Hornstrandir – Exploration sous le soleil arctique !
Du 17 au 23 juin 2016, Franck et moi-même avons réalisé la traversée complète de la Réserve Naturelle du Horstrandir, jouissant de conditions exceptionnelles pendant (presque…) toute la durée du séjour. Sept belles journées de marche dans des fjords modelés par les glaciers, aux sommets couverts de neige, où les traces d’activité humaine sont quasi inexistantes, le tout sous les lumières magiques du soleil de minuit ! C’est l’aventure que nous voulons vous raconter à travers cet article.
Quand : 17/06/2016
Durée : 7 jours
Durée : 7 jours
Distance globale :
89.8km
Dénivelées :
+4328m /
-4299m
Alti min/max : 11m/701m
Carnet publié par Geoff
le 18 mai 2018
modifié le 09 juil. 2018
modifié le 09 juil. 2018
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Le trekking
Le topo : Le trekking (mise à jour : 18 mai 2018)
Description :
L’Islande. On en rêvait depuis longtemps avec les copains… Toutefois, le cercle d’or en tour opérateur n’étant pas vraiment notre tasse de thé, nous avons recherché un trek sauvage pouvant nous permettre de découvrir cette île magique hors des sentiers battus. Excroissance au profil gracieux, à deux pas du cercle polaire, entourée de Fjords creusés par les glaces et surtout hors de portée de tout moyen de communication terrestre, le Hornstrandir a suscité une attraction toujours plus forte à mesure que le projet prenait forme… Quelques infos prises à droite et à gauche, une poignée de photos glanées sur internet plus tard et c’est décidé : Nous partirons donc à deux, en autonomie complète, explorer cette péninsule inhabitée pendant 7 jours, en une traversée d’ouest en est.
Le compte-rendu : Le trekking (mise à jour : 18 mai 2018)
Une première journée au-delà de nos espérances.
Isarfjordür, 2600 habitants et capitale des fjords de l’ouest. C’est ici, sur les quais de cet ancien port de pêche que l’aventure commence. Nous flânons entre les ruelles de cette petite ville coquette aux maisons bariolées et au port de plaisance protégé derrière le banc de sable sur lequel s’étend ce bout du monde. Peu de gens dehors, seulement quelques touristes. En ce 17 juin, journée de fête nationale, on est ici loin de l’effervescence. Heureusement, il y en a un peu plus autour du bateau qui doit nous faire traverser les fjords de l’Isafjardardjup et du Jökulfirdir et nous déposer à Hesteyri, petit hameau estival abrité des entrées maritimes de l’océan glacial arctique. C’est sur une mer d’huile que nous voguons à vive allure en direction du lieu d’accostage. Le zodiac est mis à l’eau une heure plus tard dans la baie, les sacs sont déchargés sur la plage de sable volcanique et nous foulons enfin le sol de cette terre tant convoitée qui alimente nos fantasmes depuis plusieurs mois !
Les premiers pas sont enchanteurs, nous longeons la côte vers l’ouest, jonglant entre les hautes herbes et les marécages. Ce milieu regorge de faune sauvage et en l’espace de trente minutes nous apercevons un couple de lagopèdes près de leur nid ainsi que des cygnes sauvages marchant sur les plateaux moussus en promenant derrière eux les nouveaux nés du printemps. Nous nous élevons tranquillement, en traversant à gué nos premiers torrents. Des plaques de neige y terminent leur inexorable fonte. Nous sommes encore au tout début de l’été et la nature se réveille à peine de son hivernage. Nos sacs sont lourdement chargés de toute la nourriture et du matériel dont nous avons besoin pour ces sept jours de marche. Il faut s’habituer, ralentir le rythme, prendre le temps de s’écouter et d’écouter l’arctique vivre autour de nous. Après avoir rejoint un plateau presque lunaire, où seules quelques touffes de mousses subsistent au-dessus du glacis rocailleux, nous nous rapprochons de la crête et découvrons alors un à-pic de plusieurs centaines de mètres plongeant directement dans l’océan glacial arctique ! Le long de la paroi, sur d’étroites terrasses, des milliers de couples d’oiseaux migrateurs opèrent sans cesses des allers et retours entre l’océan et leur nid. Macareux, guillemots et autres mouettes virevoltent dans le ciel dans une belle cacophonie !
