31 invités en ligne

Eté 2021 : Seatrekking en baie des Trépassés (BZH)

(réalisé)
Nage en eau libre itinérante sur 3 jours avec bivouacs le long du Cap Sizun et de la Côte de Cornouailles.

(15-20 min de lecture)

La nage en eau libre et l’apnée de compétition sont des sports. Le seatrekking est leur incarnation et leur fusion spirituelle qui procure une expérience immersive dans l’écosystème marin et qui nous amène à reconsidérer l’échelle du temps et des éléments.

"L'océan est notre campement.
Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents et les courants"
(A. Damasio)
nage / randonnée aquatique apnée randonnée/trek
Quand : 19/08/21
Durée : 3 jours
Distance globale : 32.5km
Dénivelées : +1446m / -1446m
Alti min/max : -2m/69m
Carnet publié par Barbenoire le 06 nov. 2021
modifié le 23 août 2022
Coup de coeur ! 1716 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Section 2 (mise à jour : 09 nov. 2021)

Distance section : 15.2km
Dénivelées section : +672m / -736m
Section Alti min/max : -2m/66m

Description :

Deuxième jour du seatrek : Plage de Theolen --> Pte de Penharn --> Pte de Castel ar Roc'h --> Plage de Lesven
Conditions météorologiques : Mer calme + éclaircies
Marées : coefficient 66 / 72
Vent : Plein sud toute la journée, force 5 à 7 en rafales sur l'échelle de beaufort
Houle : Sud période 15 s et hauteur 1,5 m
Température de l'air : 15-20°C
Température de l'eau : 17°C


Télécharger traces et points de cette section au format GPX , KML
Télécharger traces et points pour l'ensemble du carnet (toutes les sections) GPX , KML

Le compte-rendu : Section 2 (mise à jour : 09 nov. 2021)

07h. Le gazouillis des oiseaux du bord de mer clôture notre nuit et laisse place progressivement au chant des goélands. Le jour se lève lentement mais nous restons à l’abri dans nos sacs, tels des larves dans leur cocon. L'humidité déposée sur notre visage par la caresse de la nuit termine de rincer la fine pellicule de sel de la veille.

Le ciel, la mer et la terre se séparèrent progressivement tels trois continents soumis au rouleau immuable de la tectonique des plaques. C'est magnifique.

Les grains s’espacent au loin en Mer d'Iroise et la nuit s’en va, déposant des couleurs grises et bleutées sur l'environnement qui nous entoure.

Nous distinguons au loin, face à nous, le socle granitique et majestueux du Cap de la Chèvre que nous avons caressé du bout des palmes le mois précédent lors d'un précédent seatrek.

Quelques tranches de quatre-quarts avalés et un café brulant dans le fond du gosier.
C'est reparti pour une journée.
Quelques tranches de quatre-quarts avalés et un café brulant dans le fond du gosier.
C'est reparti pour une journée.
Le teint frais, la horde est prête pour une grosse heure de marche vers le prochain point de mise à l'eau.
Le teint frais, la horde est prête pour une grosse heure de marche vers le prochain point de mise à l'eau.
11h. Mise à l'eau à la petite cale isolée de Heing ar Hass (Pointe de Penharn). L'endroit est calme et abrité des vents.

Nos épaules endolories par deux heures de marche remercient ce petit havre de paix et le fait de ne plus avoir à porter ces kilos pour les heures à venir.

L'eau est fraîche, peu de paroles sont échangées.
Nous formons à nous quatre dans l'eau un groupe, une horde, une seule et même entité.
L'eau est fraîche, peu de paroles sont échangées.
Nous formons à nous quatre dans l'eau un groupe, une horde, une seule et même entité.
Nous passons la matinée à observer les fonds marins, la faune, la flore et redécouvrons des sensations enfouies au plus profond de nous-même.
Nous passons la matinée à observer les fonds marins, la faune, la flore et redécouvrons des sensations enfouies au plus profond de nous-même.
Petit moment de détente au fond d'une grotte.
Petit moment de détente au fond d'une grotte.
Un tourteau bien planqué semble vouloir se faire oublier.
Un tourteau bien planqué semble vouloir se faire oublier.
Colonie de pouces-pieds.
Colonie de pouces-pieds.
11h. Cela fait maintenant 36h que nous avons quitté nos familles, notre travail et les scènes de la vie quotidienne. Cette immersion prolongée, ces bruits ces couleurs raniment en nous des sens mis en hibernation par la modernité de nos modes de vie respectifs.

Le seatrekking constitue pour moi un big bang émotionnel dans lequel, au fil des heures et des jours passés dans l'eau, nos 5 sens sont mis à nu :


- Contempler l'état de l'océan et le bleu infini des profondeurs,
- Palper l'eau du bout des doigts et la sentir glisser le long du corps,
- Laisser les lèvres s'imprégner de cristaux salins et iodés,
- Humer le parfum des fleurs du bord de mer,
- Se laisser bercer par le récital symphonique des goélands.

