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L’info spectacle (CA63)

par L'Extraterrestre dans Extraterrestre 26 mars 2021 236 lecteurs 1 commentaires
Lecture 3 min.

L’info spectacle

Le cerveau humain est plus attentif aux informations négatives, et on comprend bien l’intérêt évolutif du processus. Un chasseur-cueilleur, dans le monde dangereux qui l’entoure directement, doit être capable d’identifier précisément les menaces, de savoir écouter les mises en garde, d’être vigilant, afin de rester en vie, tout simplement. L’impact sur la vie des Sapiens d’aujourd’hui est sans doute plus important et pernicieux qu’on pourrait le croire.
S’informer sur le monde est important, mais, par définition, l’information doit être la plus proche possible de la réalité, elle doit relater des faits qui donnent une vision équilibrée d’une situation. Pourtant les divers médias d’information, étant en concurrence les uns avec les autres, doivent retenir leur audience. Alors il devient usuel d’épicer un fait avec des phrases pleines de superlatifs, des images les plus impressionnantes possibles, de rentrer dans la surenchère, l’emphase. Une même information, présentée avec un plan serré sur l’incendie d’un bâtiment, l’explosion d’une bombe, des blessés, des traces de sang évoquant des morts, va marquer les esprits sans forcément dire toute la réalité et la complexité de la situation.
Pendant les émeutes de 2005 en France, les télévisions du monde ont retransmis des images de violence, véhicules en feu dans la nuit, vision d’apocalypse. Des amis en voyage en Bolivie recevaient de la part des locaux de nombreuses mises en garde : « Ne rentrez pas, c’est la guerre dans votre pays ! ». Alors certes, il se passait clairement quelque chose (2 morts, 56 policiers blessés, plus de 9000 véhicules incendiés), mais le pays n’était pas à feu et à sang de manière généralisée comme les images voulaient bien le laisser croire !
Mais un journal ne présentant pas les choses sous l’angle le plus spectaculaire et impressionnant captera moins son audience que son concurrent n’hésitant pas, lui, à choisir images et mots selon des critères d’impact émotionnel maximal. Il en résulte que les gens ont une vision du monde bien plus sombre que la réalité. Pourtant, les faits montrés sont le plus souvent réels, mais la manière de les montrer induit une perception cognitive qui dénature la réalité d’une situation dans son ensemble. Un peu comme si on se focalisait, zoom maximal, sur un bouton d’acné plutôt que sur l’ensemble du visage de son joyeux possesseur.
Il y a une autre conséquence néfaste de cette surenchère : forcer toujours le ton finit par dénaturer l’information ; on la perd, comme sur une photo où on aurait poussé au maximum les curseurs de saturation. On ne dispose plus de l’ensemble de la palette de mots qu’offre la langue et qui permettrait de nuancer. Des journaux pourraient utiliser les mêmes mots « situation alarmante de crise exceptionnelle » aussi bien se rapportant à une information de « situation (réellement) alarmante de crise exceptionnelle (à l’échelle mondiale) », comme « un astéroïde va percuter la terre et anéantir toute vie », qu’à une information de « situation alarmante de crise exceptionnelle qui ne va concerner que certains investisseurs (et plutôt arranger le reste de la population) », comme : « le marché de l’immobilier a perdu 25 points cette année »*.
Associer un niveau de « danger » à l’info présentée pourrait aider. Confrontés à un vrai gros problème, les citoyens n’auraient pas l’impression que c’est juste comme d’habitude. D’autre part, cela pourrait éviter le stress chronique induit par l’avalanche d’informations négatives, ou encore le fatalisme apathique.
Une petite échelle à 5 barreaux pourrait être un début :
Niveau 1 : faits ponctuels qui ne concernent que leurs auteurs et n’ont quasiment aucune chance d’atteindre d’autres personnes ou de m’atteindre (typiquement les faits divers).
Niveau 2 : faits systémiques ou conjoncturels dans une région du monde éloignée ayant peu de chance de déstabiliser le reste du monde. Guerres locales, tensions locales, criminalité locale.
Niveau 3 : guerre à l’étranger, pouvant impliquer des pays alliés ou notre pays. Phénomènes de grande ampleur pouvant déstabiliser des régions : famines, sécheresses. Plus proche, hausse des accidents de la route dans le pays…
Niveau 4 : probabilité élevée de toucher une grande part de la population mais risques pour chacun moyennement élevés.
Niveau 5 : probabilité très élevée de toucher une large part de la population, probabilité très élevée de conséquences graves pour moi ou mes très proches. Ex. une maladie infectieuse très létale.
Avec un outil de la sorte, chaque média pourrait continuer à y aller de son emphase (parce que ça, ça risque d’être difficile à changer), mais on aurait une échelle logarithmique, relativisant les enluminures des journalistes, pour pondérer l’information. Une obligation d’objectivité de l’information, pour la rendre compréhensible et relativisée, ne parait pas complètement aberrante dans un monde aussi complexe qu’aujourd’hui.

* Voir L’Extraterrestre « Source d’immobilisme » de CA #35.
 

L’info spectacle (CA63)
Commentaires
SupervagabondS - 26 juin 2021
73 messages
Pour un extraterrestre, il a vachement les pieds sur Terre ! ;)

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