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La sécurité en packraft

Anthony
par Anthony
hier
30 lecteurs

Le packraft est un outil fantastique qui permet d’envisager de somptueuses itinérances sur l’eau et sa stabilité procure un grand sentiment de confiance. Toutefois, nul besoin d’aller se frotter aux rivières ultra-techniques : un accident peut survenir sur une rivière de classe I, sur un lac… Partout en somme 😊.
Les principaux dangers sont :

  • La température de l’eau (donc le risque d’hypothermie).
  • Les mouvements d’eau. On pense d’abord à tout ce qui est propre à l’eau vive (rappel, drossage, siphon…) mais les courants se manifestent aussi dans des baies et bras de mer par exemple !
  • Les obstacles, naturels ou non (arbres, pieux…).
  • Le vent, surtout avec une telle embarcation peu rapide et à forte prise au vent.

Pour évoluer en sécurité, il s’agit donc :

  • D’être bien équipé.
  • D’acquérir les connaissances pour identifier les dangers et savoir se servir de son équipement (de sécurité aussi !).
  • De pratiquer pour prendre de bonnes décisions rapidement.

 

Équipement

Gilet d’aide à la flottaison

Bien que non obligatoire dans le cadre du loisir (en France), le port du gilet est indispensable dans la grande majorité des cas. On parle d’ailleurs d’aide à la flottaison et non d’un gilet de sauvetage. Si la norme impose une flottaison de 50 Newtons, on comprend vite que ce n’est qu’une aide qui ne dispense pas de nager ! Pour une navigation en randonnée (classe I ou lac par exemple), le gilet peut être aussi simple que possible, gonflable ou non. Des modèles gonflables peuvent se trouver dès 400 g (cf. test Anfibio Buoy Boy) et sont très compacts une fois pliés, mais ils ne peuvent pas être normés. Sinon on se tournera vers des gilets minimalistes, plus volumineux et plus lourds (à partir de 600-700 g) : soit des modèles classiques (NRS Clearwater), soit des modèles pour les pratiquants de kayak slalom (Hiko Saluki).
Lorsqu’on commence à naviguer des rivières techniques, mieux vaut s’équiper d’un gilet équipé d’une boucle largable (et encore mieux : avec la sangle cousue), avec une flottaison plus élevée, et si possible avec des rangements pratiques pour avoir le reste du matériel de sécurité à portée de main. Ce largage rapide est un élément indispensable de sécurité, qu’il faut apprendre à utiliser.

Casque

Pas utile sur un lac, il le devient dès qu’on s’aventure sur de l’eau vive, même en classe I. En cas de dessalage, on ne sait jamais ce qu’il y a sous l’eau, un choc est si vite arrivé ! Comme me disait un ami : « si je devais choisir entre gilet et casque, sans aucun doute, je choisis le casque : flotter en étant inconscient suite à un choc à la tête, ça ne sert à rien 😊 ». Évidemment, mieux vaut avoir les 2 hein !
Pour des navigations “faciles” (à juger par rapport à son propre niveau), on peut éventuellement utiliser un casque qui n’obéit pas à la norme EN 1385 (notamment en cas de voyage multi-activités comme le bikeraft). Sinon, on se tournera volontiers vers un casque normé. Il en existe quelques modèles légers, mais la protection reste plus sommaire qu’un gros casque.

Corde à lancer

Soyons bref : pour naviguer en eau vive, avoir une bonne corde à lancer est très important. Et savoir l’utiliser l’est encore plus ! Dans ce domaine, pas le choix : il faut se former à son utilisation. On peut toutefois donner quelques bases :

  • Choisir le bon modèle : longueur et diamètre adéquats, facilité de rangement, tenue dans le temps…
  • Rangée de manière accessible, l’intervention doit être rapide.
  • Apprendre à se positionner au bord de la rivière avant tout lancer.
  • La lancer correctement, en établissant un contact (visuel et/ou auditif) avec la personne à secourir.
  • Il faut savoir la tenir une fois que la victime l’a attrapée.

Bref, vous l’aurez compris, la corde est un outil indispensable mais qui demande intelligence, pratique et dextérité pour être utilisée à bon escient.

Couteau

Autre outil indispensable, qui peut sauver d’une utilisation de corde qui aurait mal tourné ! Le couteau doit toujours être à portée de main. Il peut permettre de couper une lanière, un lacet… un coincement est si vite arrivé !

Leash et mousqueton

En rivière. Le seul leash autorisé est celui que l’on attache au maillon largable de son gilet, qui sert à récupérer le bateau d’un collègue qui aurait dessalé par exemple. Au bout, on prendra soin d’avoir un mousqueton à verrouillage (idéalement autobloquant).
En eau vive, tout autre leash est à bannir : on ne s’attache à rien, ni à sa pagaie, ni à son bateau, ni à un quelconque objet. On ne laisse rien traîner et on essaye même de faire en sorte que ses lacets de chaussures ne dépassent pas ! En cas de dessalage, on fera le maximum pour tenir sa pagaie et son bateau. C’est d’ailleurs un des avantages du packraft : on peut remonter dedans très vite, en pleine rivière. Mais vraiment j’insiste : aucune boucle, aucun mousqueton qui ne soit pas à verrouillage, et rien qui traîne !
Sur lac et mer. Là, à l’inverse, on pourra volontiers leasher sa pagaie et son bateau. Après un dessalage en conditions ventées, ceux-ci pourraient se retrouver immédiatement hors d’atteinte, sans aucune chance de pouvoir les attraper en nageant (surtout le bateau !).

