Un hiver en pèlerinage – Partie 1 : Le GR65
Le pèlerinage de Compostelle nous habitait depuis longtemps. Un rêve souvent évoqué. Mais on ne voulait pas le faire à moitié.
En ce début d’année 2023, la décision est prise : on fait nos paquetages — cette fois pour parcourir ce sentier mythique dans son intégralité. Du Puy-en-Velay à Santiago, puis jusqu’à Fisterra, là où la terre se jette dans l’océan.
L’idée est simple : mêler aventure et cheminement intérieur. Dans un monde où tout est maîtrisé, planifié, chronométré… on choisit l’inverse. Laisser de la place à l’inattendu. Essayer de lâcher prise. Faire confiance au chemin, à ce qui viendra.
Pas de chrono. Pas d’impératifs. On prendra le temps qu’il faudra.
Pour corser l’expérience, et lui donner un goût d’expédition, on choisit l’autonomie. Le bivouac, le plus souvent possible. Une longue marche, en plein hiver. Confrontés à la solitude, aux éléments… mais aussi à nous-mêmes.
Le 15 janvier 2023, après une bénédiction intime dans l’immense cathédrale du Puy-en-Velay, nous faisons nos premiers pas. Nous partons en aventuriers, espérant arriver pèlerins.
Environ 1 600 kilomètres à pied, à travers la France et l’Espagne, jusqu’à l’extrémité du continent. Plus de Cent jours de marche, et quelque quatre-vingts nuits passées dehors...
Des mois de lenteur, d’épreuves, d’exil, de rencontres et d’introspection.
Un chemin qui dépasse la marche. Un chemin qui ramène à l’essentiel. À ce qu’on est, vraiment.
En ce début d’année 2023, la décision est prise : on fait nos paquetages — cette fois pour parcourir ce sentier mythique dans son intégralité. Du Puy-en-Velay à Santiago, puis jusqu’à Fisterra, là où la terre se jette dans l’océan.
L’idée est simple : mêler aventure et cheminement intérieur. Dans un monde où tout est maîtrisé, planifié, chronométré… on choisit l’inverse. Laisser de la place à l’inattendu. Essayer de lâcher prise. Faire confiance au chemin, à ce qui viendra.
Pas de chrono. Pas d’impératifs. On prendra le temps qu’il faudra.
Pour corser l’expérience, et lui donner un goût d’expédition, on choisit l’autonomie. Le bivouac, le plus souvent possible. Une longue marche, en plein hiver. Confrontés à la solitude, aux éléments… mais aussi à nous-mêmes.
Le 15 janvier 2023, après une bénédiction intime dans l’immense cathédrale du Puy-en-Velay, nous faisons nos premiers pas. Nous partons en aventuriers, espérant arriver pèlerins.
Environ 1 600 kilomètres à pied, à travers la France et l’Espagne, jusqu’à l’extrémité du continent. Plus de Cent jours de marche, et quelque quatre-vingts nuits passées dehors...
Des mois de lenteur, d’épreuves, d’exil, de rencontres et d’introspection.
Un chemin qui dépasse la marche. Un chemin qui ramène à l’essentiel. À ce qu’on est, vraiment.
Quand : 15/01/2023
Durée : 100 jours
Durée : 100 jours
Mobilité douce
Réalisé en utilisant covoiturage, autostop
Précisions :
Covoiturage de Fréjus au Puy-en-Velay.
205 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : De Nogaro à St-Jean-Pied-de-Port (mise à jour : 02 juin)
Description :
Les Pyrénées pointent à l’horizon, l’Espagne se rapproche. Le Camino Francés nous tend les bras. Mais la météo va nous donner du fil à retordre. Heureusement, de belles rencontres nous donneront la force d’avancer.
Le compte-rendu : De Nogaro à St-Jean-Pied-de-Port (mise à jour : 02 juin)
25 février : Un Nouveau Pas
Ce matin, je tombe sur une haie de bambous au bord du chemin. Après cinq minutes à fouiner dedans, j’en ressors avec la perle : un bambou parfait pour remplacer mes bâtons de rando. Léger, solide, multifonction — et surtout, il servira de mât central pour le tipi. Fini de chercher une branche bien droite chaque soir, souvent galère selon les endroits. Je laisse mes anciens bâtons sur place : peut-être feront-ils le bonheur d’un prochain pèlerin.
Direction Aire-sur-l’Adour, avec une pause à Barcelonne-du-Gers, sur une jolie place ensoleillée. Juste en face, un gîte. On échange un regard avec Ada : l’idée d’une douche chaude nous traverse l’esprit. C’est fermé, mais Florence, certainement la proprio, a laissé un numéro. Un coup de fil, et c’est réglé : elle nous ouvrira à son retour. Pas de bivouac à gérer ce soir, on a tout notre temps pour dégoter une paire de pompes pour Ada.
On file vers la zone industrielle, en dehors du Camino — un sacré détour, mais c’est notre seule chance. Finalement, c’est chez Sport2000 (et non Intersport) qu’on atterrit.
Ada trouve enfin chaussure à son pied : des Adidas Terrex à moitié prix. Je mets aussi la main sur une bâche de sol robuste, de quoi remplacer l’actuelle, rafistolée de partout. Vous auriez dû voir la tête d’Ada quand elle a enfilé ses nouvelles chaussures, avec des chaussettes toutes neuves en prime. Un bonheur simple, après des jours à patauger dans ses vieilles bottes usées.
D'ailleurs, elle décide de les garder, elles auront droit à leur petit rituel : accrochées quelque part sur le Camino.
De retour au gîte, Florence nous accueille. C’est parfait : nous sommes seuls, c’est calme, spacieux, reposant. Toujours cette sensation étrange quand on retrouve un toit : un peu paumés, hagards. Le mal du chemin ?
26 février : Le Goût des Choses Simples
Avant qu’Ada se lève, je file à la boulangerie et prends le temps de dresser une vraie table pour le petit déjeuner. Fruits, pain frais, confiture, œufs brouillés, fromage, pâtisseries… Digne d’un hôtel étoilé. Ce moment, pourtant ordinaire, devient ici un vrai luxe. On savoure lentement, en silence. Après un mois et demi sur les routes, on redécouvre la valeur des choses simples : le plaisir de croquer un fruit juteux, d’étaler du beurre salé sur du bon pain. Tout prend un sens nouveau.
Ce chemin nous apprend à ralentir. Dans la vie de beaucoup de monde, tout va tellement vite. Les repas sont avalés entre deux notifications, les moments de calme parasités. Ce retour à l’essentiel fait du bien. Avancer, manger, dormir. Un rythme presque animal, primitif, mais profondément humain.
À Aire-sur-l’Adour, on pousse la porte de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste. On y allume un cierge, chacun plongé dans ses pensées. En sortant, une femme étrange nous aborde. Visage marqué, clope roulée au coin des lèvres, regard profond. Elle nous parle de son envie de marcher jusqu’à Saint-Jacques. Elle ne pose pas de questions, elle se livre, et nous l’écoutons. Comme si elle avait quelque chose à transmettre.
Ce soir, je teste un nouveau montage pour le tipi. Grâce à une grosse branche au-dessus de nous, pas besoin de mât. J’utilise un petit gland comme point d’ancrage sous le tarp, et je le coince avec un nœud d’alouette. Ensuite, je jette une corde par-dessus la branche, je tire, je tends, et le tipi se dresse. Ce système libère tout l’espace au sol. Couplé à notre nouvelle bâche de sol, c’est clairement notre meilleure config jusqu’ici.
