Un hiver en pèlerinage – Partie 1 : Le GR65
Le pèlerinage de Compostelle nous habitait depuis longtemps. Un rêve souvent évoqué. Mais on ne voulait pas le faire à moitié.
En ce début d’année 2023, la décision est prise : on fait nos paquetages — cette fois pour parcourir ce sentier mythique dans son intégralité. Du Puy-en-Velay à Santiago, puis jusqu’à Fisterra, là où la terre se jette dans l’océan.
L’idée est simple : mêler aventure et cheminement intérieur. Dans un monde où tout est maîtrisé, planifié, chronométré… on choisit l’inverse. Laisser de la place à l’inattendu. Essayer de lâcher prise. Faire confiance au chemin, à ce qui viendra.
Pas de chrono. Pas d’impératifs. On prendra le temps qu’il faudra.
Pour corser l’expérience, et lui donner un goût d’expédition, on choisit l’autonomie. Le bivouac, le plus souvent possible. Une longue marche, en plein hiver. Confrontés à la solitude, aux éléments… mais aussi à nous-mêmes.
Le 15 janvier 2023, après une bénédiction intime dans l’immense cathédrale du Puy-en-Velay, nous faisons nos premiers pas. Nous partons en aventuriers, espérant arriver pèlerins.
Environ 1 600 kilomètres à pied, à travers la France et l’Espagne, jusqu’à l’extrémité du continent. Plus de Cent jours de marche, et quelque quatre-vingts nuits passées dehors...
Des mois de lenteur, d’épreuves, d’exil, de rencontres et d’introspection.
Un chemin qui dépasse la marche. Un chemin qui ramène à l’essentiel. À ce qu’on est, vraiment.
En ce début d’année 2023, la décision est prise : on fait nos paquetages — cette fois pour parcourir ce sentier mythique dans son intégralité. Du Puy-en-Velay à Santiago, puis jusqu’à Fisterra, là où la terre se jette dans l’océan.
L’idée est simple : mêler aventure et cheminement intérieur. Dans un monde où tout est maîtrisé, planifié, chronométré… on choisit l’inverse. Laisser de la place à l’inattendu. Essayer de lâcher prise. Faire confiance au chemin, à ce qui viendra.
Pas de chrono. Pas d’impératifs. On prendra le temps qu’il faudra.
Pour corser l’expérience, et lui donner un goût d’expédition, on choisit l’autonomie. Le bivouac, le plus souvent possible. Une longue marche, en plein hiver. Confrontés à la solitude, aux éléments… mais aussi à nous-mêmes.
Le 15 janvier 2023, après une bénédiction intime dans l’immense cathédrale du Puy-en-Velay, nous faisons nos premiers pas. Nous partons en aventuriers, espérant arriver pèlerins.
Environ 1 600 kilomètres à pied, à travers la France et l’Espagne, jusqu’à l’extrémité du continent. Plus de Cent jours de marche, et quelque quatre-vingts nuits passées dehors...
Des mois de lenteur, d’épreuves, d’exil, de rencontres et d’introspection.
Un chemin qui dépasse la marche. Un chemin qui ramène à l’essentiel. À ce qu’on est, vraiment.
When : 1/15/23
Length : 100 days
Length : 100 days
Eco travel
Réalisé en utilisant covoiturage, autostop
Details :
Covoiturage de Fréjus au Puy-en-Velay.
212 reader(s)
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Guidebook : Du Puy-en-Velay à Conques (updated : hier)
Description :
Nos premiers pas sur le Camino ne sont pas faciles. Il nous faut trouver nos repères et nous adapter aux conditions de bivouac, d’autant que la météo ne sera pas toujours de notre côté...
Report : Du Puy-en-Velay à Conques (updated : hier)
14 Janvier — L'approche
David, notre covoitureur, nous dépose en soirée dans le petit village de Champclause, à une vingtaine de kilomètres du Puy-en-Velay.
On a réservé un petit chalet pour la nuit. Demain, il faudra rejoindre la célèbre cathédrale, première mise en jambe, première étape symbolique de ce grand voyage.
Il est déjà tard. Dernier coup d’œil au matos, dernières vérifications… Puis on se glisse sous les couvertures, le cœur qui bat un peu plus fort.
Demain, on entame notre grand pèlerinage.
15 janvier – Premier Jour, Sous la Pluie
C’est parti. Et ça commence fort ! La pluie s’invite, le vent nous fouette le visage, les bas-côtés sont encore remplis de neige, et la route vers Saint-Julien-en-Chapteuil nous paraît déjà bien vallonnée pour une mise en jambe.
Petite halte dans un rade de campagne, quelques anciens trinquent au comptoir pendant qu’on savoure un thé brûlant, encore un peu sonnés par le froid.
Plus loin, ça y est : on rejoint enfin le chemin de Compostelle, balisé de bleu et de jaune. Le décor est superbe, les vallons désertés, le silence total. On avance sans un mot, déjà happés par l’ambiance du chemin.
En fin d’après-midi, on atteint Le Puy-en-Velay après une grosse étape. La nuit tombe, la statue de la Vierge brille sur son piton rocheux. Un peu paumés dans la vieille ville, un mec sympa nous guide vers un ancien monastère, l’accueil Saint-Georges.
Un vieil homme nous ouvre une petite chambre austère et paisible. Il y a deux lits, un évier et une croix. L’essentiel.
La journée s’achève sur deux immenses pizzas, dévorées dans la rue, sous les lumières tamisées de la vieille ville.
16 janvier – Premiers Pas, Premières Embûches
Pendant l’hiver, il n’y a pas de cérémonie du pèlerin, mais on tient à assister à la messe.
À la fin de l’office, le prêtre vient nous voir, il nous devine pèlerins et nous propose une bénédiction privée, au pied de la statue de Saint-Jacques. Un moment très intense, la gorge nouée, on récite ensemble des chants en latin, puis il glisse dans nos mains deux petits médaillons et un livret de l’Évangile, de précieux talismans pour la route.
Remplis d’émotion, on dépose un cierge sur la mystérieuse pierre des fièvres, où la Vierge serait apparue à une femme souffrante — une dalle chargée de légendes.
Puis, après un rapide petit-déjeuner au monastère, on entame vraiment notre chemin vers Compostelle. Mais la neige fondue, le vent, et l’émotion nous embrouillent : on suit par erreur une mauvaise balise, croyant marcher sur le GR65. Après trois heures et un retour en bus, on s’élance (cette fois pour de bon !) sur le Camino, marqué par ses fameuses coquilles en bronze le long du trottoir.
La nuit approche vite et l’étape sera courte. On trouve un coin isolé avant Saint-Christophe-sur-Dolaison pour notre premier bivouac. Les températures chutent rapidement, on retrouve nos sensations de nomades… bien que difficilement. Le montage du tarp prend un peu de temps et on galère à démarrer le feu. C'est une pastille Esbit qui nous sauve. Il est temps de reprendre l’entraînement.
Ensuite, c’est ma frontale qui lâche, ça commence bien. Je me débrouille avec ma mini lampe torche scotchée sur la tempe.
Dîner simple ce soir : galettes de pois chiches au beurre et un bout de frometon.
On retrouve les plaisirs du bivouac et la chaleur du feu.
David, notre covoitureur, nous dépose en soirée dans le petit village de Champclause, à une vingtaine de kilomètres du Puy-en-Velay.
On a réservé un petit chalet pour la nuit. Demain, il faudra rejoindre la célèbre cathédrale, première mise en jambe, première étape symbolique de ce grand voyage.
Il est déjà tard. Dernier coup d’œil au matos, dernières vérifications… Puis on se glisse sous les couvertures, le cœur qui bat un peu plus fort.
Demain, on entame notre grand pèlerinage.
15 janvier – Premier Jour, Sous la Pluie
C’est parti. Et ça commence fort ! La pluie s’invite, le vent nous fouette le visage, les bas-côtés sont encore remplis de neige, et la route vers Saint-Julien-en-Chapteuil nous paraît déjà bien vallonnée pour une mise en jambe.
Petite halte dans un rade de campagne, quelques anciens trinquent au comptoir pendant qu’on savoure un thé brûlant, encore un peu sonnés par le froid.
Plus loin, ça y est : on rejoint enfin le chemin de Compostelle, balisé de bleu et de jaune. Le décor est superbe, les vallons désertés, le silence total. On avance sans un mot, déjà happés par l’ambiance du chemin.
En fin d’après-midi, on atteint Le Puy-en-Velay après une grosse étape. La nuit tombe, la statue de la Vierge brille sur son piton rocheux. Un peu paumés dans la vieille ville, un mec sympa nous guide vers un ancien monastère, l’accueil Saint-Georges.
Un vieil homme nous ouvre une petite chambre austère et paisible. Il y a deux lits, un évier et une croix. L’essentiel.
La journée s’achève sur deux immenses pizzas, dévorées dans la rue, sous les lumières tamisées de la vieille ville.
16 janvier – Premiers Pas, Premières Embûches
Pendant l’hiver, il n’y a pas de cérémonie du pèlerin, mais on tient à assister à la messe.
À la fin de l’office, le prêtre vient nous voir, il nous devine pèlerins et nous propose une bénédiction privée, au pied de la statue de Saint-Jacques. Un moment très intense, la gorge nouée, on récite ensemble des chants en latin, puis il glisse dans nos mains deux petits médaillons et un livret de l’Évangile, de précieux talismans pour la route.
