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Extraterrestre CA 19 : Mondialisation, capitalisme, libéralisme

par L'extraterrestre dans Billets et éditos 05 mars 2010 mis à jour 14 mars 2017 3208 lecteurs Soyez le premier à commenter
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Mondialisation, capitalisme, libéralisme

Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°19.
Voir les autres points de vue de l'extraterrestre.


Vaste sujet…
Les vivants et les morts. Une fresque à la Zola retraçant la vie et le combat d’ouvriers d’une usine d’un secteur subissant fortement la concurrence internationale.
Les vivants et les morts, c’est un livre de Gérard Mordillat qui fait réfléchir sur le monde néolibéral et la place de l’homme dans cet univers.
Resituons le sujet : le capitalisme, le libéralisme, la mondialisation.
Au départ, le capitalisme a été théorisé par des économistes. Ils ont montré que dans un environnement de concurrence libre, l’outil de production devenait de plus en plus performant, car, pour faire moins cher que le concurrent, une entreprise devait améliorer cet outil, l’optimiser, le mécaniser afin que les biens produits coûtent de moins en moins cher à fabriquer. Cela se traduit souvent par la diminution du nombre de personnes nécessaires pour produire une même quantité de biens. Le bilan de ce mécanisme, c’est la libération de bras et de cerveaux pour de nouvelles activités et l’accroissement de la richesse de l’ensemble de la société (au sens large). Tout cela semble bel et bon, et c’est effectivement ce que l’on a constaté au cours des décennies passées.
Voyons maintenant les effets pervers de ces mécanismes…

Un premier aspect concerne les conséquences écologiques. Plus on produit et plus on pollue, plus on consomme des ressources (matières premières, énergie) qui peuvent être en quantités finies et, avec bientôt 7 milliards de terriens, on commence à toucher les bords de notre petit bocal planétaire. Mais éludons cet argument qui est sujet à polémiques, ou alors approfondissons-le à l’occasion d’une prochaine chronique de l’extraterrestre…

Second aspect, la répartition des richesses. On l’a vu, la société, au sens large, c’est-à-dire la société humaine, mettant son outil de production dans un système de libre concurrence et de capitalisme, produit de plus en plus de richesses. Le groupe humain est donc de plus en plus riche. La notion de croissance – admettons 3% – signifie que la somme des biens et services produits l’année n est supérieure de 3% à celle de l’année n-1. Cela veut dire, si l’on pondère ce chiffre par l’inflation, que la société humaine qui a 3% de croissance est globalement 3% plus riche l’année n que la précédente.
Mais comment se passe la répartition ? Car de nombreuses personnes semblent être dans la difficulté…
Une première manière de répartir la richesse est une diminution du prix d’accès aux biens de consommation. En effet, on le voit bien aujourd’hui dans un pays comme le nôtre, tout le monde ou presque peut avoir un téléphone portable, un lecteur de DVD, un ordinateur (le prix des produits informatiques est toujours plus bas ; on peut avoir un netbook pour moins de 300 euros et, même si c’est l’entrée de gamme des ordinateurs, cela permet déjà bien plus qu’une machine d’il y a 10 ans qu’on aurait payée bien plus cher)… Beaucoup peuvent aujourd’hui avoir une voiture bien mieux équipée qu’il y a 10 ans ; dans un système riche où les plus riches changent souvent de véhicule, les plus pauvres trouvent des occasions à un coût acceptable. Pour l’immobilier, on constate cependant que ce n’est pas vrai ; nous développerons ce sujet également dans une prochaine chronique car les mécanismes en œuvre sont édifiants.
Bref, il se produit une sorte de répartition mécanique entre les couches. Mais, mais, il y a un biais, de plus en plus marqué.
En effet la volonté des actionnaires qui exigent toujours plus de rentabilité de leurs actions absorbe la richesse. Le gain en productivité est englouti dans les dividendes distribués aux plus riches aux dépens d’une baisse de prix dont pourraient bénéficier les plus pauvres.
Un autre moyen dont disposent les plus pauvres de s’attribuer une partie des richesses est d’avoir un emploi. Dans un système en forte croissance, la diminution du nombre de personnes nécessaires pour produire une même quantité de biens de consommation est compensée par la demande de production toujours plus élevée. Les personnes sont réaffectées à d’autres secteurs de l’industrie ou de services nouveaux qui se créent en permanence (dans une société en forte croissance économique). Cette réaffectation est en fait davantage générationnelle que de personnes (il y a longtemps, la majorité de la population était constituée d’agriculteurs, ensuite d’ouvriers, mineurs, etc. ; de nos jours de plus en plus dans le tertiaire et le service ; c’est schématique mais ça permet de comprendre ce processus qui est en fait très progressif et subtil). Dans un système en faible croissance ou en décroissance, cette réaffectation et l’absorption par l’augmentation de la demande ne fonctionnent plus et nombreux sont ceux qui se retrouvent alors en situation de précarité ou de chômage ; pourtant, la société dans son ensemble reste riche.
Malheureusement, un des seuls moyens dont dispose la base est de revendiquer un travail ; c’est bien illustré dans Les vivants et les morts. Mais n’est-ce pas plutôt une meilleure répartition de la richesse qu’il faudrait viser, afin que les ressources d’une personne ne soient pas uniquement corrélées à son travail ? En effet, les actionnaires ne fournissent pas de travail et s’enrichissent grâce à celui d’autrui. Un système de distribution automatique d’actions à l’ensemble de la population serait sans doute un bon moyen de répartir cette richesse produite…

Troisième aspect, l’avantage au « moins offrant social ».
Un énorme biais de l’ultralibéralisme et de la mondialisation est de mettre en concurrence des entreprises basées dans des pays très différents n’ayant pas le même système de protection sociale pour leurs salariés. Les pays qui « coûtent le moins cher » deviennent de ce fait très compétitifs. Le seul moyen qui reste à ceux offrant un meilleur niveau de prestations sociales est soit de mécaniser au maximum pour se libérer de la masse salariale et donc des charges sociales associées (ça, c’est la bonne option si elle est réalisable et à condition de répartir ensuite les richesses), soit de diminuer progressivement mais sûrement le niveau de protection sociale.
Est-ce que ce type de concurrence en faveur du moins offrant social peut être vu comme un progrès pour l’humanité ? On peut légitimement se poser la question…

Le quatrième aspect concerne la foi que l’Occident – tout au moins les décideurs de l’Occident – met dans le capitalisme et le libéralisme.
La crise récente a un peu ébranlé cette foi, et c’est très bien (combien de fois entendions-nous avant la crise, parfois presque sur un ton ecclésiastique : « le marché régulera » ?). Mais on a l’impression que l’époque où les économistes s’essayaient à de nouvelles idées, expérimentaient, recherchaient un optimum pour la société (celle des humains !) est révolue. On a retenu une part seulement de leurs théories et on n’ose plus la remettre en question de peur que l’ensemble ne s’écroule.
On répète la grand-messe sans plus oser réfléchir et avoir un regard critique. On est dans le Moyen-Âge économique. Vivement la Renaissance !
L’extraterrestre

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