On termine la journée sous les étoiles, heureux comme des gosses.
Ce matin, je tombe sur une haie de bambous au bord du chemin. Après cinq minutes à fouiner dedans, j’en ressors avec la perle : un bambou parfait pour remplacer mes bâtons de rando. Léger, solide, multifonction — et surtout, il servira de mât central pour le tipi. Fini de chercher une branche bien droite chaque soir, souvent galère selon les endroits. Je laisse mes anciens bâtons sur place : peut-être feront-ils le bonheur d’un prochain pèlerin.
Direction Aire-sur-l’Adour, avec une pause à Barcelonne-du-Gers, sur une jolie place ensoleillée. Juste en face, un gîte. On échange un regard avec Ada : l’idée d’une douche chaude nous traverse l’esprit. C’est fermé, mais Florence, certainement la proprio, a laissé un numéro. Un coup de fil, et c’est réglé : elle nous ouvrira à son retour. Pas de bivouac à gérer ce soir, on a tout notre temps pour dégoter une paire de pompes pour Ada.
On file vers la zone industrielle, en dehors du Camino — un sacré détour, mais c’est notre seule chance. Finalement, c’est chez Sport2000 (et non Intersport) qu’on atterrit.
Ada trouve enfin chaussure à son pied : des Adidas Terrex à moitié prix. Je mets aussi la main sur une bâche de sol robuste, de quoi remplacer l’actuelle, rafistolée de partout. Vous auriez dû voir la tête d’Ada quand elle a enfilé ses nouvelles chaussures, avec des chaussettes toutes neuves en prime. Un bonheur simple, après des jours à patauger dans ses vieilles bottes usées.
D'ailleurs, elle décide de les garder, elles auront droit à leur petit rituel : accrochées quelque part sur le Camino.
De retour au gîte, Florence nous accueille. C’est parfait : nous sommes seuls, c’est calme, spacieux, reposant. Toujours cette sensation étrange quand on retrouve un toit : un peu paumés, hagards. Le mal du chemin ?
26 février : Le Goût des Choses Simples
Avant qu’Ada se lève, je file à la boulangerie et prends le temps de dresser une vraie table pour le petit déjeuner. Fruits, pain frais, confiture, œufs brouillés, fromage, pâtisseries… Digne d’un hôtel étoilé. Ce moment, pourtant ordinaire, devient ici un vrai luxe. On savoure lentement, en silence. Après un mois et demi sur les routes, on redécouvre la valeur des choses simples : le plaisir de croquer un fruit juteux, d’étaler du beurre salé sur du bon pain. Tout prend un sens nouveau.
Ce chemin nous apprend à ralentir. Dans la vie de beaucoup de monde, tout va tellement vite. Les repas sont avalés entre deux notifications, les moments de calme parasités. Ce retour à l’essentiel fait du bien. Avancer, manger, dormir. Un rythme presque animal, primitif, mais profondément humain.
À Aire-sur-l’Adour, on pousse la porte de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste. On y allume un cierge, chacun plongé dans ses pensées. En sortant, une femme étrange nous aborde. Visage marqué, clope roulée au coin des lèvres, regard profond. Elle nous parle de son envie de marcher jusqu’à Saint-Jacques. Elle ne pose pas de questions, elle se livre, et nous l’écoutons. Comme si elle avait quelque chose à transmettre.
Ce soir, je teste un nouveau montage pour le tipi. Grâce à une grosse branche au-dessus de nous, pas besoin de mât. J’utilise un petit gland comme point d’ancrage sous le tarp, et je le coince avec un nœud d’alouette. Ensuite, je jette une corde par-dessus la branche, je tire, je tends, et le tipi se dresse. Ce système libère tout l’espace au sol. Couplé à notre nouvelle bâche de sol, c’est clairement notre meilleure config jusqu’ici.
On termine la journée sous les étoiles, heureux comme des gosses.
27 février : L'Envers du Décor
Le froid nous saisit ce matin. On ne s’y attendait pas, encore moins à découvrir le champ saupoudré de neige. L’air mordant annonce clairement l’approche des Pyrénées. On redoute un peu le retour à ces conditions plus rudes, après tout ce qu’on a traversé sur l’Aubrac…
À Miramont-Sensacq, on tombe sur une petite épicerie ambulante : "Chez Mel". Une jeune fille pleine d’énergie, qui perpétue une tradition d’un autre temps. Pain frais, fromages, œufs fermier… un bel étalage de produits locaux. Elle est souriante et nous offre même le café. Elle débute son activité et se prépare à vivre sa première saison estivale. Son projet nous touche. Ces camions faisaient autrefois partie du quotidien ; aujourd’hui, ils tiennent presque du patrimoine vivant.
Un peu plus loin, un éleveur vient à notre rencontre. Un solide gaillard, le genre qu’on imagine avec un couteau à saucisson à la ceinture. Et pourtant… il est végétarien. Éleveur de bovins, il a arrêté de manger de la viande, écœuré par les dérives de l’agro-industrie. Il nous raconte l’envers du décor : comment l’élevage est passé au tout-maïs, tout-soja, OGM, aux rendements à tout prix. Même ses propres bêtes, gavées, sont devenues fragiles, malades — loin des vaches rustiques d’autrefois.
Là, ce n’est plus un documentaire Netflix : c’est du vécu brut, sans filtre. Il évoque aussi les étiquetages trompeurs — ces viandes soi-disant "sans antibiotiques", issues en réalité d’animaux vaccinés, un détail que l’emballage ne précise jamais.
On repart, sonnés, silencieux. Il faut dire que c’est un peu différent quand ce genre de témoignage te tombe dessus, au beau milieu de la France profonde.
Ce soir, on monte le bivouac au bord d’une rivière. C’est toujours agréable d’avoir de l’eau à portée de main.
Le froid nous saisit ce matin. On ne s’y attendait pas, encore moins à découvrir le champ saupoudré de neige. L’air mordant annonce clairement l’approche des Pyrénées. On redoute un peu le retour à ces conditions plus rudes, après tout ce qu’on a traversé sur l’Aubrac…
À Miramont-Sensacq, on tombe sur une petite épicerie ambulante : "Chez Mel". Une jeune fille pleine d’énergie, qui perpétue une tradition d’un autre temps. Pain frais, fromages, œufs fermier… un bel étalage de produits locaux. Elle est souriante et nous offre même le café. Elle débute son activité et se prépare à vivre sa première saison estivale. Son projet nous touche. Ces camions faisaient autrefois partie du quotidien ; aujourd’hui, ils tiennent presque du patrimoine vivant.
Un peu plus loin, un éleveur vient à notre rencontre. Un solide gaillard, le genre qu’on imagine avec un couteau à saucisson à la ceinture. Et pourtant… il est végétarien. Éleveur de bovins, il a arrêté de manger de la viande, écœuré par les dérives de l’agro-industrie. Il nous raconte l’envers du décor : comment l’élevage est passé au tout-maïs, tout-soja, OGM, aux rendements à tout prix. Même ses propres bêtes, gavées, sont devenues fragiles, malades — loin des vaches rustiques d’autrefois.
Là, ce n’est plus un documentaire Netflix : c’est du vécu brut, sans filtre. Il évoque aussi les étiquetages trompeurs — ces viandes soi-disant "sans antibiotiques", issues en réalité d’animaux vaccinés, un détail que l’emballage ne précise jamais.
