Conférence de Sylvain Tesson
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En 1991, après la chute de l’URSS, d’importantes réserves de gaz et de pétrole ont été découvertes à Kashagan, dans le nord de la mer Caspienne, et dans le fond asséché de la mer d’Aral. La région aralo-caspienne se retrouve alors au centre de nouveaux enjeux et appétits pétroliers. Les vautours du monde entier, assoiffés d’énergie, se mettent à la table caspienne et aspirent à leur part. Alors que la consommation mondiale en énergie augmente de 3 % par an, que les ressources décroissent et que le Moyen-Orient apparaît de plus en plus instable, la Caspienne, jusque-là délaissée pour cause d’enclavement, revêt le visage d’un nouvel Eldorado pétrolier. Un Grand Jeu contemporain oppose Russes, Américains, Chinois, Iraniens et Kazakhs dans cette zone que les plaisantins surnomment le pipelinistan. Un réseau de nouveaux oléoducs veine en effet les steppes arides… Le BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) convoiera dans l’avenir un million de tonnes de brut par jour. Il acheminera pendant quarante ans le pétrole des réserves caspiennes off-shore exploitées, depuis la chute de l’URSS, par un consortium international (BP, Total, Unocal, etc.). Ce serait « le plus grand défi technologique de ces dernières décennies ». L’oléoduc franchit le Caucase, passe trois fois à plus de 2 500 mètres d’altitude, traverse les reliefs de l’Anatolie, franchit plus de mille cours d’eau, triomphe de déclivités très marquées… Il permettra au Kazakhstan de raccorder ses propres gisements à ce couloir occidental pour convoyer l’or noir jusqu’à la Méditerranée où les oléoducs vomissent dans le ventre des tankers le brut caspien nécessaire à la folle marche du monde.
Sylvain Tesson est parti en juin 2006 de la rive ouzbèke de la mer d’Aral avec l’intention de suivre à pied et à vélo quelques-uns des oléoducs et gazoducs qui dessinent à la surface de l’Asie centrale et du Caucase des lignes de tension entre les nations mais aussi des axes de force géopolitiques. Il a longé sur 3 000 kilomètres le tracé de ces tubes à travers des régions caractérisées par des situations politiques instables et des géographies tourmentées. Profitant de ce séjour en des terres à haute valeur énergétique, il a par ailleurs consacré ses trois mois de progression solitaire à réfléchir à la notion de « force vitale ». L’être humain possède au fond de ses profondeurs géologiques un gisement d’énergie que des forages propices peuvent faire jaillir. Qu’est ce qui nous pousse à agir ? Qu’est-ce qui nous maintient en tension ? Pourquoi l’élan intérieur est-il réparti si inégalement chez les uns et les autres ? Comment puiser les réserves au fond de soi ? Comment libérer nos forces, comment les transformer en action ? C’est ce genre de questions qui a nourri son avance, convoquant ses ressources physiques pour tailler la route à travers un univers de prédation industrielle des réserves naturelles. |