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Grande boucle du Parc Naturel Régional Périgord-Limousin

(réalisé)
randonnée/trek
Quand : 21/07/21
Durée : 7 jours
Distance globale : 211km
Dénivelées : +3839m / -3803m
Alti min/max : 141m/467m
Carnet publié par Béryl le 24 juil. 2021
modifié le 05 nov. 2021
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train
Précisions : Depuis toutes les grandes gares, direction Périgueux puis La Coquille.
1040 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Jour 7 - Sous les châtaigniers après La Bussière-Montbrun / La Coquille (mise à jour : 05 nov. 2021)

Description :

Indications GPS :

Distance : 28,26Km
Dénivelé positif : 497m
Dénivelé négatif : 498m
Temps de marche : 5h53
Temps d'arrêt : 0h31

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Le compte-rendu : Jour 7 - Sous les châtaigniers après La Bussière-Montbrun / La Coquille (mise à jour : 05 nov. 2021)

Deux regrets pour Compostelle
Mercredi 21 juillet 2021

Mal dormi cette nuit, la chaleur était suffocante et les grenouilles de l'étang derrière ont fait un raffut de tous les diables.
J'émerge à 4h08. Franck, mon frère, a proposé de venir me chercher et m'invite au restaurant, aussi je calcule pour arriver à La Coquille sur le coup de midi. Je compte vingt-cinq kilomètres, c'est largement jouable.
De toute façon, j'avais déjà calé mon arrivée comme cela ; j'ai un train à 12h20 et je ne compte pas poireauter deux heures pour le suivant.
Je me prépare un bon petit-déjeuner que je déguste tout en regardant le ciel blanchir. Les grenouilles semblent enfin roupiller après une nuit de débauche. Tout est calme. J'apprécie ces moments où, à contre-courant de la majorité, j'ai l'impression d'être seul au monde. Je fais durer ce petit plaisir et ne me presse pas.
La vaisselle et ma toilette de chat terminées, je range mes affaires lentement. Maintes fois répétés, les gestes sont sûrs et précis, même sous le faible éclairage rouge de ma frontale. Je fais tout de même attention à ne pas embarquer de passager clandestin, ce coup-ci !
Je quitte l'abri des châtaigniers à 5h18, dans la nuit qui agonise, profitant encore du voile bleu qui recouvre le monde. Seul le faisceau de la lampe vissée sur mon crâne me trahit.
Le château de Montbrun, à la brune !
Le château de Montbrun, à la brune !
Ah, ça aussi ça m'a fait marrer !
Ah, ça aussi ça m'a fait marrer !
Encore un matin...
Encore un matin...
Les rencontrent s'enchaînent avec les animaux nocturnes qui profitent encore de l'obscurité ou du faible éclairage plus tard pour continuer leurs petites affaires.
Une chouette, manifestement hulotte je ne saurais dire exactement, me frôle la tête, surprise de voir un cyclope à l'œil si luminescent. Elle fait un brusque détour avant de revenir sur moi. Inquiet, je baisse la tête et me dépêche de quitter les lieux pensant qu'elle défend peut-être sa portée non loin d'ici.
Un peu plus loin, alors que je longe un étang, c'est un gros ragondin qui semble hypnotisé par le faisceau de ma lampe. Il ne bouge pas, juste là, devant moi, à cinq mètres tout au plus. Ses yeux brillent dans l'obscurité. Je m'approche doucement, quatre mètres, trois mètres, deux, c'est alors qu'il s'anime et, sans se presser pour autant, s'enfonce dans l'eau où je le suis un moment nageant vers la rive opposée.
Le jour est plus clair quand je tombe sur maître (ou maîtresse) goupil qui batifole dans un pré. Il renifle le sol et soudain fait un bon de cabri. Au bout d'un moment, il recommence. Je ne le vois rien attraper et son manège m'intrigue. Le vent contre moi, la frontale éteinte, il ne m'a ni vu ni senti. Je reste là un moment, immobile, retenant mon souffle. J'arrive à sortir discrètement mon appareil photo et immortalise l'instant sans qu'il me repère. Puis, d'un coup, il tourne la tête et me voit. Aussitôt, il file droit vers le champ de maïs qui borde le pré. Le charme est rompu.
Il ne m'a pas encore vu.
Il ne m'a pas encore vu.
Salut Sauron !
Salut Sauron !
Maudit lutin !
Maudit lutin !
Rails champêtres.
Rails champêtres.
À la sortie d'un bois, alors que je renoue avec le bitume, je vois au loin déboucher deux gars par une autre route à gauche. Vu la taille des sacs à dos et le linge qui sèche accroché derrière, je reconnais des randonneurs au long cours. L'un d'eux lève son bâton en guise de bonjour auquel je réponds illico en faisant de même avec le mien. Ils ne marchent pas bien vite et je ne tarde pas à les rattraper.
Finton, le fils et Shawn, le père (pas sûr du tout de l'orthographe !) sont Irlandais. Ils suivent le GR 654, la voie de Vézelay du chemin de Compostelle. Ils sont partis voilà une douzaine de jours de Vézelay même, où ils habitent, et s'arrêtent à St-Jean-Pied-de-Port. Shawn connait déjà, y étant allé pour ses 18 ans. Finton vient d'avoir son brevet ; son père l'a embarqué dans cette aventure pour fêter ça !
Voilà treize ans qu'ils vivent en France, aussi leur français est excellent. Nous parlons beaucoup de St-Jacques bien sûr, mais aussi de nos autres sorties. L'Irlande est un des pays qui me font rêver, mais Shawn refroidit quelque peu mes ardeurs en me disant qu'il y a trop de monde maintenant sur les chemins. Si je cherche le côté sauvage et solitaire, il vaut mieux que j'aille en Écosse selon lui. Ça tombe bien, l'Écosse me fait rêver aussi !