On repart, sonnés, silencieux. Il faut dire que c’est un peu différent quand ce genre de témoignage te tombe dessus, au beau milieu de la France profonde.
Ce soir, on monte le bivouac au bord d’une rivière. C’est toujours agréable d’avoir de l’eau à portée de main.
28 février : Tarpologie et Crevettes au Coco
Il est deux heures du matin, et le froid me transperce de part en part. On espère toujours qu’il arrive plus tard, quand la nuit est presque pliée. Mais non, cette fois, il attaque tôt. Très tôt.
Heureusement, il y a une technique : faire de l’exercice ! Sortir faire des pompes dans la nuit noire pour se réchauffer… Tentant, non ? À vrai dire, pas du tout. Personnellement, je tente la version moins héroïque : un peu de gainage et quelques abdos dans le duvet, juste assez pour réchauffer la machine sans ruiner mon sommeil. Ça suffit pour grappiller quelques heures jusqu’au lever du soleil. On attend que le mercure grimpe à six degrés avant de sortir du tipi.
Petit déjeuner au fromage de brebis et muesli, puis cap sur Arzacq. Le ciel est dégagé, les Pyrénées se dressent devant nous, nettes, presque irréelles. On s’en approche. Ada trottine joyeusement, regonflée à bloc dans ses nouvelles chaussures et impatiente de rejoindre l’Espagne. On y pense déjà, comme si on y était. Le Camino nous appelle.
Sur la route, un chihuahua surgit de nulle part. Il tente de nous guider vers une maison à grands renforts d’aboiements et de zigzags. On finit par le passer par-dessus une barrière, en espérant que ce soit la bonne adresse — et qu’il ne tombe pas dans la gueule d’un molosse affamé…
On plante le tipi un peu avant Uzan, dans un ancien hangar ouvert sur un champ. Une sorte de dépôt à machines agricoles. Parfait pour tester un nouveau montage de tarp. Je tends la bâche face au vent et improvise des ancrages avec des galets, faute de pouvoir planter des sardines dans le béton. C’est pas mal ! Ce type d’installation pourrait nous être utile plus tard, sur neige, sable ou sol meuble.
Ada, comme à son habitude, nous prépare un festin : ce soir, c’est riz au lait de coco et crevettes. Un repas délicieux, que l’on déguste à la lueur de nos lampes frontales. Comme quoi, le luxe, parfois, tient dans une simple casserole bien remplie.
Il est deux heures du matin, et le froid me transperce de part en part. On espère toujours qu’il arrive plus tard, quand la nuit est presque pliée. Mais non, cette fois, il attaque tôt. Très tôt.
Heureusement, il y a une technique : faire de l’exercice ! Sortir faire des pompes dans la nuit noire pour se réchauffer… Tentant, non ? À vrai dire, pas du tout. Personnellement, je tente la version moins héroïque : un peu de gainage et quelques abdos dans le duvet, juste assez pour réchauffer la machine sans ruiner mon sommeil. Ça suffit pour grappiller quelques heures jusqu’au lever du soleil. On attend que le mercure grimpe à six degrés avant de sortir du tipi.
Petit déjeuner au fromage de brebis et muesli, puis cap sur Arzacq. Le ciel est dégagé, les Pyrénées se dressent devant nous, nettes, presque irréelles. On s’en approche. Ada trottine joyeusement, regonflée à bloc dans ses nouvelles chaussures et impatiente de rejoindre l’Espagne. On y pense déjà, comme si on y était. Le Camino nous appelle.
Sur la route, un chihuahua surgit de nulle part. Il tente de nous guider vers une maison à grands renforts d’aboiements et de zigzags. On finit par le passer par-dessus une barrière, en espérant que ce soit la bonne adresse — et qu’il ne tombe pas dans la gueule d’un molosse affamé…
On plante le tipi un peu avant Uzan, dans un ancien hangar ouvert sur un champ. Une sorte de dépôt à machines agricoles. Parfait pour tester un nouveau montage de tarp. Je tends la bâche face au vent et improvise des ancrages avec des galets, faute de pouvoir planter des sardines dans le béton. C’est pas mal ! Ce type d’installation pourrait nous être utile plus tard, sur neige, sable ou sol meuble.
Ada, comme à son habitude, nous prépare un festin : ce soir, c’est riz au lait de coco et crevettes. Un repas délicieux, que l’on déguste à la lueur de nos lampes frontales. Comme quoi, le luxe, parfois, tient dans une simple casserole bien remplie.
1er mars : Un Matin au Cœur de l’Instant Présent
Le soleil se lève lentement sur un panorama de champs à perte de vue. Voilà pourquoi j’aime vivre dehors : une beauté simple qu’on ne trouve pas en sortant d’un lit douillet, enfermé entre quatre murs.
On revoit notre stratégie pour le petit-déjeuner. Après un mois et demi sur la route, nos réserves de graisses fondent à vue d’œil. On a perdu du poids, beaucoup. Il est temps de se remplumer un peu. Désormais, on n’hésitera plus à acheter des œufs, en prenant soin d’éviter la casse. On les fera au plat ou brouillés, accompagnés de pain beurré — un classique trop souvent abandonné en itinérance, à cause de la logistique.
En traversant le premier village du jour, nous arrivons pile au moment où les cloches de la chapelle résonnent. C’est un enterrement. Tout le monde est vêtu de noir, le village entier est réuni. Les regards se tournent vers nous, comme si notre passage de pèlerins apportait une forme d'espoir, dans ce moment de chagrin. On traverse la foule en silence, un discret signe de tête pour ne pas rompre le silence, puis nous poursuivons notre route.
Le soleil brille aujourd’hui, et il nous invite à faire des pauses. Allongés sur le bord du chemin, les mains derrière la tête, nous laissons la chaleur nous envahir et oublions tout le reste.
Après quelques kilomètres, mon sac devient insupportable. Je lutte contre des douleurs dans les épaules et la nuque, jusqu’à ce que je réalise que la ceinture lombaire ne fait plus son travail. Un simple morceau de plastique la reliant au sac s’est détaché, et me voilà à supporter tout le poids depuis ce matin. Quelle délivrance lorsque je le remets en place.
Dans l’après-midi, Ada commence à se sentir mal. Peut-être la tomme de Savoie qu’on a mangée avec la croûte, par pure gourmandise. Très mauvaise idée... Le trajet tourne à l’épreuve, et le bivouac se fait attendre. Finalement, on trouve un coin de dernière minute derrière une vieille ruine, mais le sol est dur et irrégulier, inconfortable. Heureusement, Ada va un peu mieux et s’effondre dans son duvet, pendant que je prépare une infusion et fais griller un bout de dinde. Exténué, je m’endors aussitôt.
2 mars : Rencontre et Convivialité à Navarrenx
Ce matin, Ada se sent un peu mieux. Elle décide de jeûner pour éviter de nouvelles nausées, une pratique qu’elle maîtrise bien. Notre objectif du jour : rejoindre Navarrenx, où nous prévoyons une pause bien méritée. Avant de partir, je contacte Julie à la paroisse Saint-François, sur les recommandations de Philippe et Dylan, deux pèlerins rencontrés sur le Camino. Elle nous confirme qu’ils nous attendent, et on se demande bien pourquoi Philippe tenait tant à ce qu’on passe.
