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Porter moins, manger bien

Johanna
par Johanna
31 Mar 2023
759 lecteurs
Lecture 6 min.

Le poids (et dans une moindre mesure le volume) est l’ennemi du voyageur qui souhaite progresser par ses propres moyens. Comment porter moins tout en mangeant bien ? Examinons différents axes d'optimisation, des aliments à leurs contenants en passant par le rendement de la cuisson. Dans certaines circonstances, on peut cuisiner au réchaud à bois, mais cela n’est pas toujours possible ou souhaitable : risques d’incendie, absence/rareté du combustible (montagnes, steppes), conditions climatiques, législation locale, milieu fragile, etc. Le voyageur est donc la plupart du temps obligé de transporter l’énergie nécessaire à la cuisson (gaz, essence, alcool), alors autant utiliser des astuces pour l’économiser. Nous allons en explorer quelques-unes.

Dessin Philippe Gady
Dessin Philippe Gady

Apport calorique VS poids des aliments

En choisissant des aliments dont le rapport énergie / masse est élevé, le poids transporté sera plus rentable. Voici quelques clés.

  • Emporter des aliments sous une forme qui contient le moins d’eau possible, et les réhydrater sur place. En effet, et puisqu’il est difficile de transporter de l’eau pour plus de quelques jours, on dimensionne en général ses voyages pour être à même d’en trouver souvent (liquide ou faire fondre de la neige/glace). Contrairement aux idées reçues, les aliments sans eau ne sont pas seulement l’apanage des plats préparés lyophilisés ; le riz, les pâtes, d’une manière générale les céréales, les légumineuses, les farines, bref la plupart des aliments non frais qui ne sont pas des conserves, contiennent une très faible quantité d’eau. L’avantage de ces produits est qu’ils se conservent longtemps et conviennent donc bien au voyage nature.
  • Augmenter le ratio apport calorique / poids s’obtient (on l’a vu plus haut) avec un taux élevé de lipides (exemple : préférer le lait en poudre entier plutôt que écrémé) ; en gardant équilibre et variété évidemment (on ne dit pas qu’il faut se nourrir exclusivement d’huile d’olive :-)).
  • Choisir des aliments denses, on cherche ici à réduire le volume. Même au sein d’un même type d’aliment, il y a de l’optimisation à faire : des penne rigate occupent plus de place que des spaghettis ou des alphabets. Les nouilles chinoises, pourtant très plébiscitées par les voyageurs, sont un bon exemple de mauvaise compacité (notons qu’on en trouve en conditionnement moins volumineux, plus « droites » ; sinon faire comme David Manise : « perso je les compacte avec le pied, à la mode à la mode... c'est tout de suite plus dense !! »).
  • Évoquons aussi la taille des éléments à cuire : les petits cuisent plus vite, on joue ici le rapport surface d’échange / volume. Exemple pour les pâtes : capellini 3 mn, alphabet ou étoiles 5 mn, penne rigate 11 mn. Notons aussi que les manger al dente abaisse l’indice glycémique et économise le combustible.
  • Enfin, c’est une évidence mais le meilleur moyen d’économiser le combustible est de choisir les aliments qui nécessitent le moins de cuisson – nouilles très fines (de riz, de blé), polenta, semoule, etc. – voire pas du tout (il n’est pas forcément obligatoire de manger chaud à tous les repas) – semoule pour couscous (elle est précuite et gonfle à l’eau froide en 30 mn), purée instantanée (marche aussi à l’eau froide, et pas seulement pommes de terre), etc.

Conditionner et transporter sa nourriture

Conditionner et transporter sa nourriture de voyage de manière adéquate est un challenge. La plupart du temps, il est nécessaire et rentable de reconditionner les aliments, parce qu’on les achète en vrac, parce que leur emballage n’est ni optimal ni pratique, pour mieux les regrouper ou au contraire les diviser… Il y a matière à effectuer quelques optimisations ainsi que du côté des contenants. Dans cet article nous passons en revue différents contenants avec, pour chacun, ses spécificités et avantages : sachets plastiques alimentaires résistants, petits sachets en tissu, gourdes souples, bouteilles plastiques, bouteilles inox (et titane), petits récipients rigides.

Ajuster l’autonomie

En outre, lorsque l’environnement s’y prête, une autre solution pour porter moins consiste à acheter au fur et à mesure. On voit des randonneurs porter de la nourriture pour une semaine, et passer quotidiennement dans un village. Il est ainsi intéressant d’estimer en amont l’autonomie vraiment nécessaire – ou souhaitée : on peut décider de passer le moins possible dans la civilisation.
Au moment des courses et/ou du repas suivant, on en profite pour manger copieusement en privilégiant les produits frais (encore mieux, locaux et de saison) afin de varier les apports et le plaisir. Si l’on est ouvert au jeûne intermittent, il est possible de ne transporter que très peu de nourriture (mini base ou réserve « au cas où ») et de ne faire de vrais repas qu’occasionnellement quand l’opportunité se présente (auberge, échoppe, refuge).
 

Préparation pour des semaines d'autonomie.
Préparation pour des semaines d'autonomie.
Peu de nourriture transportée mais des agréables pauses ravitaillantes dans les petites auberges sur notre chemin.
Peu de nourriture transportée mais des agréables pauses ravitaillantes dans les petites auberges sur notre chemin.