Communication

Évidemment indispensable : un outil pour communiquer avec les secours si nécessaire. À commencer par un téléphone. Et pas besoin d’aller aux antipodes pour avoir besoin d’une balise satellite : dès que l’on s’aventure dans de jolies gorges, le réseau téléphonique vient vite à manquer, même en France !
Il existe des téléphones et des balises satellites étanches, mais on pourra toujours compter sur des pochettes étanches, très fiables. Dernière chose : le téléphone doit bien entendu être à portée de main, et non dans le packraft qui pourrait vous échapper…

Corde de sécu. Toutes ne se valent pas. Ici, le modèle WWTC, une référence en la matière : facile à plier, haute résistance, durabilité. Photo : Anthony Komarnicki
Corde de sécu. Toutes ne se valent pas. Ici, le modèle WWTC, une référence en la matière : facile à plier, haute résistance, durabilité. Photo : Anthony Komarnicki
Se jeter à l’eau ! Avec R3 France, on apprend de solides bases de sécurité, avec beaucoup d’exercices pratiques ! Photo : Ciaran Heurteau.
Se jeter à l’eau ! Avec R3 France, on apprend de solides bases de sécurité, avec beaucoup d’exercices pratiques ! Photo : Ciaran Heurteau.

Apprentissage des connaissances

Je ne vais pas y aller par 4 chemins : la sécurité en navigation, ça s’apprend ! Club de kayak, formations sécurité, rassemblements, stages… Avec la démocratisation du packraft, on trouve de plus en plus de moyens de se former, plus d’excuses ! Cet apprentissage couvrira plusieurs domaines : lire la rivière pour anticiper ses dangers, apprendre à réagir en cas d’incident, savoir utiliser le matériel cité précédemment, etc.

Comment se former ?

Je vais enfoncer le clou : la navigation comporte des difficultés qui demandent de l’expérience pour être appréhendées. Évoluer sur l’eau, en rivière ou ailleurs, procure des sensations incroyables et il serait dommage de tout gâcher avec un accident traumatisant, voire pire.
De plus, la stabilité d’un packraft (énorme comparée à un kayak de rivière) le rend facile à prendre en main et a tendance à encourager quiconque à s’engager sur des rivières parfois techniques. Toutefois, cette apparente facilité ne retire en rien les dangers objectifs de la rivière : aussi stable soit-il, on peut toujours se retourner en packraft, se bloquer contre un obstacle (cravate), etc. ! Et dans ces cas, le danger est réel : coincements, siphon, noyade… 
Heureusement, il existe désormais de nombreux moyens d’apprendre les compétences nécessaires pour lire la rivière et y évoluer en sécurité :

  • Clubs de kayak : le meilleur moyen pour pratiquer régulièrement l’eau vive, avec des personnes expérimentées. Dans des clubs assez grands, ce sont souvent des moniteurs brevetés qui encadrent les sorties. Et certains clubs organisent eux-mêmes des ateliers sécurité, afin de développer l’autonomie de leurs membres. De plus, le kayak, embarcation bien plus sensible à la gîte et au roulis, développera vos sens pour la pratique du packraft !
  • Formations spécialisées en sécurité, comme R3 France. Le must ! Le format peut durer entre 1 et 3 jours : pas de navigation, uniquement des exercices de mise en situation. Idéal pour pratiquer dans un cadre contrôlé. L’intérêt est multiple : savoir anticiper, apprendre à communiquer et à gérer un incident. On démystifie énormément l’usage de la corde de sécurité. Grâce à de telles structures, les questions de sécurité sont constamment remises en cause et l’on évite de rester sur de vieilles recettes 😊. Personnellement, j’ai suivi une formation sur 3 jours et j’en suis revenu comblé. Le programme de formation sur 1 ou 2 jours est à recommander à tous les pratiquants ! 
  • Stages d’eau vive. Ceux-ci se concentrent sur les aptitudes de navigation, et parfois aussi sur la sécurité. Bonne nouvelle, il en existe désormais exclusivement consacrés au packraft, comme avec Hike2River. Structure toute récente lancée par deux amis, elle propose des encadrements et des formations (de durée variable) pour devenir autonome et progresser en technique. Pour avoir navigué avec eux, je peux vous assurer que la formule est agréable : instructif et dans la bonne humeur.
  • Événements : au-delà de fédérer la communauté, les festivals et autres rassemblements sont de belles opportunités pour échanger avec d’autres pratiquants, professionnels ou non. Et souvent, au sein de ces événements, des ateliers autour de la sécurité sont organisés. Cette année, j’ai participé à l’Open Canoë Festival (26), au Packraft Meetup (05) et au Packraft Festival (05) : à chaque fois, on pouvait y apprendre les bases de la sécu.

