Marche, grimpe et vole depuis les sommets Zautorisés des Zécrins

Quelques  jours avant cette aventure, JB Chandesris que je connais depuis peu mais avec qui nous nous sentons des atomes crochus en terme de pratique de la montagne, me met un petit texto : "tu fais quoi la semaine prochaine ?" Coup de bol, après un début juin bien chargé, j'ai quelques jours de libres et une furieuse envie d'aller marcher et voler en montagne.
"Cà te dirait l'enchaînement des 8 sommets autorisés des Ecrins ?"
"La météo a l'air correcte et puis, on avisera au fur et à mesure..."
"Impec. On part quand ?"
Un petit vol rando ensemble le samedi matin dans notre Champsaur adoptif, un repas ensemble pour finaliser matériel et itinéraire, et à 16h, nous voilà dans le train à Chorges direction  Briançon puis Vilar d'Arène...

Nos premiers pas de cette aventure sont dubitatifs : nous partons un peu avant 3h30 sous une bruine plus que présente qui nous mouille rapidement... Est-ce vraiment la bonne journée pour aller décoller en altitude ? Mais vers 2000m, le plafond nuageux s'ouvre et nous laisse entrevoir aux premiers rayons du soleil une montagne immaculée dans un ciel parfaitement bleu au dessus du plafond de stratus. Ragaillardis, nous arrivons à 8h15 avec la banane au refuge de l'Aigle où Jeff le gardien, aussi parapentiste, nous accueille avec un café, puis nous envie quand nous lui parlons de de notre projet ! La suite de la montée jusqu'à la Tête des Corridors, dans une neige beaucoup plus profonde est plus physique, mais le vent est correctement orienté au décollage, ce qui est gage de sécurité pour nous car la course est rendue compliquée par la neige et le trou ensuite ne pardonne aucune erreur. Je galère un bon moment à gonfler ma voile dans les rafales pendant que JB m'encourage tout en faisant des photos et en gardant  sa propre voile 15 minutes au dessus de la tête ! Le vol ensuite est très calme et JB pose au parking pendant que je rejoins un alpage à niveau du refuge de l'Alpe, pas mécontent d'enfin me poser après 2000m à essayer de m'asseoir sans succès pour cause de sangle de sellette coincée... On se rejoint vers 12h30 au refuge pour une après-midi sieste, rangement et réparation de sellette pour moi.

Départ à 2h45 du refuge de l'Alpe.
Après la remontée de l'esthétique moraine du glacier d'Arsine, on débouche aux premiers rayons du soleil au col de la Platte des Agneaux ; somptueux, et la remontée vers Neige Cordier est du même tonneau !
A 7h au col Emile Pic, une question vite tranchée s'offre à nous : descendre son versant sud peu engageant ou improviser un départ dans pétole avec une corniche comme tremplin... La réponse est vite trouvée, d'autant plus que, même si ce col ne figure pas dans la liste des décos autorisés dans le parc en cette période, l'intégralité du vol se passe dans la zone autorisée de vol à toute altitude quand on décolle du Dôme, donc feu ! 5 minutes plus tard, après avoir survolé le refuge des Ecrins, nous voilà posés sur le glacier Blanc, la grosse banane aux lèvres !
A 8h, nous repartons déjà à l'ascencion du Dôme, en compagnie de skieurs italiens partis le matin même de Cunéo.
Après une montée tranquille, nous sommes seuls en tee-shirt au sommet à 10h30 et profitons rapidement du créneau pour décoller directement sur la trace de montée bien tassée.
Nous posons travers pente, heureux comme des gosses, au pied de notre dernier objectif du jour : le Pic du Glacier d'Arsine. Les 200m qui nous en séparent sont vite avalés malgré la neige molle et à midi, nous nous remettons en l'air pour notre troisième et dernier vol du jour et posons dans de l'air déjà bien vivant au NE du refuge du Glacier Blanc.
A 12h30 en terrasse au refuge, grande Tourmente,...

Aujourd'hui, c'est grasse mat' : lever à 4h !
On est tout seuls à remonter vers le col du Monétier qu'on passe un peu après 6h30.
De l'autre côté, la neige est bien molle et on châle sérieusement pour remonter vers le Pic de Dormillouse.
A 8h45 au Pic du Rif, le plan de vol officiel nous paraît bien compromis : en effet, tout le glacier de Séguret Foran est pris dans les nuages et le vent qui souffle de sud y rendrait de toute façon le vol turbulent, voire dangereux.
Avec le peu de regel de la nuit, nous préférons ne pas prendre le risque de redescendre le glacier à pieds et choisissons de décoller hors plan de vol autorisé mais en filant rapidement en milieu de vallée pour se retrouver plus haut que la zone des 1000m/sol interdite. Le décollage, en équilibre sur une crête de neige pour JB et dans une raide pente de neige pour moi, avec la voile posée sur le replat du col, est technique, mais le vol ensuite est calme et l'attérro du camping d'Ailefroide plus que connu.
Au café, on refait un point météo et le doute s'installe : le plan initial était de remonter au refuge du Pelvoux, mais la météo du lendemain annonce un vent trop fort et mal orienté pour décoller du sommet à 4000m. On hésite longuement à tenter le coup quand même, mais devant l'impasse devant laquelle nous nous retrouverions en cas d'échec, on préfère remonter tranquillement au refuge Cézanne au Pré de Madame Carle pour se positionner pour le Coolidge.

En perspective d'une longue journée, le réveil est encore matutinal et à 2h30, nous sommes déjà en train de remonter la longue moraine du glacier noir. L'itinéraire classique nous amène au sommet de jolie manière et, tout en profitant de ce magnifique point de vue qu'est le Pic Coolidge, on se félicite de notre analyse météo et de notre renoncement au Pelvoux car le vent à notre altitude est déjà bien présent. Après un déco grand luxe, le vol désagréable et tumultueux nous confirmera encore dans notre choix. Posés au refuge du Carrelet pour respecter la restriction du parc, nous entamons alors une longue marche pour rejoindre le refuge de la Lavey via La Bérarde. Arrivés vers 15h dans ce havre de paix, la sieste est obligatoire !

Encore une fois nous partons tôt, un peu avant 3h, en partie car nous ne connaissons pas grand chose de l'itinéraire, aussi parce que le regel est annoncé médiocre et enfin parce que, si la météo le permet, on aimerait bien enchaîner sur le Chaillol pour boucler la boucle. La montée se passe bien et avec une neige qui porte correctement, on sort vers 6h30 au Col des Sellettes. Après une rapide et peu perspicace tentative sur l'arête qui monte à la Cime du Vallon où on ne repère pas l'écharpe de neige qui permet d'éviter le bastion raide et instable, on redescend finalement au déco 4 étoiles du col qui nous permet, une fois n'est pas coutume, de nous mettre en l'air ensemble. Après un coucou en vol au dessus du refuge de l'Olan, on pose un peu avant 8h dans les grands champs de la Chapelle. 
Un café plus tard à observer l'évolution rapide de la météo locale, et on décide d'arrêter notre belle aventure ici et de rentrer sagement en stop dans le Champsaur.
L'enchaînement complet reste à réaliser, mais c'est sûr, on reviendra car c'est vraiment du bel alpinisme, souvent loin des foules et sauvage comme les Ecrins savent l'être !