Nous approchons de l'heure du repas. Il est temps de trouver un point de chute sur la côte pour notre pause du midi.
Nous approchons de l'heure du repas. Il est temps de trouver un point de chute sur la côte pour notre pause du midi.
Une petite dalle en pente au milieu de ce fracas de falaises nous fait de l'œil, Nous nageons à palmes forcées vers ce maigre refuge côtier.
Une petite dalle en pente au milieu de ce fracas de falaises nous fait de l'œil, Nous nageons à palmes forcées vers ce maigre refuge côtier.
Le soleil ne sera malheureusement pas de la partie cette fois-ci mais peu importe, la fatigue emporte nos esprits le temps d'une sieste régénératrice.
Le soleil ne sera malheureusement pas de la partie cette fois-ci mais peu importe, la fatigue emporte nos esprits le temps d'une sieste régénératrice.
16h. Nous repartons à l'eau le ventre rempli mais avec une certaine fatigue accumulée depuis la veille. Nous n’avons pas froid. Le dernier repas pris hors de l’eau, sur cette dalle de granit poncée par le vent, diffuse sa chaleur dans notre corps.

Nous sommes vêtus de noir, de la tête masquée où notre tuba se dresse comme un fin roseau, à nos pieds largement palmés. Seul le son de nos voix nous distinguent des cormorans.

Nous nous sommes tant de fois immergés par ces alternances terre/mer amphibies, que nous en sommes devenus océanique, mélange d’iode et de et de quartz, sans autre pensée que celle d’avancer.

Remise à l'eau après la pause du midi.
Remise à l'eau après la pause du midi.
17h. Cela fait une petite heure que nous nageons lorsque je tombe nez à nez sur l'une des formes de vie les plus primitive de notre évolution : un cténophore.

Un frisson me parcours. Le tuba m'en tombe de la bouche et mes yeux s'imbibent d'émotion devant ce petit être planctonique de forme oblong et d'à peine plus de 7-8 cm de long. 

Ceux qui ont lu mes précédents récits de seatrekking (cf. Les Abers 2019 et Crozon 2020) connaissent ma sensibilité avec la Science-fiction. 

J'ai à nouveau l'impression d'avoir quitté notre planète bleue. D'être face cette fois-ci à un chrone au beau milieu de la flaque de Lapsane (cf. La Horde du Contrevent d'Alain Damasio).

Quel est donc cet être vivant qui danse devant mon masque ?

Huit rangées de peignes constitués de milliers de cils propulsent ce fragile petit animal devant mes yeux. La lumière s’y réfracte en vagues de lumière iridescentes aux couleurs de l'arc-en-ciel. Le spectacle est tout simplement hypnotique. Suis-je toujours sur Terre ou sur la planète Miller d'Interstellar ?
Au détour de la nage, nous tombons sur de curieuses formes planctoniques.
Au détour de la nage, nous tombons sur de curieuses formes planctoniques.
Présents depuis les premiers balbutiements de la vie sur Terre il y a plusieurs milliards d'années, je porte en mes mains l'une des premières briques matricielles du monde vivant : les cténophores.
Présents depuis les premiers balbutiements de la vie sur Terre il y a plusieurs milliards d'années, je porte en mes mains l'une des premières briques matricielles du monde vivant : les cténophores.
Les résultats d'une étude phylogénomique menée en 2008 laissent à penser que les cténophores constitueraient en réalité la première branche de l’arbre généalogique des animaux. Bien avant les éponges, animal pourtant primaire d'un point de vue cellulaire.
Les résultats d'une étude phylogénomique menée en 2008 laissent à penser que les cténophores constitueraient en réalité la première branche de l’arbre généalogique des animaux. Bien avant les éponges, animal pourtant primaire d'un point de vue cellulaire.
La meilleure illustration trouvée sur le net de notre rencontre avec cette forme de vie.
La meilleure illustration trouvée sur le net de notre rencontre avec cette forme de vie.
Malgré une forme similaire, l'émerveillement des instants passés laisse place à une vague de tristesse.
C'est l'ascenseur émotionnel sous l'eau.
Point de plancton ici mais plutôt son antithèse anthropique et malheureuse : une zone d'accumulation de déchets.
Malgré une forme similaire, l'émerveillement des instants passés laisse place à une vague de tristesse.
C'est l'ascenseur émotionnel sous l'eau.
Point de plancton ici mais plutôt son antithèse anthropique et malheureuse : une zone d'accumulation de déchets.
Observer l'état des mers et des océans est une des composantes que nous développons autour de la pratique du seatrekking.
Observer l'état des mers et des océans est une des composantes que nous développons autour de la pratique du seatrekking.
Lorsque les conditions le permettent, nous prenons le temps de collecter les déchets sur notre parcours et de les ramener à terre afin de les catégoriser puis d'alimenter les bases de données de programmes de recherche.

Ici en l'occurrence, le programme européen Interreg "Preventing Plastic Pollution" piloté côté français par le laboratoire public Labocea.

Plage de Lesven, fin de la nage.
Plage de Lesven, fin de la nage.
Les kilos de déchets amassés en mer et sur le haut des grèves rendent la sortie délicate.
Les kilos de déchets amassés en mer et sur le haut des grèves rendent la sortie délicate.
Dernière petite marche de la journée pour se remettre en jambe et trouver le lieu de notre deuxième bivouac.
Dernière petite marche de la journée pour se remettre en jambe et trouver le lieu de notre deuxième bivouac.
Après 48 heures passés dans l'intimité de l'océan, un banc de dauphins vient nous saluer au loin alors que nous dégustons fraternellement autour d'un feu quelques larmes maltées de Talisker.
Après 48 heures passés dans l'intimité de l'océan, un banc de dauphins vient nous saluer au loin alors que nous dégustons fraternellement autour d'un feu quelques larmes maltées de Talisker.
Continuez à lire le récit de la troisième et dernière journée du seatrek dans la section n°3.
Commentaires