Remplis d’émotion, on dépose un cierge sur la mystérieuse pierre des fièvres, où la Vierge serait apparue à une femme souffrante — une dalle chargée de légendes.
Puis, après un rapide petit-déjeuner au monastère, on entame vraiment notre chemin vers Compostelle. Mais la neige fondue, le vent, et l’émotion nous embrouillent : on suit par erreur une mauvaise balise, croyant marcher sur le GR65. Après trois heures et un retour en bus, on s’élance (cette fois pour de bon !) sur le Camino, marqué par ses fameuses coquilles en bronze le long du trottoir.
La nuit approche vite et l’étape sera courte. On trouve un coin isolé avant Saint-Christophe-sur-Dolaison pour notre premier bivouac. Les températures chutent rapidement, on retrouve nos sensations de nomades… bien que difficilement. Le montage du tarp prend un peu de temps et on galère à démarrer le feu. C'est une pastille Esbit qui nous sauve. Il est temps de reprendre l’entraînement.
Ensuite, c’est ma frontale qui lâche, ça commence bien. Je me débrouille avec ma mini lampe torche scotchée sur la tempe.
Dîner simple ce soir : galettes de pois chiches au beurre et un bout de frometon.
On retrouve les plaisirs du bivouac et la chaleur du feu.
17 janvier – Vent, Neige et Premiers Pèlerins
Nuit écourtée par le vent et la pluie vers 2h30. J’ai monté le tarp trop bas, ça condense énormément et les parois sont trempées. Ça dégouline dès qu'on bouge, c'est chiant. Mais bon, on n’a pas eu froid.
À 8h30, on boit le café et les premiers flocons commencent à tomber, balayés par un vent glacial.
On lève le camp à 11h30 et on rencontre Michel et Joël, deux pèlerins en route pour Conques. On fait équipe, sous les bourrasques et la neige fondue. Nos deux compagnons nous offrent le thé chaud et un petit whisky lors d’une courte pause. Mais on ne traîne pas, les corps refroidissent très vite.
Ravitaillement à la ferme de Montbonnet : fromage, lait frais, lentilles bio. Puis, plus loin, on fait une halte dans un gîte où l’on est accueillis par un gentil petit couple. Ils nous préviennent : la météo est pourrie sur l’Aubrac pour les jours à venir, il y a très peu de ravitaillement et de gîtes ouverts. Ça s’annonce bien ! Prochain espoir : Saint-Alban, à 27 km. Il nous manque du gaz, des piles…
On reprend la route et laissons Michel et Joël, qui dormiront sur place.
17h, on monte le camp dès l’entrée de la forêt. La neige tombe, les températures chutent drastiquement. Il fait un froid de canard. On lance le feu en priorité, non sans mal. Le sol est trop meuble pour planter les piquets ; je suis obligé de tailler des pieux en bois, et je ferme un coin du tarp pour nous abriter du vent pour la nuit.
Ada cuisine au feu de bois, montage en “trou de serrure” : les braises sont glissées dans une tranchée, parfait pour poser la popote. Fromage, bouillon chaud et chocolat.
Vaisselle express avec la neige et les doigts : technique efficace. On essaie toujours de simplifier la logistique, surtout par ces conditions.
On est contents de notre second bivouac. On retrouve nos sensations et le plaisir d’être dehors, l’impression de revenir à la vie.
Nuit écourtée par le vent et la pluie vers 2h30. J’ai monté le tarp trop bas, ça condense énormément et les parois sont trempées. Ça dégouline dès qu'on bouge, c'est chiant. Mais bon, on n’a pas eu froid.
À 8h30, on boit le café et les premiers flocons commencent à tomber, balayés par un vent glacial.
On lève le camp à 11h30 et on rencontre Michel et Joël, deux pèlerins en route pour Conques. On fait équipe, sous les bourrasques et la neige fondue. Nos deux compagnons nous offrent le thé chaud et un petit whisky lors d’une courte pause. Mais on ne traîne pas, les corps refroidissent très vite.
Ravitaillement à la ferme de Montbonnet : fromage, lait frais, lentilles bio. Puis, plus loin, on fait une halte dans un gîte où l’on est accueillis par un gentil petit couple. Ils nous préviennent : la météo est pourrie sur l’Aubrac pour les jours à venir, il y a très peu de ravitaillement et de gîtes ouverts. Ça s’annonce bien ! Prochain espoir : Saint-Alban, à 27 km. Il nous manque du gaz, des piles…
On reprend la route et laissons Michel et Joël, qui dormiront sur place.
17h, on monte le camp dès l’entrée de la forêt. La neige tombe, les températures chutent drastiquement. Il fait un froid de canard. On lance le feu en priorité, non sans mal. Le sol est trop meuble pour planter les piquets ; je suis obligé de tailler des pieux en bois, et je ferme un coin du tarp pour nous abriter du vent pour la nuit.
Ada cuisine au feu de bois, montage en “trou de serrure” : les braises sont glissées dans une tranchée, parfait pour poser la popote. Fromage, bouillon chaud et chocolat.
Vaisselle express avec la neige et les doigts : technique efficace. On essaie toujours de simplifier la logistique, surtout par ces conditions.
On est contents de notre second bivouac. On retrouve nos sensations et le plaisir d’être dehors, l’impression de revenir à la vie.
18 janvier — Neige, Saucisson et Spaghetti Bolognaise
Nuit merdique. Mon matelas glisse sous mon dos et ma tête s’est retrouvée à même le sol gelé, résultat : grosse migraine.
Au réveil, -4 °C au compteur, ça pique ! Le tarp a disparu sous une couche de neige. J’improvise un petit salon à l’entrée pour préparer le café et une mélasse chaude aux flocons de sarrasin. Malgré qu’on se les gèle, le décor est somptueux.
Nous levons le camp en fin de matinée et suivons les traces de Michel et Joël sur le sentier, partis plus tôt. Le soleil est discret, mais quelques rayons suffisent à nous réchauffer.
À Saint-Privat-d’Allier, tout est fermé… sauf un distributeur improbable : ce ne sont pas des barres chocolatées et des sodas, mais du saucisson. Voilà, du local comme on aime.
À Cambrio, un petit hameau perché au-dessus d’une vallée immense, un vieux bonhomme nous vend du lait tout juste tiré. Il nous explique l’étymologie du nom de son village — la combe brillante. Ça fait tout de suite sens quand il désigne la vue panoramique : le coin est splendide.
Les sacoches pleines, nous poursuivons jusqu’à Monistrol-d’Allier. Ada est fan de l’ambiance vieille France, et moi aussi.
En contrebas, le village, lové dans une cuvette traversée par l’Allier, semble figé dans l’hiver. La descente est glaciale. Difficile de trouver un coin plat pour le bivouac. On tourne un peu en rond, en vain. On continue. En traversant un joli pont métallique — le pont Eiffel — on aperçoit Joël qui nous fait signe de l’autre côté. Il fume une clope devant chez André, un gîte d’étape où ils ont fait escale, et nous invitent à boire un coup. On se laisse tenter.
À peine entrés, la chaleur nous enveloppe. Le poêle à bois tourne à fond, le thé (et le whisky) est servi, et on fait la connaissance d’André — Tonton André — en bas de pyjama, pantoufles et gilet de laine, avec un fort accent marseillais. Ici, pas de chichi : plâtrée de spaghetti bolognaise (dont il est le "chef du Camino"), Kiri en dessert, et bonne humeur à volonté.
Une soirée simple et chaleureuse. Un havre de paix en plein hiver. Ce soir, pas de bivouac. Comment résister à cette ambiance conviviale ?
On se l’était promis avant le départ : le bivouac, oui, mais les rencontres, jamais les rater. Pas question de jouer les sauvages, même si on risque de le devenir… une nouvelle fois.
Nuit merdique. Mon matelas glisse sous mon dos et ma tête s’est retrouvée à même le sol gelé, résultat : grosse migraine.
Au réveil, -4 °C au compteur, ça pique ! Le tarp a disparu sous une couche de neige. J’improvise un petit salon à l’entrée pour préparer le café et une mélasse chaude aux flocons de sarrasin. Malgré qu’on se les gèle, le décor est somptueux.
Nous levons le camp en fin de matinée et suivons les traces de Michel et Joël sur le sentier, partis plus tôt. Le soleil est discret, mais quelques rayons suffisent à nous réchauffer.
À Saint-Privat-d’Allier, tout est fermé… sauf un distributeur improbable : ce ne sont pas des barres chocolatées et des sodas, mais du saucisson. Voilà, du local comme on aime.
À Cambrio, un petit hameau perché au-dessus d’une vallée immense, un vieux bonhomme nous vend du lait tout juste tiré. Il nous explique l’étymologie du nom de son village — la combe brillante. Ça fait tout de suite sens quand il désigne la vue panoramique : le coin est splendide.
Les sacoches pleines, nous poursuivons jusqu’à Monistrol-d’Allier. Ada est fan de l’ambiance vieille France, et moi aussi.
