblesses, mais on retiendra surtout sa force : on peut désormais comparer les matelas du marché à égalité.

Pour rappel, il y a 2 ans, nous avions passé 17 matelas sur notre banc de test maison : nous avions mouillé la chemise pour obtenir des résultats clairs, après bien des tentatives. Le but était justement de reproduire le test de la norme, avec les moyens du bord. Malgré les imperfections de notre protocole, nous avions bien observés des disparités entre des matelas pourtant très proches en théorie.
Le protocole fait-maison déployé pour le Carnets d'Aventures n°52.
C'est du bricolage, mais après un mois de tests intensifs, on a dégagé quelques infos intéressantes. Et 2 ans plus tard, lorsque la nouvelle norme ASTM FF3340 voit le jour, eh bien on voit qu'on était sur la bonne piste :-)
Le protocole fait-maison déployé pour le Carnets d'Aventures n°52.
C'est du bricolage, mais après un mois de tests intensifs, on a dégagé quelques infos intéressantes. Et 2 ans plus tard, lorsque la nouvelle norme ASTM FF3340 voit le jour, eh bien on voit qu'on était sur la bonne piste :)
À l'époque, une norme existait, mais les constructeurs n'étaient pas tout à fait d'accord à son sujet. Par ailleurs, certains constructeurs ne communiquaient même pas de R-Value, mais des températures d'utilisation, ce qui était très peu représentatif de la réalité ! Nous en avions conclu, entre autres : 

"Pourtant, des protocoles et des normes existent déjà pour mesurer la R-value d’un élément. Et des laboratoires indépendants proposent aussi leurs services pour effectuer cette mesure. Malgré tout, les fabricants de matelas s’accordent à dire que cette norme est encore imparfaite, qu’elle reflète mal la réalité du terrain, et que les résultats peuvent varier d’un protocole à l’autre… Soit. Mais soyons honnêtes, un chiffre, aussi imparfait soit-il, n’est-il pas déjà une bonne indication pour guider l’acheteur prêt à débourser parfois plus de 100€ ?"

Et enfin, comment choisir son matelas alors ?


La question serait formulable d’une autre manière : quelle R-Value ai-je besoin pour mes bivouacs ? Voilà ce qui est parfois recommandé :
    • R < 2 : matelas plutôt estival.
    • R entre 2 et 5 : matelas plutôt « 3 saisons ».
    • R > 5 : matelas plutôt hivernal.

Bien entendu, ces valeurs ne sont données qu’à titre indicatif, puisqu’il n’existe pas de limite nette et précise entre une utilisation 1-saison et 3-saisons. Cette échelle permet d’abord de situer ses besoins, en fonction de ses habitudes de bivouac. Celui qui cherche un matelas pour bivouaquer en toutes circonstances saura qu’il faut plutôt regarder vers une R-Value de 5. Tandis qu'un bivouaqueur estival pourra se contenter d'une R-Value de 2.

Le voilà le point faible de la R-Value, déjà évoqué plus haut : contrairement aux sacs de couchage dont les températures d'utilisation sont explicites, la R-Value n'est pas "parlante", car on ne peut pas mesurer le froid du sol. C'est pourquoi choisir la bonne R-Value est une question d'équilibre d'une part, et d'expérience d'autre part :
  • D'équilibre car un système de couchage se réfléchit dans son ensemble : sac de couchage et matelas doivent être choisis de manière cohérente.
  • D'expérience car c'est à force de bivouaquer qu'on comprend de mieux en mieux de quel matelas convient, notamment selon ses habitudes de sommeil (dormir sur le dos ou sur le côté, avec un quilt ou un sac sarcophage..)


À retenir : dans le doute, mieux vaut donc sur-dimensionner la R-Value, donc être généreux en matière d'isolation. Si besoin de changer de matériel, la nouvelle norme permet de s'orienter vers un matelas plus ou moins isolant ensuite, vu qu'ils sont désormais tous testés de la même manière quelle que soit la marque.

Par ailleurs, on remarque qu’il ne faut pas forcément un matelas lourd pour bivouaquer toute l’année. Le Therm-a-Rest NeoAir X-Lite compte parmi les matelas les plus légers (340g), alors qu'il a une R-Value de 4,2 avec cette nouvelle norme. Je comprends pourquoi j’ai dormi de nombreuses fois sans problème sur la neige !

Maintenant, vous pouvez sereinement aller consulter nos tests de matelas :
    • Test de 17 matelas légers
    • Test du Therm-a-Rest NeoAir Uberlite, le matelas gonflable isolé le plus léger !
    • Test du Nemo Astro Lite 

Bonus : pourquoi la R-Value de certains matelas a changé en 2020 ?

Avec la nouvelle norme ASTM, la majorité des matelas ont vu leur R-Value évoluer (pour ceux qui la communiquaient avant 2020 donc !), parfois à la hausse et parfois à la baisse, alors que le matelas est resté identique. C’est le cas chez Therm-a-Rest et Exped par exemple, qui ont toujours communiqué des R-Values claires et précises.

Alors, pourquoi ce changement ? Les valeurs communiquées précédemment étaient-elles fausses ? 
Non ! Absolument pas. Ce n’est que la méthode de mesure qui a changé, les matelas demeurent aussi performants. Cependant, comme il n’y avait pas de norme internationalement adoptée, les constructeurs avait fait de leur mieux pour proposer une mesure de R-Value, avec un protocole fiable et parfaitement reproductible.

En pratique :
  • Chez Exped, la R-Value était mesurée par un laboratoire indépendant (l’EMPA en Suisse) : les résultats étaient donc absolument fiables ! Seulement voilà, la nouvelle norme impose, pour le protocole de test, un gonflage légèrement moindre (le reste du protocole est presque identique !). Naturellement, la R-Value a diminué, car un matelas moins gonflé est obligatoirement moins isolant.
  • Chez Therm-a-Rest, ils avaient leur propre banc de test, qui donnait aussi des résultats très pertinents. Sans rentrer dans les détails, des variables de test ont changé : température ambiante, taille des échantillons et de la zone de contact. Les R-Value ont donc un peu évolué aussi.
(Merci à Exped et Therm-a-Rest d’avoir pris le temps de donner ces informations détaillées !)

En conclusion, il faut bien voir que la R-Value est très délicate à mesurer, il n’y a pas une unique bonne manière de la mesurer. Ce qui compte, c’est que maintenant les constructeurs sont “tombés d’accord” pour la mesurer de la même manière. Et nous, eh bien on y voit plus clair !
On est quand même mieux sur un matelas bien choisi.
On est quand même mieux sur un matelas bien choisi.
Gonfler un matelas est-il une drogue ?
Gonfler un matelas est-il une drogue ?
La R-Value expliquée par Potiron.
La R-Value expliquée par Potiron.

Fin Mosaic

L'auteur de cet article :

Anthony Anthony
Commentaires