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Traversées du Salar d'Uyuni et d'Atacama

(réalisé)
Le 20 juillet 2019 je me suis lancé dans la traversée du Salar d’Uyuni en Bolivie, à pied, en solitaire et en totale autonomie. Après six jours de solitude dans le désert et 140 kilomètres parcourus entre Colchani et Llica, j’arrivai enfin de l’autre côté du désert. Mon amour pour les étendues de sel est tel que neuf jours plus tard, le 03 aout 2019, je repartais dans le Salar d’Atacama dans le Nord du Chili pour cinq jours de marche à nouveau seul et en totale autonomie. L’autonomie totale a signifiée durant ces deux traversées n’avoir aucun ravitaillement de nourriture ou d’eau en chemin ainsi qu’aucun moyen de communication avec le reste du monde (pas de balise, tracker ou téléphone satellite). 
randonnée/trek
Quand : 20/07/19
Durée : 11 jours
Distance globale : 233km
Dénivelées : +27m / -126m
Alti min/max : 2428m/3686m
Carnet publié par Thomas Derycke le 16 nov. 2019
modifié le 17 nov. 2019
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Le topo (mise à jour : 21 nov. 2019)


Milieu traversé :

Environnement : [désert] Biotope : [minéral]

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Le compte-rendu (mise à jour : 21 nov. 2019)

Traversée du Salar d’Uyuni à pied, en solitaire et en totale autonomie

Le 20 juillet 2019 je me suis lancé dans la traversée du Salar d’Uyuni en Bolivie, à pied, en solitaire et en totale autonomie. Après 6 jours de solitude dans le désert et 140 km parcourus entre Colchani et Llica, j’arrivai enfin de l’autre côté du désert. L’autonomie complète a signifiée durant cette expédition n’avoir aucun ravitaillement de nourriture ou d’eau en chemin ainsi qu’aucun moyen de communication avec le reste du monde (pas de balise, tracker ou téléphone satellite). Mes seuls alliés pour traverser les 140km de sel ont été mes jambes, les ressources alimentaires et l’équipement dans mon sac ainsi qu’un gps pour connaître ma position quotidienne et une boussole pour m’assurer de garder le bon cap. À 20 ans je suis le plus jeune au monde à réussir une traversée à pied, en solitaire et en totale autonomie du plus grand désert de sel au monde.
Traversée du Salar d'Uyuni en Bolivie, 140 km de marche en solitaire de Colchani à Llica
Traversée du Salar d'Uyuni en Bolivie, 140 km de marche en solitaire de Colchani à Llica
La naissance d’une idée …

Tout peut naitre d’un simple coup d’œil par la fenêtre. Parent de nombreux rêves, l’horizon nous souffle tant idées. Au début du printemps, la pensée d’être seul dans un désert me séduisait. Cette simple idée me faisait déjà voyager. L’homme qui s’abandonne au désert m’a toujours paru être profondément libre. Ces rêveries se sont portées vers le Salar d’Uyuni. J’imaginais ce désert être la représentation parfaite du paradis. Un jardin d’Eden de superficie presque équivalente à celle de l’Ile-de-France. Voilà tant d’espace pour flirter avec les dieux. Au début je m’imaginais avoir ce désert pour moi tout seul durant quelques instants, mais rapidement je voulu plus. J’ai commencé à rever de le traverser. Je souhaitais avoir le temps de ressentir l’espace. Je choisis donc la diagonale la plus longue, 140 km, me laissant ainsi une semaine de marche dans le plus grand désert de sel du monde.

J’en ai d’abord très peu parlé. Puis après les retours de quelques proches je décidai de taire mon projet. De nature à avoir la reverie facile, je n’étais pas pris au sérieux. Je pensai alors que pour le salut de mon projet, il me fallait continuer d’y croire quoiqu’il arrive. Cette période était étrange. Je préparais ce projet dans un mutiste qui ne me ressemblait pas. Je me souviens être rentré chez moi après une interview sur le plateau de TV78. Nous étions tous là autour de la table, chacun à son assiette. Personne ne se doutait de rien. Je souhaitais en parler, mais l’incompréhension me semblait plus difficle à porter que le silence.

