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Tatras slovaques : sur les traces d’un paradis méconnu

(réalisé)
Introduction — Objectif : Hautes Tatras

Les Tatras forment une magnifique chaîne de montagnes dans le massif des Carpates occidentales. Elles constituent une frontière naturelle qui sépare la Pologne de la Slovaquie par ses crêtes.
C’est un parc national officiellement reconnu, très protégé et réglementé.

Nous vivons une partie de l’année côté polonais, près de Zakopane, une jolie station de ski, et nous avons déjà bien exploré les alentours.
Mais la partie slovaque, qui abrite les Hautes Tatras et les plus hauts sommets du coin, est fermée une partie de l’année et ne nous avait encore jamais ouvert ses portes.
Cet été, c’est l’occasion !
Plusieurs projets sont prévus dans la région, et nous aimerions avoir un petit aperçu de cette zone encore inconnue pour nous.

Il faut savoir que le bivouac est interdit dans l’ensemble des Tatras.
Il y a de nombreux refuges, mais ce ne sont pas de petits abris.
Il y a encore quelques années, on pouvait débarquer à l’improviste, sortir son duvet et se trouver un petit coin pour la nuit.
Mais récemment, on s’est vu refuser l’accès, sous prétexte que des lits étaient disponibles — en gros, il fallait casquer pour un lit.
Impossible donc de faire comme d’habitude, sauf si le refuge est complet.

Bref, une nouvelle réglementation qui ne nous enchante pas vraiment, qui casse un peu le charme et surtout nous limite dans notre liberté de mouvement.
Il est devenu difficile de faire son sac spontanément et de filer en montagne à l’improviste… mais c’est comme ça.
Nous sommes déjà heureux de pouvoir arpenter ces jolis sentiers.

Ce manque de flexibilité et de liberté nous pousse à réfléchir à des stratégies pour barouder en autonomie et retrouver un contact au plus proche de la nature, tout en respectant les règles du parc.

Un ami du coin nous a donné pas mal de bons plans.
Après avoir étudié rapidement la carte, les premiers itinéraires prennent forme.
Nous avons repéré une zone officielle de bivouac au bout d’une vallée.
De là, quelques lacs d’altitude et un sentier menant aux crêtes nous plongeront au cœur des Hautes Tatras, avec son plus haut sommet, le pic Gerlach, qui culmine à 2 655 m d’altitude.

On prépare donc le paquetage avec de la nourriture pour trois jours de rando et deux nuits de bivouac.
Excités à l’idée de découvrir cette partie encore inconnue pour nous.

(Le détail du matériel emporté est dispo en fin de carnet pour les curieux.)
randonnée/trek
Quand : 30/06/2025
Durée : 3 jours
Distance globale : 27.2km
Dénivelées : +1393m / -1388m
Alti min/max : 978m/2169m
Carnet publié par Chris et Ada le 07 juil.
modifié le 08 juil.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en bus
Précisions : Transport : Nous prenons le bus à deux pas de la maison, direction Zakopane, où un second bus nous conduit à Łysa Polana, à la frontière slovaque. De là, plusieurs départs de randonnées sont possibles, dont la célèbre qui mène au lac de Morskie Ok...
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Vue d'ensemble

Le topo : Direction les crêtes (mise à jour : 07 juil.)

Distance section : 8.2km
Dénivelées section : +887m / -885m
Section Alti min/max : 1319m/2169m

Description :

Direction le refuge Zbojnícka par le col de Prielom — la « brèche » en français, un détail qu’on découvrira un peu plus tard.

Objectif : franchir le col à 2 288 m, atteindre le refuge, manger, puis revenir au camp.
Une journée ambitieuse, mais rien qui nous fasse peur… du moins, sur le papier.
Le terrain et nos jambes, eux, vont en décider autrement.

Note : j’ai ajouté deux points info sur la carte pour visualiser le col et le refuge prévus, car ils n’apparaissent pas sur la trace, évidemment.

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Le compte-rendu : Direction les crêtes (mise à jour : 07 juil.)

Jour 2 – Ça commence mal

Manque de bol, nuit pourrie. 
Le retour au bivouac, faut retrouver nos habitudes, la bonne config, tout ça. Bref, je suis complètement éclaté, et Ada aussi…

Il fait 7 degrés au thermomètre, mais le ciel est bleu, et le soleil ne va pas tarder à cogner. La journée va être longue. Pas le temps de faire la grasse matinée, on a du pain sur la planche.
Un saut à la rivière pour se rafraîchir. Un café bien costaud, puis une petite séance de mobilité pour dérouiller la machine.

On pourrait laisser le campement sur place, comme nos voisins, mais il y a quand même un peu de passage. Le tarp est ouvert, on hésite un peu.
Il y a aussi une autre option : selon l’ambiance au refuge, on pourrait balancer les duvets dans un coin et dormir sur place, puis pousser un peu plus loin demain.

