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Les abris légers

par erwan dans Voyager léger 15 janv. 2014 mis à jour 28 janv. 2014 11986 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 6 min.

Abris légers et marche longue distance

Texte et photos : Cyrille Soulas (dit « French Bob »)
www.randonner-leger.org
Article publié dans Carnets d'Aventures n°12

Comme régulièrement, la chronique « léger » écrite par un MUL (Marcheur Ultra Léger) de www.randonner-leger.org est incluse dans notre dossier technique. Cette fois-ci, en complément du dossier tentes, le sujet des abris légers est abordé par Cyrille Soulas au travers de son expérience avec divers abris sur plusieurs mois de trek.

Lorsque j’ai commencé la marche longue distance en 2004, je ne me doutais pas à quel point je pourrais alléger mon équipement au fur et à mesure de mes pérégrinations…

Je pensais à juste titre qu’une tente solo de 1,5 kg représentait déjà un bel effort de légèreté, et à cette époque en France, il n’était pas facile de trouver une tente double-toit en dessous de 1,5 kg. J’étais donc très fier de porter dans mon sac à dos ma première tente vraiment légère signée Mountain Hardwear, le modèle PCT1. Et ça tombait très bien car je partais justement parcourir le Pacific Crest Trail, entre le Mexique et le Canada. Avec la PCT1 je pouvais donc dormir à l’abri des insectes et rongeurs, et admirer la Voie Lactée absolument parfaite de la Sierra Nevada. Si les conditions météo devaient se dégrader, la deuxième couche vite montée me protégeait très efficacement des éléments.

Mountain Hardwear PCT1
Mountain Hardwear PCT1

Passer de la chaleur du désert à une nuit de blizzard sur un col de montagne était un scénario typique en ce mois de mars sur le PCT. Je connus donc ma première neige alors que je m’approchais du Mont San Jacinto. À plusieurs reprises je montais ma tente sous la pluie, parfois dans le brouillard entre deux plaques de neige ; je n’eus jamais froid et ne fus jamais mouillé. Il faut dire que ce genre de tente isole très bien du froid, comparé à un simple tarp !

Mountain Hardwear PCT1
Mountain Hardwear PCT1

Mountain Hardwear PCT1

En me lançant dans l’aventure du PCT, je n’étais pas prêt à sacrifier l’essentiel de mon confort pour gagner quelques grammes. Mais 1,5 kg, à bien y réfléchir, ce n’est pas rien, surtout pour marcher 4350 km entre le Mexique et le Canada. Ainsi, après avoir parcouru 1870 km avec ma PCT1, je décidai d’alléger considérablement le poids de mon sac à dos… Avec le temps, je m’étais habitué au manque de confort et j’avais appris à vivre avec le minimum. En quittant le Lake Tahoe, mon sac à dos faisait 10 kg avec 4 jours de nourriture et 1 litre d’eau ; j’avais gagné environ 5 kg sur le poids d’origine.

C’est avec la Lunar Solo de chez Six Moon Designs que j’ai attaqué mes 2500 derniers kilomètres. Avec ses 770g (soit pile la moitié du poids de ma PCT1), la Lunar Solo n’est pas un simple « rideau de douche », c’est un grand espace intérieur avec un tapis de sol cousu en Silnylon 70 deniers, le reste de la toile est du Silnylon 30 deniers, un tissu « ripstop » en nylon enduit silicone imperméable suffisamment solide pour résister aux éléments. Pour un poids aussi réduit, la Lunar Solo offre une vraie protection 3 saisons et permet d’envisager un long trek en toute sérénité. Contrairement à mon ancienne tente Mountain Hardwear, la Lunar Solo n’a pas d’arceau, c’est l’un de mes bâtons de marche qui permet d’ériger la tente à une hauteur d’environ 125cm ; sa forme pyramidale très classique donne un espace intérieur d’environ 2,6m², le vestibule de 90cm² permet de cuisiner lorsqu’il pleut.

Lunar Solo
Lunar Solo

Après avoir dormi environ 90 nuits dans cet abri léger, la conclusion est plutôt positive : pour un poids aussi léger, la protection qu’offre la Lunar Solo est de bonne qualité, que ce soit face au vent, à la neige ou à la pluie. J’ai connu un déluge d’eau en traversant la chaîne des Cascade Range près du Canada ; il a plu pendant une semaine, et, une nuit, l’eau s’est infiltrée car une grande flaque s’était formée à l’endroit même où j’avais monté ma tente ; heureusement mon sac de couchage n’a pas été trempé car j’ai réagi rapidement.

Lunar Solo
Lunar Solo

Lunar Solo

Une particularité du Silnylon est de se détendre un peu ; mieux vaut donc retendre le tout avant de se coucher. Par ailleurs, ce genre d’abri demande à être bien orienté car, en l’absence d’arceau, la tenue est assurée par le seul bâton. Une pyramide est moins aérodynamique qu’un tunnel, il faut donc monter la tente « dos » au vent pour éviter l’effet « parachute ».

Le vent est d’ailleurs le point faible de ce genre d’abri, le Silnylon pouvant être assez bruyant. J’ai connu 2 ou 3 nuits au cours desquelles la tempête m’a vraiment empêché de dormir. Dans ce cas, baisser la hauteur du bâton d’environ 30cm diminue la prise au vent et évite bien des désagréments. D’ailleurs, un soir, ma tente a été soufflée par une très forte rafale ; elle ne tenait plus que par un seul piquet et j’ai pu la récupérer in extremis avant qu’elle s’envole. Je n’ose imaginer la suite des évènements si j’avais perdu mon précieux abri cette nuit-là, dans le blizzard ! Leçon apprise : toujours camper à l’abri du vent…

En ce qui concerne la condensation, la Lunar s’en sort plutôt bien, grâce au tissu en moustiquaire qui entoure le tapis de sol. Les pans de la tente sont assez raides et s’il y a de la condensation sur les murs, il faudra penser à protéger son sac de couchage.