Le 16 juin 2019 s’envolait mon avion pour l’Amérique du Sud. J’ai d’abord voyagé un mois sur le continent. J’avais prévu deux randonnées au Pérou pour me préparer. Ayant un sac de 35kg à porter durant cette traversée, je souhaitais habituer mon corps à de lourdes charges. De plus, le Salar d’Uyuni étant à 3600 mètres au-dessus du niveau de la mer, mon corps devait avant toute chose prendre ses marques en altitude. J’ai donc commencé par le trek de la Cordillère Huayhuash. Cette randonnée de huit jours prend son départ dans un village proche de la ville d’Huaraz. Cette marche était parfaite puisque située entre 4000 et 5000 mètres d’altitude. Par la suite je me suis lancé sur les sentiers du trek du Salkantay. Une marche de quatre à cinq jours menant au célèbre Machu Picchu. Sur ce trek j’ai chargé mon sac à 26kg. Certaines journées de marche ponctuées de nombreuses pentes furent douloureuses. Je me souviens avoir fait quelques siestes le long des sentiers, chose qui suscitait l’interrogation des autres randonneurs. « Va-t-il bien ce petit ? ».  Bien que parfois douloureuses, ces randonnées m’ont permis d’évaluer l’effort que représente une marche en altitude avec un poids conséquent sur le dos.

Cap vers le Nord Ouest !
Cap vers le Nord Ouest !
Le départ

Cette préparation m’a aguerri, mais au fond rien ne pouvait réellement me préparer au vide. Le désert était là. Je faisais face à l’immensité de mes rêves. Il est 7 heures du matin, le taxi a roulé 40 minutes dans la nuit pour que nous soyons là. Le chauffeur ne comprend pas trop mon projet, mais il attend. Il reste là à attendre que je me lance. Il doit se dire qu’en cas de désistement je pourrais à nouveau avoir besoin de ses services pour me reconduire à l’hôtel. Ce qu’il ne sait pas encore c’est que je suis bien plus terrifié par l’idée d’avoir des regrets que celle d’aller seul dans ce désert. Je fais une courte vidéo face au désert, juste le temps d’immortaliser ce moment de bascule entre le thomas qui rêve sa vie et celui qui vit ses rêves, puis je pars. Mon courage et moi nous en allons pour une petite balade. Je lui dis de ne pas m’abandonner car sans lui je serai vraiment seul au monde.

Rapidement quelque chose d’immense a pris place. Je me suis senti proche des dieux. La beauté du désert a quelque chose de rassurant. Je m’y sentais bien. A l’exception de quelques zones bien définies du désert où se rendent les touristes, le reste était à moi. Bien que fait uniquement de sel et de vide, ce désert ne m’a jamais réellement fait me sentir seul. Je trouvais compagnie dans le changement de couleurs des lueurs du soleil à l’aube et au crépuscule, dans la tendresse de l’eau qui se dépose dans une gorge lasse de l’air chargé en sel, dans la promesse que vous fait la nuit après une journée d’effort, et tant d’autres détails qui donnent à ces instants fugaces un gout d’éternité.
Mes premiers instants dans le désert.
Mes premiers instants dans le désert.
Un sentiment de solitude ...
Un sentiment de solitude ...
Les lueurs du soleil, un spectacle merveilleux !
Les lueurs du soleil, un spectacle merveilleux !
Mon camp.
Mon camp.
Mon camp.
Mon camp.
Après une journée d'effort, le réconfort du repos.
Après une journée d'effort, le réconfort du repos.
Le kit cuisine qui m'a accompagné pendant cette semaine de marche.
Le kit cuisine qui m'a accompagné pendant cette semaine de marche.
Derrière se trouve le volcan Tunupa à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce désert est tellement plat que la perception des distances est trompeuse.
Derrière se trouve le volcan Tunupa à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce désert est tellement plat que la perception des distances est trompeuse.
On développe rapidement des routines. Je faisais et défaisait mon camp de la même manière. Je mangeais mes plats et snacks dans le même ordre chaque jour. L’automatisation des taches simples et répétitives permet d’allouer son énergie à des choses plus importantes. Après quatre jours de marche dans un désert dont les astres et la météo avaient une routine imperturbable, les choses ont changés en très peu de temps. En cette quatrième journée, à l’approche de la nuit j’ai commencé à monter le camp. La tente était en lutte avec un vent qui devenait de plus en plus violent à mesure que le soleil s’évanouissait. Chanceux d’être arrivé au pied du volcan Tunupa, je pus finalement tendre la toile derrière des rochers à l’abris du vent. Le lendemain matin la neige s’est jointe au vent, et sur le désert s’est levé un voile blanc. J’étais désorienté. Tel un marin cherchant son cap, je naviguais la boussole à la main. Je parcouru cette brume durant quatre bonnes heures.

