L’économie : un outil créé par et pour l’homme, cet animal social
L’humain est un animal éminemment social. De tout temps il s’est regroupé. De ce fait il a par exemple développé un langage complexe, ce qui serait bien entendu d’aucun intérêt pour des animaux vivant en solitaire. Chaque humain, à la base, n’a pas de spécificités ; chacun cultive un savoir-faire, ou un ensemble de savoir-faire. Soit parce que la « société » l’y pousse, soit, dans les cas favorables, parce qu’il fait ce qui lui fait plaisir (en se souvenant que le plaisir est souvent lui-même coloré de facteurs sociétaux – par exemple si la société valorise le statut de médecin, les humains parvenant à devenir médecin vont se sentir valorisés et auront peut-être l’impression de réussir leur vie). De fait, puisque la société humaine est complexe, il existe de nombreux savoir-faire (des centaines de métiers différents, des dizaines d’instruments de musique, des centaines d’activités, de sports et de loisirs nécessitant chacun des compétences précises).
Bien entendu, un individu ne peut maitriser toutes ces compétences, parfois en maitriser une seule « parfaitement » nécessite de travailler dessus à « plein-temps ».
Bref l’humain, comme la plupart des espèces dites évoluées de l’univers, maitrise une grande palette de compétences qui s’échangent (par apprentissage) entre individus. L’objectif premier de l’économie est cet échange de compétences, sous forme par exemple de biens et de services (entre autres). L’homme a mis en place cette économie, qui n’aurait aucun sens s’il n’était pas une espèce sociale (une espèce où les individus vivent de manière autarcique, sans nécessité d’interaction importante avec leurs pairs, n’a pas besoin de ces complexes outils sociaux).
Ce qui est assez singulier et mérite de figurer dans ce rapport, c’est qu’à l’époque où j’écris ces lignes, on observe diverses tendances qui laissent penser que l’humain a oublié cette évidence…
La dérive actuelle de l’économie en témoigne : une économie qui se « libéralise » totalement, avec comme philosophie en filigrane « seuls les méritants auront droit à leur part du gâteau », ou plutôt, dans les faits, « seuls les bien nés auront droit à leur part » (ceux déjà aisés qui ont capitalisé et récupèrent les fruits de leur investissement, ceux qui, issus des milieux socioprofessionnels dits « supérieurs » pourront faire des hautes études qui leur donneront accès à des métiers bien rémunérés…). Ce procédé d’individualisation, même s’il peut augmenter localement et transitoirement la productivité, a des conséquences humaines et sociétales importantes. En effet, le partage des richesses de moins en moins homogène (augmentation de l’écart entre riches et pauvres : riches encore plus riches, pauvres toujours plus pauvres, concentration des richesses, accroissement des inégalités), induit des tensions dans le système social et à terme tout le monde se trouve perdant (les pauvres subissent leur misère et les riches subissent la crainte de se faire agresser par les plus pauvres qui peuvent tenter de rétablir l’équilibre par la violence). Cela ne devrait pas, bien entendu, être la résultante de la mise en place d’une économie structurée, qui rappelons-le, a été créée par la société humaine pour lui faciliter la vie.
D’autre part, c’est en redistribuant les richesses que l’on permet à une multitude de personnes produisant des biens et des services de les échanger. En effet, si on pousse au paroxysme l’évolution du système actuel (en forçant la caricature), on arrive à une très faible minorité de personnes détenant les parts des principales entreprises et qui en récoltent la plupart du résultat. Mais si rien n’est redistribué, plus personne ne peut « consommer » les biens et services produits par ces groupes. Le système s’effondre par la cupidité du petit nombre.
Il est assez symptomatique de voir certains dirigeants d’entreprises se gargariser de leur réussite, qu’ils pensent due à leur sagacité et leur cœur à l’ouvrage. Mais s’il n’y avait pas d’autres humains pour acheter leurs produits ou services, eh bien leur entreprise n’existerait tout simplement pas. Leur réussite, ils la doivent en premier lieu aux autres, à la nature sociale de l’homme, mais cela, on l’oublie souvent. Nous sommes tous interdépendants, et cela ne doit pas être vu comme quelque chose de négatif, bien au contraire, cette interdépendance est source de richesse, pas seulement matérielle, et est inhérente à l’espèce humaine. Social et économie ne s’opposent pas, il serait sans doute bon de ne pas l’oublier lorsque sont construites les politiques économiques…
Il me semble que l’homme doit faire attention à ne pas se couper de sa nature profonde, car ce sont les liens tissés avec autrui, la conscience de sa fragilité d’individu, l’entraide, le partage, l’amour, l’amitié qui rendent l’humanité belle et forte.
L’extraterrestre
Ci-dessous vous trouverez la « Lettre à mes petits-enfants », écrite en 1931 par Keynes, l’un des fondateurs de l’économie moderne. Un texte d’une modernité époustouflante, qui pousse à la réflexion. Quand les économistes voyaient l’économie comme un moyen de libérer l’humain plutôt que de l’asservir… Un complément utile à ce rapport.