Un hiver en pèlerinage – Partie 1 : Le GR65
Le pèlerinage de Compostelle nous habitait depuis longtemps. Un rêve souvent évoqué. Mais on ne voulait pas le faire à moitié.
En ce début d’année 2023, la décision est prise : on fait nos paquetages — cette fois pour parcourir ce sentier mythique dans son intégralité. Du Puy-en-Velay à Santiago, puis jusqu’à Fisterra, là où la terre se jette dans l’océan.
L’idée est simple : mêler aventure et cheminement intérieur. Dans un monde où tout est maîtrisé, planifié, chronométré… on choisit l’inverse. Laisser de la place à l’inattendu. Essayer de lâcher prise. Faire confiance au chemin, à ce qui viendra.
Pas de chrono. Pas d’impératifs. On prendra le temps qu’il faudra.
Pour corser l’expérience, et lui donner un goût d’expédition, on choisit l’autonomie. Le bivouac, le plus souvent possible. Une longue marche, en plein hiver. Confrontés à la solitude, aux éléments… mais aussi à nous-mêmes.
Le 15 janvier 2023, après une bénédiction intime dans l’immense cathédrale du Puy-en-Velay, nous faisons nos premiers pas. Nous partons en aventuriers, espérant arriver pèlerins.
Environ 1 600 kilomètres à pied, à travers la France et l’Espagne, jusqu’à l’extrémité du continent. Plus de Cent jours de marche, et quelque quatre-vingts nuits passées dehors...
Des mois de lenteur, d’épreuves, d’exil, de rencontres et d’introspection.
Un chemin qui dépasse la marche. Un chemin qui ramène à l’essentiel. À ce qu’on est, vraiment.
En ce début d’année 2023, la décision est prise : on fait nos paquetages — cette fois pour parcourir ce sentier mythique dans son intégralité. Du Puy-en-Velay à Santiago, puis jusqu’à Fisterra, là où la terre se jette dans l’océan.
L’idée est simple : mêler aventure et cheminement intérieur. Dans un monde où tout est maîtrisé, planifié, chronométré… on choisit l’inverse. Laisser de la place à l’inattendu. Essayer de lâcher prise. Faire confiance au chemin, à ce qui viendra.
Pas de chrono. Pas d’impératifs. On prendra le temps qu’il faudra.
Pour corser l’expérience, et lui donner un goût d’expédition, on choisit l’autonomie. Le bivouac, le plus souvent possible. Une longue marche, en plein hiver. Confrontés à la solitude, aux éléments… mais aussi à nous-mêmes.
Le 15 janvier 2023, après une bénédiction intime dans l’immense cathédrale du Puy-en-Velay, nous faisons nos premiers pas. Nous partons en aventuriers, espérant arriver pèlerins.
Environ 1 600 kilomètres à pied, à travers la France et l’Espagne, jusqu’à l’extrémité du continent. Plus de Cent jours de marche, et quelque quatre-vingts nuits passées dehors...
Des mois de lenteur, d’épreuves, d’exil, de rencontres et d’introspection.
Un chemin qui dépasse la marche. Un chemin qui ramène à l’essentiel. À ce qu’on est, vraiment.
Quand : 15/01/2023
Durée : 100 jours
Durée : 100 jours
Mobilité douce
Réalisé en utilisant covoiturage, autostop
Précisions :
Covoiturage de Fréjus au Puy-en-Velay.
205 lecteur(s)
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Vue d'ensemble
Le topo : De Conques à Moissac (mise à jour : 31 mai)
Description :
Alors que la météo s’améliore chaque jour, laissant derrière nous l’Aubrac et ses conditions polaires, nous retrouvons peu à peu notre énergie. Nos bivouacs se perfectionnent, et nos corps comme nos esprits, mis à rude épreuve, s’endurcissent. De belles rencontres et des expériences inédites nous attendent.
Le compte-rendu : De Conques à Moissac (mise à jour : 31 mai)
1er février – Conques, Café Monastique et Tarpologie
Ce matin, la grande salle commune de l’abbaye nous attend : c’est monumental. Une pièce d’un autre temps, où chaque pierre respire le Moyen Âge. La cheminée pourrait contenir un troupeau, la table nourrir un bataillon. Même la miche de pain est démesurée. Deux frères, jeunes et souriants, nous accueillent autour d’un café. Ils ont l’œil vif, l’âme tranquille. L’échange est simple, humain, très décontracté. Nous passons un bon moment à discuter, un instant intime et mémorable. C’est l’avantage de parcourir le chemin en hiver : pas un pèlerin, comme on dit !
Vient l’heure de repartir. 400 mètres de dénivelé positif dès la sortie du village : pas le temps de s’échauffer. Le ciel est bleu, et le soleil cogne. Nous grimpons en t-shirt, ruisselants. Là-haut, nous apercevons l’Aubrac au loin, encore couvert de blanc. Une semaine plus tôt, il nous malmenait sans pitié. Aujourd’hui, il nous salue de loin, mais je ne suis pas mécontent de m’en éloigner.
Les pauses sont de plus en plus régulières désormais. Un banc de pierre, un talus au soleil, un coin d’herbe pour le café. Nos corps s’habituent, s’accordent au rythme du chemin. Vers 15 h, l’appel du bivouac se fait sentir : le besoin de retrouver nos duvets, mais aussi l’excitation de tester un nouveau montage tarp, repéré chez Mimi sur Internet. Objectif : configuration en tipi. La « tarpologie », c’est un peu comme de l’origami pour nomades.
On fouine, on cherche un coin plat et discret. Finalement, on déniche un super spot. On dit au revoir à Nico, qui file vers un gîte à Livinhac, regrettant de ne pas pouvoir bivouaquer avec nous. Nous, on plante le décor : il nous faut tailler un mât d’environ 180 cm pour soutenir le tipi, quelques piquets, de la corde, et la bâche prend forme. Le tipi est dressé. L’intérieur est spacieux, on tient debout en son centre, l’ensemble est tendu comme un tambour. C’est le luxe ultime. Quel dommage de ne pas l’avoir appris plus tôt… Ça aurait été génial dans l’Aubrac sous la neige…
Ce matin, la grande salle commune de l’abbaye nous attend : c’est monumental. Une pièce d’un autre temps, où chaque pierre respire le Moyen Âge. La cheminée pourrait contenir un troupeau, la table nourrir un bataillon. Même la miche de pain est démesurée. Deux frères, jeunes et souriants, nous accueillent autour d’un café. Ils ont l’œil vif, l’âme tranquille. L’échange est simple, humain, très décontracté. Nous passons un bon moment à discuter, un instant intime et mémorable. C’est l’avantage de parcourir le chemin en hiver : pas un pèlerin, comme on dit !
Vient l’heure de repartir. 400 mètres de dénivelé positif dès la sortie du village : pas le temps de s’échauffer. Le ciel est bleu, et le soleil cogne. Nous grimpons en t-shirt, ruisselants. Là-haut, nous apercevons l’Aubrac au loin, encore couvert de blanc. Une semaine plus tôt, il nous malmenait sans pitié. Aujourd’hui, il nous salue de loin, mais je ne suis pas mécontent de m’en éloigner.
Les pauses sont de plus en plus régulières désormais. Un banc de pierre, un talus au soleil, un coin d’herbe pour le café. Nos corps s’habituent, s’accordent au rythme du chemin. Vers 15 h, l’appel du bivouac se fait sentir : le besoin de retrouver nos duvets, mais aussi l’excitation de tester un nouveau montage tarp, repéré chez Mimi sur Internet. Objectif : configuration en tipi. La « tarpologie », c’est un peu comme de l’origami pour nomades.