Une fois celle-ci tombée le vent ne s’en alla pas pour autant. Il s’amplifiât tout au long de la journée. Je marchais face aux rafales, des heures durant, heureux comme un enfant de me sentir affronter l’immensément grand. Lorsque vint l’heure de monter à nouveau le camp, les rochers de la veille n’étaient plus là pour me cacher. La dureté du sel empêche toute sardine de le pénétrer. Ce sol vous autorise à séjourner à sa surface, mais ses profondeurs restent un secret inaccessible au voyageur. Dans l’incapacité de stabiliser ma tente correctement je dus m’en servir comme bivy bag posé sur le sol. Je tendis la toile sur ce sol dur et inhospitalier, d’un côté attaché à mon sac et de l’autre à l’une de mes deux poches à eau, cet habitat de fortune survécu à la nuit. Tendre le tout ne fut pas mince affaire. Face à un soleil mourant se déroula le spectacle de mon combat contre le vent. S’ensuivit une nuit froide à cause des rafales de vent qui se frayant un chemin par la moustiquaire de la toile venaient me glacer le dos.
Bloqué dans le blizzard le cinquième jour.
Bloqué dans le blizzard le cinquième jour.
Le vent et la neige me désorientent pendant plusieurs heures.
Le vent et la neige me désorientent pendant plusieurs heures.
Une arrivée pas si reposante

Le sixième et dernier jour j’ai simplement marché, comme je le faisais depuis une semaine. Je suis arrivé le 25 juillet 2019 après six jours dans le désert, heureux et fatigué. Mon arrivé à Llica ne fut pas aussi reposante que je l’avais imaginé. Il me fallut deux bonnes heures pour trouver un endroit où dormir, et le village était privé d’eau et d’électricité à cause du vent de la veille (celui que j’avais rencontré dans le désert). La soirée dans la chambre d’hôtel conservait des allures de nuit à la belle étoile puisque sans électricité je vivais à la lueur de ma lampe frontale. Mon encrassement est aussi resté compagnon de cette nuit là puisque sans eau il me fut impossible de me laver. La véritable délivrance eut lieu le lendemain dans la ville d’Uyuni ou se déroulèrent mes retrouvailles avec la douche. Je fus libéré de la saleté que le désert avait déposée sur mon corps mais non de la beauté laissée dans mon cœur ; car j’étais devenu esclave de mon amour pour le désert au point de repatir neuf jours plus tard pour une Traversée du Salar d’Atacama au Chili. Mon répit fut donc de courte durée. Je suis retourné dans le désert aussi vite que j’en suis sorti. J’ai foulé le désert et lui a laissé son empreinte en moi. Là-bas mon corps n’est resté qu’une semaine, mais mon cœur lui y a vécu une vie entière.

Une fois la brume redescendue.
Une fois la brume redescendue.
Traversée du Salar d’Atacama à pied, en solitaire et en totale autonomie
 
Neuf jours après avoir terminé ma Traversée du Salar d’Uyuni je suis reparti dans le désert. C’est ainsi que le 03 aout 2019 je me suis lancé dans la traversée du Salar d’Atacama au Nord du Chili, à pied, en solitaire et en totale autonomie. Après 5 jours de solitude dans le désert et 90 km parcouru entre San Pedro de Atacama et la Laguna La Punta, j’arrivais enfin de l’autre côté du désert. L’autonomie complète a signifiée durant cette expédition n’avoir aucun ravitaillement de nourriture ou d’eau en chemin ainsi qu’aucun moyen de communication avec le reste du monde (pas de balise, tracker ou téléphone satellite). Mes seuls alliés pour traverser les 90 km de désert ont été mes jambes, les ressources alimentaires et l’équipement dans mon sac ainsi qu’un gps pour connaître ma position quotidienne et une boussole pour m’assurer de garder le bon cap.
 