Encore une fois, on a peu d’infos, on est avant tout là pour découvrir, capter l’ambiance, les règles, etc. On est flexibles et prêts à changer le plan, mais au moins on sait qu’ici on a un camp de base sûr.

Finalement, on plie et on embarque tout le barda — puis ce n’est pas pour le poids que ça fait.
Cap sur les crêtes.
Cap sur les crêtes.
On enlève rapidement les premières couches. Même si le début du sentier est encore en forêt, il fait déjà chaud et humide, la végétation est dense — on se croirait presque à La Réunion.
Le truc sympa, c’est qu’on a de l’eau partout, le chemin ne quitte pas d’une semelle un torrent qui descend des montagnes.

Pffiiou, la mise en route est dure, les mollets chargent vite, on progresse vraiment cool.

Ça y est, les premiers sommets pointent le bout de leur nez. On est surpris de ne croiser personne, le sentier est à nous, c’est génial.
Le chemin est sans pitié, aucun répit, ça grimpe sec, un vrai kilomètre vertical.

On aperçoit les premiers randonneurs à la traîne, malgré notre petit rythme, on les ramasse au passage.

On arrive au premier lac, Litvorové Pleso, paisible, couleur émeraude. On marque une courte pause, mais on veut garder le rythme et essayer d’arriver au refuge pas trop tard — on sait que le retour sera long.
Alors, on repart dans la pente.
Calme absolu au lac de Litvorové Pleso.
Calme absolu au lac de Litvorové Pleso.
Honnêtement, c’est pas la forme olympique. 

On a maintenant passé les 2 000 m, et on finit par arriver tant bien que mal à une intersection.
En face un peu plus haut : un col qui plonge direct vers une vallée et mène à Tatranská Polianka, à 3 h 30 de marche. Une petite station au pied des Tatras, à 1 000 m d’altitude, un peu comme Zakopane.

Depuis ce col, d’autres options sont possibles : on peut monter par des crêtes, avec plusieurs sommets à la clé. Mais vu la difficulté du terrain, les arêtes aiguisées… ce ne sont pas vraiment des traces officielles.
Ça nécessite certainement du matos de grimpe. Nous, on doit filer à gauche. Le refuge est annoncé à 1 h 45.

On aperçoit un chemin qui traverse un pierrier plutôt pentu, puis plus rien : une face abrupte au fond, avec un couloir qui nous laisse un peu perplexes à l’idée de grimper là-dedans. À vrai dire, on n’est pas les seuls.
Quelques autres randonneurs scrutent le chemin sans grande motivation. Si le sentier monte à travers le couloir, ça va être sport. Surtout en sachant qu’on comptait revenir par là aussi, et donc repasser par ce chantier.
Un casque et une bonne paire de pompes, je pense que c’est le minimum requis niveau sécurité. Et puis, en toute honnêteté : on est rincés…

On se pose un bon quart d’heure et on analyse la situation. Fatigue, chemin engagé, matos limité… Tous les ingrédients pour se mettre en danger.
On se met d’accord rapidement : on n’y va pas. Le repas de ce midi ? Eh bien, on bouffera le breakfast de demain matin...

De toute façon, demain on doit seulement redescendre dans la vallée, rien de bien méchant. Un petit jeûne ne nous fera pas de mal.
Le col de Prielom passe pile au creux du V formé par les crêtes.
On devine à peine un chemin en zigzag dans ce chantier.
Le col de Prielom passe pile au creux du V formé par les crêtes.
On devine à peine un chemin en zigzag dans ce chantier.
Bon, allons plutôt jeter un œil au col en face. On n’est pas loin, et le chemin est, quant à lui, bien tracé — même s’il est très raide.

Arrivés là-haut, on profite. On est trois ou quatre, à peine. Vue plongeante sur les plaines slovaques en contrebas, avec un joli petit lac.
Autour de nous, que des sommets abrupts. Le coin est vraiment impressionnant. On observe un moment quelques grimpeurs sur des arêtes plus haut.
On peut même les entendre causer, tellement le silence est total. 

On relativise. On est contents d’être en montagne. Il fait grand beau, et il y a peu de monde. 
On accepte les conditions, la forme du jour. L’après-midi est encore longue, on va redescendre tranquille, et on fera une pause au lac pour le casse-dalle. 

On fait le point sur nos erreurs, les choses à améliorer, le matos à emporter pour la prochaine fois :

– Prévoir un repas en plus, au cas où.
– Mieux étudier la carte : avec une 1/25 000, voire une 1/20 000, on peut avoir une vision plus claire du relief, des cols à franchir, des difficultés du terrain, etc.
– Emporter un casque, et de la corde. Les Hautes Tatras sont très abruptes, minérales, techniques. Même les traces balisées sont très engagées.
– Une meilleure paire de pompes : les baskets de trail sont un peu limites là-dedans.