On fouine, on cherche un coin plat et discret. Finalement, on déniche un super spot. On dit au revoir à Nico, qui file vers un gîte à Livinhac, regrettant de ne pas pouvoir bivouaquer avec nous. Nous, on plante le décor : il nous faut tailler un mât d’environ 180 cm pour soutenir le tipi, quelques piquets, de la corde, et la bâche prend forme. Le tipi est dressé. L’intérieur est spacieux, on tient debout en son centre, l’ensemble est tendu comme un tambour. C’est le luxe ultime. Quel dommage de ne pas l’avoir appris plus tôt… Ça aurait été génial dans l’Aubrac sous la neige…
2 février – Ravitaillement et Bain de Fumée
La brume nous enveloppe ce matin. Le thermomètre affiche -2 °C, mais sous le tipi, la nuit a été bonne. Surtout, plus de condensation : un gros plus par rapport à nos précédents montages. Et puis l’espace, le confort, la solidité…
Vers 9 h, le soleil perce enfin, et nous entamons la descente vers Livinhac. Les jambes sont plus sûres, plus légères. Après plus de deux semaines de marche, nos corps changent. Ils se renforcent, s’affûtent, malgré notre diète joyeusement anarchique : gras, fromage, chocolat et charcuterie font bon ménage avec les kilomètres.
Pour une fois, nous arrivons au village à l’heure où tout est encore ouvert. Miracle ! À la boucherie : saucisson et rosette. À la supérette : riz, bouillons, épices, et quelques douceurs indispensables. Petit-déjeuner sur la place du village, au soleil : bananes, pain aux noix. Le luxe, à notre échelle.
L’après-midi nous mène à travers de grandes plaines silencieuses. Quelques fermes, des vaches, rien de plus. À Montredon, nous faisons halte dans le jardin de l’ancien presbytère. Mais nos jambes, elles, accusent le coup de l’étape costaude de la veille. Alors ce soir, pas de folie : on jette l’ancre avant Saint-Félix, à la lisière d’un bois.
Nous retrouvons les flammes, et la fumée devient notre alliée : le linge est suspendu sur une faîtière, on embaume nos vêtements. Désodorisant et antiseptique naturel — notre machine à laver de bivouac. Même nos pieds prennent ce bain de fumée agréable. Le rituel est simple, rustique, et presque sacré.
3 février – Figeac, la Soif et l’Hospitalité Inattendue
Vers 14 h, on pose les pieds à Figeac. Grosse bourgade, berceau de Champollion, l’homme qui a craqué le code des hiéroglyphes. On se sent presque hors sujet dans ce décor urbain. Depuis Le Puy, que des patelins tranquilles ; là, d’un coup : voitures, bruit, passage piéton… c’est pénible. On se sent un peu paumés, comme deux loups sortis du bois.
Un sandwich vite avalé et on repart, avec en bonus une grosse miche de pain bien croustillante. Grillée au feu de bois ce soir, avec beurre et ail… franchement, y’a débat ?
Sauf qu’on a zappé un détail : l’eau. Et comme souvent, quand on veut économiser du poids, on finit à sec. La bouche en carton, plus un mot, on avance, à l’affût d’un point d’eau. Même une flaque serait la bienvenue. Et bingo : une dame dans son jardin. On la supplie de nous donner de l’eau comme si c’était de l’or. Elle nous fait entrer, nous indique le robinet, et nous observe descendre nos gourdes d’une traite, complètement assoiffés. Elle rit, et nous faisons enfin les présentations.
Le courant passe direct avec Josiane, et nous sommes très vite à l’aise. Elle nous demande où on dort ce soir. On lui explique notre démarche : le bivouac, l’autonomie, l’aventure. Elle semble intriguée, touchée, et nous propose de rester. D’abord surpris, nous acceptons sans hésiter...
Paul, son mari, est dans le garage et nous lui rendons visite. On sympathise vite, tout paraît simple. C’est comme si nous rendions visite à la famille.
La maison est incroyable. Bio-écologique, super bien pensée. Grande véranda plein sud, lumière partout, vue incroyable sur l’Aveyron. Un petit coin de paradis. Josiane nous prépare des crêpes au manioc, crème de marron, et un Cahors 2011 que Paul débouche pour l’occasion. Il est passionné de montagne, pratique l’alpinisme, et nous partage quelques grandes voies. On parle voyages, sommets, choix de vie. On refait le monde jusqu’à 1 h du matin.
Une de ces rencontres qu’on n’oublie pas.
4 février – Manioc, Apéro à Faycelle, et Caselle
Ce matin, on met du temps à décoller. Trop bien dormi, trop bien reçus. La table du petit déj’ est prête quand on descend : fruits, gâteaux, confiture maison... Le genre de petit festin qui te cloue sur place. Josiane nous glisse un kilo de farine de manioc dans le sac avant qu’on parte. Avec ça, on va se faire des crêpes de bivouac cinq étoiles.
On accompagne Paul au village, à deux pas de la maison. Faycelles, pour être honnête, c’est le plus beau village après Conques : perché sur sa falaise, avec une vue imprenable sur la vallée du Lot et du Célé. On grimpe les ruelles jusqu’à un petit bistrot moitié comptoir, moitié brocante. Il est 11 h, l’ambiance est déjà bien chaude. J’offre la tournée pour m’incruster discrètement dans le décor.
Ada farfouille dans les bacs et ressort avec un vinyle de musique folklorique polonaise. Le patron, gentleman, lui file gratos et nous le passe illico sur la platine. On se retrouve là, à trinquer, un matin de février, sur fond d’accordéon polonais… improbable, mais magique.
Il faut bien repartir. On dit au revoir à Paul, le cœur un peu serré. Cette escale nous aura rechargés à bloc. On repart légers, portés par cette énergie nouvelle, et on entre dans les Causses du Quercy. Nous découvrons les premières caselles, petites cabanes en pierre, utilisées autrefois comme abri ou pour les animaux. Puis, plus loin, un dolmen : celui du Pech Laglaire, vieux témoin d’un temps encore bien plus ancien.
On s’arrête à quelques kilomètres de Cajarc pour le bivouac. On garde la ville pour lundi, afin de faire le plein de gaz et quelques courses. Demain, c’est dimanche, jour off. Bien mérité.
Seul hic ce soir : mon matelas me lâche. Déjà bien rafistolé, il vient d’exploser de l’intérieur, gonflé comme un vieux ballon de baudruche. Heureusement qu’il fait doux, et puis, il me reste mon matelas de sol.
La brume nous enveloppe ce matin. Le thermomètre affiche -2 °C, mais sous le tipi, la nuit a été bonne. Surtout, plus de condensation : un gros plus par rapport à nos précédents montages. Et puis l’espace, le confort, la solidité…
Vers 9 h, le soleil perce enfin, et nous entamons la descente vers Livinhac. Les jambes sont plus sûres, plus légères. Après plus de deux semaines de marche, nos corps changent. Ils se renforcent, s’affûtent, malgré notre diète joyeusement anarchique : gras, fromage, chocolat et charcuterie font bon ménage avec les kilomètres.
Pour une fois, nous arrivons au village à l’heure où tout est encore ouvert. Miracle ! À la boucherie : saucisson et rosette. À la supérette : riz, bouillons, épices, et quelques douceurs indispensables. Petit-déjeuner sur la place du village, au soleil : bananes, pain aux noix. Le luxe, à notre échelle.