Les rayons du soleil déclinent à mesure que nous approchons de l’extrême ouest de la péninsule. Nous trouvons un joli rocher qui forme une terrasse parfaite pour l’apéro du soir… Et cela tombe bien, car j’avais caché à Franck l’existence d’une conserve de foie gras au fond de mon sac ! On se régale donc de ce délice ainsi que de la vue sur l’océan glacial arctique, quelques 500m plus bas. Le bivouac du soir est trouvé sur le bord d’un cirque surplombant un fjord. Il fait bon, il n’y a pas un brin de vent, et au loin nous voyons le ciel bleu remonter lentement mais surement vers notre direction. Il ne nous en faut pas plus pour nous décider à passer notre première nuit dans le « Horn »… A la belle étoile ! Ca marque des points tout ça comme dirait Franck !
Effectivement, l’intuition était bonne car moins d’une heure plus tard, le soleil fait son apparition et embrase toute la baie d’Adalvik qui se teinte d’or ! Au loin vers le nord, une mer de nuage que les derniers rayons éclairent flotte au-dessus de l’océan. Nous ne pouvons-nous empêcher d’attendre l’heure fatidique : Minuit sonne aux montres et nous contemplons depuis notre promontoire les lumières arctiques qui se diffusent dans toutes les directions depuis le soleil rasant l’horizon. Nous voici accueillis de la plus belle des façons, emmitouflés dans nos duvets, les matelas posés à même la mousse. C’est sur cette vision que je sombre dans ma première nuit aux confins de l’Islande.
Une invitation à l’exploration…
Les journées s’enchainent au rythme de nos pas foulant l’incroyable diversité des sols arctiques. Depuis la côte et ses plages, tantôt de galets, tantôt de sable fin, s’étire toute une variété de milieux composant une palette d’écosystèmes à l’équilibre complexe. Marécages, hautes herbes et fougères cèdent progressivement la place aux tourbières, aux mousses. Enfin, ne subsiste plus que le minéral, des champs entiers de rocaille dont certains portent encore les cicatrices apposées par les glaciers qui recouvraient la région. De ceux-ci, il ne reste qu’au sud les belles collines immaculées du Drangajökul, calotte glacière que traversaient autrefois les Islandais en trainant les rondins de bois qui s’échouaient sur la rive opposée !
Depuis les plus hautes cimes (700m tout au plus !), l’eau relie entre eux toutes les différentes strates géologiques du Hornstrandir. Elle s’écoule doucement, accélère dans les pentes, sinue à travers les tourbières en de gracieuses courbes pour se jeter depuis le haut d’une falaise dans un fracas assourdissant. Elle termine sa course dans l’océan en un énergique mélange avec les vagues glacées qui viennent s’échouer sur la côte battue par les vents. Notre quotidien est donc ponctué de nombreuses traversées à gué plus ou moins scabreuses en fonction du courant, mais toujours glacées ! Nous nous débrouillons généralement bien car la profondeur maximale que nous ayons eue n’a pas excédé la taille, mais je me souviens m’être bien fait chahuter par endroits…
Nous progressons vers l’est sur un fil d’Ariane tendu au-dessus des fjords. Le soleil, emporté dans sa course australe loin au-dessus de nos têtes, nous indique le cap à suivre. En effet, sur notre carte au 1/60 000, très peu de sentiers sont indiqués et tous possèdent la mention « approximate » à coté de leur tracé ! Autant vous dire que les repérer sur place en dehors des zones de dépose des bateaux touristiques tient plutôt du coup de chance… Nous évoluons donc au cap, là où nos yeux et nos pas nous mènent, cherchant le passage le plus esthétique à travers les lignes de faiblesses des parois qui nous barrent la route. Fort heureusement, l’absence de végétation rend le terrain facile à lire et les cols ne sont jamais trop raides. Nous aurons toutefois une désescalade particulièrement difficile d’un col qui avait pourtant été aisé de remonter. Pas évident de sortir les mains avec les sacs de 25 kg et de garder son équilibre dans les pierriers branlants d’une rampe. Heureusement, 15 minutes plus tard nous sommes de nouveau à gambader sur un plateau débonnaire.