En contrebas, le village, lové dans une cuvette traversée par l’Allier, semble figé dans l’hiver. La descente est glaciale. Difficile de trouver un coin plat pour le bivouac. On tourne un peu en rond, en vain. On continue. En traversant un joli pont métallique — le pont Eiffel — on aperçoit Joël qui nous fait signe de l’autre côté. Il fume une clope devant chez André, un gîte d’étape où ils ont fait escale, et nous invitent à boire un coup. On se laisse tenter.
À peine entrés, la chaleur nous enveloppe. Le poêle à bois tourne à fond, le thé (et le whisky) est servi, et on fait la connaissance d’André — Tonton André — en bas de pyjama, pantoufles et gilet de laine, avec un fort accent marseillais. Ici, pas de chichi : plâtrée de spaghetti bolognaise (dont il est le "chef du Camino"), Kiri en dessert, et bonne humeur à volonté.
Une soirée simple et chaleureuse. Un havre de paix en plein hiver. Ce soir, pas de bivouac. Comment résister à cette ambiance conviviale ?
On se l’était promis avant le départ : le bivouac, oui, mais les rencontres, jamais les rater. Pas question de jouer les sauvages, même si on risque de le devenir… une nouvelle fois.
19 janvier — Ravitaillement, Neige et Super Bivouac
Une nuit réparatrice. Je me réveille tôt, motivé, malgré une légère raideur au tendon d’Achille, je vieillis ! Un peu de mobilité pour dérouiller la bête, puis check-up du matos — graissage des rangers, couture d’un gant — je passe tout en revue.
On partage le petit déjeuner avec André et nos deux compagnons suisses. Personne d’autre dans le gîte. En cette saison, on est probablement les seuls pèlerins dans les parages… Qui d’autre irait affronter l’Aubrac en plein mois de janvier ?
L’étape commence fort avec une montée de 500 mètres de dénivelé jusqu’à Saorge. Une jolie chapelle incrustée dans la roche borde le chemin, puis la pente s’adoucit. En route, on ramasse des écorces de bouleau, excellent allume-feu naturel. On garde les méthodes d’urgence pour plus tard, on préfère rester en bons termes avec la nature.
Les hameaux sont déserts, la neige de plus en plus abondante, parfois jusqu’à 40 cm avec des congères. Heureusement, Michel et Joël nous ont fait la trace.
L’arrivée à Saorge est salvatrice : un petit carrefour est ouvert, on se gave de fruits frais, bananes, pains aux noix. Puis on remplit les sacs : fromage, truite fumée, châtaignes qu’Ada veut faire au feu de bois, chocolat, fruits secs… Je trouve même les piles plates pour la frontale.
J’ai fait un choix pratique : une frontale à piles remplaçables, pas toujours sûr de pouvoir recharger la frontale électrique alors. Mais je n’avais pas pensé que ces piles coûtaient une blinde et qu’on n’en trouve pas partout… Je n’hésite pas à en prendre un stock.
Ce soir, on trouve une clairière idéale pour le bivouac. Chacun connaît son rôle, on reprend le rythme : Ada prépare le bouillon et organise le camp, pendant que je dégage la neige, monte le tarp et pars à la recherche de bois. Grâce aux écorces, le feu prend sans mal.
Deux gros rondins font de parfaits tabourets, et j’ajoute une faîtière au tarp pour éviter qu’il ne s’effondre sous le poids de la neige. Côté couchage, j’optimise : sursac pour ne pas glisser, sac à dos sous la tête pour l’isolation et me surélever un peu. Tout est bon à prendre pour préserver la chaleur.
Le repas est un vrai festin : lentilles aux saucissons, châtaignes, pain de campagne grillé au fromage de chèvre.
Un bivouac parfait, une belle soirée au coin du feu, et la sensation que, malgré la rudesse du climat, on commence à trouver notre rythme.
20 janvier — L’Enfer en Pantoufles
Réveil brutal vers 2 h. Il neige, le vent hurle dehors, je suis congelé. J’avale un Snickers pour me rendormir — je garde toujours des calories à portée de main dans le duvet, pour me réchauffer — mais mauvaise pioche : moins d’une heure plus tard, des crampes d’estomac me plient en deux.
Ada se réveille à force de m’entendre gigoter comme un ver. Gaz, douleurs, la totale. Quelle poisse... Elle me suggère de me faire vomir… Pas con !
Curieux (et idiot), je jette un œil au thermomètre : -5 °C. Pffffff… Je me pousse hors du duvet. Et là, mauvaise surprise : mes rangers sont gelées, dures comme du bois. Impossible de les enfiler. Résultat : me voilà dehors, en pantoufles, les fesses à l’air, à me vider contre un arbre sous la neige, fouetté par le vent. Un cauchemar éveillé.
Je me découvre un nouveau respect pour les boules de neige : très efficaces comme papier toilette improvisé… Merci les bouquins de survie.
Ravi de cette précieuse expérience, je me recroqueville dans le duvet, vidé, frigorifié, batterie à zéro. Hier soir, tout roulait. Ce matin, je suis au bout du rouleau, mentalement comme physiquement. Heureusement, Ada garde la tête froide.
On devait rejoindre Michel et Joël au gîte du Sauvage, mais dans mon état, c’est impensable. Revenir à Saorge ? Même topo. On reste à l’abri. Il faut attendre, gérer l’essentiel.
À midi, j’arrive à me traîner hors du tarp pour allumer un feu. En pantoufles dans 20 cm de neige, plus d’écorce de bouleau… Je sors le plan B : une mèche de scotch. Le feu prend dans une fumée noire. Ada le nourrit pendant que je débite du bois. On en aura besoin pour la journée, la soirée, et pour demain matin. Je couvre mes fagots sous mon poncho, et mets mes godasses à décongeler.
Petit à petit, les forces reviennent, grâce à quelques fruits secs, qui ont l’air de passer. On fait fondre la neige pour refaire le plein d’eau. Ensuite, faut la filtrer… plus de deux heures de boulot. En hiver, chaque détail est vital.
Nos tapis de sol sont nos meilleurs alliés : je les glisse sous les genoux, les fesses, les pieds, partout où le froid peut s’infiltrer. Tout ce qui peut geler, je le garde contre moi : briquet, cartouche de gaz, bouteille d’eau. Mais j’avais pas pensé aux rangers...
L’hiver, dehors, c’est de la survie à l’état brut. Conserver la chaleur. Trouver des calories. Dormir.
Ce soir, Ada prépare un bouillon de légumes. Rien d’autre ne passe : le saucisson me dégoûte. Le bouillon chaud, lui, fait du bien. On mange, on range, et on s’écroule dans les duvets à 19 h, dans l’espoir de dormir un peu.
21 janvier — Le Refuge et la Tempête
Au réveil, des cristaux de givre me tombent dessus à chaque mouvement. Les parois du tarp et nos duvets sont gelés, comme du carton. C’est l’enfer. Trente centimètres de neige fraîche recouvrent la forêt. C’est beau, mais ça ne donne pas envie de sortir pour autant.
Ada dort encore, je la laisse récupérer. Je sors tant bien que mal dégager la neige qui a écrasé le tarp. J’utilise mes rangers comme pelle à neige.
Le bois mis à l’abri sous mon poncho est resté sec et j’allume un feu sans trop de mal. Un café chaud, assis près des flammes, et je griffonne quelques lignes.
Ada émerge, épuisée, le moral en berne. Ce pèlerinage se transforme en expédition polaire. Notre matos montre ses limites, le doute s’installe. Elle improvise un système avec du scotch enroulé au bout de ses vieilles bottes pour isoler ses pieds gelés. Rustique.
Direction le gîte du Sauvage aujourd’hui. Michel m’a dit qu’il y aurait du monde sur place. On plie et on s’élance sous la neige, ouvrant la trace dans la poudreuse.
Quelques kilomètres plus loin, au hameau de La Clauze : surprise. Un petit refuge en pierre — la maison de la Béate. Un nid caché, à deux pas de nos galères. Si seulement on avait su…
Dedans, il y a un poêle à bois, quelques bûches, des couvertures, de quoi cuisiner. Dans un coin, un autel couvert de chapelets, de photos, de poèmes.
On se recueille un moment. "Mais qu’est-ce qu’on est venu chercher ici ? Le froid, la fatigue, les doutes. Mais dans quel but ? Que nous apporte cet inconfort ?" Je ne trouve pas de réponse. "Peut-être sommes-nous simplement fous."
On repart, étrangement ressourcés. Dans les rues désertes du village, on croise un vieil homme qui nous balance une petite anecdote : "en 1971, il y avait un mètre de neige ici," nous dit-il en rigolant, "on a été ravitaillés par hélicoptère." Rassurant…
Le vent s’intensifie et le sentier disparaît sous les congères. On file un coup de main à deux jeunes qui déneigent leur 4x4. Ils sont surpris de nous trouver ici. C'est pas étonnant ! Ils nous conseillent de continuer par la départementale, le sentier est impraticable plus haut.
Nous avançons sur cette route sans vie, le ciel est noir et le vent nous fouette, une ambiance de fin du monde.
Les lacets s’enchaînent, pas de trace de gîte, la nuit tombe. Puis enfin un panneau : Le Sauvage. Encore une centaine de mètres. La silhouette du gîte apparaît, fantomatique, battue par la neige.