L’après-midi nous mène à travers de grandes plaines silencieuses. Quelques fermes, des vaches, rien de plus. À Montredon, nous faisons halte dans le jardin de l’ancien presbytère. Mais nos jambes, elles, accusent le coup de l’étape costaude de la veille. Alors ce soir, pas de folie : on jette l’ancre avant Saint-Félix, à la lisière d’un bois.
Nous retrouvons les flammes, et la fumée devient notre alliée : le linge est suspendu sur une faîtière, on embaume nos vêtements. Désodorisant et antiseptique naturel — notre machine à laver de bivouac. Même nos pieds prennent ce bain de fumée agréable. Le rituel est simple, rustique, et presque sacré.
3 février – Figeac, la Soif et l’Hospitalité Inattendue
Vers 14 h, on pose les pieds à Figeac. Grosse bourgade, berceau de Champollion, l’homme qui a craqué le code des hiéroglyphes. On se sent presque hors sujet dans ce décor urbain. Depuis Le Puy, que des patelins tranquilles ; là, d’un coup : voitures, bruit, passage piéton… c’est pénible. On se sent un peu paumés, comme deux loups sortis du bois.
Un sandwich vite avalé et on repart, avec en bonus une grosse miche de pain bien croustillante. Grillée au feu de bois ce soir, avec beurre et ail… franchement, y’a débat ?
Sauf qu’on a zappé un détail : l’eau. Et comme souvent, quand on veut économiser du poids, on finit à sec. La bouche en carton, plus un mot, on avance, à l’affût d’un point d’eau. Même une flaque serait la bienvenue. Et bingo : une dame dans son jardin. On la supplie de nous donner de l’eau comme si c’était de l’or. Elle nous fait entrer, nous indique le robinet, et nous observe descendre nos gourdes d’une traite, complètement assoiffés. Elle rit, et nous faisons enfin les présentations.
Le courant passe direct avec Josiane, et nous sommes très vite à l’aise. Elle nous demande où on dort ce soir. On lui explique notre démarche : le bivouac, l’autonomie, l’aventure. Elle semble intriguée, touchée, et nous propose de rester. D’abord surpris, nous acceptons sans hésiter...
Paul, son mari, est dans le garage et nous lui rendons visite. On sympathise vite, tout paraît simple. C’est comme si nous rendions visite à la famille.
La maison est incroyable. Bio-écologique, super bien pensée. Grande véranda plein sud, lumière partout, vue incroyable sur l’Aveyron. Un petit coin de paradis. Josiane nous prépare des crêpes au manioc, crème de marron, et un Cahors 2011 que Paul débouche pour l’occasion. Il est passionné de montagne, pratique l’alpinisme, et nous partage quelques grandes voies. On parle voyages, sommets, choix de vie. On refait le monde jusqu’à 1 h du matin.
Une de ces rencontres qu’on n’oublie pas.
4 février – Manioc, Apéro à Faycelle, et Caselle
Ce matin, on met du temps à décoller. Trop bien dormi, trop bien reçus. La table du petit déj’ est prête quand on descend : fruits, gâteaux, confiture maison... Le genre de petit festin qui te cloue sur place. Josiane nous glisse un kilo de farine de manioc dans le sac avant qu’on parte. Avec ça, on va se faire des crêpes de bivouac cinq étoiles.
On accompagne Paul au village, à deux pas de la maison. Faycelles, pour être honnête, c’est le plus beau village après Conques : perché sur sa falaise, avec une vue imprenable sur la vallée du Lot et du Célé. On grimpe les ruelles jusqu’à un petit bistrot moitié comptoir, moitié brocante. Il est 11 h, l’ambiance est déjà bien chaude. J’offre la tournée pour m’incruster discrètement dans le décor.
Ada farfouille dans les bacs et ressort avec un vinyle de musique folklorique polonaise. Le patron, gentleman, lui file gratos et nous le passe illico sur la platine. On se retrouve là, à trinquer, un matin de février, sur fond d’accordéon polonais… improbable, mais magique.
Il faut bien repartir. On dit au revoir à Paul, le cœur un peu serré. Cette escale nous aura rechargés à bloc. On repart légers, portés par cette énergie nouvelle, et on entre dans les Causses du Quercy. Nous découvrons les premières caselles, petites cabanes en pierre, utilisées autrefois comme abri ou pour les animaux. Puis, plus loin, un dolmen : celui du Pech Laglaire, vieux témoin d’un temps encore bien plus ancien.
On s’arrête à quelques kilomètres de Cajarc pour le bivouac. On garde la ville pour lundi, afin de faire le plein de gaz et quelques courses. Demain, c’est dimanche, jour off. Bien mérité.
Seul hic ce soir : mon matelas me lâche. Déjà bien rafistolé, il vient d’exploser de l’intérieur, gonflé comme un vieux ballon de baudruche. Heureusement qu’il fait doux, et puis, il me reste mon matelas de sol.
5 février – Repos, Silence et Bivouac Réussi
1°C ce matin, et malgré mon matelas hors service, je n’ai pas eu froid. Le petit matelas de sol suffit, dormir à même le sol ne me dérange pas. J’ai fait pas mal de voyages sans rien. Faut juste s’habituer à dormir sur le dos. Impossible autrement, c’est trop dur. Mais finalement, je dors mieux comme ça. On dit que c’est bon pour le sommeil, surtout sur du dur… enfin là, c’est vraiment raide !
Jour off aujourd’hui, mais "repos" est un grand mot. Se chauffer, se nourrir, ça demande bien plus qu’un clic sur une plaque électrique. Je pars chercher du bois dans une chênaie dense. Le bois est très dur, très parfumé… mais surtout bien humide. Je suis obligé de le débiter en petites sections pour accéder à du sec. Ada démarre le feu pendant que je file au point d’eau repéré hier. C’est de l’eau stagnante, donc combo filtre + ébullition. Le filtre "BeFree" fait le job mais s’encrasse vite, surtout avec cette eau. Le "Sawyer" que j’avais avant, certes plus lent, mais peut-être plus fiable sur la durée.
À midi, place au festin : Ada nous prépare des galettes de manioc au feu de bois. Croustillantes, moelleuses, beurrées, et saupoudrées de cassonade… un régal. L’après-midi file doucement, entre atelier couture et bricolage. Mes fringues montrent des faiblesses, je recouds quelques trous. De son côté, Ada tente de sauver ses chaussures. La semelle se décolle, elle y bourre toute sa colle, mais on le sent : elles ne verront probablement pas Compostelle, et finiront en pot de fleurs sur le bord du sentier… une fin honorable.
Le feu crépite doucement, on se laisse porter. Le calme, la forêt, juste nous deux et ce bivouac très réussi.
1°C ce matin, et malgré mon matelas hors service, je n’ai pas eu froid. Le petit matelas de sol suffit, dormir à même le sol ne me dérange pas. J’ai fait pas mal de voyages sans rien. Faut juste s’habituer à dormir sur le dos. Impossible autrement, c’est trop dur. Mais finalement, je dors mieux comme ça. On dit que c’est bon pour le sommeil, surtout sur du dur… enfin là, c’est vraiment raide !
