Une GTMC parmi d'autres

Début d’automne 2023, il plane un doux air d’été indien. Les prévisions sont formelles : un anticyclone est installé sur toute la France, et il n’est pas prêt de bouger. C’est très probablement la dernière fenêtre avant l’humidité, le froid et les nuits trop longues de l’hiver.
Une aubaine en soi. Mais je suis pris au dépourvu, sans projet de voyage en tête. C’est la météo qui va me foutre dehors ! On a connu pire. Alors, où partir ? Facile, il suffit d’ouvrir le carton des idées que l’on repousse éternellement. En haut de la pile, aller voir la petite Mongolie. En France. Le Cézallier quoi. Mais ça claque toujours un peu plus pour raconter son voyage. Et la Mongolie sera bientôt rebaptisée le grand Cézallier, paraît-il. À vérifier quand même.
L’organisation est précipitée par la tempête de beau temps : la Grande Traversée du Massif Central passe par le Cézallier ? Parfait. Une trace maintes et maintes fois parcourue et totalement validée par de nombreux cyclistes. Pas besoin de réinventer la roue.
Alors, comment rejoindre l’itinéraire ? À Clermont-Ferrand ? Bon, il y a un train demain pour Valence, puis je n’ai qu’à rejoindre la ville du Bibendum à vélo, en faisant un détour par la Dolce Via. Vous suivez la logique ? Moi non. J’étais juste pressé d’être dehors !

Clermont-Ferrand. Le tracé de la GTMC est sous mes roues. Depuis quelques années, elle part du Morvan, bien plus au nord. Et elle termine toujours à Agde, sur les bords de la Méditerrannée. Une migration plein sud, que je prends en cours de route. Jusqu’où ? On verra bien. Ici, l’itinéraire commence par louvoyer entre des géants qui sommeillent depuis quelques millénaires : les Puys. Ces montagnes arrondies que je voulais (re)voir depuis tant d’années. Mon dernier passage dans le coin, plutôt furtif, remonte à une quinzaine d’années. Ils n’ont pas bougé, mais se font désirer : la GTMC, souvent en sous-bois, ne laisse que de courtes fenêtres pour les apercevoir. Mais des forêts comme ça, j’en veux plus souvent !

Me voilà aux portes de ladite petite Mongolie. Et Wikipedia de préciser que “le massif du Cézallier est le reste d'un volcan hawaïen”. Si avec ça, t’es pas dépaysé ! Le moment de dégainer toute la grandiloquence de mise pour raconter ces paysages d’une infinie immensité. C’est grand quoi. Et c’est beau. Infini, peut-être pas. Disons qu’on touche vite l’horizon, la Mongolie a quand même une steppe d’avance en la matière. Mais quelle chance d’avoir ça ici, dans l’Hexagone, à portée de roues.

J’étais venu voir le Cézallier. OK, c’est fait. Mais je vais où maintenant ? Il fait beau depuis une semaine et les prévisions continuent d’être optimistes… Alors autant continuer sur la GTMC, qui m’invite à la suivre jusqu’à… la grande bleue ? Soyons fous. Je n’ai aucune idée de comment rentrer chez moi depuis là-bas, mais est-ce qu’on ne remettrait pas ce problème à plus tard ? Pédale, tu réfléchiras après.

C’est un rituel, à l’approche d’un village de taille modeste se pose la même question : où est la boulangerie et qu’est-ce qu’on y trouve de bon ? La brioche aux pralines de Florac-Trois-Rivieres (rien à voir avec le rhum) m’a fait un claquage des papilles. Divine. En bon amateur de pralines (ma deuxième passion après le beurre salé, j’ai grandi en région lyonnaise*), j’y retourne une seconde fois. Renseignement pris, la fille de la boulangère avait fait ses études à Lyon. Ce monde tourne rond, la diaspora de la praline est lancée.

Le mont Aigoual derrière moi, la Méditerrannée semble à une portée de roues. Enfin, des roues de 7 lieues, mieux que le 29 pouces. Comme le créneau de beau temps se termine bientôt, j’essaye d’y arriver avant la perturbation. Échapper à la pluie, un peu comme si j’étais en sucre. Ou un chat. Alors je file sur la GTMC qui connecte des endroits que je connais de manière isolée : cirque de Navacelles, lac du Salagou… Ça régale les pupilles. Toujours aussi seul au monde. Ah oui, ça fait bientôt une semaine que je ne croise personne, vous l’ai-je dit ?