Autre moment fort de notre périple, la traversée à gué de la lagune du Fljotsvatn, qui a son point le plus étroit fait tout de même près de 500m de large ! Nous savions à l’avance qu’il est possible de la traverser, mais nous n’avions aucune information sur l’endroit précis et surtout si la marée allait être suffisamment basse pour que nous nous ne retrouvions pas avec de l’eau jusqu’au cou ! Pour la première fois depuis notre départ, un panneau signale le début de la traversée. C’est déjà ça ! Nous nous élançons dans l’eau qui cette fois est bien bonne, réchauffée par le soleil qui reste continuellement au-dessus de l’horizon. Instant extraordinaire, nous sommes au beau milieu d’une lagune à quelques encablures du cercle polaire, les sternes arctiques et les cygnes nous survolent tandis que sur les rives fleurissement des champs entiers de flore polaire. Au loin, les névés accrochés aux parois se reflètent dans les eaux limpides de la lagune. Nous sommes loin de tout, mais à la fois tellement à notre place !
Et quelques péripéties !
Bien sûr, toute aventure comporte sa part d’imprévu, de doute et de lutte face aux éléments. Et nous n’y avons pas coupé ! A la fin d’une nouvelle journée exceptionnelle de marche, nous longeons la plage par un gros vent de nord. Les vagues se brisent sur le rivage de galets et les embruns nous fouettent le visage. Après une dernière traversée à gué glaciale, nous remontons une combe à la recherche d’un emplacement de bivouac pour la nuit. Le fond de celle-ci semble légèrement plus abrité que la côte en contrebas. Nous stoppons donc la journée et commençons à installer le camp alors que les nuages deviennent de plus en plus menaçants… Il ne faudra pas plus de 15min avant que la tempête n’atteigne la côte ! Les rafales de vent sont si violentes que la tente se couche complètement avant de se relever. Jamais vu ça ! Franck part chercher de l’eau en contrebas, je suis en train d’organiser les affaires quand tout à coup, un coup de vent terrible plonge sur le camp ! Je me retourne et là crac ! L’arceau cède net, déchire la bâche sur plus de 40 cm et la bourrasque s’engouffre dans la tente pour la soulever ! Je me jette sur elle et appelle mon coéquipier à la rescousse tout en empêchant l’air qui tournoie furieusement de faire plus de dégâts…
Il est minuit lorsque nous nous mettons enfin au lit, la soirée ayant été occupée à réparer notre toit, dehors, sous la pluie et le vent. Il nous aura fallu faire preuve d’imagination afin de consolider notre abri. Après être redescendu vers une cabane de pêcheur, nous utilisons un bout de clou rouillé pour faire une attèle à l’arceau et remplacer la pièce qui s’était rompue. C’est à la mini-scie de couteau suisse que je sectionne les morceaux tandis que Franck fait de la couture sur une bande de chatterton apposée à même la bâche. Quelle scène comique que cette séance de bricolage improvisée sur une terrasse en bois détrempée à 23h ! On rigole bien de notre mésaventure, même si le seul point négatif, c’est que la tente n’est pas à nous mais à un ami qui doit nous rejoindre à Reykjavik dans une semaine ! En attendant, la réparation tiendra pendant tout au long de notre séjour en Islande, et nous on aura quand même essuyé une tempête arctique de plein fouet au cercle polaire…
Le Hornbjarg en point d’orgue
23 juin 2016, dernière étape de notre trek. Cette après-midi, le bateau viendra nous récupérer dans la baie de Hornvik et nous arrachera à notre marche. La journée s’annonce grandiose, nous émergeons de nos duvets posés à même une dalle polie par les glaciers. Et oui, nous avons eu tellement de chance sur la météo que nous avons même osée la dernière nuit à la belle ! Une fois le petit déjeuner avalé, nous nous laissons glisser de névés en névés vers un replat qui borde des falaises plongeant directement dans l’océan. Une épaisse mer de nuage recouvre les eaux et vient lécher les rebords des parois qui disparaissent sous une brume laiteuse. Nous montons progressivement en direction d’un col pour rebasculer dans la baie et là, nous tombons nez à nez avec les falaises spectaculaire du Hornbjarg, la « falaise de la corne » ! Imaginez une paroi de 500m de hauteur plongeant littéralement dans l’océan, sur laquelle des colonies d’oiseaux nichent et pêchent, le tout sur un tapis d’herbes hautes, de pissenlits, de boutons d’or surplombé par le fjord, tout en bas ! Grandiose, la cerise sur le gâteau arctique !
