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GR20 sud - la Corse en solo

7 jours
92.1km
+4330m / -5021m
Par
mis à jour 25 avr.
1126 lecteurs
Informations générales
Le GR20 est un pique-nique, preuve en est que certain.e.s le traversent en 4 jours.
Chaussez vos tongues, et embarquez pour une promenade dominicale.
Activité :
randonnée/trek
Statut :
réalisé
Distance :
92.1km
Durée :
7 jours
Dénivelées :
+4330m / -5021m
Alti min/max :
257m/2094m
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en train stop ferry
Toutes les sections GPX , KML

GR20 sud - la Corse en solo

Les étapes :

1
mise à jour : 25 avr.
L’esprit du Baudet.

Depuis l’aéroport d'Ajaccio, j'emprunte la navette direction la gare. Le train est à quai.

Je fais la rencontre d'un acteur de théâtre Italien qui vient pour une tournée dans un village du nord de la Corse.

Le petit train grimpe dans la montagne. Je m’arrête au restaurant de la gare de Vizzavona et loue une chambre. Dans le dortoir un couple est déjà installé:

"- Salut moi c’est Lo, me lance le gars.
- Sans blague ? Moi aussi !"

Sa copine s’appelle Ju, ils se connaissent depuis huit ans. Il voulait faire le Gr20 pour ses 30 ans, elle a décidé de l’accompagner. Eux aussi font le Gr20 Sud.

Avant le repas, je descends à la rivière me tremper, il a fait chaud. Sur le chemin du retour je croise une mûle noire qui vient me renifler. Je lui tends des touffes d’herbe à travers la clôture, caresse son museau. Le premier contact avec le vivant, le plus important. 

New spirit animal unlocked ! Un de plus à sculpter sur mon totem.

Au restaurant je commande une Rousse à la cerise accompagné d'un Osso bucco. Je prends pour emporter le petit déjeuner du lendemain :  Jus, Banane, yaourt, compote, pain et confiture maison.
2
14.9km
+1036m / -365m
mise à jour : 25 avr.
À dos de cheval

La nuit a été chaude, j’ai cru entendre la pluie. Réveillé aux aurores, je remplis ma poche d'eau de 2L. 

Je me mets en route aux premières lueurs, passant devant le chic hôtel particulier puis le plus modeste camping où squattent les géhéristes. 
On entre dans la forêt, une petite chapelle en pierres ouvre le chemin. Très large au début, le sentier emprunte une piste forestière. 
Soudain sur un arbre : une trace rouge et blanche en forme de X ! 
"C’est les bonnes couleurs mais pas le bon signe", je pense. Le GR c’est deux traits horizontaux. Je continue ma progression, avant de m'inquiéter de ne plus voir de balisage.
Demi-tour jusqu’à trouver un petit chemin balisé qui monte sur la droite. Je regarde trop mes pieds et pas assez où je vais. 
Ça fait pas une demi-heure que je marche et je me perds déjà. 
Ça promet. 

En haut de la montée, je retrouve Lo et Ju.
"- He ! On te voyait plus, on pensait que tu nous avais mis une misère !
- Nan j'me suis paumé. On s'pose pour le déj'?"

Joli point de vue sur la vallée baignée de lumière satinée. Ici, les pins sont des virtuoses en équilibre entre le ciel et la terre. Puis ça grimpe à découvert sur la pierre. Des cavaliers me dépassent peu avant le premier Col de Bocca Palmente.  Il faut avoir confiance en sa monture, quelle qu'elle soit. En redescendant vers la forêt, premier ruisseau, j'explore en amont pour trouver le bassin de ma première baignade. 
J'en ressors plus vivant, le ...
3
17.7km
+922m / -715m
mise à jour : 25 avr.
Fromage de brebis

            Dans la nuit, j’entends un bruit. Bruissement de feuillage. Silence. Craquement de branchage. Je fouille dans la poche de mon hamac, dégaine ma lampe frontale: un goupil pris sur le vif, me regarde les pupilles contractées, tenant dans sa gueule une de mes chaussures. Honteux et confus, le renard lâche mon soulier et s’enfuit. Je me lève et ne trouve qu'une chaussure, par chance je retrouve la deuxième quelques mètres plus loin. On ne m'y prendra plus : Je noue les lacets ensemble et accroche ma paire à une branche. Ce serait le comble d’arrêter dès le premier jour à cause d'un vol sauvage de chaussure. 
4
10.4km
+611m / -706m
mise à jour : 25 avr.
L’esprit du Baudet 2 (le retour).

            Liseret rouge à l’horizon. Petit yoga pour amorcer puis, aux premières lueurs roses, je décolle. On est sur les crêtes désormais, c’est plus technique, et je me retrouve régulièrement à quatre pattes. J’ai le ventre vide et quelques sueurs froides sur la paroi rocheuse. Escalader je veux bien, même que j’adore, mais pas avec une charge de 15kg qui me limite dans mes mouvements.  Je repense à la mûle noire, la veille de mon départ. Il me faut invoquer le baudet en moi et non plus le bouquetin sauvage qui lui ne s'encombre d'aucune charge. 
C’est un autre mode, et mon sac semble peser de plus en plus lourd.
Ça ira mieux après le déjeuner.