Jour off aujourd’hui, mais "repos" est un grand mot. Se chauffer, se nourrir, ça demande bien plus qu’un clic sur une plaque électrique. Je pars chercher du bois dans une chênaie dense. Le bois est très dur, très parfumé… mais surtout bien humide. Je suis obligé de le débiter en petites sections pour accéder à du sec. Ada démarre le feu pendant que je file au point d’eau repéré hier. C’est de l’eau stagnante, donc combo filtre + ébullition. Le filtre "BeFree" fait le job mais s’encrasse vite, surtout avec cette eau. Le "Sawyer" que j’avais avant, certes plus lent, mais peut-être plus fiable sur la durée.
À midi, place au festin : Ada nous prépare des galettes de manioc au feu de bois. Croustillantes, moelleuses, beurrées, et saupoudrées de cassonade… un régal. L’après-midi file doucement, entre atelier couture et bricolage. Mes fringues montrent des faiblesses, je recouds quelques trous. De son côté, Ada tente de sauver ses chaussures. La semelle se décolle, elle y bourre toute sa colle, mais on le sent : elles ne verront probablement pas Compostelle, et finiront en pot de fleurs sur le bord du sentier… une fin honorable.
Le feu crépite doucement, on se laisse porter. Le calme, la forêt, juste nous deux et ce bivouac très réussi.
6 février – Clair de Lune et Caselle Enchantée
La pleine lune a illuminé la forêt toute la nuit. Une vraie lanterne céleste. C’est fou ce qu’elle peut déclencher : les animaux étaient bien plus agités, les oiseaux surexcités dès l’aube. Toute la forêt vibrait d’une énergie étrange, presque électrique. On a très mal dormi, du coup.
Comme souvent, il nous faut deux bonnes heures entre le lever et le départ. Une routine s’est doucement mise en place : chacun connaît son rôle, les gestes sont précis, presque rituels. On prend le temps pour le café, dans le silence, à observer les arbres, les ombres, les bruits. Cette vie nomade a quelque chose de profondément ancien. On redéploie des instincts, des réflexes enfouis. Un retour aux fondamentaux, là où le corps sait faire, sans qu’on lui demande.
Retour à la réalité à Cajarc. On atterrit doucement, par une tourte aux légumes et deux chaussons aux pommes avalés sur la place. Le monde moderne a ses bons côtés, on ne va pas se mentir. On en profite pour recharger les sacoches : un kilo de riz pour tenir quatre repas, quelques oignons, de l’ail, du pain, de la tomme de Savoie, du chocolat, et 500 g de fruits secs répartis dans nos poches. Voilà le set-up qui fonctionne bien et qui nous tient quelques jours.
Et puis, en bifurquant du chemin principal, on tombe sur une petite merveille : une caselle recouverte de mousse, sortie d’un conte. Le sol est recouvert de feuilles, c’est parfait. On la nettoie un peu, en dégageant quelques pierres, puis on s’installe confortablement à l’intérieur. On est comme deux gamins : on retrouve ces sensations de jouer, d’explorer, de rigoler.
Je teste mon mini réchaud à bois pliable, juste à l’entrée, histoire de ne pas trop enfumer l’intérieur. C’est pas mal, mais il faut l’alimenter en permanence pour que ça tienne. Mais ça fait le job.
La pleine lune a illuminé la forêt toute la nuit. Une vraie lanterne céleste. C’est fou ce qu’elle peut déclencher : les animaux étaient bien plus agités, les oiseaux surexcités dès l’aube. Toute la forêt vibrait d’une énergie étrange, presque électrique. On a très mal dormi, du coup.
Comme souvent, il nous faut deux bonnes heures entre le lever et le départ. Une routine s’est doucement mise en place : chacun connaît son rôle, les gestes sont précis, presque rituels. On prend le temps pour le café, dans le silence, à observer les arbres, les ombres, les bruits. Cette vie nomade a quelque chose de profondément ancien. On redéploie des instincts, des réflexes enfouis. Un retour aux fondamentaux, là où le corps sait faire, sans qu’on lui demande.
Retour à la réalité à Cajarc. On atterrit doucement, par une tourte aux légumes et deux chaussons aux pommes avalés sur la place. Le monde moderne a ses bons côtés, on ne va pas se mentir. On en profite pour recharger les sacoches : un kilo de riz pour tenir quatre repas, quelques oignons, de l’ail, du pain, de la tomme de Savoie, du chocolat, et 500 g de fruits secs répartis dans nos poches. Voilà le set-up qui fonctionne bien et qui nous tient quelques jours.
Et puis, en bifurquant du chemin principal, on tombe sur une petite merveille : une caselle recouverte de mousse, sortie d’un conte. Le sol est recouvert de feuilles, c’est parfait. On la nettoie un peu, en dégageant quelques pierres, puis on s’installe confortablement à l’intérieur. On est comme deux gamins : on retrouve ces sensations de jouer, d’explorer, de rigoler.
Je teste mon mini réchaud à bois pliable, juste à l’entrée, histoire de ne pas trop enfumer l’intérieur. C’est pas mal, mais il faut l’alimenter en permanence pour que ça tienne. Mais ça fait le job.
7 Février – Pluie Fine et Tripous à Limogne
Ce matin, nous partons sous une pluie légère, presque douce. Rien de bien dérangeant tant qu’elle ne s’intensifie pas. À Limogne-en-Quercy, nous marquons une petite halte dans un troquet pour recharger la lampe frontale d’Ada. La tenancière nous recommande la boucherie du coin, célèbre pour ses tripous, que nous allons découvrir. Après un petit coup de rouge, nous filons goûter cette spécialité régionale à base de tripes de veau. C’est surprenant, mais délicieux. Et comme on ne fait jamais les choses à moitié, on ressort de là avec un saucisson sec, de la poitrine fumée et un peu de beurre de la maison.
La pluie s’est arrêtée, et on reprend la route sur un sentier magnifiquement bordé de murets en pierre sèche. Nous sommes sur le "circuit des cabanes", un endroit où des dizaines de petites caselles en pierre jalonnent le paysage. C’est un véritable musée à ciel ouvert, avec des dolmens, des lavoirs, des fontaines et d’autres vestiges qui témoignent d’une époque révolue. Chaque pas sur ce chemin nous ramène à la simplicité de la nature et à l’ingéniosité des anciens.
On arrive ensuite à Bach, un village presque désert. La seule âme qui nous accueille est une vieille dame, toute gentille, qui nous recharge nos gourdes. C’est déjà l’heure de penser à la soirée, et nous nous assurons de repartir avec assez d’eau pour ne pas être à court en arrivant au bivouac. Avec nos 4 litres de réserve, on est tranquilles : au moins deux bouillons chauds, la cuisson du riz, des infusions et, bien sûr, le café du matin… sans oublier un filet pour la vaisselle.
Les jambes sont en béton maintenant, les kilomètres se digèrent plus facilement. Nous avons fait plus de 25 km sans trop d’effort. Et pour couronner le tout, nous trouvons un coin parfait sur une petite colline, avec une vue imprenable sur la pleine lune — qui, j’espère, va nous épargner une nuit les yeux ouverts.
Ce matin, nous partons sous une pluie légère, presque douce. Rien de bien dérangeant tant qu’elle ne s’intensifie pas. À Limogne-en-Quercy, nous marquons une petite halte dans un troquet pour recharger la lampe frontale d’Ada. La tenancière nous recommande la boucherie du coin, célèbre pour ses tripous, que nous allons découvrir. Après un petit coup de rouge, nous filons goûter cette spécialité régionale à base de tripes de veau. C’est surprenant, mais délicieux. Et comme on ne fait jamais les choses à moitié, on ressort de là avec un saucisson sec, de la poitrine fumée et un peu de beurre de la maison.