Difficile de rêver plus beau paysage pour terminer ce séjour splendide en immersion totale avec le Hornstrandir… Nous sommes aux anges, la région s’est offerte à nous sous ses plus beaux atours et nous a laissé y dessiner notre parcours tout au long de ces 7 journées de marche. Les derniers pas sont chargés d’émotion, un sentiment confus, à mi-chemin entre le soulagement d’en avoir terminé, la satisfaction devant le périple accompli et la sérénité acquise à force de vivre dans ce milieu unique. Loin de tout, nous nous sommes retrouvés, nous avons fait face ensemble aux épreuves rencontrées et nous avons profité entre amis des nombreux moments de bonheur : Le soir au bivouac en regardant le soleil décliner à l’horizon, la sieste de midi après la bonne dégustation de tomme de Savoie, la vue qui se dégage vers le nord en arrivant au col, le renard polaire qui tente de s’échapper avec la chaussette de Franck, et même cette baignade dans l’océan glacial arctique (il porte bien son nom) en attendant le bateau du retour !
Au terme d’une navigation (très) mouvementée à contourner la péninsule, nous débarquons finalement au point de départ, nous tirant de notre rêve Islandais qui depuis 8 jours nous habitait tous les deux. Cette traversée du Hornstrandir constitue certainement pour nous la première étape vers de nombreuses autres explorations sauvages en arctique, du moins je l’espère fortement !
Quelques chiffres
· 7 jours de marche du 17 au 23 juin 2016 ;
· 6 jours de beau temps quasiment sans vent, avec 12°C de température moyenne ;
· 1 journée de tempête arctique résultant d’un 1 arceau cassé et 1 bâche déchirée ;
· 90 km parcourus et une moyenne de 6 à 7h de marche par jour ;
· Des sacs lourds, entre 25 et 27kg selon le chargement en eau ;
· Des dizaines de traversées à gué dans des eaux glaciales ;
· 24h de soleil par jour !
· 2 nuits à la belle étoile ;
· 3 renards polaires ;
· 5 phoques ;
· Des milliers d’oiseaux migrateurs ;
Des infos pratiques
· Une cartographie en ligne de l’Islande, idéale pour préparer son trek : http://kortasja.lmi.is/en/#close
· Les conditions météorologiques sont les très variables même lors de l’été Islandais. Nous avons eu une période de temps très stable, qui d’après les locaux n’était pas arrivée depuis plusieurs années ! Pour les prévisions météorologiques : http://en.vedur.is/
· Le vol interne entre Reykjavik et Isafjordur dure 45 min environ, à bord d’un coucou. Nous avons voyagé avec Air Iceland : https://www.airicelandconnect.com/ ;
· Pour le transport en bateau depuis Isarfjordür, nous sommes passés par http://www.westtours.is/; Ils sont en outre très arrangeants, nous ont réservés nos bouteilles de gaz qu’on a pu retirer à leurs bureaux avant le départ.
Pour préparer notre séjour, nous avons pu échanger avec l’Offcice de tourisme des Fjords de l’ouest (www.westfjords.is). Ils nous ont donné de nombreuses informations et nous ont mis en relation avec les rangers de la réserve naturelle pour les conditions sur place. Ils sont très sympathiques et réactifs ! Merci à eux !
Isarfjordür, 2600 habitants et capitale des fjords de l’ouest. C’est ici, sur les quais de cet ancien port de pêche que l’aventure commence. Nous flânons entre les ruelles de cette petite ville coquette aux maisons bariolées et au port de plaisance protégé derrière le banc de sable sur lequel s’étend ce bout du monde. Peu de gens dehors, seulement quelques touristes. En ce 17 juin, journée de fête nationale, on est ici loin de l’effervescence. Heureusement, il y en a un peu plus autour du bateau qui doit nous faire traverser les fjords de l’Isafjardardjup et du Jökulfirdir et nous déposer à Hesteyri, petit hameau estival abrité des entrées maritimes de l’océan glacial arctique. C’est sur une mer d’huile que nous voguons à vive allure en direction du lieu d’accostage. Le zodiac est mis à l’eau une heure plus tard dans la baie, les sacs sont déchargés sur la plage de sable volcanique et nous foulons enfin le sol de cette terre tant convoitée qui alimente nos fantasmes depuis plusieurs mois !