Le trajet commence par une montée, et nous avançons lentement. Ada, malgré la fatigue et l’estomac vide, marche sans se laisser abattre. Je l’admire pour son courage. Nous faisons une pause à Sauvelade, un village pittoresque où se dresse une abbaye du XIIᵉ siècle dédiée à Saint-Jacques-le-Majeur. En explorant les lieux, nous découvrons un peu plus l’histoire de la région, sa langue occitane et son riche patrimoine.
Revigorés, nous reprenons la route et, sans même nous en rendre compte, atteignons Navarrenx. Une boulangerie à l’entrée de la ville nous offre l’occasion de reprendre des forces. Ada reste fidèle à son jeûne, mais moi, je me régale. À la sortie, une femme nous aborde : Thérèse, une ancienne pèlerine, nous propose spontanément de dîner chez elle et de passer la nuit. Nous déclinons gentiment pour aujourd’hui, ayant déjà réservé à la paroisse, mais nous acceptons avec plaisir pour le lendemain.
Arrivés à la paroisse Saint-François, nous faisons la connaissance de Nacer, Julie et leur petite fille, Siloé. Ils vivent ici et accueillent les pèlerins dans la joie et la bonne humeur. Ils nous invitent à assister à la messe de 18 h, et nous acceptons avec plaisir. La cérémonie est animée et chaleureuse, bien loin des messes traditionnelles : le père Paul-Marie, jeune et dynamique, fait participer l’assemblée, créant une excellente ambiance.
Ce soir, nous partageons un repas délicieux préparé par Nacer. Le père nous rejoint autour d’un verre de vin pour une discussion détendue. Ce qui me frappe le plus, c’est l’ambiance fraternelle qui règne autour de la table. Pas de jugement, peu de questions ; chacun parle s’il le souhaite, et l’on se sent tous égaux, unis simplement par le bonheur de partager ce moment.
3 mars : Repos et Rencontres Enrichissantes à Navarrenx
Ce matin, Ada est encore mal en point. Elle reste au lit, à jeûner le temps qu’il faudra. Le cadre paisible de la paroisse, sans l’effort de la marche ni les tâches du bivouac, devrait l’aider à récupérer.
Je prends un moment pour appeler Thérèse et repousser, une fois de plus, notre repas prévu. Ensuite, je retrouve Nacer pour le café, et nous sommes bientôt rejoints par Julie et la petite Siloé. On discute de tout et de rien, partageant idées et points de vue dans une belle harmonie.
En fin de matinée, Léo arrive. C’est un ami proche de Nacer et Julie, qui a trouvé un équilibre entre la frénésie de la vie parisienne et les retraites qu’il passe ici, à la paroisse. Deux mondes complètement opposés.
Puis c’est Fred qui débarque, accompagné de sa chienne Nala. Un vrai personnage, solide, énergique. Fred a parcouru le Camino à plusieurs reprises, dans toutes les configurations possibles. Après ses nombreux périples, il a choisi de poser ses valises à Navarrenx. Il participe à l’entretien de la paroisse et enchaîne quelques petits boulots à côté.
Je suis sincèrement impressionné par la dynamique de ce lieu. Des gens venus de tous horizons, chacun apportant son énergie, ses idées, ses projets, dans un esprit de fraternité. C'est un endroit vraiment inspirant. Je commence à comprendre pourquoi Philippe nous avait vivement conseillé de nous arrêter ici.
Ce soir, nous faisons la connaissance de Marie, une ancienne professeure qui, elle aussi, vient à la paroisse pour se ressourcer. Elle bricole un peu, retrouve des amis, tout en dénonçant « ce système de malade » qui l’a poussée à quitter l’enseignement.
Nacer, fidèle à sa générosité, nous régale encore une fois : endives braisées, poulet, lentilles… Pour Ada, il a même préparé un bouillon de légumes, afin qu’elle puisse respecter son jeûne.
Ces gens, cette ambiance, tout cela nous fait un bien fou.
4 Mars : Voyages, Réflexions et Soirées Gourmandes
Ce matin, Nacer nous parle de ses voyages, notamment avec les Touaregs, et de la quête intérieure qui l’a poussé à parcourir le monde. Après des années de pérégrinations, il réalise qu’il fuyait surtout sa propre vie. Il raconte comment il a finalement trouvé sa véritable place dans la foi chrétienne, un chemin qui l’a rapproché de Dieu.
Arnaud, un ancien steward devenu choriste, se joint à nous. S’ensuit une improvisation musicale spontanée avec Nacer, puis Marie qui vient compléter ce concert privé, a cappella. Ce moment intime, porté par des chants religieux, est très émouvant.
Dans l’après-midi, je file un coup de main à l’équipe pour vider une pièce encombrée. Ensuite, Léo nous propose un quiz biblique. Je me rends vite compte qu’il est grand temps de réviser un peu mes bases !
Ce soir, Ada et moi nous rendons chez Thérèse et Gérard, à Susmiou. Leur grande maison, avec son portail bleu et son jardin soigné, nous accueille chaleureusement. Thérèse, passionnée par les récits de voyage, nous confie son rêve de réaliser le chemin de Saint-Jacques — un projet mis en pause à cause d’une blessure lors de sa dernière tentative. Gérard, blagueur et amateur de rugby, nous rejoint bientôt, et la soirée s’organise autour d’un festin délicieux : garbure (spécialité locale), risotto aux champignons, magret de canard, assortiment de fromages, puis un gâteau basque, le tout arrosé d’un bon verre d’Armagnac pour clore les victuailles.
On se sent en famille. Une soirée riche de partages, d’histoires et de rires, avant de nous laisser emporter par la fatigue — heureux d’avoir une grande chambre et un immense lit pour la nuit.
5 Mars : Rodéo en 2CV et Moments de Partage
Ce matin, Thérèse et Gérard nous surprennent en nous montrant leur magnifique 2CV de 1980, couleur orange, impeccablement conservée. Ada et moi, passionnés par tout ce qui est ancien, sommes immédiatement sous le charme. Ils nous proposent un tour en fin de journée : génial ! Une virée dans Navarrenx à bord de cette voiture emblématique. Nous sommes aussi impatients que des enfants un soir de réveillon de Noël.
La matinée est consacrée à la messe dominicale. Nacer et Julie sont heureux que nous nous joignions à la cérémonie. L’atmosphère dans l’église est particulièrement intense : elle est bondée, tout le monde est présent, même les jeunes générations. Ce moment me ramène à mes jeunes années, aux concerts dans les églises corses avec mon ami Régis.
Cet après-midi, Ada prend les choses en main : elle prépare le dîner de ce soir, un repas indien pour huit personnes. À 18h, Thérèse et Gérard sont au rendez-vous devant l’église pour notre tour en 2CV. Le trajet est mémorable : une vraie partie de rigolade, un coucher de soleil magnifique, et un clin d’œil à La Grande Vadrouille lorsque Thérèse fait péter les rupteurs en plein milieu de la ville. Nous montons ensuite sur les hauteurs de Navarrenx pour rendre visite à la mère de Gérard, 92 ans et... en pleine forme.
Avant de rentrer, nous faisons un arrêt au cimetière pour nous recueillir sur la tombe de l'abbé Sébastien Ihidoy, une figure de l’église locale. La journée se termine dans une ambiance conviviale autour du délicieux repas qu’Ada a préparé avec amour. Un invité surprise se joint à nous : David, tout jeune, un peu timide, l’air tristounet. Il est accueilli avec chaleur et respect, comme un petit frère. Ici, tout le monde est le bienvenu, quelle que soit son histoire. La prière de Nacer avant le repas et la qualité du plat d’Ada viennent clore cette journée riche en émotions.