Tout est fermé. Aucune lumière. L’angoisse monte. On fait le tour, paniqués. Deux voitures sont garées. Une fenêtre est illuminée. J’approche et colle mon visage au carreau. Un couple regarde la télé. Je frappe et les fais sursauter.
Quelques secondes plus tard, madame Éliane nous ouvre. Un peu surprise.
Le contraste est brutal. Elle nous installe dans une chambre : deux grands lits, une douche, de la chaleur.
Nous découvrons nos visages dans le miroir : burinés, les traits tirés, brûlés par le vent. Une semaine depuis le départ, et l’impression d’être partis depuis des mois.
On réalise à peine que ce soir, nous ne lutterons pas sur le bivouac.
Une nuit réparatrice. Je me réveille tôt, motivé, malgré une légère raideur au tendon d’Achille, je vieillis ! Un peu de mobilité pour dérouiller la bête, puis check-up du matos — graissage des rangers, couture d’un gant — je passe tout en revue.
On partage le petit déjeuner avec André et nos deux compagnons suisses. Personne d’autre dans le gîte. En cette saison, on est probablement les seuls pèlerins dans les parages… Qui d’autre irait affronter l’Aubrac en plein mois de janvier ?
L’étape commence fort avec une montée de 500 mètres de dénivelé jusqu’à Saorge. Une jolie chapelle incrustée dans la roche borde le chemin, puis la pente s’adoucit. En route, on ramasse des écorces de bouleau, excellent allume-feu naturel. On garde les méthodes d’urgence pour plus tard, on préfère rester en bons termes avec la nature.
Les hameaux sont déserts, la neige de plus en plus abondante, parfois jusqu’à 40 cm avec des congères. Heureusement, Michel et Joël nous ont fait la trace.
L’arrivée à Saorge est salvatrice : un petit carrefour est ouvert, on se gave de fruits frais, bananes, pains aux noix. Puis on remplit les sacs : fromage, truite fumée, châtaignes qu’Ada veut faire au feu de bois, chocolat, fruits secs… Je trouve même les piles plates pour la frontale.
J’ai fait un choix pratique : une frontale à piles remplaçables, pas toujours sûr de pouvoir recharger la frontale électrique alors. Mais je n’avais pas pensé que ces piles coûtaient une blinde et qu’on n’en trouve pas partout… Je n’hésite pas à en prendre un stock.
Ce soir, on trouve une clairière idéale pour le bivouac. Chacun connaît son rôle, on reprend le rythme : Ada prépare le bouillon et organise le camp, pendant que je dégage la neige, monte le tarp et pars à la recherche de bois. Grâce aux écorces, le feu prend sans mal.
Deux gros rondins font de parfaits tabourets, et j’ajoute une faîtière au tarp pour éviter qu’il ne s’effondre sous le poids de la neige. Côté couchage, j’optimise : sursac pour ne pas glisser, sac à dos sous la tête pour l’isolation et me surélever un peu. Tout est bon à prendre pour préserver la chaleur.
Le repas est un vrai festin : lentilles aux saucissons, châtaignes, pain de campagne grillé au fromage de chèvre.
Un bivouac parfait, une belle soirée au coin du feu, et la sensation que, malgré la rudesse du climat, on commence à trouver notre rythme.
20 janvier — L’Enfer en Pantoufles
Réveil brutal vers 2 h. Il neige, le vent hurle dehors, je suis congelé. J’avale un Snickers pour me rendormir — je garde toujours des calories à portée de main dans le duvet, pour me réchauffer — mais mauvaise pioche : moins d’une heure plus tard, des crampes d’estomac me plient en deux.
Ada se réveille à force de m’entendre gigoter comme un ver. Gaz, douleurs, la totale. Quelle poisse... Elle me suggère de me faire vomir… Pas con !
Curieux (et idiot), je jette un œil au thermomètre : -5 °C. Pffffff… Je me pousse hors du duvet. Et là, mauvaise surprise : mes rangers sont gelées, dures comme du bois. Impossible de les enfiler. Résultat : me voilà dehors, en pantoufles, les fesses à l’air, à me vider contre un arbre sous la neige, fouetté par le vent. Un cauchemar éveillé.
Je me découvre un nouveau respect pour les boules de neige : très efficaces comme papier toilette improvisé… Merci les bouquins de survie.
Ravi de cette précieuse expérience, je me recroqueville dans le duvet, vidé, frigorifié, batterie à zéro. Hier soir, tout roulait. Ce matin, je suis au bout du rouleau, mentalement comme physiquement. Heureusement, Ada garde la tête froide.
On devait rejoindre Michel et Joël au gîte du Sauvage, mais dans mon état, c’est impensable. Revenir à Saorge ? Même topo. On reste à l’abri. Il faut attendre, gérer l’essentiel.
À midi, j’arrive à me traîner hors du tarp pour allumer un feu. En pantoufles dans 20 cm de neige, plus d’écorce de bouleau… Je sors le plan B : une mèche de scotch. Le feu prend dans une fumée noire. Ada le nourrit pendant que je débite du bois. On en aura besoin pour la journée, la soirée, et pour demain matin. Je couvre mes fagots sous mon poncho, et mets mes godasses à décongeler.
Petit à petit, les forces reviennent, grâce à quelques fruits secs, qui ont l’air de passer. On fait fondre la neige pour refaire le plein d’eau. Ensuite, faut la filtrer… plus de deux heures de boulot. En hiver, chaque détail est vital.
Nos tapis de sol sont nos meilleurs alliés : je les glisse sous les genoux, les fesses, les pieds, partout où le froid peut s’infiltrer. Tout ce qui peut geler, je le garde contre moi : briquet, cartouche de gaz, bouteille d’eau. Mais j’avais pas pensé aux rangers...
L’hiver, dehors, c’est de la survie à l’état brut. Conserver la chaleur. Trouver des calories. Dormir.
Ce soir, Ada prépare un bouillon de légumes. Rien d’autre ne passe : le saucisson me dégoûte. Le bouillon chaud, lui, fait du bien. On mange, on range, et on s’écroule dans les duvets à 19 h, dans l’espoir de dormir un peu.
21 janvier — Le Refuge et la Tempête
Au réveil, des cristaux de givre me tombent dessus à chaque mouvement. Les parois du tarp et nos duvets sont gelés, comme du carton. C’est l’enfer. Trente centimètres de neige fraîche recouvrent la forêt. C’est beau, mais ça ne donne pas envie de sortir pour autant.
Ada dort encore, je la laisse récupérer. Je sors tant bien que mal dégager la neige qui a écrasé le tarp. J’utilise mes rangers comme pelle à neige.
Le bois mis à l’abri sous mon poncho est resté sec et j’allume un feu sans trop de mal. Un café chaud, assis près des flammes, et je griffonne quelques lignes.
Ada émerge, épuisée, le moral en berne. Ce pèlerinage se transforme en expédition polaire. Notre matos montre ses limites, le doute s’installe. Elle improvise un système avec du scotch enroulé au bout de ses vieilles bottes pour isoler ses pieds gelés. Rustique.
Direction le gîte du Sauvage aujourd’hui. Michel m’a dit qu’il y aurait du monde sur place. On plie et on s’élance sous la neige, ouvrant la trace dans la poudreuse.
Quelques kilomètres plus loin, au hameau de La Clauze : surprise. Un petit refuge en pierre — la maison de la Béate. Un nid caché, à deux pas de nos galères. Si seulement on avait su…
Dedans, il y a un poêle à bois, quelques bûches, des couvertures, de quoi cuisiner. Dans un coin, un autel couvert de chapelets, de photos, de poèmes.
On se recueille un moment. "Mais qu’est-ce qu’on est venu chercher ici ? Le froid, la fatigue, les doutes. Mais dans quel but ? Que nous apporte cet inconfort ?" Je ne trouve pas de réponse. "Peut-être sommes-nous simplement fous."
On repart, étrangement ressourcés. Dans les rues désertes du village, on croise un vieil homme qui nous balance une petite anecdote : "en 1971, il y avait un mètre de neige ici," nous dit-il en rigolant, "on a été ravitaillés par hélicoptère." Rassurant…
Le vent s’intensifie et le sentier disparaît sous les congères. On file un coup de main à deux jeunes qui déneigent leur 4x4. Ils sont surpris de nous trouver ici. C'est pas étonnant ! Ils nous conseillent de continuer par la départementale, le sentier est impraticable plus haut.
Nous avançons sur cette route sans vie, le ciel est noir et le vent nous fouette, une ambiance de fin du monde.
Les lacets s’enchaînent, pas de trace de gîte, la nuit tombe. Puis enfin un panneau : Le Sauvage. Encore une centaine de mètres. La silhouette du gîte apparaît, fantomatique, battue par la neige.
Tout est fermé. Aucune lumière. L’angoisse monte. On fait le tour, paniqués. Deux voitures sont garées. Une fenêtre est illuminée. J’approche et colle mon visage au carreau. Un couple regarde la télé. Je frappe et les fais sursauter.
Quelques secondes plus tard, madame Éliane nous ouvre. Un peu surprise.
Le contraste est brutal. Elle nous installe dans une chambre : deux grands lits, une douche, de la chaleur.
Nous découvrons nos visages dans le miroir : burinés, les traits tirés, brûlés par le vent. Une semaine depuis le départ, et l’impression d’être partis depuis des mois.