Les premiers pas sont enchanteurs, nous longeons la côte vers l’ouest, jonglant entre les hautes herbes et les marécages. Ce milieu regorge de faune sauvage et en l’espace de trente minutes nous apercevons un couple de lagopèdes près de leur nid ainsi que des cygnes sauvages marchant sur les plateaux moussus en promenant derrière eux les nouveaux nés du printemps. Nous nous élevons tranquillement, en traversant à gué nos premiers torrents. Des plaques de neige y terminent leur inexorable fonte. Nous sommes encore au tout début de l’été et la nature se réveille à peine de son hivernage. Nos sacs sont lourdement chargés de toute la nourriture et du matériel dont nous avons besoin pour ces sept jours de marche. Il faut s’habituer, ralentir le rythme, prendre le temps de s’écouter et d’écouter l’arctique vivre autour de nous. Après avoir rejoint un plateau presque lunaire, où seules quelques touffes de mousses subsistent au-dessus du glacis rocailleux, nous nous rapprochons de la crête et découvrons alors un à-pic de plusieurs centaines de mètres plongeant directement dans l’océan glacial arctique ! Le long de la paroi, sur d’étroites terrasses, des milliers de couples d’oiseaux migrateurs opèrent sans cesses des allers et retours entre l’océan et leur nid. Macareux, guillemots et autres mouettes virevoltent dans le ciel dans une belle cacophonie !
Les rayons du soleil déclinent à mesure que nous approchons de l’extrême ouest de la péninsule. Nous trouvons un joli rocher qui forme une terrasse parfaite pour l’apéro du soir… Et cela tombe bien, car j’avais caché à Franck l’existence d’une conserve de foie gras au fond de mon sac ! On se régale donc de ce délice ainsi que de la vue sur l’océan glacial arctique, quelques 500m plus bas. Le bivouac du soir est trouvé sur le bord d’un cirque surplombant un fjord. Il fait bon, il n’y a pas un brin de vent, et au loin nous voyons le ciel bleu remonter lentement mais surement vers notre direction. Il ne nous en faut pas plus pour nous décider à passer notre première nuit dans le « Horn »… A la belle étoile ! Ca marque des points tout ça comme dirait Franck !
Effectivement, l’intuition était bonne car moins d’une heure plus tard, le soleil fait son apparition et embrase toute la baie d’Adalvik qui se teinte d’or ! Au loin vers le nord, une mer de nuage que les derniers rayons éclairent flotte au-dessus de l’océan. Nous ne pouvons-nous empêcher d’attendre l’heure fatidique : Minuit sonne aux montres et nous contemplons depuis notre promontoire les lumières arctiques qui se diffusent dans toutes les directions depuis le soleil rasant l’horizon. Nous voici accueillis de la plus belle des façons, emmitouflés dans nos duvets, les matelas posés à même la mousse. C’est sur cette vision que je sombre dans ma première nuit aux confins de l’Islande.
Une invitation à l’exploration…
Les journées s’enchainent au rythme de nos pas foulant l’incroyable diversité des sols arctiques. Depuis la côte et ses plages, tantôt de galets, tantôt de sable fin, s’étire toute une variété de milieux composant une palette d’écosystèmes à l’équilibre complexe. Marécages, hautes herbes et fougères cèdent progressivement la place aux tourbières, aux mousses. Enfin, ne subsiste plus que le minéral, des champs entiers de rocaille dont certains portent encore les cicatrices apposées par les glaciers qui recouvraient la région. De ceux-ci, il ne reste qu’au sud les belles collines immaculées du Drangajökul, calotte glacière que traversaient autrefois les Islandais en trainant les rondins de bois qui s’échouaient sur la rive opposée !