6 mars : Ultreïa, Le Cœur Serré
Ce matin, un dilemme se pose : faut-il reprendre la route ? Nous sommes si bien ici, dans ce lieu chaleureux, que l’idée de repartir nous tourmente. Ce foutu sac à dos et l’immensité des kilomètres restants nous pèsent déjà. Il va nous falloir retrouver notre rythme quotidien de marche, de montage et de démontage du bivouac, une routine qui, malgré sa répétition, prend tout son sens dans chaque nouveau décor.
Avant de partir, Marie tient à nous montrer quelques-unes de ses peintures. Chacune d’elles représente des flux d’énergie qu’elle peint avec ses doigts, un geste très personnel, très émotionnel. Ada et elle font un pacte : certaines toiles accompagneront notre voyage et seront déposées sur le chemin, notamment une qui sera laissée à Santiago. Ce moment chargé d’émotion restera gravé dans nos esprits.
Enfin, toute l’équipe se réunit sur le parvis pour une dernière chanson : le chant du pèlerin Ultreïa, que Nacer accompagne à la guitare. Nous voilà repartis, la boule au ventre, les yeux pleins de larmes, après ces quelques jours si riches en émotions. Les premiers kilomètres sont difficiles, on se sent lourds, comme rouillés. À peine dix kilomètres parcourus, et déjà, nous cherchons un endroit pour bivouaquer. On trouve rapidement un terrain correct, après une brève discussion avec un ancien du coin, qui nous parle de ses canards et de sa fille douanière.
La soirée prend une tournure totalement inattendue lorsqu’un tracteur surgit brusquement sur la petite route en contrebas. Un bruit fracassant nous fait bondir comme des lapins : la remorque a basculé, juste en dessous du bivouac, et les bottes de foin sont éparpillées sur la route. Le conducteur, complètement abasourdi par le carnage, ne semble même pas se demander d’où on sort quand on arrive à la rescousse. Un essieu a cédé et la remorque a chaviré dans le fossé — on ne peut rien faire.
Après avoir contacté ses amis pour l’aider, nous assistons, malgré nous, à un dépannage nocturne sous la pleine lune. Nous qui pensions être au calme, ici, au milieu des champs ! Qui l’eût cru ? Une nuit surréaliste, mais qui nous laisse, une fois encore, à réfléchir sur le chemin parcouru… et sur tout ce qu’il reste à vivre.
Le soleil se lève lentement sur un panorama de champs à perte de vue. Voilà pourquoi j’aime vivre dehors : une beauté simple qu’on ne trouve pas en sortant d’un lit douillet, enfermé entre quatre murs.
On revoit notre stratégie pour le petit-déjeuner. Après un mois et demi sur la route, nos réserves de graisses fondent à vue d’œil. On a perdu du poids, beaucoup. Il est temps de se remplumer un peu. Désormais, on n’hésitera plus à acheter des œufs, en prenant soin d’éviter la casse. On les fera au plat ou brouillés, accompagnés de pain beurré — un classique trop souvent abandonné en itinérance, à cause de la logistique.
En traversant le premier village du jour, nous arrivons pile au moment où les cloches de la chapelle résonnent. C’est un enterrement. Tout le monde est vêtu de noir, le village entier est réuni. Les regards se tournent vers nous, comme si notre passage de pèlerins apportait une forme d'espoir, dans ce moment de chagrin. On traverse la foule en silence, un discret signe de tête pour ne pas rompre le silence, puis nous poursuivons notre route.
Le soleil brille aujourd’hui, et il nous invite à faire des pauses. Allongés sur le bord du chemin, les mains derrière la tête, nous laissons la chaleur nous envahir et oublions tout le reste.
Après quelques kilomètres, mon sac devient insupportable. Je lutte contre des douleurs dans les épaules et la nuque, jusqu’à ce que je réalise que la ceinture lombaire ne fait plus son travail. Un simple morceau de plastique la reliant au sac s’est détaché, et me voilà à supporter tout le poids depuis ce matin. Quelle délivrance lorsque je le remets en place.
Dans l’après-midi, Ada commence à se sentir mal. Peut-être la tomme de Savoie qu’on a mangée avec la croûte, par pure gourmandise. Très mauvaise idée... Le trajet tourne à l’épreuve, et le bivouac se fait attendre. Finalement, on trouve un coin de dernière minute derrière une vieille ruine, mais le sol est dur et irrégulier, inconfortable. Heureusement, Ada va un peu mieux et s’effondre dans son duvet, pendant que je prépare une infusion et fais griller un bout de dinde. Exténué, je m’endors aussitôt.
2 mars : Rencontre et Convivialité à Navarrenx
Ce matin, Ada se sent un peu mieux. Elle décide de jeûner pour éviter de nouvelles nausées, une pratique qu’elle maîtrise bien. Notre objectif du jour : rejoindre Navarrenx, où nous prévoyons une pause bien méritée. Avant de partir, je contacte Julie à la paroisse Saint-François, sur les recommandations de Philippe et Dylan, deux pèlerins rencontrés sur le Camino. Elle nous confirme qu’ils nous attendent, et on se demande bien pourquoi Philippe tenait tant à ce qu’on passe.
Le trajet commence par une montée, et nous avançons lentement. Ada, malgré la fatigue et l’estomac vide, marche sans se laisser abattre. Je l’admire pour son courage. Nous faisons une pause à Sauvelade, un village pittoresque où se dresse une abbaye du XIIᵉ siècle dédiée à Saint-Jacques-le-Majeur. En explorant les lieux, nous découvrons un peu plus l’histoire de la région, sa langue occitane et son riche patrimoine.
Revigorés, nous reprenons la route et, sans même nous en rendre compte, atteignons Navarrenx. Une boulangerie à l’entrée de la ville nous offre l’occasion de reprendre des forces. Ada reste fidèle à son jeûne, mais moi, je me régale. À la sortie, une femme nous aborde : Thérèse, une ancienne pèlerine, nous propose spontanément de dîner chez elle et de passer la nuit. Nous déclinons gentiment pour aujourd’hui, ayant déjà réservé à la paroisse, mais nous acceptons avec plaisir pour le lendemain.
Arrivés à la paroisse Saint-François, nous faisons la connaissance de Nacer, Julie et leur petite fille, Siloé. Ils vivent ici et accueillent les pèlerins dans la joie et la bonne humeur. Ils nous invitent à assister à la messe de 18 h, et nous acceptons avec plaisir. La cérémonie est animée et chaleureuse, bien loin des messes traditionnelles : le père Paul-Marie, jeune et dynamique, fait participer l’assemblée, créant une excellente ambiance.
Ce soir, nous partageons un repas délicieux préparé par Nacer. Le père nous rejoint autour d’un verre de vin pour une discussion détendue. Ce qui me frappe le plus, c’est l’ambiance fraternelle qui règne autour de la table. Pas de jugement, peu de questions ; chacun parle s’il le souhaite, et l’on se sent tous égaux, unis simplement par le bonheur de partager ce moment.
3 mars : Repos et Rencontres Enrichissantes à Navarrenx
Ce matin, Ada est encore mal en point. Elle reste au lit, à jeûner le temps qu’il faudra. Le cadre paisible de la paroisse, sans l’effort de la marche ni les tâches du bivouac, devrait l’aider à récupérer.
