A priori, j’en suis capable ! Ou comment transformer incapacité-a-priori en capacité-a-priori
Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°34.
Voir les autres points de vue de l'extraterrestre.
« Moi je ne peux pas faire ça, j'aimerais vraiment mais je ne suis pas capable. »
« Cela me tient beaucoup à cœur, mais je ne suis pas doué, je ne dois pas être fait pour cela. »
Chanter / Bivouaquer / Dessiner / Randonner plusieurs jours durant / Utiliser un logiciel grand public / Apprendre à jouer d’un instrument / Pagayer / Faire une recherche sur Internet / Cuisiner / Dormir à la belle étoile / Lire une carte et s’orienter / Préparer un itinéraire / Parler en public / Se laver dans une rivière / Faire du stop / Utiliser un GPS / Changer une roue…
« J'aimerais vraiment partir quelques mois en voyage à vélo ; j'en rêve ! Mais je ne suis pas capable. Pédaler des jours d'affilée n'est pas pour moi, et je n’ose pas dormir dehors. Et puis j'aurais peur de me perdre, je suis tellement nul pour lire une carte ! »
« J'aimerais savoir jouer du piano mais je ne suis pas doué en musique. Et je suis sûrement trop vieux pour commencer. »
« Je perds du temps tous les jours à mon travail : je ne suis vraiment pas doué pour utiliser ce logiciel qui permet de faire les choses bien plus rapidement. Un collègue m'a proposé de me réexpliquer mais je sais bien que je suis nul, je n’y comprends rien. Alors je n'ose pas demander, et je reste plus tard le soir pour terminer mes dossiers. »
Ériger soi-même les barrières d’une sorte d’incapacité a priori, de médiocrité volontaire pénalisante, que l’on se construit, dont on se convainc, que l’on nourrit, l’on justifie, et surtout, finalement, que l’on subit.
Pourquoi, pour des choses qui lui tiennent pourtant à cœur, l'homme parvient-il si souvent à avoir cette capacité de fabriquer sa propre incapacité, cette compétence de décider de sa propre incompétence ?
La parallaxe est l'effet du changement de position de l’observateur sur l’observation d’un objet.
En psychologie, la parallaxe est une modification de la subjectivité, la différence de perception d’une même réalité. On dit d’un sujet qu’il fait une parallaxe lorsqu’il arrive à percevoir une réalité ou un état dans un sens différent, et qu’il parvient à se décentrer de sa propre perception pour construire un nouveau sens de cette même réalité.
On peut se décentrer de sa propre perception pour adopter un angle de vue différent, changer de paradigme, de cadre de réflexion, d’échelle, de perception…
Je suis capable.
J’ai le droit et le loisir de choisir ce que je préfère penser, alors je préfère penser que je suis capable.
Je suis capable parce que chacun est capable. Je suis capable parce que je suis constitué comme tout le monde. Je suis capable parce que rien ne prouve que je ne le suis pas…
Je suis capable d’entreprendre les choses qui m’enthousiasment. Je suis capable de m’employer à vivre mes rêves. Je suis capable d’aller au-delà de mes peurs, de faire tomber les barrières que j’ai moi-même érigées.
Celles, aussi, que l’éducation que j’ai reçue, la société, les médias, le moule, l’entourage érigent en permanence. Ces obstacles immatériels, tantôt indéfinissables, tantôt pointés comme des flèches empoisonnées, tantôt rigides comme des barbelés, tantôt diffus, qui flottent dans l’inconscient collectif, et le mien par la même occasion... Mais que je peux apprendre à identifier, que je peux contourner, faire tomber !
« C’est dangereux pour une femme de voyager seule ! »
« De toute façon, ton père et moi avons toujours été nuls en math, alors… »
« Laisse-moi faire ! Changer une roue, ce n’est pas pour les filles ! »
« Personne n’est doué de ses mains dans cette famille… »
« Les chiffres montrent que les femmes échouent trois fois plus souvent au permis de conduire que les hommes. »
« Mais tu es nul, tu n’arriveras jamais à rien ! »
Je préfère penser que je suis capable.
Je suis capable !
On gravit rarement un escalier d’un unique bond. On peut décider de monter les marches une par une, deux par deux, voire quatre à quatre si l’on s’en sent l’énergie... Ce qui est sûr, c’est qu’en commençant par la première, on est déjà sur le bon chemin !
Petit à petit, en montant les marches, on progresse vers notre objectif, et on peut alors laisser la vision de celui-ci réalisé s’esquisser dans notre esprit… À mesure que nous avançons, nous pouvons prêter attention à la façon dont cette image plaisante se précise, comment ses contours se forment et s’agrandissent, comment les couleurs se font de plus en plus nettes, comment des sons parviennent à nos oreilles, comment le spectacle de nous-mêmes profitant des bienfaits de la réalisation de cet objectif, comment tout cela renforce notre confiance et notre motivation pour poursuivre.
Je continue à gravir les marches, à pousser les barrières…
Je suis libre de transformer mon incapacité-a-priori en capacité-a-priori !