Depuis les plus hautes cimes (700m tout au plus !), l’eau relie entre eux toutes les différentes strates géologiques du Hornstrandir. Elle s’écoule doucement, accélère dans les pentes, sinue à travers les tourbières en de gracieuses courbes pour se jeter depuis le haut d’une falaise dans un fracas assourdissant. Elle termine sa course dans l’océan en un énergique mélange avec les vagues glacées qui viennent s’échouer sur la côte battue par les vents. Notre quotidien est donc ponctué de nombreuses traversées à gué plus ou moins scabreuses en fonction du courant, mais toujours glacées ! Nous nous débrouillons généralement bien car la profondeur maximale que nous ayons eue n’a pas excédé la taille, mais je me souviens m’être bien fait chahuter par endroits…
Nous progressons vers l’est sur un fil d’Ariane tendu au-dessus des fjords. Le soleil, emporté dans sa course australe loin au-dessus de nos têtes, nous indique le cap à suivre. En effet, sur notre carte au 1/60 000, très peu de sentiers sont indiqués et tous possèdent la mention « approximate » à coté de leur tracé ! Autant vous dire que les repérer sur place en dehors des zones de dépose des bateaux touristiques tient plutôt du coup de chance… Nous évoluons donc au cap, là où nos yeux et nos pas nous mènent, cherchant le passage le plus esthétique à travers les lignes de faiblesses des parois qui nous barrent la route. Fort heureusement, l’absence de végétation rend le terrain facile à lire et les cols ne sont jamais trop raides. Nous aurons toutefois une désescalade particulièrement difficile d’un col qui avait pourtant été aisé de remonter. Pas évident de sortir les mains avec les sacs de 25 kg et de garder son équilibre dans les pierriers branlants d’une rampe. Heureusement, 15 minutes plus tard nous sommes de nouveau à gambader sur un plateau débonnaire.
Autre moment fort de notre périple, la traversée à gué de la lagune du Fljotsvatn, qui a son point le plus étroit fait tout de même près de 500m de large ! Nous savions à l’avance qu’il est possible de la traverser, mais nous n’avions aucune information sur l’endroit précis et surtout si la marée allait être suffisamment basse pour que nous nous ne retrouvions pas avec de l’eau jusqu’au cou ! Pour la première fois depuis notre départ, un panneau signale le début de la traversée. C’est déjà ça ! Nous nous élançons dans l’eau qui cette fois est bien bonne, réchauffée par le soleil qui reste continuellement au-dessus de l’horizon. Instant extraordinaire, nous sommes au beau milieu d’une lagune à quelques encablures du cercle polaire, les sternes arctiques et les cygnes nous survolent tandis que sur les rives fleurissement des champs entiers de flore polaire. Au loin, les névés accrochés aux parois se reflètent dans les eaux limpides de la lagune. Nous sommes loin de tout, mais à la fois tellement à notre place !
Et quelques péripéties !
Bien sûr, toute aventure comporte sa part d’imprévu, de doute et de lutte face aux éléments. Et nous n’y avons pas coupé ! A la fin d’une nouvelle journée exceptionnelle de marche, nous longeons la plage par un gros vent de nord. Les vagues se brisent sur le rivage de galets et les embruns nous fouettent le visage. Après une dernière traversée à gué glaciale, nous remontons une combe à la recherche d’un emplacement de bivouac pour la nuit. Le fond de celle-ci semble légèrement plus abrité que la côte en contrebas. Nous stoppons donc la journée et commençons à installer le camp alors que les nuages deviennent de plus en plus menaçants… Il ne faudra pas plus de 15min avant que la tempête n’atteigne la côte ! Les rafales de vent sont si violentes que la tente se couche complètement avant de se relever. Jamais vu ça ! Franck part chercher de l’eau en contrebas, je suis en train d’organiser les affaires quand tout à coup, un coup de vent terrible plonge sur le camp ! Je me retourne et là crac ! L’arceau cède net, déchire la bâche sur plus de 40 cm et la bourrasque s’engouffre dans la tente pour la soulever ! Je me jette sur elle et appelle mon coéquipier à la rescousse tout en empêchant l’air qui tournoie furieusement de faire plus de dégâts…
Il est minuit lorsque nous nous mettons enfin au lit, la soirée ayant été occupée à réparer notre toit, dehors, sous la pluie et le vent. Il nous aura fallu faire preuve d’imagination afin de consolider notre abri. Après être redescendu vers une cabane de pêcheur, nous utilisons un bout de clou rouillé pour faire une attèle à l’arceau et remplacer la pièce qui s’était rompue. C’est à la mini-scie de couteau suisse que je sectionne les morceaux tandis que Franck fait de la couture sur une bande de chatterton apposée à même la bâche. Quelle scène comique que cette séance de bricolage improvisée sur une terrasse en bois détrempée à 23h ! On rigole bien de notre mésaventure, même si le seul point négatif, c’est que la tente n’est pas à nous mais à un ami qui doit nous rejoindre à Reykjavik dans une semaine ! En attendant, la réparation tiendra pendant tout au long de notre séjour en Islande, et nous on aura quand même essuyé une tempête arctique de plein fouet au cercle polaire…
Le Hornbjarg en point d’orgue
23 juin 2016, dernière étape de notre trek. Cette après-midi, le bateau viendra nous récupérer dans la baie de Hornvik et nous arrachera à notre marche. La journée s’annonce grandiose, nous émergeons de nos duvets posés à même une dalle polie par les glaciers. Et oui, nous avons eu tellement de chance sur la météo que nous avons même osée la dernière nuit à la belle ! Une fois le petit déjeuner avalé, nous nous laissons glisser de névés en névés vers un replat qui borde des falaises plongeant directement dans l’océan. Une épaisse mer de nuage recouvre les eaux et vient lécher les rebords des parois qui disparaissent sous une brume laiteuse. Nous montons progressivement en direction d’un col pour rebasculer dans la baie et là, nous tombons nez à nez avec les falaises spectaculaire du Hornbjarg, la « falaise de la corne » ! Imaginez une paroi de 500m de hauteur plongeant littéralement dans l’océan, sur laquelle des colonies d’oiseaux nichent et pêchent, le tout sur un tapis d’herbes hautes, de pissenlits, de boutons d’or surplombé par le fjord, tout en bas ! Grandiose, la cerise sur le gâteau arctique !