La pluie s’est arrêtée, et on reprend la route sur un sentier magnifiquement bordé de murets en pierre sèche. Nous sommes sur le "circuit des cabanes", un endroit où des dizaines de petites caselles en pierre jalonnent le paysage. C’est un véritable musée à ciel ouvert, avec des dolmens, des lavoirs, des fontaines et d’autres vestiges qui témoignent d’une époque révolue. Chaque pas sur ce chemin nous ramène à la simplicité de la nature et à l’ingéniosité des anciens.
On arrive ensuite à Bach, un village presque désert. La seule âme qui nous accueille est une vieille dame, toute gentille, qui nous recharge nos gourdes. C’est déjà l’heure de penser à la soirée, et nous nous assurons de repartir avec assez d’eau pour ne pas être à court en arrivant au bivouac. Avec nos 4 litres de réserve, on est tranquilles : au moins deux bouillons chauds, la cuisson du riz, des infusions et, bien sûr, le café du matin… sans oublier un filet pour la vaisselle.
Les jambes sont en béton maintenant, les kilomètres se digèrent plus facilement. Nous avons fait plus de 25 km sans trop d’effort. Et pour couronner le tout, nous trouvons un coin parfait sur une petite colline, avec une vue imprenable sur la pleine lune — qui, j’espère, va nous épargner une nuit les yeux ouverts.
8 Février – Nuit Glaciale et Poitrine Fumée Sous les Etoiles
La nuit a été rude. Vers 3 h du matin, un frisson glacial me réveille : je suis gelé. En allumant la frontale, je découvre avec horreur que le tarp est couvert de givre. Le thermomètre affiche -6 °C. Voilà qui explique bien des choses. Mon isolation précaire n’a pas résisté, et le froid m’a transpercé de part en part. Je lutte pour rentrer dans mon sursac avec mon duvet, puis j’enchaîne une série de crunchs dans l’espoir de me réchauffer. Ça finit par marcher : un peu de chaleur revient, et je parviens à me rendormir, juste avant le lever du jour.
On sort la tête du sac vers 9 h 30. Complètement épuisés, on est surpris par la chute des températures. Heureusement, le soleil est là pour nous accueillir et réchauffer l’atmosphère. Les degrés remontent rapidement, et on en profite pour étendre nos affaires trempées par la rosée. Un bon café, et malgré la nuit difficile, le mental prend le relais. Ce n’est qu’à 11 h que nous reprenons la route, prêts à avaler une vingtaine de kilomètres jusqu’à Cahors.
En chemin, une petite pause au lavoir du village nous permet de nous rafraîchir. Je prends le temps de nettoyer ma barbe, qui s’épaissit, ainsi que mes pieds. Un vrai rituel d’hygiène qu’on n’oublie jamais, même après une grosse journée. Le quotidien en plein air a ses exigences, et les lingettes bébé sont devenues nos alliées : une pour les pieds, une pour les parties sensibles, une pour les aisselles. Après cette toilette express, enfiler des vêtements secs procure une sensation de bien-être intense — presque comme après une vraie douche.
On croise quelques chasseurs : l’ambiance est détendue, loin de l’image du chasseur bourru et solitaire. Un peu avant Cahors, on tombe sur une maisonnette en pierre au bord du chemin. Le propriétaire y a laissé un message de bienvenue pour les pèlerins. L’endroit est simple mais chaleureux, avec quelques bancs et un coin pour s’asseoir, mais pas de place pour s’allonger. Plus loin, une autre maisonnette nous attire. Elle est plus grande, ouverte elle aussi, et c’est là que nous décidons de passer la nuit. On a tout l’espace nécessaire pour installer nos duvets.
Ada crée une ambiance tamisée avec quelques bougies pendant que je m’occupe du feu dehors. Le bois est abondant ici, bien sec et facile à casser. En 30 minutes, j’ai de quoi alimenter le feu pour toute la soirée. Ce soir, c’est poitrine fumée à la broche : un vrai régal. La chaleur des flammes, leur crépitement, une bonne bouffe... Voilà le bonheur simple du bivouac.
9 Février – Cahors, un Break Bien Méritée
On aperçoit Cahors en contrebas depuis le sentier. La vue est splendide : la vieille ville se distingue nettement du centre moderne, et plus loin, le pont Valentré enjambe le Lot. Ce magnifique pont fortifié du XIVe siècle, avec ses six arches majestueuses et ses trois tours de guet, est un chef-d'œuvre médiéval, témoin de l’histoire défensive de la ville.
L’entrée dans la ville nous donne une fois de plus cette sensation étrange d’hommes des cavernes. Un peu paumés, on déambule sur un grand boulevard sans trop savoir quoi faire. Puis, une délicieuse odeur de pain chaud nous attire. Voilà ce qu’il y a de mieux à faire : dévaliser une boulangerie ! On s’installe sur la grande place centrale, savourant un casse-dalle et quelques pâtisseries. Le soleil brille, et on observe les gens autour de nous. La plupart sont bien habillés, soignés, parfumés, à la mode… la ville. Mais leurs regards sont souvent bienveillants, parfois accompagnés d’un sourire ou d’un « bonjour ». Ils sont habitués aux pèlerins. Nos tenues dépareillées et nos allures de sauvages ne semblent pas vraiment les déranger.
Notre quête de gaz nous ramène à la réalité. On arpente la ville à la recherche de cartouches, et faisons une pause dans une cordonnerie où un couple adorable nous accueille. Passionnés par le cuir depuis plus de 30 ans, ils tiennent un magnifique magasin en plein centre. Curieux de notre périple hivernal, on échange longuement avec eux. Avant notre départ, ils nous glissent quelques douceurs : chocolat, galettes bretonnes, et un gros paquet de Pom’Potes. Un petit geste qui nous touche profondément.
Le souci des cartouches de gaz persiste. Mon brûleur a un filetage spécifique, et je commence à réaliser que les cartouches à valve sont bien plus répandues, mais pas compatibles. Nico m’avait parlé d’un adaptateur… Il va falloir sérieusement y penser.
Après avoir arpenté la ville, la nuit tombe et la fatigue nous écrase comme une enclume. L’idée de ressortir de Cahors et de chercher un coin pour dormir ne nous enchante pas. Et puis, un camion à pizza nous fait de l’œil… juste à côté, un petit hôtel. Allez. Ce soir, on reste là.
11 Février – Réflexions en Quercy Blanc
Cette journée de repos à Cahors nous a permis de faire le point. Nous avons commandé un adaptateur pour cartouches universelles, qui devrait arriver à Moissac le 14. J’ai à peu près calculé qu'on devrait y être pour le 14, afin de pouvoir continuer d’avancer. En attendant, nous comptons sur le feu pour cuisiner et avons quelques combustibles solides en réserve.
Nous avons aussi fait quelques courses dans des magasins de déstockage : super glue, bougies, piles, et autres petites bricoles pour notre kit de dépannage. Après avoir acheté quelques produits locaux, nous traversons le pont Valentré, magnifiquement préservé, pour reprendre le Camino.
Le chemin grimpe rapidement et le soleil brille. Nous entrons dans le Quercy blanc, une région vallonnée aux roches calcaires blanches. À Labastide-Marnhac, tout est fermé, mais un homme fumant sa clope devant chez lui nous engage dans une discussion. Il nous parle de son expérience en tant qu’hôte pour les pèlerins. Il a cessé d’offrir le gîte après avoir constaté que certains pèlerins devenaient de plus en plus exigeants et irrespectueux, ce qui l’a poussé à tout arrêter. Tiens, ça me rappelle une conversation similaire. Le comportement des pèlerins semble changer, mais il reconnaît aussi que les gîtes commerciaux, en période estivale, offrent des hébergements chers et un accueil moins chaleureux.
