Autour des (derniers) glaciers de la Vanoise

Nous entrons dans le Parc à Pralognan-la-Vanoise par une piste bordée de murets de pierres sèches. Cette route était naguère empruntée par des caravanes de mulets qui transportaient jusque dans le Piémont du sel et du fromage, avant qu’ils ne soient échangés contre des étoffes et des épices. Au pied de l’aiguille de la Vanoise, la piste débouche sur le fameux lac des Vaches, qui se traverse à gué sur des dalles.

Passé quelques lacets au milieu d’éboulis, nous arrivons au col de la Vanoise, dominé par la Grande Casse, le point culminant du massif. Le refuge éponyme, le plus ancien refuge du massif de la Vanoise, a été rénové en 2014. Dans la grande salle à manger, nous tuons le temps en buvant de la bière et en feuilletant de vieilles revues d’alpinisme. La composition du dîner obéit à l’immuable menu servi en refuge : soupe, tomme, plat de résistance, dessert.

Passé le refuge, nous longeons quelques lacs. Un chamois, solitaire, s’impose à nous. Nous cheminons au sein d’un chaos rocheux, en surplombant le vallon de la Liesse jonché de quelques bergeries.
Au niveau du lacs des Lozières, nous quittons le sentier balisé pour explorer les alentours du bas du dôme de Chasseforêt. Alimenté par l’eau de fonte du glacier, le lac situé en contrebas est d’un bleu Klein, intimidant.
Après avoir sillonnés cet endroit, nous redescendons jusqu’au chemin, guidés par les torrents qui se précipitent vers la vallée. Un chamois apparait. Le refuge de l’Arpont n’est plus très loin.
Au refuge, les gens sont à l’affut de prises électriques disponibles afin de recharger la batterie de leur téléphone. Le mien ne me manque pas. Mes batteries sont chargées.
Le refuge est situé en contrebas du dôme de l’Arpont, dont la fonte est accélérée par le réchauffement climatique. Dans les Alpes du Nord, l’augmentation des températures est en moyenne de +2°C, soit le double de ce qui est constaté sur le reste du continent. En conséquence, depuis la fin du Petit Age de Glace aux alentours de 1850 jusqu'à la première décennie des années 2000, les glaciers de la Vanoise ont perdu environ 61 % de leur superficie.
De moins en moins alimentés par l’eau de fonte des glaciers, les lacs se réchauffent. C’est précisément le cas du lac de l’Arpont. Sa température maximum de surface est passée de +6°C...

Randonner léger et au long cours permet de ramasser son existence autour quelques gestes essentiels : marcher, manger, dormir, boire.
Plus on avance, plus l’horizon s’éclaircit. On finit par monter ce qui, de loin, semblait infranchissable. En randonnée, comme dans la vie, il est décourageant de voir au loin un objectif, au bout d’un chemin dont on ne voit pas la fin. Mieux vaut se fixer de petits objectifs, comme de petits lacets qui amènent jusqu’à un sommet.
Sortir des sentiers battus. Prendre des chemins de traverse. Varier. Vérifier que le lac indiqué par la carte est bien là. Il apparaît, presque asséché, au pied de la pointe de Bellecôte. Ses rives sont couvertes d’empreintes d’ongulés. C’est un véritable abreuvoir. Nous repérons un chamois avec les jumelles, puis plusieurs autres.

La montagne offre quelques services en voie de disparition. « Voici l’air pur, voici l’espace, voici le silence » écrit Samivel dans ses « commandements du Parc de la Vanoise ». Ces attributs typiques de la montagne sont aujourd’hui menacés. Pour le retour du silence en montagne, l’association Mountain Wilderness lutte notamment contre le vrombissement des engins motorisés qui colonisent les cimes. La montagne doit se mériter. Son accès doit rester compliqué.
Il y a dans la façon de concevoir et d’aménager les refuges d’altitude des bonnes pratiques à descendre dans les vallées. Architectures de l’extrême, les refuges de montagnes sont des abris qui doivent conçu avec le plus de simplicité, compacité et rationalité que possible. Les refuges contemporains produisent aussi des énergies renouvelables. La consommation de l’eau y est rationnalisée. Le système d’assainissement est adapté à l’environnement, et prend la forme de fosses septiques ou de toilettes sèches. L’approvisionnement en biens de consommation est optimisé, les gardiens de refuges cherchant à limiter au maximum l’héliportage, dont le coût financier et écologique est prohibitif. Enfin, la gestion des déchets est strictement organisée (prévention, collecte, tri, compost).
Depuis le Fond d’Aussois, nous avons deux possibilités afin d’accéder au vallon de l’Orgère. A la voie traditionnelle q...

Mon corps est complètement shooté, comme envahi d’une drogue euphorisante produite après une longue journée de marche. L’endorphine, certainement.
Passé le lac de la Partie, nous remontons un vallon avant de traverser des éboulis rocheux et de rejoindre le col de Chavière. Nous entrons dans un superbe cirque, dominé par la Pointe de l’Echelle et sa dalle verticale qui semble faite d’ardoise.
Peclet-Polset est l’archétype de refuge de montagne. De petits drapeaux tibétains flottent. Un hélicoptère du PGHM survole le refuge, gyrophare allumé.
Les sacs déposés au refuge, nous montons jusqu’au col du Soufre. Là-haut, le paysage est lunaire. Nous avons une belle vue sur le glacier de Gébroulaz, le plus long du massif. Le glacier est sous haute surveillance scientifique. La diminution de sa masse glaciaire est liée aux chaleurs estivales mais aussi aux faibles précipitations hivernales.

Dans le chemin en descendant du refuge du Peclet-Polset, nous croisons du monde. Les gens sont suréquipés, plus nombreux et surchargés.
On s’arrête à l’alpage du Ritord, de laquelle s’échappe de la musique western. En quasi transe, un homme et une femme fabriquent du Beaufort.
Nous marchons jusqu’à la dernière halte de notre voyage : le refuge de la Valette. Perché à 2590 mètres d'altitude, il offre une superbe vue sur le glacier de la Grande Casse et le dôme de Polset.
Au sud-est du refuge, en contrebas du pic de la Vieille Femme, il y a un petit lac. A son extrémité, une sente grimpe dans les montagnes, vers les glaciers. Je la suis pendant une heure, comme attiré par les sommets, repoussant sans cesse le retour jusqu’au refuge. Je remarque quelques excréments, sens une odeur et lève la tête : un bouquetin est abrité sous un rocher et m’observe. Je m’approche, le contourne par le haut du rocher et le photographie. Il a fallu attendre la toute fin du voyage, et monter à près de 3000 mètres pour voir un bouquetin. C’est une autre conséquence du réchauffement climatique : les animaux s’adaptent et vont chercher de la fraicheur, à des hauteurs inhabituelles pour la saison.
En redescendant, je me baigne dans le lac. L’eau est translucide et très bonne, presque chaude. Je nage d’une rive à l’autre.
Avec le tarissement de ses sources d’approvisionnement en eau potable, le refuge risque de fermer plus tôt durant la saison, à la suite du refuge du Palet qui vient de fermer ses ...

A force de gagner en hauteur, de s’approcher des sommets, l’envie d’y monter grandit. J’ai envie d’aller jusqu’en haut, et non d’interrompre mon ascension au début des pointes, aiguilles et dômes.