On réalise à peine que ce soir, nous ne lutterons pas sur le bivouac.
22 janvier — Le Calme Après la Tempête
La tempête hurle toujours dehors. Aujourd'hui, c'est clair : on ne bougera pas. C’est l’occasion parfaite pour prendre un jour de repos, laver un peu de linge, faire le plein de calories et surtout étudier la carte et la météo, qui annoncent encore des jours difficiles.
Avec les conditions actuelles, il nous faudra au moins quatre jours pour traverser l’Aubrac et atteindre des altitudes plus clémentes. Le col du mont Aubrac, à 1340 mètres, est un défi à cause du froid polaire. On modifie notre stratégie : plutôt que de suivre le sentier, trop enneigé, on suivra la départementale jusqu’à Saint-Chély-d’Aubrac. Plus long, mais plus sûr.
Je bois mon café en regardant la tourmente à travers les carreaux. Je repense à notre voyage à vélo pendant le confinement, où la solitude était totale et la souffrance mentale constante. À cette époque, il n'y avait aucune échappatoire, l’idée d’un gîte était bien loin.
Aujourd’hui, c’est différent. Nous pouvons compter sur quelques auberges ouvertes, et tout cela change la donne. Une douche chaude, un lit, un repas… Ça permet de souffler, de récupérer, plus grand-chose à penser. Mais ça enlève aussi un peu de cette urgence qui oblige à rester pleinement présent je trouve. Quand tu sais qu’un refuge t’attend, une partie de ton instinct cesse de fonctionner, ce côté primitif, animal, ce mode survie que nous avons connu par le passé.
Mais bon, ce n’est pas le but de ce pèlerinage. Sur ce chemin, on cherche autre chose : être autonome, endurant, résilient, certes. Mais aussi ouvert aux rencontres. Ces moments de chaleur humaine font partie intégrante de l’expérience.
23 janvier — Sur la Route de la Bête
On reprend la route ce matin. La neige a cessé, mais le vent glacial continue de souffler. Direction Saint-Alban-sur-Limagnole, à une quinzaine de bornes. La route est dégagée mais verglacée, et nos petits crampons nous sont bien utiles. Pas une voiture, juste le silence.
Peu après le départ, un gros patou blanc apparaît derrière nous. Il semble bien décidé à nous suivre, un nouveau compagnon de route. Plus loin, des chevaux comtois viennent à notre rencontre, et on prend quelques photos avec eux. Le contraste avec leur robe marron est magnifique, mais le froid nous rattrape vite et on reprend la route à vive allure pour se réchauffer.
À Saint-Alban, nous marquons une pause au gîte du Gévaudan, sur le territoire de la fameuse Bête, qui semait la terreur au XVIIIᵉ siècle.
Monique et Frédéric nous accueillent avec un sourire et une petite mirabelle. On se laisse vite envahir par la chaleur de l’endroit... et la mirabelle ! La télé murmure des images lointaines, ah, les informations... cette affreuse chose qui vous connecte aux malheurs du monde, toujours aussi déprimant.
On discute un bon moment avec Monique, qui nous confie que l’attitude des pèlerins a changé depuis le Covid : moins respectueux, plus exigeants, parfois malhonnêtes. Elle en a même fermé la cuisine qu’elle leur avait mise à disposition. Un air de nostalgie se fait sentir. Elle nous recommande un studio bon marché, chez un voisin.
À notre retour de courses, surprise : elle nous a préparé un sac-repas. Soupe maison, fruits, et une coupetade (pain perdu aux pruneaux) en dessert, spécialité du coin. Un cadeau précieux, qui nous réchauffe autant que sa gentillesse.
Au fond, c’est ça aussi, le luxe du chemin : des mains tendues, un bol de soupe, un chien fidèle qui marche à nos côtés.
La tempête hurle toujours dehors. Aujourd'hui, c'est clair : on ne bougera pas. C’est l’occasion parfaite pour prendre un jour de repos, laver un peu de linge, faire le plein de calories et surtout étudier la carte et la météo, qui annoncent encore des jours difficiles.
Avec les conditions actuelles, il nous faudra au moins quatre jours pour traverser l’Aubrac et atteindre des altitudes plus clémentes. Le col du mont Aubrac, à 1340 mètres, est un défi à cause du froid polaire. On modifie notre stratégie : plutôt que de suivre le sentier, trop enneigé, on suivra la départementale jusqu’à Saint-Chély-d’Aubrac. Plus long, mais plus sûr.
Je bois mon café en regardant la tourmente à travers les carreaux. Je repense à notre voyage à vélo pendant le confinement, où la solitude était totale et la souffrance mentale constante. À cette époque, il n'y avait aucune échappatoire, l’idée d’un gîte était bien loin.
Aujourd’hui, c’est différent. Nous pouvons compter sur quelques auberges ouvertes, et tout cela change la donne. Une douche chaude, un lit, un repas… Ça permet de souffler, de récupérer, plus grand-chose à penser. Mais ça enlève aussi un peu de cette urgence qui oblige à rester pleinement présent je trouve. Quand tu sais qu’un refuge t’attend, une partie de ton instinct cesse de fonctionner, ce côté primitif, animal, ce mode survie que nous avons connu par le passé.
Mais bon, ce n’est pas le but de ce pèlerinage. Sur ce chemin, on cherche autre chose : être autonome, endurant, résilient, certes. Mais aussi ouvert aux rencontres. Ces moments de chaleur humaine font partie intégrante de l’expérience.
23 janvier — Sur la Route de la Bête
On reprend la route ce matin. La neige a cessé, mais le vent glacial continue de souffler. Direction Saint-Alban-sur-Limagnole, à une quinzaine de bornes. La route est dégagée mais verglacée, et nos petits crampons nous sont bien utiles. Pas une voiture, juste le silence.
Peu après le départ, un gros patou blanc apparaît derrière nous. Il semble bien décidé à nous suivre, un nouveau compagnon de route. Plus loin, des chevaux comtois viennent à notre rencontre, et on prend quelques photos avec eux. Le contraste avec leur robe marron est magnifique, mais le froid nous rattrape vite et on reprend la route à vive allure pour se réchauffer.
À Saint-Alban, nous marquons une pause au gîte du Gévaudan, sur le territoire de la fameuse Bête, qui semait la terreur au XVIIIᵉ siècle.
Monique et Frédéric nous accueillent avec un sourire et une petite mirabelle. On se laisse vite envahir par la chaleur de l’endroit... et la mirabelle ! La télé murmure des images lointaines, ah, les informations... cette affreuse chose qui vous connecte aux malheurs du monde, toujours aussi déprimant.
On discute un bon moment avec Monique, qui nous confie que l’attitude des pèlerins a changé depuis le Covid : moins respectueux, plus exigeants, parfois malhonnêtes. Elle en a même fermé la cuisine qu’elle leur avait mise à disposition. Un air de nostalgie se fait sentir. Elle nous recommande un studio bon marché, chez un voisin.
À notre retour de courses, surprise : elle nous a préparé un sac-repas. Soupe maison, fruits, et une coupetade (pain perdu aux pruneaux) en dessert, spécialité du coin. Un cadeau précieux, qui nous réchauffe autant que sa gentillesse.
Au fond, c’est ça aussi, le luxe du chemin : des mains tendues, un bol de soupe, un chien fidèle qui marche à nos côtés.
24 janvier — Dans les Griffes de l'Hiver
Ce matin, on passe prendre le café chez Monique et Frédéric, puis on reprend la route, frais comme des gardons après une nuit au chaud. On constate qu'il est encore difficile de commencer une journée sans un plan, même approximatif. Rien de précis, mais on essaie toujours d'avoir une idée du bivouac à venir, une stratégie, un besoin de contrôle, peut-être une forme de survie. Le mode "expédition" est encore là, et le mode "pèlerin" peine à émerger. Je me demande comment cette transformation va se faire au fil des jours.
Aujourd'hui, on se rapproche du plateau de l’Aubrac. L'idée est de bivouaquer juste avant afin de l'entamer demain matin et atteindre Nasbinals. Environ 20 bornes, une rude journée. Par chance, quelques rayons de soleil nous illuminent. En route, on se gave de chocolat, pratique et calorique. Le paysage est splendide, nous traversons des villages pittoresques comme Les Estrets, bordé par la Truyère, un village médiéval qui nous transporte dans le passé.
Arrivés à Aumont-Aubrac, tout est fermé, mais un magasin de randonnée rouvre bientôt et nous patientons un peu sur la place du village. Le vendeur est sympa, on discute un peu et lui achetons une cartouche de gaz et un thermos. La journée s’allonge, la nuit tombe vite, la fatigue se fait sentir, et toujours pas de spot pour le bivouac. Le sentier, bordé de forêts, devient plus difficile à mesure que la neige s’accumule. Je me retrouve à tracer dans 30 cm de neige fraîche.
Finalement, on finit par trouver un coin juste avant la nuit. Ada est épuisée, ses pieds ont pris l'eau et sont glacés. Je monte rapidement le tarp et elle se réfugie sous son duvet pour tenter de se réchauffer. Je vais chercher de l'eau et coupe du bois pour le feu. Le thermomètre affiche -7 °C. La nuit est glaciale, la température descend à -10 °C. Impossible de dormir, notre matos ne fait pas le poids, c'est un calvaire... On survie en s'empiffrant de chocolat, en somnolant un peu de temps en temps.
