Vélo+ski dans les Alpes du sud
Ne pas savoir dire non est souvent perçu comme un défaut plutôt qu’une qualité. Mais quand des potes me proposent des projets fantaisistes, je ne sais pas dire non. Un peu à la manière d’un Jim Carrey dans Yes man, voilà comment je me retrouve à Nice avec mon vélo et mes skis. Objectif : remonter un bout des Alpes. Advienne que pourra !
ski de randonnée
vélo de randonnée
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Carnet publié par Anthony
le 19 sept.
modifié le 20 sept.
modifié le 20 sept.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
Coup de coeur !
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Vue d'ensemble
Le compte-rendu : Prendre un « raccourci » (mise à jour : 19 sept.)
Après une descente jubilatoire sur le village de Guillaumes engloutie en quelques minutes (tout comme les viennoiseries de la boulangerie à ne manquer sous aucun prétexte), nous retrouvons aussitôt notre allure d’escargot sous Xanax en remontant le cours du Var. Notez le parallèle amusant avec le ski de randonnée : le ratio temps de montée versus descente est du même ordre de grandeur. Cette longue ascension mène au col de la Cayolle, encore obstrué par la neige ; les rares personnes rencontrées ne manquent pas de nous le rappeler si toutefois nous n’avions pas vu les énormes panneaux. En d’autres termes, nous sommes dans l’impasse. Au moins jouissons-nous d’une route quasi-déserte.
Alors pourquoi persévérer dans cette direction ? De fait, pour progresser vers le nord des Alpes, il nous faut impérativement basculer dans le bassin versant de l’Ubaye. Et contourner les cols d’altitude encore enneigés et donc fermés en cette saison nécessiterait un large détour. Autant prendre ce « raccourci » à ski, le vélo sur le dos ! Après tout, si nos compères allemands l’ont fait, pourquoi pas nous ?
À 1900 mètres d’altitude, le bitume disparaît sous la neige. Nous voilà au pied du mur. Avant de chausser les skis, il faut d’abord trouver le moyen de porter nos biclous. Excepté Seb, personne ne l’a jamais fait. Advienne que pourra. Dans une ambiance de franche rigolade, chacun bricole tant bien que mal un système avec des bouts de sangle, des tendeurs et tout ce qui lui tombe sous la main. Gageons que l’ensemble sera vaguement équilibré. À ce paquetage conséquent s'ajoutent les vivres pour rester deux nuits dans une cabane d’altitude. Et vu notre consommation aux 100 mètres, on ne se contente pas de trois ou quatre graines ! Le moment aussi attendu que redouté arrive enfin : hisser notre « sac à dos » – peut-on encore l’appeler ainsi ? – sur nos épaules. La scène est ubuesque, non sans rappeler un épaulé-jeté haltérophile. L’aide d’un – voire plusieurs ! – collègues est la bienvenue. Dans la montée, à chaque pas, la gravité semble avoir été multipliée par deux ou trois. Le dos courbaturé, on entend fuser des « mais qui est-ce qui a eu cette idée à la c** ?!? », suivis d’un fou rire contagieux. Un remède dont on usera à l’envi, en guise d’antalgique à effet court mais immédiat.
Grâce à une organisation aux petits oignons et une météo idéale, nous parviendrons à skier pendant deux jours autour du col de la Cayolle, en plein coeur du parc du Mercantour. D'abord, vers la Sanguineirette pour aller observer le cirque du trou de l'Âne. Puis vers le lac d'Allos, que j'avais découvert il y a quelques années en version estivale. Quel contraste ! Le tout, entrecoupés de portages de vélo... mais je vous épargne les détails de notre logistique, place aux images qui parleront d'elles-mêmes !
Après avoir skié pendant deux jours dans une parfaite solitude, il est temps d’entreprendre la descente côté Ubaye. Si l’on sait à présent comment charger les vélos sur nos sacs, on ignore encore comment descendre avec un tel barda. Les vivres en moins, nous sommes plus légers, tentons-nous de nous rassurer. Et la pente de la route est douce, limitant le risque de chute. Nous nous élançons, advienne que pourra. Très vite, l’euphorie gagne la troupe qui glisse presque sans effort vers la vallée, quel bonheur ! Dans un équilibre pourtant précaire, certains s’essayent même à la godille, avec succès. Cependant, les premiers lacets passés, la réalité nous rattrape : la pente est si douce, et la neige si molle en cette fin de journée ensoleillée, que nous devons nous résigner à pousser sur les bâtons pendant de longs kilomètres. Coup dur. Une ultime tentative de raccourci pour court-circuiter quelques lacets achève de martyriser nos épaules, non sans séquelles. L’arrivée sur le bitume signe notre délivrance. Quelle épopée ! Malgré les corps endoloris, la bonne humeur est intacte. Redevenus cyclistes, nous plaisantons en imaginant une improbable rencontre : si l’on avait croisé un randonneur là-haut, qu’aurait-il pensé de ces six énergumènes ? Auraient-il perdu un pari ? Au contraire, nous venons d’en gagner un !