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Philosophie du voyage nature 7

Quand le guide de voyage remplace la rencontre avec les habitants du p

Sebigma - 07 mars 2007
1 messages
Routard, Lonely Planet, Petit Futé,…
Quand le guide de voyage remplace la rencontre avec les habitants du pays.


Par Sebastien Robert, Ignace Fabiani
et Martin Tonglet*


Cusco, Pérou, Février 2007. Assis sur les marches de la cathédrale dominant la place centrale de la ville, nous profitons de l’air frais et des premiers rayons du soleil. En cette heure matinale, la place est encore calme. Nos regards, curieux, se fixent sur un couple de touristes qui l’air un peu perdus et désemparés, semblent chercher leur itinéraire dans un guide de voyage. Visiblement agacés de ne pas se retrouver et en désaccord l’un avec l‘autre, ils s’arrachent le guide des mains et tentent de le tourner dans toutes les directions pour se repérer. N’y arrivant toujours pas, ils se lèvent, balayent la place du regard et se dirigent vers nous.

- « Sorry, could you please help us, we’re a little lost ? »
- « Euh… yes what can we do for you ? »
- « Would you happen to know how to go from here to the Monumento Pachacuteq ? We’ve desperately been looking on the map that’s in our Lonely Planet, but we’re unable to see where we should go… »

Fin de l’épisode. L’histoire se termine bien : grâce aux précieux renseignements que nous leur avons donné, ces deux touristes ont pus se rendre là où ils voulaient. Cependant après avoir vu cette scène se répéter maintes et maintes fois dans chaque lieu où nous avons voyagé, nous sommes amenés à nous poser quelques questions :

- Pourquoi chercher dans un guide muet une information que tous les habitants de la ville connaissent ? Ne vaut-il pas mieux poser directement la question à quelqu’un ?
- Quand ce couple – ou d’autres – se décide enfin à poser la question, pourquoi décident-ils de la poser à nous – des français – alors qu’il y a sur la place au moins une vingtaine de péruviens qui connaissent beaucoup mieux la ville, puisque c’est la leur ?

En observant ce phénomène de plus près, nous nous apercevons que les guides de voyage ont pris une telle importance que bien souvent, ils remplacent le contact avec les êtres humains. Puisque la vérité sort de la bouche des guides de voyage, tout ce qui n’est pas écrit dans ces guides ne vaut pas la peine d’être vu ou vécu.

Quand nous voulons connaître l’histoire ou la culture d’un pays, nous ouvrons notre guide.
Quand nous voulons savoir où manger, où dormir, où sortir,… nous ouvrons notre guide.
Quand nous voulons savoir quel quartier visiter, quelles rues arpenter,… nous ouvrons notre guide.

Pourtant les premiers spécialistes d’une ville, d’un pays, ne sont-ils pas ses habitants ?

Ne serait-ce pas plus enrichissant et envoûtant de découvrir l’histoire du Pérou en écoutant parler le vieux péruvien assis sur le banc à coté de nous ?
Ne serait-ce pas plus savoureux et excitant de sortir manger et danser avec des habitants de Cusco qui connaissent parfaitement les lieux sympas pour sortir ?
Ne serait-ce pas plus agréable et intéressant de se balader dans les rues d’un quartier avec un de ses habitants qui nous explique l’histoire et les spécificités de ce quartier, plutôt que de cheminer le nez dans notre guide ?

Quand nous voyageons, chaque question, chaque problème que nous avons pourrait être l’occasion d’aller à la rencontre des habitants du pays que nous voulons découvrir. Cela pourrait être un prétexte pour entrer en conversation avec eux et vivre des moments d’échange et d’enrichissement mutuels. Malheureusement, bien trop souvent, en cherchant les réponses dans notre guide, nous tombons dans un mutisme triste et stérile.

Il ne s’agit pas de dire que les guides de voyages sont mauvais en soi ou qu’il n’y a pas des moments où ils peuvent peut-être être utiles, mais juste de constater qu’ils finissent trop souvent par être des prétextes à la non-rencontre avec les habitants du pays.