Je prends un moment pour appeler Thérèse et repousser, une fois de plus, notre repas prévu. Ensuite, je retrouve Nacer pour le café, et nous sommes bientôt rejoints par Julie et la petite Siloé. On discute de tout et de rien, partageant idées et points de vue dans une belle harmonie.
En fin de matinée, Léo arrive. C’est un ami proche de Nacer et Julie, qui a trouvé un équilibre entre la frénésie de la vie parisienne et les retraites qu’il passe ici, à la paroisse. Deux mondes complètement opposés.
Puis c’est Fred qui débarque, accompagné de sa chienne Nala. Un vrai personnage, solide, énergique. Fred a parcouru le Camino à plusieurs reprises, dans toutes les configurations possibles. Après ses nombreux périples, il a choisi de poser ses valises à Navarrenx. Il participe à l’entretien de la paroisse et enchaîne quelques petits boulots à côté.
Je suis sincèrement impressionné par la dynamique de ce lieu. Des gens venus de tous horizons, chacun apportant son énergie, ses idées, ses projets, dans un esprit de fraternité. C'est un endroit vraiment inspirant. Je commence à comprendre pourquoi Philippe nous avait vivement conseillé de nous arrêter ici.
Ce soir, nous faisons la connaissance de Marie, une ancienne professeure qui, elle aussi, vient à la paroisse pour se ressourcer. Elle bricole un peu, retrouve des amis, tout en dénonçant « ce système de malade » qui l’a poussée à quitter l’enseignement.
Nacer, fidèle à sa générosité, nous régale encore une fois : endives braisées, poulet, lentilles… Pour Ada, il a même préparé un bouillon de légumes, afin qu’elle puisse respecter son jeûne.
Ces gens, cette ambiance, tout cela nous fait un bien fou.
4 Mars : Voyages, Réflexions et Soirées Gourmandes
Ce matin, Nacer nous parle de ses voyages, notamment avec les Touaregs, et de la quête intérieure qui l’a poussé à parcourir le monde. Après des années de pérégrinations, il réalise qu’il fuyait surtout sa propre vie. Il raconte comment il a finalement trouvé sa véritable place dans la foi chrétienne, un chemin qui l’a rapproché de Dieu.
Arnaud, un ancien steward devenu choriste, se joint à nous. S’ensuit une improvisation musicale spontanée avec Nacer, puis Marie qui vient compléter ce concert privé, a cappella. Ce moment intime, porté par des chants religieux, est très émouvant.
Dans l’après-midi, je file un coup de main à l’équipe pour vider une pièce encombrée. Ensuite, Léo nous propose un quiz biblique. Je me rends vite compte qu’il est grand temps de réviser un peu mes bases !
Ce soir, Ada et moi nous rendons chez Thérèse et Gérard, à Susmiou. Leur grande maison, avec son portail bleu et son jardin soigné, nous accueille chaleureusement. Thérèse, passionnée par les récits de voyage, nous confie son rêve de réaliser le chemin de Saint-Jacques — un projet mis en pause à cause d’une blessure lors de sa dernière tentative. Gérard, blagueur et amateur de rugby, nous rejoint bientôt, et la soirée s’organise autour d’un festin délicieux : garbure (spécialité locale), risotto aux champignons, magret de canard, assortiment de fromages, puis un gâteau basque, le tout arrosé d’un bon verre d’Armagnac pour clore les victuailles.
On se sent en famille. Une soirée riche de partages, d’histoires et de rires, avant de nous laisser emporter par la fatigue — heureux d’avoir une grande chambre et un immense lit pour la nuit.
5 Mars : Rodéo en 2CV et Moments de Partage
Ce matin, Thérèse et Gérard nous surprennent en nous montrant leur magnifique 2CV de 1980, couleur orange, impeccablement conservée. Ada et moi, passionnés par tout ce qui est ancien, sommes immédiatement sous le charme. Ils nous proposent un tour en fin de journée : génial ! Une virée dans Navarrenx à bord de cette voiture emblématique. Nous sommes aussi impatients que des enfants un soir de réveillon de Noël.
La matinée est consacrée à la messe dominicale. Nacer et Julie sont heureux que nous nous joignions à la cérémonie. L’atmosphère dans l’église est particulièrement intense : elle est bondée, tout le monde est présent, même les jeunes générations. Ce moment me ramène à mes jeunes années, aux concerts dans les églises corses avec mon ami Régis.
Cet après-midi, Ada prend les choses en main : elle prépare le dîner de ce soir, un repas indien pour huit personnes. À 18h, Thérèse et Gérard sont au rendez-vous devant l’église pour notre tour en 2CV. Le trajet est mémorable : une vraie partie de rigolade, un coucher de soleil magnifique, et un clin d’œil à La Grande Vadrouille lorsque Thérèse fait péter les rupteurs en plein milieu de la ville. Nous montons ensuite sur les hauteurs de Navarrenx pour rendre visite à la mère de Gérard, 92 ans et... en pleine forme.
Avant de rentrer, nous faisons un arrêt au cimetière pour nous recueillir sur la tombe de l'abbé Sébastien Ihidoy, une figure de l’église locale. La journée se termine dans une ambiance conviviale autour du délicieux repas qu’Ada a préparé avec amour. Un invité surprise se joint à nous : David, tout jeune, un peu timide, l’air tristounet. Il est accueilli avec chaleur et respect, comme un petit frère. Ici, tout le monde est le bienvenu, quelle que soit son histoire. La prière de Nacer avant le repas et la qualité du plat d’Ada viennent clore cette journée riche en émotions.
6 mars : Ultreïa, Le Cœur Serré
Ce matin, un dilemme se pose : faut-il reprendre la route ? Nous sommes si bien ici, dans ce lieu chaleureux, que l’idée de repartir nous tourmente. Ce foutu sac à dos et l’immensité des kilomètres restants nous pèsent déjà. Il va nous falloir retrouver notre rythme quotidien de marche, de montage et de démontage du bivouac, une routine qui, malgré sa répétition, prend tout son sens dans chaque nouveau décor.
Avant de partir, Marie tient à nous montrer quelques-unes de ses peintures. Chacune d’elles représente des flux d’énergie qu’elle peint avec ses doigts, un geste très personnel, très émotionnel. Ada et elle font un pacte : certaines toiles accompagneront notre voyage et seront déposées sur le chemin, notamment une qui sera laissée à Santiago. Ce moment chargé d’émotion restera gravé dans nos esprits.
Enfin, toute l’équipe se réunit sur le parvis pour une dernière chanson : le chant du pèlerin Ultreïa, que Nacer accompagne à la guitare. Nous voilà repartis, la boule au ventre, les yeux pleins de larmes, après ces quelques jours si riches en émotions. Les premiers kilomètres sont difficiles, on se sent lourds, comme rouillés. À peine dix kilomètres parcourus, et déjà, nous cherchons un endroit pour bivouaquer. On trouve rapidement un terrain correct, après une brève discussion avec un ancien du coin, qui nous parle de ses canards et de sa fille douanière.
La soirée prend une tournure totalement inattendue lorsqu’un tracteur surgit brusquement sur la petite route en contrebas. Un bruit fracassant nous fait bondir comme des lapins : la remorque a basculé, juste en dessous du bivouac, et les bottes de foin sont éparpillées sur la route. Le conducteur, complètement abasourdi par le carnage, ne semble même pas se demander d’où on sort quand on arrive à la rescousse. Un essieu a cédé et la remorque a chaviré dans le fossé — on ne peut rien faire.