On redescend sereins. Le col de Prielom nous aura échappé, mais on aura quand même pris de la hauteur. Et puis, on a quand même eu droit à un grand spectacle.

En haut du col Pol'ský hrebeň, 2 200 m.
En haut du col Pol'ský hrebeň, 2 200 m.
Là-haut, quelques grimpeurs jouent les funambules.
Là-haut, quelques grimpeurs jouent les funambules.
De l’autre côté du col, la vallée plonge vers Tatranská Polianka.
De l’autre côté du col, la vallée plonge vers Tatranská Polianka.
Quelques photos, puis on rattaque la descente, direction le lac pour une longue pause.
C’est aussi ça, profiter de la montagne : le côté challenge, certes, mais prendre le temps d’observer, d’écouter.

Une fois au lac, je déballe la popote. Le repas est le même que ce matin : porridge de sarrasin — gourmand, rassasiant, parfait.
Le soleil cogne, on tape la bronzette sur une petite plage de cailloux. Un curieux vient nous rendre visite, s’approche doucement, puis repart gambader plus haut.

Depuis le lac, on aperçoit au loin le sommet affûté du Rysy, le plus haut de la partie polonaise, qui culmine à 2 500 m.
Beaucoup tentent ce sommet, mais on n’a pas encore eu l’occasion d’y grimper. Il faut trouver la bonne fenêtre pour éviter la foule qui s’entasse dans la partie abrupte, là où la montée s’aide de chaînes et de marches métalliques.
Un jour comme aujourd’hui, il y a forcément du monde là-haut. Je préfère autant être ici, tranquille.

Un couple est venu s’asseoir de l’autre côté du lac. Ils n’ont pas fait gaffe, mais ils sont installés au pied d’un pierrier, très exposé aux chutes de pierres.
Soudain, ça se décroche. Quelques grosses pierres dévalent la pente, pile sur le versant où ils se sont posés.
Figés, ils se tournent et observent la scène sans bouger. Hypnotisés. Même deux chamois s’échappent d’un bond.

Par chance, les pierres s’arrêteront à mi-chemin. 
Étrange attitude de ces gens, qui resteront quand même assis au même endroit…
Un curieux s’approche, intrigué.
Un curieux s’approche, intrigué.
Après cette pause agréable, on reprend la descente et on décide d’emprunter une petite bifurque plus bas. Elle nous mène à un autre lac : Zelene Kačacie Pleso. Le chemin a l’air peu emprunté — il faut se débattre avec les branchages pour y accéder. Mais le jeu en vaut vraiment la chandelle.

Nous arrivons face à ce lac majestueux, une véritable lagune. Peu profond, avec de petits îlots en son centre. Les formations rocheuses et les falaises qui le bordent sont vertigineuses. On est seuls, face à cette magnifique carte postale. Encore un moment privilégié, assis le dos contre une roche, à contempler ce spectacle de la nature. On voudrait presque y rester…

Mais l’heure passe, et la descente est encore longue pour retrouver le camp de base. Les jambes sont légères, imprégnées d’une nouvelle énergie. 
On gambade vers le camp, les jambes lourdes ont disparu. Une renaissance. La forme revient doucement, par le mouvement. L’effort comme médicament.

Au camp de base, ce soir, un nouveau groupe de grimpeurs débarque. Les sacs chargés, ils viennent pour plusieurs jours. L’ambiance est bonne, mais on est trop crevés pour veiller près du feu. On mange sur notre petite estrade, face à la rivière.

Soudain, un bonhomme vient s’asseoir à côté de nous. En tenue de cycliste, la soixantaine, la peau tannée par le soleil. Piotrek. Il nous parle des belles années. Plus jeune, il venait bivouaquer ici. Il a ce regard un peu flou, les yeux humides. Un air nostalgique. Ému. Peut-être a-t-il perdu quelqu’un… une femme, un ami. J’ai l’impression que notre petit duo lui rappelle un morceau de sa vie. On n’en saura pas plus.

Avant de partir, il nous offre un zapiekanka — une sorte de tartine garnie de champignons et de fromage. Un joli cadeau, qui viendra garnir notre repas du soir.

Après le dîner, rassasiés, on plonge dans les duvets. Il est 20 h 30 à peine. Une fatigue écrasante me cloue d’un coup. Sommeil profond, immédiat. De belles images plein les yeux.
Encore une magnifique surprise.
Encore une magnifique surprise.
On peut noter la petite langue de neige qui sort d’une grotte, quel décor !
On peut noter la petite langue de neige qui sort d’une grotte, quel décor !
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