Traversée du Salar d'Atacama au Chili, 90 km de marche en solitaire de San Pedro de Atacama à la Laguna La Punta au Sud du désert.
Traversée du Salar d'Atacama au Chili, 90 km de marche en solitaire de San Pedro de Atacama à la Laguna La Punta au Sud du désert.
Départ dans le Salar d'Atacama le 03 aout 2019 !
Départ dans le Salar d'Atacama le 03 aout 2019 !
Voyage au coeur de l’inscouciance

Je suis reparti encore plus insouciant que je ne l’étais lors de ma traversée du Salar d’Uyuni. Cette deuxième marche dans le désert n’était à l’origine pas prévue, elle s’est presque imposée à moi. Au retour de ma première traversée en Bolivie, après neuf jours de repos, l’ennui commençait à me gagner. La beauté du désert est quelque chose dont on ne se détache pas facilement. C’est alors que j’ai commencé à regarder les grands espaces environnants. Le Salar d’Atacama m’est apparu comme le théâtre parfait pour une deuxième traversée. Je me suis rendu à San Pedro de Atacama en bus depuis la ville d’Uyuni. Sur place j’ai cherché une carte papier de la région et j’ai réservé un tour avec un groupe de touristes pour être emmené à certains points du désert. Pendant que le groupe prenait des photos je repérais les lieux, évaluais le climat et le terrain, tentais de mémoriser les sommets pour m’en servir comme points directeurs de ma traversée. Ces quelques jours de préparation restaient toutefois maigres et sommaires en comparaison aux mois de travail effectués pour la traversée du Salar d’Uyuni.

Le 03 aout 2019 je suis parti de San Pedro de Atacama et j’ai entamé cette marche de cinq jours dans le désert. Le premier jour j’ai descendu une route qui relie San Pedro de Atacama à deux lacs dans le Nord du désert. Le manque de préparation m’a très vite rattrapé. J’avais fait le choix de ne pas emporter ma popotte et ma bombonne de gaz pour échanger ce poids avec celui de mon appareil photo. Les plats lyophilisés pouvant être réhydratés à l’eau froide je n’avais pas besoin d’équipement pour faire chauffer de l’eau. Seulement, lors de la préparation de mon équipement faite rapidement dans une auberge de jeunesse, j’oubliai ma fourchette dans ma popotte laissée de côté. Le premier repas de cette traversée eut lieu avec les mains. J’ai rapidement réalisé que manger avec les mains n’était pas une alternative viable puisque ne pouvant me laver celle-ci seraient rapidement pleines de microbes. J’ai donc fait le deuxième repas avec le carton de mon papier toilette en guise de cuillère. Il s’est transformé en papier mouillé et mou après seulement quelques bouchés. Les repas suivants se sont tous déroulés de la même façon : je faisais couler cette nourriture froide (et souvent mal réhydratée puisque pour économiser mes ressources je mettais moins d’eau dans les sachets que la quantité préconisée) dans ma gorge. Au-delà de repas atypiques cette première journée fut des plus normales.
Photo de mon camp de nuit
Photo de mon camp de nuit
A la tombée de la nuit alors que mon camp était installé à une vingtaine de kilomètre de la ville, et encore tout proche des deux lacs touristiques, des gardiens sont venu me rendre visite. Je prenais des photos de mon camp de nuit, et ma lampe frontale qui me permettait d’éclairer ma tente afin de la rendre visible sur les photos a trop bien remplie sa fonction. Dans l’obscurité de ce désert je n’aurais pu choisir de meilleur moyen de communiquer ma présence. Dans cette nuit noire ma tente était un véritable sapin de Noel, c’est donc tout naturellement que les gardiens se sont invités à la fête. Les phares d’une voiture se sont approchés. Cette nuit-là je me suis fait repérer à cause de mon manque de connaissance du terrain. Je ne savais pas que ce désert était composé de grandes parcelles de terrains privatisées et surveillées jour et nuit. Heureusement les gardiens ont rapidement compris qu’au milieu de la nuit j’étais dans l’incapacité de trouver un autre abri où dormir. Je leur promis de rester silencieux, de ne pas faire de feu et de lever le camp à l’aube ; en somme de passer la nuit respectueusement. Ils acceptèrent que je reste. Je remercie leur sympathie, cependant à ce moment-là je ne désirais plus qu’une seule chose : m’enfoncer le plus loin possible dans le désert pour y retrouver la tranquillité du vide. Le lendemain je repris mon chemin, toujours vers le Sud.