On papote, on papote et d'un coup, je m'aperçois que je ne suis plus du tout sur le tracé de la boucle. Je les ai suivis sans réfléchir et je me retrouve donc sur le GR. Ils m'invitent à continuer avec eux, passant par La Coquille. Je ne me fais pas prier et fais donc un bout de Compostelle. Je sors un peu de mon isolement ; voilà six jours que je marche seul sans rencontrer grand monde. Ainsi nous voilà partis, deux pèlerins et demi, suivant les coquilles vers La Coquille !
Philosophie de comptoir.
Philosophie de comptoir.
Ça me va très bien !
Ça me va très bien !
Vélo violet volé ?
Vélo violet volé ?
En suivant les coquilles... hum... enfin, quand on les voit !
Nous voilà paumés à la sortie d'un sous-bois ralliant une route. Nous consultons leur topoguide. Ah, nous aurions dû tourner bien avant ! Voilà où ça nous mène de discuter à bâton rompu sans regarder où l'on va !
Un chic type arrive ; "chic" parce qu'il est en tenue de ville : petites chaussures, pantalon de toile fine et chemise claire. Il a aussi de l'allure, de la prestance, même avec son bâton de bois ferré. Nous voyant perdus, il nous indique un raccourci. La conversation s'engage entre nous deux :
"Suivez-moi, je connais un petit chemin sympathique qui va vous faire arriver au sud de Firbeix.
- Justement, nous devions traverser le bourg. Je comptais même y faire une pause café.
- Oui je connais, mais c'est plus agréable par-là, vous verrez."
Je zoome sur mon GPS, mais j'ai du mal à voir où il veut nous faire passer. Bon, c'est un local après tout, il doit savoir de quoi il parle.
Et nous voilà partis à le suivre benoîtement.
Il fait sa promenade quotidienne, en fait. Habillé de la sorte, j'évite de lui faire remarquer qu'il y a des tenues plus appropriées.
Il marche devant avec Shawn. Je suis un peu en retrait avec Finton qui est très curieux de mes treks précédents. Il me pose beaucoup de questions, notamment sur ma traversée des Pyrénées. Il apprécie de marcher comme cela vers un but précis. Il regrette cependant le manque de préparation. Leurs tentes, entre autres, ne sont pas étanches et les jours de pluie qu'ils viennent de subir ont été bien galères. Je m'étonne sur le fait qu'une tente ne puisse pas être étanche ! Une récente, en plus !
Bref, tout à nos conversations, nous marchons, nous marchons et nous arrivons... nulle part !
Enfin, nous voilà à un carrefour de routes où le bonhomme nous dit :
"Bon, je vous laisse, je repars en arrière, vous pouvez rejoindre Firbeix par-là", tout en nous indiquant la route en face. Et il repart.
Désorientés, nous hésitons. Le GPS m'indique plutôt le village à gauche. Finton sort à nouveau le topoguide. Oui, c'est plutôt à gauche, oui. Tout droit aussi, mais ça rallonge sacrément !
Allez, à bâbord toute !
Shawn pense qu'on a eu raison de l'écouter ; on a sacrément raccourci. Je ne partage pas son enthousiasme. Je pense au contraire qu'on a "sacrément" rallongé ! L'arrivée à La Coquille me donnera raison. 
Tondeuse de monastère !
Tondeuse de monastère !
Finton et Shawn
Finton et Shawn
Nous entrons dans La Coquille vers 11h30, après être partis à rebours à Sainte-Marie. J'ai suivi à nouveau ma trace GPS, mais comme nous arrivions à l'envers, elle nous faisait repartir vers St-Pierre-de-Frugie et Firbeix !
Shawn propose de me payer une bière au premier bar venu. J'hésite, car je ne veux pas être en retard à la gare. Entre-temps Franck m'a appris qu'il ne serait pas là avant deux heures et j'ai laissé tomber l'idée de rentrer avec lui. Je prends finalement le train comme j'avais prévu.
Bon allez, une p'tite birotte en vitesse !
Le tenancier, aimable comme une porte de prison, a un accent bizarre et on ne comprend pas tout ce qu'il nous dit. Shawn pense qu'il est Anglais, mais n'en est même pas certain, c'est pour dire !
Nous discutons un moment de la suite de leur périple. Ils en ont encore pour une quinzaine de jours avant d'atteindre St-Jean. Je les envie un peu ; le mien s'arrête là.
Bref, pour moi aujourd'hui le chemin de Compostelle se résume à deux regrets : un pour l'avoir suivi et rallongé de près de quatre kilomètres - sur le bitume, surtout - et un autre de ne pas pouvoir continuer sur cette voie légendaire vers la Galice par un autre chemin que la première fois. Ce n'est que partie remise...

