Extraterrestre CA 39 : L’avenir appartient à ceux qui savent ralentir
L’avenir appartient à ceux qui savent ralentirChronique publiée dans Carnets d'Aventures n°39.
Pour traverser l’Atlantique ou la France, on estime généralement qu’on met 60 fois moins de temps qu’il y a deux siècles (1). Pourtant, que ce soit pour voyager ou se rendre à son travail, on se déplace plus loin. On passe donc toujours autant de temps dans les transports : en moyenne une heure par jour. Autrefois il nous fallait une heure pour écrire un courrier qui mettait trois jours à arriver ; aujourd’hui, en une heure, on écrit dix emails qui arrivent instantanément. Résultat : nous avons dix fois plus d’amis que nos grands-parents. Grâce à la technologie, on peut exécuter la plupart des tâches quotidiennes beaucoup plus rapidement qu’avant, mais on n’en profite presque jamais pour avoir davantage de temps libre « pour soi ». Le sociologue Philippe Cazeneuve résume ce paradoxe en disant qu’on va toujours plus vite, mais qu’on a de moins en moins de temps. Actuellement, trois milliards d’internautes sont connectés à la même toile. Si certaines personnes méritent le titre de « maîtres du monde », ce sont bien les patrons de ces entreprises - Google, Facebook, Amazon, Apple et compagnie - qui sont désormais omniprésentes dans la vie de ces trois milliards de clients. Un journaliste du New York Times (2) a eu la curiosité d’aller les visiter chez eux, pour voir comment ils éduquaient leurs enfants. Stupeur ! Chez les Jobs, Steve tenait à ce que toute la famille dîne ensemble pour parler de livres et d’histoire. Les enfants ne sortaient jamais leurs iPads et ordinateurs. Idem, chez tous les autres patrons dont la fortune s’est pourtant bâtie sur le développement d’Internet, le journaliste s’est rendu compte qu’ils interdisaient ou restreignaient fortement l’usage à la maison des smartphones, tablettes et ordinateurs à leurs enfants. Présenteraient-ils un danger caché dont tous les autres parents qui laissent dès 3 ans leurs bambins jouer avec ces objets soi-disant éducatifs ne seraient pas au courant ? Oui, en quelque sorte. Ces patrons ont, une fois de plus, une longueur d’avance. Le nouveau défi de l’homme moderne n’est pas de maîtriser les nouvelles technologies : elles sont presque toutes très simples à utiliser, puisque conçues pour être prêtes à consommer. Il n’y a aucun mérite à avoir le portable dernier cri ou à aller passer ses vacances à l’autre bout du monde, il suffit de sortir sa carte bleue pour les acheter. Non, le vrai défi, il est de savoir tirer partie de ces technologies quand on estime qu’elles nous apportent un réel bénéfice personnel… et le reste du temps, savoir dire non. Aux États-Unis, les « déconnexionistes » commencent à faire parler d’eux, tandis que les nomophobes3 se paient des cures de désintoxication pendant lesquelles leur téléphone portable est confisqué. Alors qu'il est si simple de partir quelques jours dans la nature, le smartphone éteint au fond du sac… Et ainsi de prendre le temps de se poser les grandes questions, voire même d’y donner des débuts de réponse. Que pourrait signifier le progrès à l’échelle de l’Humanité ? Et moi, de quoi ai-je besoin pour être heureux ? SilexA U’Aielor 1 Donnée citée par Philippe Cazeneuve dans « L’âge de faire » de janvier 2015
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