Or si nous ne voyageons pas pour rencontrer d’autres êtres humains, alors pourquoi voyageons-nous ?

Pour voir des paysages, la nature, un petit village de montagne, les ruelles d’une vielle ville ? Tout cela est très beau bien sûr, mais après ? Au final, il semble bien que ce que nous retiendrons de nos voyages ce sont bien les Autres. Les autres qui nous donnent de leur temps, de leurs sourires, de leurs connaissances,… Dès que nous prenons le temps de s’écouter, de partager et de se laisser un peu bousculer par l’autre, nous nous apercevons que nous avons tant à apprendre les uns des autres. Finalement, c’est pour cela que nous voyageons, pour grandir.

Les guides de voyages sont parfois perçus comme les « clés » du voyage. Espérons qu’ils ne soient pas des clés qui ferment les portes de notre rencontre avec les habitants des pays que nous prétendons découvrir…


* Sebastien Robert, Ignace Fabiani et Martin Tonglet sont actuellement plongés dans une rencontre avec les habitants du continent Américain en voyageant de Montréal au Canada jusqu’à Buenos Aires en Argentine. Pour plus d’informations sur leur voyage peu ordinaire voir leur blog : http://descentedesameriques.over-blog.com

Olivier - 08 mars 2007
2251 messages
Merci pour ce message élaboré ;)
Tout est dans l'usage équilibré d'un guide, pour compléter un peu votre propos voici ce que nous avions écrit dans l'édito de Carnets d'Av N°2

Les nouvelles explorations
Explorateur, voilà un terme qui semble devenu bien désuet ; aujourd’hui, qui peut se prétendre explorateur ? Pourtant, si on y réfléchit, l’exploration permet d’apporter des connaissances nouvelles sur une région donnée. Si de nos jours on ne découvre plus de territoires vierges, il est encore possible d’explorer un pays à la recherche de nouveaux espaces propices à une activité particulière. Par exemple, on peut découvrir de grandes falaises à escalader au milieu de la jungle sud-américaine, trouver des sommets vierges dans des zones qui s’ouvrent politiquement, ou encore descendre en canoë des rivières qui n’ont jamais été parcourues (des pays comme la Chine et la Mongolie doivent en regorger). Par ailleurs, les explorations à vocation scientifique sont toujours d’actualité. Encore plus simplement, explorer peut aussi signifier partir marcher dans un pays selon un itinéraire que l’on définit pour soi-même, suivant une logique géographique ou une envie personnelle, ne pas se limiter aux guides type Lonely Planet, Routard ou autre Futé, vivre son propre voyage, loin des axes touristiques habituels, rencontrer des habitants qui ne sont pas encore « transformés » par le contact régulier avec les étrangers. Encore une fois, on citera la Mongolie : à Ulaan Baatar, un touriste nous a dit trouver la Mongolie trop touristique. Pourtant, lors du premier mois de notre voyage, nous n’avons croisé en tout et pour tout que 7 non-Mongols (rencontres faites de surcroît lors de nos passages dans des villes). Puis un jour, presque tout à coup, des touristes par dizaines nous sont passés à côté dans des 4x4. Cela a duré quelques jours, et puis à nouveau plus d’étranger pendant 3 semaines, plus un seul... Nous venions de croiser un « couloir Lonely Planet » séparant deux points « à ne pas manquer ». Peut-être ce touriste rencontré à Ulaan Baatar n’en est-il pas sorti ? Peut-être, comme de nombreux autres, voyage-t-il uniquement dans des « couloirs » ? Sans les critiquer – il serait bien dommage de se priver des nombreuses infos utiles qu’ils fournissent ou de passer à côté d’endroits superbes par snobisme, par seul désir de ne pas faire comme tout le monde –, disons simplement qu’un pays ne se réduit pas à la description d’un guide. En conclusion, il reste la majeure partie du monde à découvrir hors des sentiers battus.