Ce matin, on passe prendre le café chez Monique et Frédéric, puis on reprend la route, frais comme des gardons après une nuit au chaud. On constate qu'il est encore difficile de commencer une journée sans un plan, même approximatif. Rien de précis, mais on essaie toujours d'avoir une idée du bivouac à venir, une stratégie, un besoin de contrôle, peut-être une forme de survie. Le mode "expédition" est encore là, et le mode "pèlerin" peine à émerger. Je me demande comment cette transformation va se faire au fil des jours.
Aujourd'hui, on se rapproche du plateau de l’Aubrac. L'idée est de bivouaquer juste avant afin de l'entamer demain matin et atteindre Nasbinals. Environ 20 bornes, une rude journée. Par chance, quelques rayons de soleil nous illuminent. En route, on se gave de chocolat, pratique et calorique. Le paysage est splendide, nous traversons des villages pittoresques comme Les Estrets, bordé par la Truyère, un village médiéval qui nous transporte dans le passé.
Arrivés à Aumont-Aubrac, tout est fermé, mais un magasin de randonnée rouvre bientôt et nous patientons un peu sur la place du village. Le vendeur est sympa, on discute un peu et lui achetons une cartouche de gaz et un thermos. La journée s’allonge, la nuit tombe vite, la fatigue se fait sentir, et toujours pas de spot pour le bivouac. Le sentier, bordé de forêts, devient plus difficile à mesure que la neige s’accumule. Je me retrouve à tracer dans 30 cm de neige fraîche.
Finalement, on finit par trouver un coin juste avant la nuit. Ada est épuisée, ses pieds ont pris l'eau et sont glacés. Je monte rapidement le tarp et elle se réfugie sous son duvet pour tenter de se réchauffer. Je vais chercher de l'eau et coupe du bois pour le feu. Le thermomètre affiche -7 °C. La nuit est glaciale, la température descend à -10 °C. Impossible de dormir, notre matos ne fait pas le poids, c'est un calvaire... On survie en s'empiffrant de chocolat, en somnolant un peu de temps en temps.
25 janvier — À Bout de Forces
Au réveil : -8 °C. La nuit a été un supplice. Je m’arrache du duvet et allume le feu en priorité. Je prépare de grosses galettes de pois chiches au fromage avec du café. Quelques flammes et un peu de chaleur suffisent à remonter le moral, dans ce décor digne du Grand Nord.
Je fais un peu de mobilité près du feu pour dérouiller mes articulations gelées. Je repense à tous nos bivouacs : jamais eu aussi froid. -10 sous un tarp, ça pique. On apprend à la dure. Notre point faible principal : l’isolation, merdique ! Du coup, nos duvets ne suffisent pas, même couplés à un sursac. Il va falloir revoir ça à l’avenir, mais pour l’instant, il faudra faire avec.
Ada se réveille, la pauvre est épuisée elle aussi. On partage un moment de silence face aux flammes, complètement hagards. Honnêtement, on se demande ce qu’on fout là…
Le décor sur le chemin est incroyable. La route est notre ligne de vie. Autour, tout est blanc. Les panneaux de signalisation gelés pointent la direction du vent, qui souffle violemment.
Le village de Malbouzon surgit dans le blanc, puis enfin Nasbinals. On découvre avec étonnement un peu d’activité : des magasins, des gens. Une oasis sur ce plateau hostile.
On abandonne l’idée du bivouac ce soir. Décidément, difficile de prendre le rythme, mais on y laisse trop de plumes pour le moment. On trouve un gîte et filons faire quelques courses. On tombe sur de beaux morceaux de viande locale. Ce soir, on partage le repas avec un couple rencontré sur place, arrosé de ratafia.
On s’écroule après le repas, tout habillés, sans même prendre de douche… lessivés.
Au réveil : -8 °C. La nuit a été un supplice. Je m’arrache du duvet et allume le feu en priorité. Je prépare de grosses galettes de pois chiches au fromage avec du café. Quelques flammes et un peu de chaleur suffisent à remonter le moral, dans ce décor digne du Grand Nord.
Je fais un peu de mobilité près du feu pour dérouiller mes articulations gelées. Je repense à tous nos bivouacs : jamais eu aussi froid. -10 sous un tarp, ça pique. On apprend à la dure. Notre point faible principal : l’isolation, merdique ! Du coup, nos duvets ne suffisent pas, même couplés à un sursac. Il va falloir revoir ça à l’avenir, mais pour l’instant, il faudra faire avec.
Ada se réveille, la pauvre est épuisée elle aussi. On partage un moment de silence face aux flammes, complètement hagards. Honnêtement, on se demande ce qu’on fout là…
Le décor sur le chemin est incroyable. La route est notre ligne de vie. Autour, tout est blanc. Les panneaux de signalisation gelés pointent la direction du vent, qui souffle violemment.
Le village de Malbouzon surgit dans le blanc, puis enfin Nasbinals. On découvre avec étonnement un peu d’activité : des magasins, des gens. Une oasis sur ce plateau hostile.
On abandonne l’idée du bivouac ce soir. Décidément, difficile de prendre le rythme, mais on y laisse trop de plumes pour le moment. On trouve un gîte et filons faire quelques courses. On tombe sur de beaux morceaux de viande locale. Ce soir, on partage le repas avec un couple rencontré sur place, arrosé de ratafia.
On s’écroule après le repas, tout habillés, sans même prendre de douche… lessivés.
26 janvier — Mont Aubrac : Dans l’Oeil du Blizzard
Aujourd’hui, objectif : franchir le col du Mont Aubrac, 1340 m et l’impression de gravir un 4000 ! Le ciel est toujours noir, le vent cinglant, mais c’est notre dernière grosse montée avant la descente vers Saint-Chély d’Aubrac. Ça motive.
Plus on grimpe, plus le blizzard se renforce. La visibilité tombe à vingt mètres, le décor est fantomatique. Quelques arbres isolés nous offrent un bref répit de temps en temps. Je m’imagine tirer une pulka sur la calotte glaciaire.
Au sommet, pas de pause, pas même une photo. Le froid est trop mordant. On enchaîne direct dans la descente vers le village d’Aubrac. Une fois là-bas, silence total, ambiance de fin du monde. Tout est figé sous la glace, d’énormes stalactites pendent des toits et des pare-chocs de voitures. Heureusement, plus bas, le vent tombe et le ciel s’ouvre. On descend à bon rythme, la neige cède peu à peu sa place au bitume, et c’est sous un rayon de soleil que nous entrons à Saint-Chély. Une libération.
Mais tout est fermé, à part l’office du tourisme et un hôtel. On souffle un peu, on sort la carte et étudions ce qui nous attend. En quittant le village, on retrouve le Camino, via le vieux pont des pèlerins du XIVe siècle, majestueux sous la neige.
Le sentier est bien enneigé, mais les tracteurs ont fait la trace. Un paysan croisé en route nous indique des granges plus loin, peut-être un abri pour la nuit. À Cambrassat, on fouine les recoins du village. Certaines granges sont cadenassées mais finalement, on déniche une maisonnette de pierre avec une vieille porte en bois non verrouillée. Il faut dégager soixante centimètres de neige et tailler d’énormes ronciers pour entrer.
À l’intérieur : un petit local à bois qui fera office de nid pour cette nuit. Pas de feu de camp ce soir, les flammes nous manquent, il fait -2°C dans notre refuge. On se pelotonne dans les duvets, dîner simple : riz-saucisson. Deux grosses araignées nous tiennent compagnie. Loin du trois étoiles, mais on a un toit, abrités du vent qui souffle de nouveau.
Aujourd’hui, objectif : franchir le col du Mont Aubrac, 1340 m et l’impression de gravir un 4000 ! Le ciel est toujours noir, le vent cinglant, mais c’est notre dernière grosse montée avant la descente vers Saint-Chély d’Aubrac. Ça motive.
Plus on grimpe, plus le blizzard se renforce. La visibilité tombe à vingt mètres, le décor est fantomatique. Quelques arbres isolés nous offrent un bref répit de temps en temps. Je m’imagine tirer une pulka sur la calotte glaciaire.
Au sommet, pas de pause, pas même une photo. Le froid est trop mordant. On enchaîne direct dans la descente vers le village d’Aubrac. Une fois là-bas, silence total, ambiance de fin du monde. Tout est figé sous la glace, d’énormes stalactites pendent des toits et des pare-chocs de voitures. Heureusement, plus bas, le vent tombe et le ciel s’ouvre. On descend à bon rythme, la neige cède peu à peu sa place au bitume, et c’est sous un rayon de soleil que nous entrons à Saint-Chély. Une libération.
Mais tout est fermé, à part l’office du tourisme et un hôtel. On souffle un peu, on sort la carte et étudions ce qui nous attend. En quittant le village, on retrouve le Camino, via le vieux pont des pèlerins du XIVe siècle, majestueux sous la neige.
Le sentier est bien enneigé, mais les tracteurs ont fait la trace. Un paysan croisé en route nous indique des granges plus loin, peut-être un abri pour la nuit. À Cambrassat, on fouine les recoins du village. Certaines granges sont cadenassées mais finalement, on déniche une maisonnette de pierre avec une vieille porte en bois non verrouillée. Il faut dégager soixante centimètres de neige et tailler d’énormes ronciers pour entrer.