            Sur le GR, je croise plein de couples. Chaque fois, c'est comique, les maris se sentent obligés de se justifier :
"- On y va doucement, c’est pour elle surtout que c’est difficile." 

"- On ne sent plus son corps, let's go on buzze sur l'adrénaline !" Je m’exclame ironiquement, en passant devant la femme de Pat, un ultra-traileur.
"- Euh ouais… bof !" répond-elle découragée et incrédule.
L’adrénaline, un sous-produit de la testostérone ?

La montée dans la forêt de feuillus est raide. Je marche derrière un des belges semé par son groupe plus rapide. Je me calle sur son rythme, aspiré par ses foulés comme un oiseau dans une formation en V. On parle de restauration, je l’écoute me parler de ses rêves et ambitions. J’observe son cheminement int...
5
13.6km
+344m / -516m
mise à jour : 25 avr.
Queue de cochons

            Je me prépare dans le noir, il doit être 4h30. Je commence l’ascension avant les premières lumières. Les crêtes sont aussi techniques que la veille, notamment un passage comportant une chaîne métalique. Et toujours le sac qui gène les mouvements dans ce type d'escalade. On passe tantôt à l’ouest, tantôt au soleil à l’est. Je fais une photo pour mon cher ami Adam, à qui j’avais prédit que le GR20 serait un pique-nique que je ferai en sandales. 
6
7.6km
+568m / -612m
mise à jour : 25 avr.
Les chiens aboient, la caravane passe.
1re grasse matinée. Très bien dormi. Aujourd’hui, c’est l’ouverture de la chasse, les hommes se rassemblent et les chiens sont excités.

On décolle ensemble avec Ji & Ju, nos rythmes se croisent plusieurs fois, je marche plus vite mais m’arrête plus souvent. Je suis content de ne plus avancer seul. La grimpette est physique. On entend quelques détonations puis des chiens qui aboient. Une fois en haut, je décide de continuer mon ascension au sommet, tandis que les filles redescendent l'autre versant. On peut voir le refuge, tout petit en contre bas. Je planque mon sac pour faciliter l’ascension de l’Alcudina (L’enclume 2134m), personne aux alentours, sinon un vieux et sa canne.

Je monte léger en sautillant comme une chèvre, une trève pour le baudet, je suis léger et ça m’éclate. En haut, une vue à 360 avec la mer de chaque côté. Soudain, le vieux à la canne apparaît de derrière un rocher, comme s’il s’était téléporté. Il me raconte venir ici tous les jours, il habite en bas à la bergerie où j’ai passé la nuit (!) Il dit aimer sa région. Je lui dis que c’est très beau. Il semble ravis que j'aie pris le temps de monter jusqu'ici discuter. Il me dit quelques mots dans sa langue. Il m’apprend à dire au revoir en corse: A ‘Vedeci. Je répète, « Abedjé ! »   
Voilà ce que j’ai appris. Je suis monté ici haut pour apprendre à dire au revoir.  En corse.  
Si vous croisez un vieux dans les parages, dites-lui « ...
7
15.5km
+593m / -1066m
mise à jour : 25 avr.
La fourmilière et le jeu d'échec.

            Il fait jour, je me lève plus tard qu’à mon habitude, et croise les belges qui, elles, se lèvent plus tôt que d’habitude. Elles prennent le lead, on descend dans la forêt plutôt que d'emprunter la variante alpine plus difficile. Il y a moins de dénivelé. On se croise plusieurs fois. Elles constituent une sorte de repère et je suis content qu’elles soient là. Leur présence me donne la motivation pour avancer, surtout que la dernière montée sur la rocaille en plein soleil était pénible. Je commence à fatiguer et des cloques sont apparues sur chacun des mes petits orteils, mes chaussures ne sont pas parfaitement à mon pied. Je perce les cloques et la douleur s’estompe.

Puis c'est l'arrivée au col de Bavella. Crise d’angoisse. 
Sans prévenir et sans transition, le chemin du GR20 débarque sur un parking rempli de voitures. Je cherche les copines, paniqué de devoir affronter la civilisation seul. Je longe la route, les autos filent, le rythme effréné du monde m’effraie. Ça rentre et ça sort des voitures, ça rentre et ça sort des restaurants, ça court et ça parle fort. On se croirait dans une fourmilière. Aussi évident et cliché que ça puisse paraître, à ce moment-là, une pensée m’obsède : « On est une société de consommation ! ». Pas que je ne m’en sois pas rendu compte avant, mais là j’en fais l’expérience directe après six jours à vivre au rythme de la montagne et de la forêt. Décal...
8
12.5km
+256m / -1041m
mise à jour : 25 avr.
Comme une tortue dans l'eau.

Je me réveille avant l’aube dans une petite tente que j'ai squatté par esprit de vendetta. Dissimulée derrière un rocher elle donne vue sur la vallée dans laquelle je m’apprête à m’enfoncer. Je m’accroupis sur le rocher et sors mon harmonica. Improvise une mélodie pour réveiller la contrée.

Ce sera le plus beau lever de soleil de la randonnée, une orange rouge qui émerge d’une mer de nuée. J’avance comme on flotterait au-dessus du monde. Je suis dans un état second. Les arbres se détachent, d’un vert profond, comme le vivant est beau ! 
J’ai aussi la gueule de bois.