vieux chaillol - 14 mai 2007
17 messages
J'ajouterais même qu'il faut éviter les conseils, bon plans et autres lieux lieux hors du commun à visiter loin du tourisme : ex les bons plans resto du routard et l'on se retrouve dans un resto sans âme avec plein de touristes à bouffer comme à la maison sans apercevoir le moindre local, ex: "à ne pas manquer" qui signifie "n'y allez pas" si vous voulez voir la population et pas les touristes.... Bref c'est souvent un guet apens avec tout l'effet contraire, les touristes se précipitants dans les lieux indiqués comme loin de tout, perdus (ex : manali, leh, darhamsala etc etc...).
Il faut savoir trier l'info des guides mais c'est très difficile et on se fait souvent avoir, pour moi rien ne remplacera des bonnes cartes topo (difficiles à se procurer certes), mon plus beau voyage reste à ce jour le garwal indien seul avec ma carte au 1/2 000 000ème, seul moyen pour découvrir des coins ou les agences ne sont pas passées, ou les habitants ont gardé leur sens de l'hospitalité et leur sourire.
Bon voyage à tous mais sortez un peu de vos guides et autres sites internet qui sont source de standardisation de l'information et vous n'en apprécierez que plus votre voyage. Qui aurait imaginé que Leh devienne un jour ce qu'elle est devenue ??? à cause de la mondialisation de l'information ?

Cariacou - 14 mai 2007
104 messages
Olivier :
.....Tout est dans l'usage équilibré d'un guide
....... il serait bien dommage de se priver des nombreuses infos utiles qu’ils fournissent ou de passer à côté d’endroits superbes par snobisme, par seul désir de ne pas faire comme tout le monde –, disons simplement qu’un pays ne se réduit pas à la description d’un guide. En conclusion, il reste la majeure partie du monde à découvrir hors des sentiers battus.

Tout a fait d'accord avec Olivier.
Il faut savoir ce que l'on veux faire de son voyage et utiliser tous les outils à notre disposition (guides de voyage, agences, contacts locaux...ect...)
Tout est bon à prendre, cela dépend de ce que l'on souhaite. Il faut seulement que l'usage soit adapté à nos envies et parfois savoir lire entre les lignes.

Pour un voyage, on peut avoir envie de s'immerger au fin fond de l'amazonie avec son sac à dos et son hamac (je sais de quoi je parle ;) ), une autre fois de se laisser guider par un guide de voyage....et un autre jour d'aller faire du farniente dans un hotel club. Et parfois mélanger les trois durant un même voyage.
Si ma préférence va à la première solution, je n'écarte cependant pas les autres.

paleo_nico - 14 mai 2007
82 messages
Cariacou :
Pour un voyage, on peut avoir envie de s'immerger au fin fond de l'amazonie avec son sac à dos et son hamac , une autre fois de se laisser guider par un guide de voyage....et un autre jour d'aller faire du farniente dans un hotel club. Et parfois mélanger les trois durant un même voyage.

Tout à fait d'accord, toutes les formes de voyage sont respectables.
Et d'avoir le nez plongé dans un guide n'est pas un signe de bêtise mais peut être tout simplement l'expression d'une difficulté à entrer en communication avec les locaux, ou l'absence de volonté de s'inscrire dans ce genre de voyage.

Si un jour je dois m'intéresser à Panam, bein je monterais avec un guide plutôt que d'accoster un parisien à la volée. :D

khutzeymateen - 17 mai 2007
796 messages
Sebigma :
Il ne s’agit pas de dire que les guides de voyages sont mauvais en soi ou qu’il n’y a pas des moments où ils peuvent peut-être être utiles, mais juste de constater qu’ils finissent trop souvent par être des prétextes à la non-rencontre avec les habitants du pays.