Cela me fait réaliser la chance que nous avons de marcher en hiver. Certes, les conditions étaient rudes au départ, mais nous vivons une aventure plus intime et calme, mieux connectée à la nature. Je repense à notre bénédiction à la cathédrale du Puy-en-Velay, à l’hospitalité des gîtes, et à celle de Josiane et Paul.
Plus nous nous détachons du monde, plus chaque rencontre devient significative, comme une petite bénédiction de la Providence. L’aventure continue, et ce soir, une nouvelle mésaventure : j’ai percé le tarp avec le mât central et cassé la lame de mon Mora en coupant du chêne. Je bricole comme je peux, mais la lame ne fera plus que trancher du saucisson.
12 Février – Plaid, Chiens Enragés et Nouvelle Rencontre
Réveil en sursaut à 7h : des chiens aboient dans les bois, les chasseurs sont de sortie. Pour éviter toute mauvaise surprise, j’allume un feu avec du bois un peu humide – la fumée épaisse suffit à signaler notre présence. Elle plane entre les arbres, créant une ambiance presque surnaturelle.
La nuit fut bonne. Nos plaids en laine, trouvés à Cahors, s’avèrent être un excellent achat : légers, un peu encombrants certes, mais d’une efficacité redoutable. Enroulé comme une crêpe avec la doudoune par-dessus, je ressens un vrai gain de chaleur. Et le contact avec le matelas de sol devient moins raide. Ce genre de solution simple, un peu oubliée à l’ère du matériel dernier cri, me rappelle que parfois, les vieilles méthodes sont les meilleures.
Sur le chemin, nous croisons Philippe et Dylane, deux pèlerins marchant en sens inverse. Ils terminent un aller-retour entre Le Puy et Saint-Jean-Pied-de-Port. Philippe travaille avec des jeunes en difficulté, qu’il accompagne en randonnée pour leur faire vivre l’aventure et le dépassement de soi. On échange longuement au soleil avant de reprendre nos routes.
À Lascabanes, première fontaine ouverte depuis un bon moment – un vrai soulagement ! On s’arrête ensuite dans la chapelle Saint-Jean-le-Froid, simple mais accueillante, avec toilettes sèches et point d’eau. Un lieu où le pèlerin peut même passer la nuit. Mais nous préférons avancer un peu plus loin, histoire de bivouaquer près de Montcuq et pouvoir nous ravitailler dès demain matin.
La nuit a été rude. Vers 3 h du matin, un frisson glacial me réveille : je suis gelé. En allumant la frontale, je découvre avec horreur que le tarp est couvert de givre. Le thermomètre affiche -6 °C. Voilà qui explique bien des choses. Mon isolation précaire n’a pas résisté, et le froid m’a transpercé de part en part. Je lutte pour rentrer dans mon sursac avec mon duvet, puis j’enchaîne une série de crunchs dans l’espoir de me réchauffer. Ça finit par marcher : un peu de chaleur revient, et je parviens à me rendormir, juste avant le lever du jour.
On sort la tête du sac vers 9 h 30. Complètement épuisés, on est surpris par la chute des températures. Heureusement, le soleil est là pour nous accueillir et réchauffer l’atmosphère. Les degrés remontent rapidement, et on en profite pour étendre nos affaires trempées par la rosée. Un bon café, et malgré la nuit difficile, le mental prend le relais. Ce n’est qu’à 11 h que nous reprenons la route, prêts à avaler une vingtaine de kilomètres jusqu’à Cahors.
En chemin, une petite pause au lavoir du village nous permet de nous rafraîchir. Je prends le temps de nettoyer ma barbe, qui s’épaissit, ainsi que mes pieds. Un vrai rituel d’hygiène qu’on n’oublie jamais, même après une grosse journée. Le quotidien en plein air a ses exigences, et les lingettes bébé sont devenues nos alliées : une pour les pieds, une pour les parties sensibles, une pour les aisselles. Après cette toilette express, enfiler des vêtements secs procure une sensation de bien-être intense — presque comme après une vraie douche.
On croise quelques chasseurs : l’ambiance est détendue, loin de l’image du chasseur bourru et solitaire. Un peu avant Cahors, on tombe sur une maisonnette en pierre au bord du chemin. Le propriétaire y a laissé un message de bienvenue pour les pèlerins. L’endroit est simple mais chaleureux, avec quelques bancs et un coin pour s’asseoir, mais pas de place pour s’allonger. Plus loin, une autre maisonnette nous attire. Elle est plus grande, ouverte elle aussi, et c’est là que nous décidons de passer la nuit. On a tout l’espace nécessaire pour installer nos duvets.
Ada crée une ambiance tamisée avec quelques bougies pendant que je m’occupe du feu dehors. Le bois est abondant ici, bien sec et facile à casser. En 30 minutes, j’ai de quoi alimenter le feu pour toute la soirée. Ce soir, c’est poitrine fumée à la broche : un vrai régal. La chaleur des flammes, leur crépitement, une bonne bouffe... Voilà le bonheur simple du bivouac.
9 Février – Cahors, un Break Bien Méritée
On aperçoit Cahors en contrebas depuis le sentier. La vue est splendide : la vieille ville se distingue nettement du centre moderne, et plus loin, le pont Valentré enjambe le Lot. Ce magnifique pont fortifié du XIVe siècle, avec ses six arches majestueuses et ses trois tours de guet, est un chef-d'œuvre médiéval, témoin de l’histoire défensive de la ville.
L’entrée dans la ville nous donne une fois de plus cette sensation étrange d’hommes des cavernes. Un peu paumés, on déambule sur un grand boulevard sans trop savoir quoi faire. Puis, une délicieuse odeur de pain chaud nous attire. Voilà ce qu’il y a de mieux à faire : dévaliser une boulangerie ! On s’installe sur la grande place centrale, savourant un casse-dalle et quelques pâtisseries. Le soleil brille, et on observe les gens autour de nous. La plupart sont bien habillés, soignés, parfumés, à la mode… la ville. Mais leurs regards sont souvent bienveillants, parfois accompagnés d’un sourire ou d’un « bonjour ». Ils sont habitués aux pèlerins. Nos tenues dépareillées et nos allures de sauvages ne semblent pas vraiment les déranger.
Notre quête de gaz nous ramène à la réalité. On arpente la ville à la recherche de cartouches, et faisons une pause dans une cordonnerie où un couple adorable nous accueille. Passionnés par le cuir depuis plus de 30 ans, ils tiennent un magnifique magasin en plein centre. Curieux de notre périple hivernal, on échange longuement avec eux. Avant notre départ, ils nous glissent quelques douceurs : chocolat, galettes bretonnes, et un gros paquet de Pom’Potes. Un petit geste qui nous touche profondément.
Le souci des cartouches de gaz persiste. Mon brûleur a un filetage spécifique, et je commence à réaliser que les cartouches à valve sont bien plus répandues, mais pas compatibles. Nico m’avait parlé d’un adaptateur… Il va falloir sérieusement y penser.
Après avoir arpenté la ville, la nuit tombe et la fatigue nous écrase comme une enclume. L’idée de ressortir de Cahors et de chercher un coin pour dormir ne nous enchante pas. Et puis, un camion à pizza nous fait de l’œil… juste à côté, un petit hôtel. Allez. Ce soir, on reste là.