Après avoir contacté ses amis pour l’aider, nous assistons, malgré nous, à un dépannage nocturne sous la pleine lune. Nous qui pensions être au calme, ici, au milieu des champs ! Qui l’eût cru ? Une nuit surréaliste, mais qui nous laisse, une fois encore, à réfléchir sur le chemin parcouru… et sur tout ce qu’il reste à vivre.
7 mars : Dans la Brume du Pays Basque
Nous démarrons la journée en compagnie d’un troupeau de vaches. Intriguées par mon bâton de marche, elles nous suivent tranquillement tout le long du champ, comme si nous étions leurs bergers. Puis elles butent contre la barrière qui marque la fin du champ, et restent là, stoïques, à nous regarder nous éloigner.
La traversée du Pays basque est magnifique, avec ses maisons typiques, blanches aux volets rouges, nichées dans des vallées verdoyantes. C’est un paysage calme et presque figé. Toujours aucun pèlerin à l’horizon, seulement des fermiers au travail et quelques troupeaux dispersés dans les champs.
À Aroue, l’espoir de se ravitailler tombe à l’eau : tout est fermé, même la boulangerie. Heureusement, nous avons encore quelques réserves : riz, gratons de canard offerts par Thérèse et Gérard, et un peu de muesli pour la route. Le ciel se charge de nuages noirs — ça sent le roussi ! Un vent de sud-ouest souffle un air lourd et chaud, présage d’une averse imminente.
Et en effet, la pluie s’invite à la fête, juste au moment où nous entamons la montée sur le sentier des contrebandiers. Malgré la météo, le décor est spectaculaire : les montagnes enneigées se dessinent entre deux nuages sombres. Là-haut, une petite chapelle solitaire, Soyarza, se profile dans la brume. C’est ici que nous déposons une des peintures de Marie, choisie par Ada et intitulée : "Les Flux de Joie", glissée délicatement derrière la vitre de la statue de la Vierge. L’endroit serait idéal pour bivouaquer, mais il est trop exposé au vent qui souffle de plus en plus fort.
Après cette pause spirituelle, nous redescendons vers Ostabat. La fatigue et l’humidité commencent à peser, et nous décidons de ne pas entrer dans le village, de peur de perdre trop de temps, on y passera demain matin. Un peu plus loin, nous trouvons un endroit parfait pour bivouaquer : la pluie a cessé, nous sommes à l’abri du vent, et un ruisseau coule tout près. Nous allumons rapidement un feu pour faire sécher nos vêtements trempés. La chaleur des flammes et l’odeur du bois brûlé sont un vrai soulagement.
8 Mars : Le Moulin de la Providence
Le fracas des branches dans le vent nous réveille vers 3 h du matin. Le vent rugit à travers la forêt. Inquiets, nous sortons vérifier que rien ne menace le bivouac. Après avoir observé la direction du vent et la position des arbres, RAS : aucune branche ne risque de tomber sur le tipi. Cependant, le vacarme nous empêche de retrouver le sommeil.
La fatigue se fait sentir ce matin. Il fait déjà 15 degrés, et l’atmosphère reste lourde et humide. Nous ne traînons pas. Un café rapide, puis nous levons le camp. Il n’y a rien à manger et nos estomacs crient famine. Heureusement, Ostabat n’est qu’à deux kilomètres.
Là-bas, une petite épicerie est ouverte. Un rayon de soleil perce enfin les nuages et nous accorde une pause bien méritée. Nous en profitons pour dévorer un peu n’importe quoi et refaire le plein de provisions. Nos achats se résument à l’essentiel : pain, beurre, chocolat, riz et lentilles.
À peine repartis, le soleil disparaît et le vent se lève de nouveau. Il nous frappe de plein fouet. De lourds nuages noirs pointent rapidement le bout de leur nez, et la pluie s’invite encore une fois. Fais chier ! Nous remettons les ponchos et, sous l’averse battante, nous avançons, tête baissée.
La pluie… c’est sans doute l’ennemie numéro un du marcheur. Et pourtant, il y a une sorte de poésie dans ces moments-là. Les odeurs deviennent plus intenses, l’atmosphère est presque inspirante… enfin, jusqu’à ce que la réalité de l’épreuve nous rattrape.
Une petite maisonnette en pierre apparaît. Curieux, nous nous approchons et lisons un message inscrit sur la porte :
"Hola pèlerin !
Toi qui marches depuis ce matin,
Toi qui es trempé sur le chemin,
Toi qui aspires à t’asseoir enfin,
Alors ce lieu de paix est pour toi.
Ouvre la porte et entre en silence,
Pose ton sac, écoute ce silence.
Saint Jacques, céleste gardien,
Veille à ce que tu sois bien.
Et puis, tu reprendras ton chemin…
Tout à l’heure… ou demain matin.
L’accueil, c’est ouvrir sa porte et n’attendre personne.
L’Alchimiste."
Je traduis ce beau message pour Ada, et un sourire éclaire son visage. Quel cadeau inattendu. Certains y verraient un hasard. Mais nous, nous ne croyons pas au hasard. C’est un signe, pour qui sait le reconnaître.
Nous poussons la porte en bois et découvrons un vieux moulin réhabilité en refuge pour pèlerins. L’endroit est magique : une grande table en bois, et au fond, quatre lits superposés avec des matelas confortables et des couvertures. Il y a même un étendoir ! Dans une niche, une croix et une statue de Marie veillent silencieusement.
Il est 14 h. Nous nous effondrons sur les matelas, exténués mais soulagés. L’étape du jour se termine ici. Nous répondons à l’appel de la Providence et décidons de ne pas aller plus loin aujourd’hui. Du thé chaud, un peu de pain beurré, et surtout : le silence. Seul le battement régulier de la pluie sur le toit.
9 Mars - Une Page se Tourne.
Malgré la départementale qui borde le moulin, nous avons bien dormi. Ça fait un bien fou. Avant de repartir, nous prenons soin de noter un petit mot dans le livre d’or et de laisser une bougie neuve sur la table, accompagnée de quelques sachets de thé. Un rituel que nous tenons à perpétuer lors de nos passages en refuge, un petit geste qui fera toujours plaisir au prochain.
Nous ne sommes plus surpris par la météo. Bien que la pluie ne tombe pas, le vent souffle toujours aussi fort. Il fait lourd, humide, l’atmosphère est pesante, mais nous sommes bien décidés à atteindre la fin de notre première partie sur le Camino aujourd’hui.
À Gamarthe, une vente à la ferme propose fromages et yaourts frais, principalement de brebis. Nous faisons le plein et dévorons quelques yaourts devant la ferme — un vrai délice.
Saint-Jean-Pied-de-Port apparaît. Environ 750 km parcourus depuis Le Puy-en-Velay, qui paraît déjà si loin… Après avoir longé les remparts de la citadelle, datant des XIIIe et XIVe siècles, nous entrons par l’une des cinq portes de la ville : la porte Saint-Jacques. Une arche en pierre, classée monument historique, entrée traditionnelle des pèlerins de Compostelle, qui marque la fin de notre aventure sur le sentier français et l’entrée sur le Camino Francés.
Assis sur le trottoir d’une petite ruelle pavée, nous ressentons une étrange sensation, un mélange d’excitation et de mélancolie. Une page se ferme, et une autre s’apprête à s’ouvrir. Qu’est-ce que ce chemin nous réserve ? Différent, c’est certain. Mais jusqu’où ? Quels imprévus nous attendent ? Un tas de questions nous tourmentent, mais une chose est sûre : ce soir, nous dormirons sous les étoiles… ou à l’ombre d’un toit providentiel.