Difficile de rêver plus beau paysage pour terminer ce séjour splendide en immersion totale avec le Hornstrandir… Nous sommes aux anges, la région s’est offerte à nous sous ses plus beaux atours et nous a laissé y dessiner notre parcours tout au long de ces 7 journées de marche. Les derniers pas sont chargés d’émotion, un sentiment confus, à mi-chemin entre le soulagement d’en avoir terminé, la satisfaction devant le périple accompli et la sérénité acquise à force de vivre dans ce milieu unique. Loin de tout, nous nous sommes retrouvés, nous avons fait face ensemble aux épreuves rencontrées et nous avons profité entre amis des nombreux moments de bonheur : Le soir au bivouac en regardant le soleil décliner à l’horizon, la sieste de midi après la bonne dégustation de tomme de Savoie, la vue qui se dégage vers le nord en arrivant au col, le renard polaire qui tente de s’échapper avec la chaussette de Franck, et même cette baignade dans l’océan glacial arctique (il porte bien son nom) en attendant le bateau du retour !
Au terme d’une navigation (très) mouvementée à contourner la péninsule, nous débarquons finalement au point de départ, nous tirant de notre rêve Islandais qui depuis 8 jours nous habitait tous les deux. Cette traversée du Hornstrandir constitue certainement pour nous la première étape vers de nombreuses autres explorations sauvages en arctique, du moins je l’espère fortement !
Quelques chiffres
· 7 jours de marche du 17 au 23 juin 2016 ;
· 6 jours de beau temps quasiment sans vent, avec 12°C de température moyenne ;
· 1 journée de tempête arctique résultant d’un 1 arceau cassé et 1 bâche déchirée ;
· 90 km parcourus et une moyenne de 6 à 7h de marche par jour ;
· Des sacs lourds, entre 25 et 27kg selon le chargement en eau ;
· Des dizaines de traversées à gué dans des eaux glaciales ;
· 24h de soleil par jour !
· 2 nuits à la belle étoile ;
· 3 renards polaires ;
· 5 phoques ;
· Des milliers d’oiseaux migrateurs ;
Des infos pratiques
· Une cartographie en ligne de l’Islande, idéale pour préparer son trek : http://kortasja.lmi.is/en/#close
· Les conditions météorologiques sont les très variables même lors de l’été Islandais. Nous avons eu une période de temps très stable, qui d’après les locaux n’était pas arrivée depuis plusieurs années ! Pour les prévisions météorologiques : http://en.vedur.is/
· Le vol interne entre Reykjavik et Isafjordur dure 45 min environ, à bord d’un coucou. Nous avons voyagé avec Air Iceland : https://www.airicelandconnect.com/ ;
· Pour le transport en bateau depuis Isarfjordür, nous sommes passés par http://www.westtours.is/; Ils sont en outre très arrangeants, nous ont réservés nos bouteilles de gaz qu’on a pu retirer à leurs bureaux avant le départ.
Pour préparer notre séjour, nous avons pu échanger avec l’Offcice de tourisme des Fjords de l’ouest (www.westfjords.is). Ils nous ont donné de nombreuses informations et nous ont mis en relation avec les rangers de la réserve naturelle pour les conditions sur place. Ils sont très sympathiques et réactifs ! Merci à eux !