11 Février – Réflexions en Quercy Blanc
Cette journée de repos à Cahors nous a permis de faire le point. Nous avons commandé un adaptateur pour cartouches universelles, qui devrait arriver à Moissac le 14. J’ai à peu près calculé qu'on devrait y être pour le 14, afin de pouvoir continuer d’avancer. En attendant, nous comptons sur le feu pour cuisiner et avons quelques combustibles solides en réserve.
Nous avons aussi fait quelques courses dans des magasins de déstockage : super glue, bougies, piles, et autres petites bricoles pour notre kit de dépannage. Après avoir acheté quelques produits locaux, nous traversons le pont Valentré, magnifiquement préservé, pour reprendre le Camino.
Le chemin grimpe rapidement et le soleil brille. Nous entrons dans le Quercy blanc, une région vallonnée aux roches calcaires blanches. À Labastide-Marnhac, tout est fermé, mais un homme fumant sa clope devant chez lui nous engage dans une discussion. Il nous parle de son expérience en tant qu’hôte pour les pèlerins. Il a cessé d’offrir le gîte après avoir constaté que certains pèlerins devenaient de plus en plus exigeants et irrespectueux, ce qui l’a poussé à tout arrêter. Tiens, ça me rappelle une conversation similaire. Le comportement des pèlerins semble changer, mais il reconnaît aussi que les gîtes commerciaux, en période estivale, offrent des hébergements chers et un accueil moins chaleureux.
Cela me fait réaliser la chance que nous avons de marcher en hiver. Certes, les conditions étaient rudes au départ, mais nous vivons une aventure plus intime et calme, mieux connectée à la nature. Je repense à notre bénédiction à la cathédrale du Puy-en-Velay, à l’hospitalité des gîtes, et à celle de Josiane et Paul.
Plus nous nous détachons du monde, plus chaque rencontre devient significative, comme une petite bénédiction de la Providence. L’aventure continue, et ce soir, une nouvelle mésaventure : j’ai percé le tarp avec le mât central et cassé la lame de mon Mora en coupant du chêne. Je bricole comme je peux, mais la lame ne fera plus que trancher du saucisson.
12 Février – Plaid, Chiens Enragés et Nouvelle Rencontre
Réveil en sursaut à 7h : des chiens aboient dans les bois, les chasseurs sont de sortie. Pour éviter toute mauvaise surprise, j’allume un feu avec du bois un peu humide – la fumée épaisse suffit à signaler notre présence. Elle plane entre les arbres, créant une ambiance presque surnaturelle.
La nuit fut bonne. Nos plaids en laine, trouvés à Cahors, s’avèrent être un excellent achat : légers, un peu encombrants certes, mais d’une efficacité redoutable. Enroulé comme une crêpe avec la doudoune par-dessus, je ressens un vrai gain de chaleur. Et le contact avec le matelas de sol devient moins raide. Ce genre de solution simple, un peu oubliée à l’ère du matériel dernier cri, me rappelle que parfois, les vieilles méthodes sont les meilleures.
Sur le chemin, nous croisons Philippe et Dylane, deux pèlerins marchant en sens inverse. Ils terminent un aller-retour entre Le Puy et Saint-Jean-Pied-de-Port. Philippe travaille avec des jeunes en difficulté, qu’il accompagne en randonnée pour leur faire vivre l’aventure et le dépassement de soi. On échange longuement au soleil avant de reprendre nos routes.
À Lascabanes, première fontaine ouverte depuis un bon moment – un vrai soulagement ! On s’arrête ensuite dans la chapelle Saint-Jean-le-Froid, simple mais accueillante, avec toilettes sèches et point d’eau. Un lieu où le pèlerin peut même passer la nuit. Mais nous préférons avancer un peu plus loin, histoire de bivouaquer près de Montcuq et pouvoir nous ravitailler dès demain matin.
13 Février – Montcuq, Chasseurs et Chapelle Mystique
Nous atteignons Montcuq vers 10h. Charmant petit bourg dominé par un donjon du XIIᵉ siècle. Une supérette ouverte nous tend les bras, avec un gérant sympa et des produits locaux. Il nous offre le café et des yaourts liégeois que l’on déguste au soleil, assis devant son magasin.
Sur la route vers Lauzerte, nous tombons sur un vieux chasseur en faction, fusil cassé sur l’épaule. Il nous parle du climat comme d’un vieux compagnon devenu méconnaissable : en 60 ans, les pluies ont chuté de 40 %, des lacs ont disparu, et le soleil tape plus fort que jamais. Travailler les champs en été est devenu insupportable. Encore une preuve tangible d’un changement climatique désormais impossible à ignorer.
Lauzerte se dessine au sommet d’une colline. Cité médiévale splendide, classée parmi les plus beaux villages de France. Quelques habitants viennent à notre rencontre, chaleureux, intrigués par notre aventure hivernale. L’un d’eux nous parle de la chapelle Saint-Sernin du Bosc, du XIIᵉ siècle. Elle est à 4 km de là, et nous devrions pouvoir y passer la nuit. Parfait.
En sortant du sous-bois, la chapelle apparaît, veillée par un petit cimetière. À l’intérieur : juste un autel, une croix, et un silence impressionnant. On s’installe, un peu intimidés. Ada allume quelques bougies – l’ambiance devient mystique. Mon duvet est posé au pied de l’autel : je ne pensais pas m’y reposer avant ma mort…
Nous décidons de faire un feu à proximité de la chapelle pour cuisiner, mais le bois est trempé, et sans couteau, je galère à le démarrer. Après une longue bataille, les flammes finissent par s’élever. Entre les ombres de la chapelle et les tombes, un sentiment étrange nous enveloppe… mais quelle nuit pourrait être plus paisible que celle passée au cœur d’un sanctuaire ?
Nous atteignons Montcuq vers 10h. Charmant petit bourg dominé par un donjon du XIIᵉ siècle. Une supérette ouverte nous tend les bras, avec un gérant sympa et des produits locaux. Il nous offre le café et des yaourts liégeois que l’on déguste au soleil, assis devant son magasin.
Sur la route vers Lauzerte, nous tombons sur un vieux chasseur en faction, fusil cassé sur l’épaule. Il nous parle du climat comme d’un vieux compagnon devenu méconnaissable : en 60 ans, les pluies ont chuté de 40 %, des lacs ont disparu, et le soleil tape plus fort que jamais. Travailler les champs en été est devenu insupportable. Encore une preuve tangible d’un changement climatique désormais impossible à ignorer.
Lauzerte se dessine au sommet d’une colline. Cité médiévale splendide, classée parmi les plus beaux villages de France. Quelques habitants viennent à notre rencontre, chaleureux, intrigués par notre aventure hivernale. L’un d’eux nous parle de la chapelle Saint-Sernin du Bosc, du XIIᵉ siècle. Elle est à 4 km de là, et nous devrions pouvoir y passer la nuit. Parfait.
En sortant du sous-bois, la chapelle apparaît, veillée par un petit cimetière. À l’intérieur : juste un autel, une croix, et un silence impressionnant. On s’installe, un peu intimidés. Ada allume quelques bougies – l’ambiance devient mystique. Mon duvet est posé au pied de l’autel : je ne pensais pas m’y reposer avant ma mort…
Nous décidons de faire un feu à proximité de la chapelle pour cuisiner, mais le bois est trempé, et sans couteau, je galère à le démarrer. Après une longue bataille, les flammes finissent par s’élever. Entre les ombres de la chapelle et les tombes, un sentiment étrange nous enveloppe… mais quelle nuit pourrait être plus paisible que celle passée au cœur d’un sanctuaire ?
