2 membres et 35 invités en ligne
Accueil des forums
Philosophie du voyage nature 3

Randonnée dans le Beaufortain ou que penser du Pastoralisme moderne ?

paleo_pat - 12 sept. 2008
189 messages
Au retour d'un périple, le randonneur que je suis éprouve parfois l'envie de partager ses plaisirs, de faire découvrir des lieux qu'il a appréciés.
Aujourd'hui, même si nous avons eu du plaisir lors de notre randonnée estivale dans le Beaufortain, j'ai eu envie de mettre l'accent sur quelque chose qui nous a choqués, dérangés.
Bref un petit coup de gueule :
:paf:

Le terme pastoralisme évoquait pour moi, des traditions et des animaux sainement nourris grâce aux ressources fourragères spontanées. Il évoquait également un métier difficile, mais une vie proche de la nature, dans le respect de celle-ci.

Seulement, cela fait quelques années que je me ballade dans le Beaufortain et je dois dire qu’au fil des ans, mon opinion positive sur le pastoralisme commence à s’effriter.

Tout d’abord, j’ai été surpris de voir dans des fermes d’alpage (env. 2000m) des énormes sacs de choses qui ressemblent à des croquettes.
J’ai aussi la nette impression que les troupeaux (principalement des bovins dans le Beaufortain) sont de plus en plus gros et qu’on les retrouve de plus en plus haut (j’en ai vu à 2400m cette année).
J’avoue ne pas encore avoir trouvé de données permettant de confirmer ces impressions. Mais il doit y avoir une corrélation avec ces photos qui ne sont pas des impressions :


Non, ce n’est pas dans une station de ski.



Pourtant, on y déplace la montagne.

Il s’agit de la création ou la prolongation d’une piste reliant le refuge du Nant du Beurre au Grand Crétet puis certainement au col des Tufs Blancs. (altitude 2000 à 2300m).
Au moins un des buts de cette piste est de permettre aux éleveurs d’accéder toujours plus haut, avec des moyens mécanisés, pour effectuer la traite et redescendre le lait.
Je n’ai pas la preuve de ce que j’affirme, mais j’ai déjà vu cela il y a quelques années dans la vallée du Charbonnet au-dessus de Bourg St Maurice, sans autre raison.

- Je pourrais me dire que ce n’est pas bien grave, surtout au regard de ce qui se fait en face dans les stations de ski…. Cela dit, ce n’est pas parce qu’un voisin fait des conneries que l’on est autorisé à en faire, mêmes plus petites.
- Je pourrais me dire que d’ici quelques années, la cicatrice sera moins visible. Oui mais les véhicules et les vaches pourront accéder encore plus nombreux et encore plus haut.
- Je pourrais même me dire que cela sera plus facile pour parcourir cet itinéraire en VTT… Mais je préfère les singles quitte à devoir passer à pied certaines côtes. :D

Ah que la vie était belle quand j’étais jeune et insouciant !!! Quand mes yeux et mon cœur ne regardaient la nature que comme un terrain de jeu !!! Quand je ne me posais pas tant de questions !!! :snif:
Mais au fils des ans, je me suis construit, ma conscience s’est éveillée ; même si cela a mis du temps, trop de temps.
La prise de conscience, c’est parfois douloureux, mais c’est également apaisant. Ça donne un sens à la vie. Elle est souvent provoquée par les graines semées par d’autres. ;)

J’ai pensé à vous et sur ce sujet, j’ai eu envie de semer la mienne.

Voilà pourquoi je m’accorde le droit
- de reprocher aux éleveurs d’employer des moyens facilitant leur travail et leur permettant certainement de résister aux diverses concurrences.
- de leur reprocher d’être comme tous les hommes, happés par la modernité, par la société et tous ses travers. :(

Derrière une activité qui parait proche de la nature, derrière un fromage AOC qui a une bonne image et qui parait écologique, il y a quand même une montagne et une nature que l’on lacère, qui subit de plus en plus l’empreinte de l’homme.
Sans parler de la consommation des litres de pétrole que cela engendre et qui se transforment en CO2 contribuant au réchauffement climatique.

J'ai envoyé ce document au syndicat de défense du Beaufort, mais on pouvait s'en douter, je n'ai pas eu de retour…
Je me suis donc décidé à publier ce post sur le forum, mais que puis-je faire d’autre ?
Compte tenu de ce qui se passe sur l’autre versant (La Plagne, les Arcs) où la montagne est défigurée, je suis passé du ski de piste au ski de randonné.
Pour ce versant, j’envisage d’arrêter la consommation de fromage et notamment du Beaufort que j’apprécie particulièrement.