Et demain… serons-nous encore aussi libres qu’aujourd’hui ?
Nous démarrons la journée en compagnie d’un troupeau de vaches. Intriguées par mon bâton de marche, elles nous suivent tranquillement tout le long du champ, comme si nous étions leurs bergers. Puis elles butent contre la barrière qui marque la fin du champ, et restent là, stoïques, à nous regarder nous éloigner.
La traversée du Pays basque est magnifique, avec ses maisons typiques, blanches aux volets rouges, nichées dans des vallées verdoyantes. C’est un paysage calme et presque figé. Toujours aucun pèlerin à l’horizon, seulement des fermiers au travail et quelques troupeaux dispersés dans les champs.
À Aroue, l’espoir de se ravitailler tombe à l’eau : tout est fermé, même la boulangerie. Heureusement, nous avons encore quelques réserves : riz, gratons de canard offerts par Thérèse et Gérard, et un peu de muesli pour la route. Le ciel se charge de nuages noirs — ça sent le roussi ! Un vent de sud-ouest souffle un air lourd et chaud, présage d’une averse imminente.
Et en effet, la pluie s’invite à la fête, juste au moment où nous entamons la montée sur le sentier des contrebandiers. Malgré la météo, le décor est spectaculaire : les montagnes enneigées se dessinent entre deux nuages sombres. Là-haut, une petite chapelle solitaire, Soyarza, se profile dans la brume. C’est ici que nous déposons une des peintures de Marie, choisie par Ada et intitulée : "Les Flux de Joie", glissée délicatement derrière la vitre de la statue de la Vierge. L’endroit serait idéal pour bivouaquer, mais il est trop exposé au vent qui souffle de plus en plus fort.
Après cette pause spirituelle, nous redescendons vers Ostabat. La fatigue et l’humidité commencent à peser, et nous décidons de ne pas entrer dans le village, de peur de perdre trop de temps, on y passera demain matin. Un peu plus loin, nous trouvons un endroit parfait pour bivouaquer : la pluie a cessé, nous sommes à l’abri du vent, et un ruisseau coule tout près. Nous allumons rapidement un feu pour faire sécher nos vêtements trempés. La chaleur des flammes et l’odeur du bois brûlé sont un vrai soulagement.
8 Mars : Le Moulin de la Providence
Le fracas des branches dans le vent nous réveille vers 3 h du matin. Le vent rugit à travers la forêt. Inquiets, nous sortons vérifier que rien ne menace le bivouac. Après avoir observé la direction du vent et la position des arbres, RAS : aucune branche ne risque de tomber sur le tipi. Cependant, le vacarme nous empêche de retrouver le sommeil.
La fatigue se fait sentir ce matin. Il fait déjà 15 degrés, et l’atmosphère reste lourde et humide. Nous ne traînons pas. Un café rapide, puis nous levons le camp. Il n’y a rien à manger et nos estomacs crient famine. Heureusement, Ostabat n’est qu’à deux kilomètres.
Là-bas, une petite épicerie est ouverte. Un rayon de soleil perce enfin les nuages et nous accorde une pause bien méritée. Nous en profitons pour dévorer un peu n’importe quoi et refaire le plein de provisions. Nos achats se résument à l’essentiel : pain, beurre, chocolat, riz et lentilles.
À peine repartis, le soleil disparaît et le vent se lève de nouveau. Il nous frappe de plein fouet. De lourds nuages noirs pointent rapidement le bout de leur nez, et la pluie s’invite encore une fois. Fais chier ! Nous remettons les ponchos et, sous l’averse battante, nous avançons, tête baissée.
La pluie… c’est sans doute l’ennemie numéro un du marcheur. Et pourtant, il y a une sorte de poésie dans ces moments-là. Les odeurs deviennent plus intenses, l’atmosphère est presque inspirante… enfin, jusqu’à ce que la réalité de l’épreuve nous rattrape.
Une petite maisonnette en pierre apparaît. Curieux, nous nous approchons et lisons un message inscrit sur la porte :
"Hola pèlerin !
Toi qui marches depuis ce matin,
Toi qui es trempé sur le chemin,
Toi qui aspires à t’asseoir enfin,
Alors ce lieu de paix est pour toi.
Ouvre la porte et entre en silence,
Pose ton sac, écoute ce silence.
Saint Jacques, céleste gardien,
Veille à ce que tu sois bien.
Et puis, tu reprendras ton chemin…
Tout à l’heure… ou demain matin.
L’accueil, c’est ouvrir sa porte et n’attendre personne.
L’Alchimiste."
Je traduis ce beau message pour Ada, et un sourire éclaire son visage. Quel cadeau inattendu. Certains y verraient un hasard. Mais nous, nous ne croyons pas au hasard. C’est un signe, pour qui sait le reconnaître.
Nous poussons la porte en bois et découvrons un vieux moulin réhabilité en refuge pour pèlerins. L’endroit est magique : une grande table en bois, et au fond, quatre lits superposés avec des matelas confortables et des couvertures. Il y a même un étendoir ! Dans une niche, une croix et une statue de Marie veillent silencieusement.
Il est 14 h. Nous nous effondrons sur les matelas, exténués mais soulagés. L’étape du jour se termine ici. Nous répondons à l’appel de la Providence et décidons de ne pas aller plus loin aujourd’hui. Du thé chaud, un peu de pain beurré, et surtout : le silence. Seul le battement régulier de la pluie sur le toit.
9 Mars - Une Page se Tourne.
Malgré la départementale qui borde le moulin, nous avons bien dormi. Ça fait un bien fou. Avant de repartir, nous prenons soin de noter un petit mot dans le livre d’or et de laisser une bougie neuve sur la table, accompagnée de quelques sachets de thé. Un rituel que nous tenons à perpétuer lors de nos passages en refuge, un petit geste qui fera toujours plaisir au prochain.
Nous ne sommes plus surpris par la météo. Bien que la pluie ne tombe pas, le vent souffle toujours aussi fort. Il fait lourd, humide, l’atmosphère est pesante, mais nous sommes bien décidés à atteindre la fin de notre première partie sur le Camino aujourd’hui.
À Gamarthe, une vente à la ferme propose fromages et yaourts frais, principalement de brebis. Nous faisons le plein et dévorons quelques yaourts devant la ferme — un vrai délice.
Saint-Jean-Pied-de-Port apparaît. Environ 750 km parcourus depuis Le Puy-en-Velay, qui paraît déjà si loin… Après avoir longé les remparts de la citadelle, datant des XIIIe et XIVe siècles, nous entrons par l’une des cinq portes de la ville : la porte Saint-Jacques. Une arche en pierre, classée monument historique, entrée traditionnelle des pèlerins de Compostelle, qui marque la fin de notre aventure sur le sentier français et l’entrée sur le Camino Francés.
Assis sur le trottoir d’une petite ruelle pavée, nous ressentons une étrange sensation, un mélange d’excitation et de mélancolie. Une page se ferme, et une autre s’apprête à s’ouvrir. Qu’est-ce que ce chemin nous réserve ? Différent, c’est certain. Mais jusqu’où ? Quels imprévus nous attendent ? Un tas de questions nous tourmentent, mais une chose est sûre : ce soir, nous dormirons sous les étoiles… ou à l’ombre d’un toit providentiel.
Et demain… serons-nous encore aussi libres qu’aujourd’hui ?