À l’intérieur : un petit local à bois qui fera office de nid pour cette nuit. Pas de feu de camp ce soir, les flammes nous manquent, il fait -2°C dans notre refuge. On se pelotonne dans les duvets, dîner simple : riz-saucisson. Deux grosses araignées nous tiennent compagnie. Loin du trois étoiles, mais on a un toit, abrités du vent qui souffle de nouveau.
27 janvier — Entre Vent et Farçou
-3 °C dans notre petite maisonnette ce matin. Pas chaud chaud ! Difficile de quitter le duvet, surtout sans possibilité de faire du feu. À vrai dire, je préfère encore le confort du bivouac. Pour se réchauffer, on saute sur place, comme à la corde, un classique efficace. Même si, au saut du lit, j’aurais largement préféré un café bien chaud au coin du feu...
Sur le chemin, la neige est toujours bien présente. Les congères formées dans la nuit nous freinent dès les premiers kilomètres, le vent de face nous fouette sans ménagement. À Lestrade, on entame la descente vers la vallée du Lot. Le vent tombe, la température grimpe, et tout change soudainement. Une forêt de châtaigniers nous accueille, le sol couvert de feuilles humides aux teintes chaudes. L’atmosphère devient douce, presque automnale. Après deux semaines de lutte contre une météo féroce, cette accalmie est un vrai soulagement.
Nous atteignons Saint-Côme-d’Olt, joyau médiéval classé parmi les plus beaux villages de France. Rues pavées, maisons anciennes, et au centre, une église du XVe siècle coiffée d’un clocher tors en spirale parfaite : un détail architectural fascinant. On s’arrête à la boulangerie et on découvre les farçous, spécialité aveyronnaise à base de blettes, persil, ail et œufs. Simple et savoureux.
Des habitants nous conseillent d’essayer le couvent pour la nuit. On y va, mais hors saison, tous les hébergements sont fermés. On pousse jusqu’à la partie habitée par les sœurs. Une religieuse âgée nous ouvre, un peu surprise. Elle repart chercher de l’aide et revient avec une autre sœur. Touchantes, mais impuissantes : leur responsable est absente.
On ne s’attarde pas. En ville, une petite supérette nous sauve la mise. La gérante nous trouve un gîte pour la nuit. Il fait déjà nuit noire. On accepte sans hésiter.
-3 °C dans notre petite maisonnette ce matin. Pas chaud chaud ! Difficile de quitter le duvet, surtout sans possibilité de faire du feu. À vrai dire, je préfère encore le confort du bivouac. Pour se réchauffer, on saute sur place, comme à la corde, un classique efficace. Même si, au saut du lit, j’aurais largement préféré un café bien chaud au coin du feu...
Sur le chemin, la neige est toujours bien présente. Les congères formées dans la nuit nous freinent dès les premiers kilomètres, le vent de face nous fouette sans ménagement. À Lestrade, on entame la descente vers la vallée du Lot. Le vent tombe, la température grimpe, et tout change soudainement. Une forêt de châtaigniers nous accueille, le sol couvert de feuilles humides aux teintes chaudes. L’atmosphère devient douce, presque automnale. Après deux semaines de lutte contre une météo féroce, cette accalmie est un vrai soulagement.
Nous atteignons Saint-Côme-d’Olt, joyau médiéval classé parmi les plus beaux villages de France. Rues pavées, maisons anciennes, et au centre, une église du XVe siècle coiffée d’un clocher tors en spirale parfaite : un détail architectural fascinant. On s’arrête à la boulangerie et on découvre les farçous, spécialité aveyronnaise à base de blettes, persil, ail et œufs. Simple et savoureux.
Des habitants nous conseillent d’essayer le couvent pour la nuit. On y va, mais hors saison, tous les hébergements sont fermés. On pousse jusqu’à la partie habitée par les sœurs. Une religieuse âgée nous ouvre, un peu surprise. Elle repart chercher de l’aide et revient avec une autre sœur. Touchantes, mais impuissantes : leur responsable est absente.
On ne s’attarde pas. En ville, une petite supérette nous sauve la mise. La gérante nous trouve un gîte pour la nuit. Il fait déjà nuit noire. On accepte sans hésiter.
28 janvier — Au Cœur du Puech de Vermus
Le sentier nous mène ce matin au Puech de Vermus, un cratère volcanique vieux de 7 millions d’années. Le panorama est superbe : Saint-Côme en contrebas et Espalion de l’autre côté. Les roches basaltiques noires, les entailles profondes, témoignent de la puissance de l’éruption passée. Ce qui rend cet endroit magique, c’est le silence total. Pas de touristes, juste nous et l’histoire. Plus haut, une statue ancienne de la Vierge domine la vallée du Lot, les bras ouverts, fixant l'horizon.
On entame ensuite la descente vers Espalion, ville médiévale où le Lot se fraye un chemin. Le Pont-Vieux, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, relie les deux rives. Nous traversons cette petite ville tranquille, après un passage devant le club de pétanque. On fait le plein dans une épicerie locale, dont le gérant, sympa, nous accorde une réduction. Les habitants sont toujours surpris de voir des pèlerins en cette saison. Faut dire qu’il n’y a pas grand monde, c’est vrai. Pour l’instant, nous n’avons croisé que Michel et Joël, nos copains suisses.
Ce soir, difficile de trouver un endroit discret pour bivouaquer. À 18 h, on choisit un emplacement près du chemin et on monte un demi-tipi. Moins d’espace, certes, mais efficace, et le résultat est plutôt joli, mis à part qu’une partie de nos jambes reste à l’air libre. Pas de feu ce soir. Les températures sont clémentes, mais on garde un poncho à portée de main, au cas où la pluie viendrait perturber la soirée. Ada prépare la popote, et, une fois le repas englouti, on file au lit, épuisés mais motivés pour la suite.
Le sentier nous mène ce matin au Puech de Vermus, un cratère volcanique vieux de 7 millions d’années. Le panorama est superbe : Saint-Côme en contrebas et Espalion de l’autre côté. Les roches basaltiques noires, les entailles profondes, témoignent de la puissance de l’éruption passée. Ce qui rend cet endroit magique, c’est le silence total. Pas de touristes, juste nous et l’histoire. Plus haut, une statue ancienne de la Vierge domine la vallée du Lot, les bras ouverts, fixant l'horizon.
On entame ensuite la descente vers Espalion, ville médiévale où le Lot se fraye un chemin. Le Pont-Vieux, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, relie les deux rives. Nous traversons cette petite ville tranquille, après un passage devant le club de pétanque. On fait le plein dans une épicerie locale, dont le gérant, sympa, nous accorde une réduction. Les habitants sont toujours surpris de voir des pèlerins en cette saison. Faut dire qu’il n’y a pas grand monde, c’est vrai. Pour l’instant, nous n’avons croisé que Michel et Joël, nos copains suisses.
Ce soir, difficile de trouver un endroit discret pour bivouaquer. À 18 h, on choisit un emplacement près du chemin et on monte un demi-tipi. Moins d’espace, certes, mais efficace, et le résultat est plutôt joli, mis à part qu’une partie de nos jambes reste à l’air libre. Pas de feu ce soir. Les températures sont clémentes, mais on garde un poncho à portée de main, au cas où la pluie viendrait perturber la soirée. Ada prépare la popote, et, une fois le repas englouti, on file au lit, épuisés mais motivés pour la suite.
29 janvier — Un Dimanche Chez Mimi
Ce matin, la météo est enfin de notre côté : 3 °C et un grand soleil. Après les épreuves des jours passés, c’est un vrai don du ciel. On se met en route joyeusement vers Estaing, où le château — propriété d’un certain Valéry Giscard d’Estaing — émerge au loin. Le pont de pierre du XVe siècle qui traverse le Lot nous mène au village, avec en son centre une statue de l’évêque François d’Estaing et une croix en fonte, témoins d’un passé chargé d’histoire.
On s’arrête à la boulangerie pour une pause bien méritée, et on dévore quelques empanadas au poulet, assis au soleil. Ce moment de tranquillité est précieux, c’est le premier depuis le départ. Une vraie récompense après tant de jours de lutte. On savoure, les yeux fermés, en repensant à tout ce qu’on a traversé et à la fierté de continuer malgré tout.
La route continue, et l’ascension vers Golinhac commence. On se rapproche de Conques. En chemin, on croise Michel et Joël, accompagnés du fils de Michel. Leur marche s’est arrêtée à Conques, et ils reviennent sur leurs pas pour récupérer leur voiture garée un peu plus loin. Ils nous préviennent : aucun magasin ouvert à Golinhac ni à Conques. Nos provisions sont presque épuisées, et l’eau, qu’on pensait pouvoir recharger en route, se fait rare — tous les robinets sont fermés pour l’hiver. Une nouvelle leçon à retenir.
C’est dimanche, et bien qu’on se soit promis une journée de repos, la quête de nourriture nous pousse à avancer encore. À Fonteille, le premier gîte est fermé, mais Léo, un habitant du village, nous informe que le gîte du Barthas à Campuac est ouvert. On bifurque sur le GR6, et à notre arrivée, Mimi nous accueille chaleureusement. Le gîte, une vieille ferme, est un vrai havre de paix : chaleur du four à bois, friandises sur la table, accueil bienveillant. Elle nous propose le repas, et on ne réfléchit pas longtemps.