Le sujet peut paraître un peu éloigné du magazine mais dans Voyage Nature, il y a Nature.
Et puis, même s’il est parfois décrié, n’y a t il pas l’extraterrestre pour qui le voyage nature est propice à la réflexion ?

J’attends donc vos réactions, qu’elles aillent dans mon sens ou corrigent mes propos.

Patrick

mad - 12 sept. 2008
981 messages
J'ai vu des choses semblables - en Corse en Mai dernier par exemple.
Dans le même ordre d'idées, mais dans un milieu naturel différent, on peut citer les impacts croissants de la conchyliculture et de la pisciliculture maritime en France sur le paysage littoral.
Pire, la culture de crevettes en Thaïlande et ailleurs.
Difficile de juger : de 6 millions d'habitants il y a 10000 ans, la planète doit maintenant nourrir 6 milliards d'humains.
Et le niveau de vie de ces humains augmente en moyenne (ils mangent plus de viande, de poisson et de fromage), ce qui n'est pas en soi à regretter.
Alors, oui, on peut déplorer la disparition des milieux sauvages, mais comment faire?
Les priorités AMHA sont de préserver des espaces de biodiversité, mais aussi d'empêcher les famines (OK, le Beaufort n'est pas une ressource essentielle, mais j'élargis un peu ta problématique).
Comment concilier ces impératifs contadictoires?
A l'échelle individuelle, en maitrisant sa consommation.
A l'échelle planétaire ???

pierre83 - 13 sept. 2008
152 messages
Merci Pat pour ton recit et ton témoignage :)
J'avoue que j'ai tendance à raisonner plutôt comme Mad : je ne suis pas satisfait loin s'en faut : de la réponse actuelle de notre monde envers la nature mais encore ne faut il pas au delà de la critique d'une situation, solution "facile" en oublier ou occulter la difficulté du problème et de ses différentes données : il y a largement de quo philosopher
N B : Je suis d'autant plus heureux que ce soit Mad, qui tienne ce discours, que je l'avais trouvé carrément "ultra" :canon: du pneumatique... dans son post sur descente de la Loire
mad :
...d'après mon expé larience, une carte Michelin suffit largement ...
Mais si tu as des cartes détaillées scannées, pourquoi pas !

Passe encore de naviguer sur la Loire en KG gumotex, mais de là à utiliser les cartes d'un célébre manufacturier de pneu :gna:

paleo_pat - 23 sept. 2008
189 messages
Bon j’ai lancé le débat, je vais le poursuivre un peu en répondant à Mad et à Pierre, mais j’ai bien conscience d’être à la limite du cadre du forum.
Il ne faut donc pas trop élargir la problématique et rester dans le cadre du contact avec la nature lors de nos randonnées.

Dans le même ordre d'idées, mais dans un milieu naturel différent, on peut citer les impacts croissants de la conchyliculture et de la pisciliculture maritime en France sur le paysage littoral.

Sur ce point, nous sommes d’accord. Par contre je serai nettement moins modéré ou indulgent que vous :

J’ai hésité à ouvrir ce post, mais je l’ai fait parce dans le magazine ou le forum il est aussi question de minimiser notre impact lors des voyages nature. (Faire disparaître les traces de feu, enterrer les excréments ou les emporter, …). Or comment avoir cette discipline dans une nature qui est ou aura été bafouée pour des intérêts économiques.
Pourquoi éviter de prendre l’avion si l’on accepte pelleteuses, camions et 4x4 dans nos montagnes pour la production de fromage ?
J’ai évidemment plus d’interrogations que de solutions, mais des solutions passent par une prise de conscience individuelle.


Dans sa chronique du dernier n° de CA, David dit que lorsque l’on a un marteau dans les mains, il ne faut pas voir tout problème comme un clou. Pour reprendre l’analogie avec l’article, je répondrai à Mad que lorsqu’il y a famine, il ne faut pas voir comme seule solution la production d’aliments :
Quelques éléments de réflexion pour illustrer :
- Comment juguler l’explosion démographique ?
- Analyser pourquoi des populations meurent de faim au milieu d’un garde manger
- Perte de Culture et de connaissances leur permettant de subvenir à leurs besoins
- Volonté de s’identifier au « modèle occidental » Nous devrions donc montrer l’exemple et maîtriser notre consommation.
- Problèmes politiques
- Choisir les aliments et les modes de production adaptés (viande et lait on un rendement très médiocre, leur production dégage beaucoup de CO2 => réchauffement climatique, => un effet sur la production d’aliments, => famines)

Oups, j’élargis trop la problématique et je sors du cadre que je me suis fixé.

Remonter