Trempage avant cuisson

Un moyen efficace de diminuer le temps de cuisson est de faire tremper les aliments (de une à quelques heures) avant de les cuire. Cela marche particulièrement bien avec les légumineuses (lentilles, pois, haricots, etc.). Pour certaines, comme les lentilles, le trempage seul peut même être suffisant pour les consommer sans cuisson (qui les rend cependant plus digestes). Dans de nombreux cas, il suffira de verser de l’eau bouillante sur les aliments qu’on aura égouttés après le trempage, puis laisser « agir » cinq minutes. Les céréales (riz, blé, quinoa, etc.) et les pâtes sont également bien plus rapides à cuire après trempage ; nous avons constaté une réduction par deux du temps de cuisson. Cette technique nécessite un récipient hermétique dans lequel laisser tremper la nourriture pendant la journée : bol avec couvercle « verrouillable » (Sea to Summit…), boîte plastique type tupperware avec couvercle, ziploc costaud, etc.

Des lentilles en "trempage transportable".
Trempées suffisamment longtemps, elles peuvent même être consommées sans cuisson du tout.
Des lentilles en "trempage transportable".
Trempées suffisamment longtemps, elles peuvent même être consommées sans cuisson du tout.
La cuisson parabolique se poursuit hors du feu, nous en profitons pour remplir le journal de bord.
La cuisson parabolique se poursuit hors du feu, nous en profitons pour remplir le journal de bord.

Cuisson « parabolique »

À la maison, on a l’habitude de mettre les aliments (type pâtes) dans l’eau bouillante puis de maintenir l’ébullition le temps indiqué sur le paquet. En bivouac, on pourra mettre les aliments dans l’eau froide (notamment riz, légumineuses), porter à ébullition puis couper le feu et laisser tremper, couvert et si possible isolé (voir ci-après). On peut appeler cela la cuisson « parabolique » (l’eau et la nourriture montent progressivement jusqu’à un maximum de température, puis redescendent doucement. Note : « gaussienne » serait plus adapté que « parabolique » mais on ne va pas couper les cheveux mathématiques en quatre dans le cadre de ce dossier :-)). C’est d’ailleurs une méthode employée par certains chez eux et par les rice-cookers (au moins partiellement, souvent en maintenant toutefois l’ébullition quelques minutes environ). D’une manière générale, couper le feu lorsque l’aliment est limite al dente et le laisser tremper dans son eau quelques minutes supplémentaires poursuit la cuisson tout en économisant du carburant.
On ajustera aussi la quantité d’eau ; cela permet d’économiser le carburant (pas la peine de chauffer 2 litres d’eau que l’on vide ensuite comme à la maison) ainsi que l’eau (on peut aussi boire l’eau en surplus ; lorsqu’on a mis un bouillon ou des aromates, cela fait une sorte de soupe épaisse). Pour le riz par exemple, compter environ 1,5 à 2,5 volumes d’eau pour 1 volume de riz pour une absorption complète (selon le type de riz).

Réchaud optimisé MSR Reactor
Réchaud optimisé MSR Reactor

Pertes thermiques et isolation

Comme pour les logements, on a tout intérêt à limiter les déperditions caloriques d’une casserole. On peut se procurer ou fabriquer des isolants de popote. La température monte plus vite et les aliments mijotent plus longtemps une fois le feu coupé.
On cherchera en outre un emplacement le plus abrité du vent possible, ce dernier ayant un effet énorme sur la quantité de combustible consommé. On pourra bien sûr aussi utiliser un pare-vent (même sans vent !) pour améliorer le rendement. Il doit être suffisamment haut pour remonter le long de la popote, canalisant de ce fait la chaleur tout en isolant. La flamme ayant besoin d’oxygène, il faut veiller à ce que les trous au bas du paravent laissent passer assez d’air. Des feuilles d’aluminium épais pliées en 2 ou 3 font d’excellents paravents. Attention, l’usage d’un pare-vent avec un réchaud à gaz non déporté est périlleux car du fait du rayonnement, la cartouche peut chauffer à plus de 50°C ce qui la rend potentiellement explosive (pression du gaz trop élevée). On pensera à utiliser un couvercle bien ajusté.
Les réchauds dits optimisés (gammes MSR Reactor, Jetboil, Primus Lite, Optimus Crux Lite…) visent à diminuer les pertes thermiques, et leur rendement est en effet bien meilleur : par rapport à un réchaud classique, nous avons observé un gain de l’ordre de 33% sans vent, bien plus avec.
En outre, on pourra économiser un peu de combustible en faisant chauffer une eau qui est déjà la plus chaude possible (au bivouac, chauffer l’eau transportée à température ambiante pendant la journée plutôt que celle d’une source qui servira, elle, à refaire les stocks). De même, on peut garder une bouteille dans le duvet en vue de la faire chauffer le matin. Entre porter à ébullition 1 litre d’eau à 6°C ou à 18°C, on économise quelques grammes de gaz (soit de l’ordre de 10% d’économie) et entre 30 s et 1 mn de temps de chauffe. Au passage, ces économies de combustibles sont bonnes à réaliser à la maison également ; les tensions croissantes sur l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (re)mettent d’ailleurs au goût du jour des méthodes comme la marmite norvégienne…

Pare-vent en feuilles d'aluminium.

Et maintenant, on mange quoi ?

Très bonne question smiley ! À laquelle nous nous proposons de répondre dans cet article en identifiant des aliments « pratiques » pour le bivouac, en passant en revue les différents types de repas classiques et en proposant des idées de menus variés et appétissants. Pour que les repas continuent de compter parmi les meilleurs moments d'un voyage nature !

Texte et photos : Carnets d'Aventures, et Yann et Amélie Bobe, les Supervagabonds.