Finalement, voyant l'heure tourner, je me lève et entre régler la note, malgré les protestations de Shawn. Le gars au comptoir n'aligne pas un seul mot et me rend la monnaie en frappant fort les pièces sur le zinc. Agacé, je lance un "MERCI" bien fort avec une voix exagérément grave et abats ma main sur les pauvres piécettes avant de les ranger dans mon portefeuille à grands coups de gestes secs.
Shawn se marre sur le pas de la porte en me voyant faire et, après deux poignées de main chaleureuses - #mondedavant - je prends congé de mes deux sympathiques pèlerins.

La boucle est bouclée !
La boucle est bouclée !
Et me voilà arrivé devant la gare de La Coquille, sept jours après mon départ.
Toujours ce mélange de tristesse et de joie d'avoir terminé. Au lieu de s'annuler, ces deux sentiments mêlés font naître une boule au ventre et me coupent l'appétit. J'ai l'habitude !
Le guichet est fermé, pas de distributeur automatique. Comment je prends mon billet ?! Je passe par le quai et vais toquer à la porte du bureau derrière. L'employé, qui est en train de manger (il est midi pile !) m'explique que, le guichet étant fermé, je peux prendre mon titre de transport dans le train sans supplément.
Bien.
Je passe le temps sur le quai en discutant avec une dame âgée qui a pas mal bourlingué plus jeune, mais dont le mari a dégoûté de la rando par son rythme militaire. Ah les vertus de la marche en solitaire ; je ne changerais pour rien au monde !