Un désert qui donne rapidement l'impression de voyager sur Mars.
Un désert qui donne rapidement l'impression de voyager sur Mars.
Photo depuis l'intérieur de ma tente.
Photo depuis l'intérieur de ma tente.
Des paysages magnifiques !
Des paysages magnifiques !
Seul au milieu du désert.
Seul au milieu du désert.
Un petit espace de paradis caché au coeur du Salar d'Atacama.
Un petit espace de paradis caché au coeur du Salar d'Atacama.
Le début des ennuis …

A mesure que j’avançais dans le désert je découvris des rochers à perte de vue, chose que je n’avais absolument pas prévu. Moi qui pensais fouler le sol de ce désert d’un pas assuré, je fus dépassé par les évènements. Ces rochers, mélange de sel et de terre, sont coupants et cassants. Parfois ils tiennent sous le poids de votre corps et du sac mais il arrive aussi qu’ils se brisent. Cela me faisait perdre l’équilibre et chuter, parfois trois ou quatre fois dans la même matinée. L’une de mes chutes me value une belle entaille à l’avant-bras, qui légèrement plus profonde m’aurait ouvert les veines. Marcher sur ces rochers sans chuter demandait une concentration qui m’épuisait. Chaque pas devait être réfléchis et sollicitait beaucoup d’appuis. Ce jeu d’équilibriste me ralentissait à tel point qu’une matinée je mis quatre heures à parcourir cinq kilomètres. Le bilan de la troisième journée de marche était d’un peu moins de quinze kilomètres. Au-delà d’être ralenti ce qui m’inquiétait le plus était de me blesser lors d’une chute sur ces rochers aiguisés. N’ayant aucun moyen de communication, une entaille au mauvais endroit ou une fracture de la jambe au milieu de ces champs d’astéroïdes (j’aimais les appeler ainsi) aurait pu être catastrophique. Heureusement dans le désert l’Homme marche toujours sous le regard des dieux. Et cette fois ils me voulaient du bien semble-t-il.
A la fin du troisième jour je n’étais pas encore au point que j’étais supposé atteindre en deux journées de marche. J’avais tout juste dépassé le kilomètre quarante, je me trouvais pratiquement au milieu du désert. La fin de ma traversée se trouvait au Sud à un peu moins de cinquante kilomètres et il me restait deux jours d’eau et de nourriture. Faire ces cinquante kilomètres sur ces rochers en deux journées de marche me parut impossible. Et le manque de préparation fit que je ne connaissais pas réellement le terrain. J’étais incapable de savoir jusqu’où continueraient ces rochers. Peut-être qu’ils se termineraient un peu plus au Sud et que le reste du désert serait une zone plate franchissable en peu de temps.

Un autre élément était à prendre en compte. A une quinzaine de kilomètres de là ou j’étais en cette troisième soirée se trouvait une réserve de flamands roses où se rendent de nombreux groupes de touristes. Je le sais pour y être allé avec un groupe avant mon départ. Je connaissais bien l’endroit et savais qu’une voiture pouvait me ramener à San Pedro de Atacama. Un dilemme s’offrait donc à moi : être prudent et me rendre à cette réserve le lendemain, ou tenter de terminer l’aventure au risque d’affronter cinquante kilomètres de rochers qui me prendraient certainement plus de temps que les deux jours de réserve en eau qu’il me restait. Me rendre à la réserve aux flamands roses signifiait qu’il ne me resterait plus qu’une journée de marche. Je n’aurais donc plus besoin de transporter mes réserves en eau et en nourriture pour deux jours. Je pourrais ainsi me délester d’une journée de provision maintenant et garder l’autre pour le lendemain. En somme, faire le choix d’aller vers cette réserve le lendemain m’écartait du risque de finir bloqué sans eau au milieu de ces rochers et me permettait de me délester d’une journée de provision en faisant un festin sous la tente.

Evidemment mon corps me cria toute la nuit de choisir la sécurité. J’avais soif et toute excuse était bonne pour ne faire plus qu’une journée de marche et ainsi boire les trois litres alloués à une deuxième journée dans le désert. Je pris la décision de garder toutes mes ressources intactes jusqu’au petit matin. Je pensai que la fatigue altérait mon discernement et qu’il valait mieux attendre d’être reposé pour prendre une décision. Une fois le soleil levé je déciderai s’il fallait se lancer à l’assaut des cinquante derniers kilomètres avec deux jours de provisions ou si je devais plutôt rejoindre cette réserve à une quinzaine de kilomètre, auquel cas je ne garderai des ressources que pour une journée et consommerait le reste avant de me mettre en marche.