Les guides de voyages sont parfois perçus comme les « clés » du voyage. Espérons qu’ils ne soient pas des clés qui ferment les portes de notre rencontre avec les habitants des pays que nous prétendons découvrir…

il n'y a pas que le probleme du guide de voyage...
les touristes en général font toujours les mêmes circuits sans vraiment sortir des sentiers battus.
Pour le Pérou par exemple le fait de parler un minimum la langue de Cervantès maximise la possibilité de rencontre.
Par contre les touristes font tjs la même chose : le Machu Pichu , Saqsahuaman..etc.
Par exemple qui connait Chavin de Huantar et son énigmatique lanzon ?
Sinon je ne parlerais pas trop à la 1iere personne mais pour mon baroud au Guatemala je n'ai embarqué aucun guide ni le LP ni le Routard juste une bonne carte ITM.
Faut dire que je sais parfaitement ou je veux aller et le Guate j'y suis allé plusieurs fois.
Mais pourquoi les touristes ne vont pas dans les endroits ou je me suis rendu comme Uaxactun au nord de Tikal archi fréquentée ?
Après tout j'y suis allé pour crapahuter et pour l'aventure ce qui est le but de ce forum :p

JiPé - 08 févr. 2008
13 messages
Ce topic date de vieux, mais j'arrive et je visite. Mes quelques mots vont le remonter et peut-être relancer cette discussion.
J'ai envie de sourire, alors je vais faire un peu de provoc', mais c'est réel. Vous fâchez pas, ce n'est justement que pour sourire ! C'est peut-être un peu hors sujet, quoique !

Pour ce qui est des touristes perdus, je peux vous raconter un truc qui m'arrive régulièrement au cimetière du Père Lachaise à Paris. Beaucoup de touristes étrangers viennent se perdre dans ce "parc". On les voit qui retournent dans tous les sens un plan qu'ils ont acheté à l'entrée, et quand ils vous voient en train de tirer de l'eau à la fontaine pour arroser des fleurs, ils vous prennent pour un employé. Grosso modo, ça donne ça :
"Excuse-me, where is Jim Morrison ... " suivi de quelques mots que je ne comprends pas vu mon niveau in English !
et moi avec mon mauvais anglais : "I'am sorry, I don't know ! I know only where my family lie ! But if you show me your map, I can show where you are !" et je leur oriente leur plan en leur montrant où ils se situent.
Il est vrai qu'il vaut mieux qu'ils demandent leur chemin à un "jardinier" comme moi qu'aux habitants, ils ne répondent jamais quand on leur cause ceux-là ! ;) (mieux vaut en rire avant d'avoir à en pleurer !)

Autre réflexions que je me fais : Chacun trouve l'aventure là où il veut, et parfois il n'est pas besoin d'aller bien loin pour être dépaysé. J'ai parcouru la France métropolitaine en tous sens en camping "sauvage" ( autorisé à l'époque) avec mes parents, je continue maintenant et je sais que je n'ai pas encore tout vu ! Mais j'ai constaté que mieux vaut avoir des contacts humains que se fier à un dépliant touristique qui n'est pas forcément à jour ou un GPS routier qui ne connait que les grands axes.

naoned - 29 févr. 2008
9 messages
Oui, les amis, le voyage est avant tout une rencontre. Ce n'est pas un acte egoïste. On ne voyage pas pour soi, du moins je l'espère. On voyage pour connaitre. Et quel est le meilleur moyen de connaitre, que d'avoir des contacts avec les habitants, même si on ne connait pas la langue. Essayez un sourire, un rire, les gestes. Soyez humains, oubliez les bouquins, les guides, les sites internet, les appareils photos même. Tendez la main. Ne jugez pas. Tolérance, c'est difficile bien-sûr, mais c'est aussi la clef du voyage. N'oubliez pas que vous donnez autant que vous prenez. Vous laisserez des traces partout où vous allez. On se souviendra de vous autant que vous vous souviendrez de ces rencontres. Le voyage est un échange. Oui on grandit dans le voyage, on apprend à aimer, à tolérer, à voir le monde avec des yeux neufs. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas être critique. Mais avant de critiquer, apprenons à se connaitre, non pas seulement géographiquement, mais historiquement, culturellement. Faisons des amis. Voyageons !

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