La parenthèse ferroviaire est assez cocasse ; jugez plutôt.
Les contrôleuses - elles sont deux - ont déjà du mal à canaliser une bande de jeunes qui profitent de l'arrêt du train pour sortir fumer quelques roulées qui ne sentent pas toutes que le tabac. Un joli patchwork de couleurs de cheveux, de tenues gothiques et de piercing en tout genre.
Elles s'occupent de moi, ensuite, afin de régulariser ma situation. Le billet n'est valable que jusqu'à Périgueux, il faudra que j'en prenne un autre là-bas pour arriver chez moi. Pas très pratique.
Je tends ma carte bancaire à l'une des contrôleuses : illisible. Encore un coup. Encore. Non rien à faire, ça ne passe pas. Je m'interroge : son terminal de paiement, semblable à tout terminal de paiement, sait parfaitement lire les cartes à puce. Pourquoi s'obstine-t-elle à vouloir lire la piste magnétique de la mienne en la faisant glisser dans la fente prévue ? Elle me réplique qu'elle fait toujours comme ça.
Sa collègue, venue à la rescousse, lui fait alors remarquer que ce n'est effectivement pas "comme cela" que l'on procède ! Il faut rentrer la carte par le bas, "comme cela", et que le client entre son code ! Ma contrôleuse lance alors : "Ah bin c'est pour ça que ça marche jamais !"
Je tombe des nues.
Une fois mon achat validé (oui, ça marche mieux "comme cela" !), le ticket refuse de sortir. Il faut dire que l'imprimante et le terminal de paiement sont deux appareils séparés. Il faut les appairer. Je n'ai jamais vu ça !
Ça dure, ça dure... Vu l'odeur que je dégage - vinaigrée, pas désagréable pour moi qui en ai l'habitude - je tiens à en finir au plus vite et demande d'aller m'installer. D'autant plus que le train se remplit de plus en plus.
Je me pose ainsi sur un strapontin, à l'écart de tout le monde (j'ai pitié pour leur odorat !), mon sac à dos bien calé entre les jambes.
Ce n'est qu'au bout d'un long moment que ma charmante contrôleuse s'approche et un curieux dialogue s'engage :
"Le ticket ne sort pas, alors je vous ai fait un papier signé de ma main, comme ça, en cas de contrôle vous êtes en règle. Au pire, venez me voir.
- Merci, mais c'est vous la contrôleuse, vous n'allez quand même pas me demander mon billet ?
- Oh vous savez, je peux ne plus faire attention et par habitude venir vous voir ! Ou ma collègue, plutôt.
- Votre collègue est au courant de ma situation vu qu'elle était avec vous quand j'ai payé mon billet.
- Oui, mais vous ne l'avez pas ce billet, aussi je vous ai fait ce papier en cas de contrôle !
- ...
- D'accord ?
- ... euh... oui, d'accord. Merci madame."
Je n'insiste pas. J'ai failli prendre ça pour une blague et en rire, mais devant son air sérieux, je me retiens in extremis.
Finalement, je ne me ferai pas contrôler !
Arrivé à Périgueux, je file prendre mon second billet, toujours au guichet. Bien plus cher qu'à l'aller, le guichetier me répond qu'il n'y peut rien, "c'est comme ça". 
C'est comment leur slogan, déjà ?... "Nous allons vous faire préférer le train". Et bien, il y a du boulot !
Pour couronner le tout, le mien est annoncé avec quarante minutes de retard dû à un problème entraînant un changement de locomotive.
Je prends mon mal en patience en allant boire un café (et m'aérer les pieds !) à la brasserie, au frais.
Quand je regagne le quai d'embarquement, il est noir de monde. Aucune place assise. Aussi, je repars dans les souterrains afin de gagner un quai désert où les bancs sont vides. J'ai encore plus de vingt minutes à attendre, je ne vais pas rester debout !
Je m'assoupis un moment dans le brouhaha de la gare. Pas longtemps, quelques minutes à peine. Quand j'ouvre les yeux, mon train est là ! Je bondis comme un diable attrape mon sac à dos par une bretelle et file rejoindre le quai.
C'est un miracle que je trouve une place assise avec mon sac aux pieds. Mon train avait de l'avance sur son retard ! Cela ne suffira pas à "me faire préférer le train", mais je ne vais pas m'en plaindre !
N'empêche, heureusement que je ne me suis pas endormi plus profondément !

La suite est plus classique. Arthur, mon fils, vient me chercher à la gare terminus et me ramène à la maison. Prévenu par sa mère, il a quand même pris soin de rouler les vitres ouvertes pour ne pas "mourir asphyxié". Sympa !
Je peux enfin prendre une douche et me raser. Mon linge, dont je ferai bien de mon t-shirt un doudou !, est enfin lavé correctement.
Retour au quotidien : après m'être occupé de mes affaires, je commence à penser au carnet de voyage que je vais écrire. Je trie les photos, relis mes notes et construis petit à petit dans ma tête la forme que va prendre le résumé de ces quelques jours en marge.

Allez hop, je file sur le site de Carnets d'Av', je me logue et c'est parti !
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