Je trouvai le sommeil sans difficulté. Je rêvai toute la nuit que je buvais ces trois litres d’eau. Je me réveillai plusieurs fois au milieu de mes rêveries, persuadé que mes poches à eau étaient désormais vides. Je vérifiais alors frénétiquement que l’eau était toujours là. Consommer mes vivres maintenant signifiait n’avoir plus qu’une journée de réserve et être contraint de mettre fin à cette traversée en me rendant le lendemain à la réserve touristique. J’employais toute mon énergie à lutter contre la soif, car au fond de moi je désirais ardemment aller au bout de cette aventure. Il me fallait conserver ces provisions jusqu’au bout.
Une immensité de rochers à 360°.
Une immensité de rochers à 360°.
Quelle fut ma surprise lorsque le lendemain matin j’aperçu un sentier plat au milieu de l’infinité de rochers, celui-ci était situé à quelques mètres de ma tente. La veille, cherchant un endroit plat au milieu de ces rochers pour y poser la tente, j’avais aperçu cette exploitation de sel au loin. Elle m’offrait quelques mètres de terrain plat ou m’installer pour la nuit. Pris de fatigue j’avais monté le camp sans remarquer la présence d’une route à quelques mètres de là. Ce sentier était mon salut ! Il connectait cette exploitation de sel à l’un des villages au Sud du désert. Je fus tellement heureux de n’avoir pas bu mon eau la veille. Quelle aurait été ma déception si j’avais aperçu ce sentier, rendant la fin de mon aventure possible, juste après avoir consommé mes réserves nécessaires pour aller au bout… Heureusement il en fut autrement.

Je marchais de manière effrénée, heureux de rattraper le retard accumulé les jours précédents. J’avançais bien, cependant mes problèmes quant à l’eau continuèrent. En cette quatrième journée j’avais un tel désir d’avancer que je parcouru 30 kilomètres. L’effort augmenta la soif au point que je bu près de cinq litres durant cette journée. Soit pratiquement deux litres de plus que les trois litres d’eau initialement prévus par journée de marche. A la fin de la journée il ne me restait plus que 1,2 litres pour les 20 kilomètres qui m’attendaient le lendemain.

Pour cette dernière journée je suis donc parti très tôt afin de commencer à marcher dans la nuit et ainsi ne pas subir la chaleur du soleil. Cela me donna l’avantage de limiter ma soif durant les premières heures de marche. Je réparti ensuite ces 1,2 litres restant sur les dernières heures de la traversée. Vers midi j’arriva à la Laguna La Punta. J’y termina mes derniers centilitres d’eau. J’étais arrivé au bout du désert, mais je me trouvais toujours au milieu du néant. Il n’y avait rien et j’étais désormais sans eau. Je me résolu donc à marcher jusqu’à un aéroport de sel que m’indiquait ma carte. Celui-ci était situé à une dizaine de kilomètres et je pensai y trouver une voiture plus facilement qu’ici. Un peu plus de deux heures de marche après j’arrivai aux abords d’une route reliant l’aéroport à des villages environnants. Sébastien, un chilien passant par-là, s’arrêta et compris directement quelle fut ma situation. Il m’ouvra la porte, m’accueilli dans sa voiture avec laquelle il se rendait à San Pedro de Atacama et me donna une bouteille d’eau. J’étais parti ce matin avec 1,2 litres d’eau pour 20 kilomètres, et depuis mon arrivé à la Laguna La Punta presque trois heures auparavant je marchais désormais sans eau. Cette fois c’était vraiment limite, je ne repartirai plus sans réelle connaissance du terrain.
Ce sentier qui relie une exploitation de sel à des villages autour du désert m'a grandement aidé.
Ce sentier qui relie une exploitation de sel à des villages autour du désert m'a grandement aidé.
Commentaires
dadoo - 22 nov. 2019
18 messages
Ah ouai... violent pour marcher les cailloux en question ! 😵
Je me disais justement quand tu étais dans le 1er désert: faudrait pas qu'il se blesse avec tout ce sel... parce que pour cicatriser c'est pas top et ça laisse des marques.
Tu es quelqu'un de très motivé. Pour une destination d'aventure peu commune, en voilà bien une !
Bravo à toi👍parce que la soif, c'est vraiment hardcore !

jeanluc74 - 27 nov. 2019
6 messages
Superbe, les paysages, et bravo à toi car l'engagement n'était pas négligeable en solo !! Je rêve de traverser ce salar depuis des années, tu as démontré que c'était possible même si difficile ! ;)
Merci pour ton retour et tes photos ! Tu as réussi à trouver des cartes sur place pour le salar Uyuni et le désert Atacama ?