À 19 h, on est à table. L’entrée : salade copieuse, saucisson, œufs au plat, vin rouge, pain de campagne. Puis vient un gratin de blettes avec manchons de canard, suivi de délicieux fromages — roquefort, laguiole, saint-nectaire et crotins de brebis. Enfin, le dessert : flan au caramel et un énorme gâteau au chocolat. Un festin digne des plus belles traditions françaises. Chez Mimi, on redécouvre ce qu’on croyait avoir perdu.
Ce matin, la météo est enfin de notre côté : 3 °C et un grand soleil. Après les épreuves des jours passés, c’est un vrai don du ciel. On se met en route joyeusement vers Estaing, où le château — propriété d’un certain Valéry Giscard d’Estaing — émerge au loin. Le pont de pierre du XVe siècle qui traverse le Lot nous mène au village, avec en son centre une statue de l’évêque François d’Estaing et une croix en fonte, témoins d’un passé chargé d’histoire.
On s’arrête à la boulangerie pour une pause bien méritée, et on dévore quelques empanadas au poulet, assis au soleil. Ce moment de tranquillité est précieux, c’est le premier depuis le départ. Une vraie récompense après tant de jours de lutte. On savoure, les yeux fermés, en repensant à tout ce qu’on a traversé et à la fierté de continuer malgré tout.
La route continue, et l’ascension vers Golinhac commence. On se rapproche de Conques. En chemin, on croise Michel et Joël, accompagnés du fils de Michel. Leur marche s’est arrêtée à Conques, et ils reviennent sur leurs pas pour récupérer leur voiture garée un peu plus loin. Ils nous préviennent : aucun magasin ouvert à Golinhac ni à Conques. Nos provisions sont presque épuisées, et l’eau, qu’on pensait pouvoir recharger en route, se fait rare — tous les robinets sont fermés pour l’hiver. Une nouvelle leçon à retenir.
C’est dimanche, et bien qu’on se soit promis une journée de repos, la quête de nourriture nous pousse à avancer encore. À Fonteille, le premier gîte est fermé, mais Léo, un habitant du village, nous informe que le gîte du Barthas à Campuac est ouvert. On bifurque sur le GR6, et à notre arrivée, Mimi nous accueille chaleureusement. Le gîte, une vieille ferme, est un vrai havre de paix : chaleur du four à bois, friandises sur la table, accueil bienveillant. Elle nous propose le repas, et on ne réfléchit pas longtemps.
À 19 h, on est à table. L’entrée : salade copieuse, saucisson, œufs au plat, vin rouge, pain de campagne. Puis vient un gratin de blettes avec manchons de canard, suivi de délicieux fromages — roquefort, laguiole, saint-nectaire et crotins de brebis. Enfin, le dessert : flan au caramel et un énorme gâteau au chocolat. Un festin digne des plus belles traditions françaises. Chez Mimi, on redécouvre ce qu’on croyait avoir perdu.
30 janvier — Un Aligot à Bozouls
Aujourd'hui, Mimi nous propose de l'accompagner à Bozouls pour son rendez-vous chez le coiffeur. Une belle occasion de profiter d’un jour de repos et de découvrir cette commune. Une fois là-bas, on se donne rendez-vous dans un petit troquet et partons explorer le canyon de Bozouls, ou "trou de Bozouls". Ce gouffre immense en forme de fer à cheval, de plus de 100 m de profondeur, est impressionnant. Certaines habitations sont même construites à flanc de falaise.
Après la balade, nous nous arrêtons dans un bistrot local où nous goûtons au célèbre bol d’aligot, un plat typique de l’Aveyron à base de purée de pommes de terre, de tome fraîche, de crème, de beurre et d'ail, que l’on accompagne de vin rouge et de pain de campagne. Un vrai délice...
Découvrir la France profonde à pied, lentement, et à travers un chemin historique est une expérience inoubliable. Nous prenons conscience qu’il n’est pas nécessaire de voyager à l’autre bout du monde pour faire de belles découvertes.
À notre retour à la ferme, nous rencontrons Nico, un jeune pèlerin qui vient de quitter Espalion et démarre son pèlerinage vers Saint-Jacques. Il a un look sympa, une bonne gueule, avec son béret sur la tête. Nous sympathisons aussitôt. Demain matin, il se joint à nous pour la suite de l’aventure.
Aujourd'hui, Mimi nous propose de l'accompagner à Bozouls pour son rendez-vous chez le coiffeur. Une belle occasion de profiter d’un jour de repos et de découvrir cette commune. Une fois là-bas, on se donne rendez-vous dans un petit troquet et partons explorer le canyon de Bozouls, ou "trou de Bozouls". Ce gouffre immense en forme de fer à cheval, de plus de 100 m de profondeur, est impressionnant. Certaines habitations sont même construites à flanc de falaise.
Après la balade, nous nous arrêtons dans un bistrot local où nous goûtons au célèbre bol d’aligot, un plat typique de l’Aveyron à base de purée de pommes de terre, de tome fraîche, de crème, de beurre et d'ail, que l’on accompagne de vin rouge et de pain de campagne. Un vrai délice...
Découvrir la France profonde à pied, lentement, et à travers un chemin historique est une expérience inoubliable. Nous prenons conscience qu’il n’est pas nécessaire de voyager à l’autre bout du monde pour faire de belles découvertes.
À notre retour à la ferme, nous rencontrons Nico, un jeune pèlerin qui vient de quitter Espalion et démarre son pèlerinage vers Saint-Jacques. Il a un look sympa, une bonne gueule, avec son béret sur la tête. Nous sympathisons aussitôt. Demain matin, il se joint à nous pour la suite de l’aventure.
31 janvier — Dans l’Ombre du Moyen Âge
Nous retrouvons rapidement le GR65 près d'Espeyrac, et reprenons la route en compagnie de Nico, notre nouveau compagnon de marche. Il fait beau et nous avançons rapidement sous un soleil éclatant, impatients d’arriver à Conques, l'un des plus beaux villages de France. Nico prévoit de s'arrêter à l'abbaye ce soir, où les moines accueillent les pèlerins tout au long de l'année. Nous décidons de reporter notre bivouac à demain et de vivre cette expérience qui s’annonce intéressante.
Sur le chemin, il n'y a toujours rien d'ouvert, pas un seul magasin. C’est à Sénergues que la chance nous sourit, quand une supérette ambulante apparaît au loin : un petit camion comme à l’époque. Des villageois sont déjà rassemblés avec leur panier, et l’ambiance est bonne. Nous en profitons pour remplir nos sacs de riz, d'œufs frais, de chocolat et de charcuterie pour les jours à venir.
Nous discutons avec deux anciens du village, qui nous évoquent les belles années avec une pointe de nostalgie. Aujourd'hui, les jeunes sont partis pour les villes et les villages se vident peu à peu.
Le village de Conques apparaît dans un décor féerique, baigné par la lumière du coucher du soleil. Les vieilles pierres semblent sortir d'un film médiéval, et nous entrons dans ce village calme par de petites ruelles pavées, désertes. L’atmosphère est magique. L’impression d’arriver sur un plateau de film hollywoodien — il ne manque plus que les chevaux.
À l’abbaye, deux frères nous accueillent chaleureusement dans ce sanctuaire immense et paisible. Ils nous conduisent dans un dortoir où nous passerons la nuit. Ce soir, Nico nous invite à célébrer notre arrivée avec un verre dans un petit troquet du village.
Nous retrouvons rapidement le GR65 près d'Espeyrac, et reprenons la route en compagnie de Nico, notre nouveau compagnon de marche. Il fait beau et nous avançons rapidement sous un soleil éclatant, impatients d’arriver à Conques, l'un des plus beaux villages de France. Nico prévoit de s'arrêter à l'abbaye ce soir, où les moines accueillent les pèlerins tout au long de l'année. Nous décidons de reporter notre bivouac à demain et de vivre cette expérience qui s’annonce intéressante.
Sur le chemin, il n'y a toujours rien d'ouvert, pas un seul magasin. C’est à Sénergues que la chance nous sourit, quand une supérette ambulante apparaît au loin : un petit camion comme à l’époque. Des villageois sont déjà rassemblés avec leur panier, et l’ambiance est bonne. Nous en profitons pour remplir nos sacs de riz, d'œufs frais, de chocolat et de charcuterie pour les jours à venir.
Nous discutons avec deux anciens du village, qui nous évoquent les belles années avec une pointe de nostalgie. Aujourd'hui, les jeunes sont partis pour les villes et les villages se vident peu à peu.
Le village de Conques apparaît dans un décor féerique, baigné par la lumière du coucher du soleil. Les vieilles pierres semblent sortir d'un film médiéval, et nous entrons dans ce village calme par de petites ruelles pavées, désertes. L’atmosphère est magique. L’impression d’arriver sur un plateau de film hollywoodien — il ne manque plus que les chevaux.
À l’abbaye, deux frères nous accueillent chaleureusement dans ce sanctuaire immense et paisible. Ils nous conduisent dans un dortoir où nous passerons la nuit. Ce soir, Nico nous invite à célébrer notre arrivée avec un verre dans un petit troquet du village.