14 Février – Migraine, Ricard et Bivouac Parfait
Pendant la nuit, ma tête a glissé hors de l’isolation, et le sol glacé m’a figé jusqu’aux os. Une migraine terrible m’écrase ; je sors du duvet en flottant entre douleur et résignation. Chaque mouvement est une épreuve, mais je retrouve peu à peu un semblant de mobilité.
Pas de feu ce matin. Trop fatigués pour lutter avec du bois humide. On se contente d’un brin de toilette au point d’eau du cimetière, puis on repart en grignotant du muesli en guise de petit-déjeuner. En silence, je médite. Pourquoi s’infliger ce supplice ? Peut-être pour se sentir vivant. Pour se rappeler que rien n’est jamais acquis. C’est aussi ça, un pèlerinage : une marche vers l’essentiel, exposée à la fatigue, au froid, à soi-même.
À 12h30, le moral remonte enfin au relais Saint-Jacques de Durfort-Lacapelette. Au comptoir, on fait la connaissance d’Henry, toujours au Ricard. Il nous offre une tournée, puis une autre. Papotage, cacahuètes, saucisson : le bar, toujours fidèle, soigne mieux qu’un médecin. On repart avec le sourire, les douleurs presque envolées.
On vise la chapelle Notre-Dame d’Espis pour passer la nuit, mais elle est fermée. Demi-tour. Une forêt repérée plus tôt devient notre plan B. Pas facile de s’y frayer un chemin sans machette, mais après une bonne heure de recherches, on déniche un spot parfait : plat, discret, du bois sec à volonté, et un coucher de soleil filtrant entre les arbres. L’endroit idéal, presque trop beau pour être vrai. Chaque bivouac est une surprise, chaque soir une nouvelle aventure – pas besoin d’aller au bout du monde.
15 Février – Moissac, Ravito et Remise en Selle
La nuit fut douce, 5 °C au réveil. J’ai mis un temps fou à trouver la bonne config pour dormir, oscillant entre trop couvert et pas assez. Finalement, sans doudoune ni chaussettes, j’ai trouvé le bon équilibre. Chaque jour nous force à ajuster notre routine — l’adaptation, c’est le cœur du chemin. Et des nuits comme celle-ci, réparatrices, nous redonnent du jus pour continuer.
À Moissac, c’est jour de corvées. Un Lidl providentiel nous permet de refaire le plein. On connaît maintenant nos classiques : de quoi nourrir nos sacs sans les alourdir, et surtout, de quoi se faire plaisir sur place — fruits juteux, yaourts, viennoiseries… tout ce qui manque cruellement en bivouac.
Deuxième mission : récupérer le fameux adaptateur, celui qui nous permettra d’utiliser les cartouches Easy Clic. Livraison calée pile comme prévu : le Graal nous attend dans un tabac. Ce petit bout de métal va simplifier notre quotidien. Adieu les galères de gaz.
On enchaîne avec une visite inspirante de l’abbaye Saint-Pierre. Portail sculpté, cloître magnifiquement orné, scènes bibliques… Un lieu chargé d’histoire.
Puis retour à la logistique : il me faut un nouveau couteau. Un gars du coin nous oriente vers un magasin de chasse. Bingo, j’y retrouve le Mora que j’avais cassé. Même modèle, c’est parfait — à condition de ne pas rejouer au bûcheron...
Dernier point sur la liste : une cartouche de gaz. Maintenant beaucoup plus simple grâce à l’adaptateur. Un supermarché local nous sauve la mise. Ce soir, on testera le combo brûleur/adaptateur sur le camp. Si tout fonctionne, on retrouve un certain confort. Le Camino, c’est aussi ça : apprendre à se réjouir d’un petit objet de métal et d’un repas chaud facile.
Pendant la nuit, ma tête a glissé hors de l’isolation, et le sol glacé m’a figé jusqu’aux os. Une migraine terrible m’écrase ; je sors du duvet en flottant entre douleur et résignation. Chaque mouvement est une épreuve, mais je retrouve peu à peu un semblant de mobilité.
Pas de feu ce matin. Trop fatigués pour lutter avec du bois humide. On se contente d’un brin de toilette au point d’eau du cimetière, puis on repart en grignotant du muesli en guise de petit-déjeuner. En silence, je médite. Pourquoi s’infliger ce supplice ? Peut-être pour se sentir vivant. Pour se rappeler que rien n’est jamais acquis. C’est aussi ça, un pèlerinage : une marche vers l’essentiel, exposée à la fatigue, au froid, à soi-même.
À 12h30, le moral remonte enfin au relais Saint-Jacques de Durfort-Lacapelette. Au comptoir, on fait la connaissance d’Henry, toujours au Ricard. Il nous offre une tournée, puis une autre. Papotage, cacahuètes, saucisson : le bar, toujours fidèle, soigne mieux qu’un médecin. On repart avec le sourire, les douleurs presque envolées.
On vise la chapelle Notre-Dame d’Espis pour passer la nuit, mais elle est fermée. Demi-tour. Une forêt repérée plus tôt devient notre plan B. Pas facile de s’y frayer un chemin sans machette, mais après une bonne heure de recherches, on déniche un spot parfait : plat, discret, du bois sec à volonté, et un coucher de soleil filtrant entre les arbres. L’endroit idéal, presque trop beau pour être vrai. Chaque bivouac est une surprise, chaque soir une nouvelle aventure – pas besoin d’aller au bout du monde.
15 Février – Moissac, Ravito et Remise en Selle
La nuit fut douce, 5 °C au réveil. J’ai mis un temps fou à trouver la bonne config pour dormir, oscillant entre trop couvert et pas assez. Finalement, sans doudoune ni chaussettes, j’ai trouvé le bon équilibre. Chaque jour nous force à ajuster notre routine — l’adaptation, c’est le cœur du chemin. Et des nuits comme celle-ci, réparatrices, nous redonnent du jus pour continuer.
À Moissac, c’est jour de corvées. Un Lidl providentiel nous permet de refaire le plein. On connaît maintenant nos classiques : de quoi nourrir nos sacs sans les alourdir, et surtout, de quoi se faire plaisir sur place — fruits juteux, yaourts, viennoiseries… tout ce qui manque cruellement en bivouac.
Deuxième mission : récupérer le fameux adaptateur, celui qui nous permettra d’utiliser les cartouches Easy Clic. Livraison calée pile comme prévu : le Graal nous attend dans un tabac. Ce petit bout de métal va simplifier notre quotidien. Adieu les galères de gaz.
On enchaîne avec une visite inspirante de l’abbaye Saint-Pierre. Portail sculpté, cloître magnifiquement orné, scènes bibliques… Un lieu chargé d’histoire.
Puis retour à la logistique : il me faut un nouveau couteau. Un gars du coin nous oriente vers un magasin de chasse. Bingo, j’y retrouve le Mora que j’avais cassé. Même modèle, c’est parfait — à condition de ne pas rejouer au bûcheron...
Dernier point sur la liste : une cartouche de gaz. Maintenant beaucoup plus simple grâce à l’adaptateur. Un supermarché local nous sauve la mise. Ce soir, on testera le combo brûleur/adaptateur sur le camp. Si tout fonctionne, on retrouve un certain confort. Le Camino, c’est aussi ça : apprendre à se réjouir d’un petit objet de métal et d’un repas chaud facile.