La pratique

Solo ou non ?

Comme sur la neige, le moindre incident en eau vive pourra difficilement être géré seul : récupérer un bateau ou une pagaie qui suit le courant par exemple ! Naviguer à plusieurs est donc une bonne habitude. Toutefois, avec beaucoup de prudence et en ne surestimant pas ses capacités, il est envisageable de voyager seul. D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’on navigue à plusieurs qu’il faut forcément tenter des passages plus compliqués !

Au fil de l’eau

Vous voilà sur la rivière, seul ou non. Au moindre doute, la règle à suivre est : débarquer et repérer ! Fin de rapide non visible, cassure de rivière, étroiture… Depuis le packraft, à peine au-dessus du niveau de l’eau, la visibilité est réduite et une fois qu’on s’aventure dans un passage technique, il peut être impossible de s’arrêter. Mieux vaut prendre trop de précautions donc. En pratique, la progression sur une rivière technique peut devenir très lente selon la configuration de la rivière : c’est le jeu 😊. Et, faut-il le rappeler, l’humilité n’a jamais blessé personne : accepter de porter un rapide plutôt que le tenter coûte que coûte alors qu’on ne le sent pas, c’est beau. Les packrafts sont d’ailleurs les embarcations les plus faciles à transporter, pas d’excuses !

Autres paramètres

Comme dans toute pratique outdoor, il faut s’adapter aux conditions et à leur évolution. Sur les rivières, on sera particulièrement sensible à l’évolution possible du débit : pluie, orage et fonte des neiges se traduisent en augmentation du débit, avec un décalage dans le temps variable et une intensité parfois difficilement prévisible. En montagne, les précipitations peuvent ne concerner que les zones d’altitude et le temps de réponse hydrologique sera alors généralement de quelques heures, sur les tronçons classiquement navigables, pour que la crue arrive à l’aval. Sur les fleuves de plaine, comme sur la Loire aval, ce décalage dans le temps peut atteindre une semaine.
Par conséquent, la saisonnalité intervient : dans les Alpes, une même rivière ne présente absolument pas le même niveau de difficulté au printemps lors de la fonte des neiges qu’en fin d’été lorsque le débit est faible. On touche d’ailleurs ici aux limites de la cotation des difficultés (classe I à VI) : elle est valable pour un débit moyen, mais selon la topographie du lit de rivière, chaque rapide évolue différemment : parfois, avec davantage de débit, un rapide technique peut devenir plus facile… Mais le plus souvent, c’est l’inverse !
Sur lac et sur mer, on prendra garde à l’évolution du vent, des brises, voire des marées.

La mesure du débit, coulisses

Le débit correspond à la quantité d’eau qui transite dans une section sur une durée donnée, et s’exprime souvent en mètre cube par seconde. En pratique, pour calculer la valeur d’un débit, on mesure généralement une grandeur intermédiaire, la hauteur d’eau. Ensuite, pour chaque station, on dispose généralement d’une loi de correspondance, ou courbe de tarage, entre la hauteur d’eau et le débit. Cette relation est rarement linéaire : quand la hauteur d’eau double, le débit peut être multiplié par trois ou cinq. Ce tarage de la relation, pour une station donnée, est réalisé en déterminant la valeur ponctuelle du débit à partir de mesures des vitesses du courant au sein de la section verticale. Il faut alors répéter cette opération à plusieurs reprises, pour différents débits, pour en déduire la courbe de tarage.
Les débits de rivière « en temps réel » sont de plus en plus disponibles sur internet, permettant d’anticiper la survenue d’une crue pour alerter les populations (vigicrues.gouv.fr). Pour ces stations, les débits associés intègrent une courbe de tarage du passé, pour laquelle on ne connaît pas la fidélité avec la réalité du moment. En effet, suite à des travaux en rivière, ou le plus souvent à des crues, le lit de la rivière, et donc le gabarit de la section, peuvent évoluer de façon importante, rendant obsolète la courbe de tarage. Sur certaines stations, ce tarage ne va pas changer durant trois ans, alors que sur d’autres sites, il va changer trois fois dans l’année. Ceci est particulièrement vrai dans les rivières au lit sédimentaire très mobile, comme les rivières méditerranéennes « en tresses ». Il convient donc de rester très critique envers certains débits, comme ceux disponibles en temps réel, surtout si on souhaite les comparer à des valeurs-guide de navigabilité/praticabilité que l’on trouve dans certains topos.

Repérer. Libres comme l’air. Le portage est si facile qu’en repérant une section technique, on ne pose même pas le bateau ! Ici sur la Séveraisse (05). Photo : Anthony Komarnicki
Repérer. Libres comme l’air. Le portage est si facile qu’en repérant une section technique, on ne pose même pas le bateau ! Ici sur la Séveraisse (05). Photo : Anthony Komarnicki
Photo : Anthony Komarnicki
Photo : Anthony Komarnicki
Contourner. Photo : Anthony Komarnicki
Contourner. Photo : Anthony Komarnicki