En l’absence de pluie, je ne ferme que la partie moustiquaire ; la ventilation est donc bonne et cela permet de bivouaquer l’esprit tranquille dans les zones arides. J’ai pu ainsi passer quelques belles nuits au fond du Grand Canyon ou dans la Vallée de la Mort, bien à l’abri des serpents et autres petites bêtes à 8 pattes.

La belle surface au sol permet de vivre assez confortablement malgré les pans coupés qui réduisent l’espace utile. Ce que j’apprécie le plus est de pouvoir dîner tranquillement en admirant le paysage à l’abri des moustiques, et de pouvoir m’endormir en regardant les étoiles ; c’est l’avantage d’un abri à entrée latérale.

Pour optimiser la durée de vie de mon abri, j’utilise une feuille de ripstop ou de tivek qui protège le tapis de sol. Comme pour tous les abris légers il convient d’être soigneux avec la fine toile en Silnylon.

Il existe bien sûr d’autres modèles d’abris de ce genre. Une des concurrentes sérieuses de la Lunar Solo est à mon avis la Rainbow de Henry Shire Tarptent. Certes, elle est un peu plus « lourde », mais pour 900g, elle est équipée d’un arceau et d’un tapis de sol qui garantit un bel espace de vie ; la ventilation est assurée par une porte latérale en moustiquaire comme sur la Lunar Solo. Un petit plus tout de même est la possibilité de rendre la Rainbow autoportante à l’aide de 2 bâtons de marche. Sur un sol très dur, c’est appréciable et ça évite de tordre ses piquets. Sa tenue au vent me semble un peu supérieure à celle de la Lunar Solo, grâce à son arceau qui assure une bonne tenue de l’ensemble.

En août 2007, j’ai refait le John Muir Trail, qui emprunte le tracé du PCT sur 350 km dans la Sierra Nevada. Pour avaler les 14.000 mètres de dénivelé en 10 jours, il me fallait être encore un peu plus léger, j’ai donc troqué ma Lunar Solo pour une Gatewood Cape de chez Six Moon Designs. Avec ses 320g, la Gatewood est une cape de pluie la journée, le soir, elle se transforme en abri ultraléger : c’est ce que l’on appelle un « poncho tarp ». Un seul bâton de marche et 6 piquets suffisent à lui donner sa forme pyramidale, sur le même modèle de la Lunar Solo. La Gatewood se ferme complètement avec un zip pour une pleine protection face aux éléments. Certes elle n’a pas de sol cousu, mais une petite feuille de polycryo Gossamer (49g, polycryo ground cloth) fait l’affaire. La Gatewood Cape est un abri minimaliste à ranger dans la longue liste des tarps disponibles sur le marché, mais je ne lui connais pas de concurrente aussi polyvalente dans la catégorie des 300g. Grâce à sa poche intégrée, elle tient très peu de place dans le sac à dos. C’est l’abri idéal pour faire de la marche rapide en été ; d’ailleurs, elle fera partie de ma panoplie pour le GR20 en Corse avec un poids de base de 3,6 kg.

Gatewood
Gatewood

Gatewood

Après une quinzaine de nuits passées sous cet abri, le bilan est très positif : l’espace intérieur de 2,5m² permet un confort de vie correct, on peut manger assis à l’intérieur, la ventilation est très bonne tant qu’un battant reste ouvert. Si les conditions météo se dégradent, le zip permet de fermer complètement l’abri, mais l’air peut quand même entrer car le « bec » frontal ne va pas jusqu’au sol. Un sursac permet d’envisager l’usage de la Gatewood en conditions difficiles. Pour éviter les moustiques, j’utilise une petite moustiquaire de 120g qui protège la partie haute de mon corps.

Pour une protection complète contre les insectes, Six Moon Designs propose la Serenity NetTent, un abri de 200g tout en moustiquaire qui loge parfaitement sous une Gatewood Cape, elle peut aussi s’utiliser seule avec un bâton de marche + 5 piquets ; elle est totalement « bugproof » grâce à son tapis de sol intégré. Gatewood + Serenity NetTent = 520g.

Cet été 2008, je pars traverser les rocheuses du Colorado (nord sud), c’est l’occasion de tester un nouvel abri très léger, la tente The One de chez Gossamer Gear. Cet abri fermé de 485g est en toile nylon ripstop Spinnaker utilisée notamment pour les parapentes. Cette tente reprend le design de la Lunar solo, mais nécessite deux bâtons de 120cm pour être bien rigide. Moins de surface au sol (1,6m²), mais un espace utile suffisant pour vivre confortablement. L’abri me paraît bien pensé et suffisamment solide pour affronter les montagnes du Colorado.

The one
The one

Note : tous les produits que je mentionne dans cet article sont fabriqués aux États-Unis par des petites marques locales ; elles ont en général un SAV très réactif et ont à cœur la satisfaction de leurs clients. D’autres marques comme les pionniers GoLite ont su surfer sur la vague du « léger » ; petite marque artisanale il y a 10 ans, ils sont aujourd’hui les leaders du matériel outdoor léger aux États-Unis.

Quelques liens concernant ces constructeurs :

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