Tu es équipé de ton packraft, tes amis sont motivés, vous avez soif d’aventure ! Vous avez repéré une rivière sur la carte, et maintenant ? Une sortie ou une expédition en packraft demande un minimum de préparation pour être réussie en toute sécurité. Ce micro-guide synthétique s’adresse à celles et ceux qui cherchent à organiser une sortie en France à la journée, comme à l’autre bout du monde durant plusieurs semaines.
Préambule
Toute sortie sur l’eau se prépare, facile ou non. On ne s’aventure pas sur un cours d’eau sans en connaître au préalable les dangers potentiels. Une fois sur l’eau, il sera peut-être trop tard pour réagir. Donc une navigation, ça s’anticipe !
Attention à l’apparente facilité du packraft : si la navigation est rendue plus aisée grâce à sa stabilité, il faudra prendre au sérieux les risques encourus si tout ne se passe pas comme prévu… Dit autrement : on ne s’aventure pas dans un classe III du jour au lendemain, sans préparation.
La navigation
Topos et descriptifs
Surfez sur le web ! Si vous prévoyez une sortie en France ou dans d’autres pays qui comptent une pratique régulière des sports de pagaie, vous trouverez maints topos déjà existants. Ils contiennent de nombreuses informations pertinentes, ce qui vous évitera beaucoup de travail par la suite. Forums dédiés, groupes de réseaux sociaux, sites tenus par des professionnels, clubs de kayak locaux, etc. Les informations ne manquent pas : la navigation de nos rivières remonte à bien avant l’apparition du packraft dans sa forme actuelle…
N’oubliez pas les livres et les guides qui répertorient et décrivent les descentes de façon claire. Les vidéos et photos sur les réseaux sociaux peuvent fournir des informations à jour et vous donner plus ou moins envie. Quoi qu’il en soit, une rivière peut évoluer (notamment suite à une crue) et il faudra toujours rester vigilant !
Parmi les informations les plus importantes figurent la difficulté de la rivière, les débits maximum et minimum navigables (donc les périodes propices) et les potentiels dangers ou difficultés (barrages, seuils, cascades). Et aussi sa longueur, afin d’estimer la durée de navigation et les possibles zones de bivouac.
Points bloquants
Si les informations viennent à manquer, on commencera par creuser quelques pistes pour s’assurer que le projet de navigation tienne la route :
Loi : la rivière se trouve-t-elle dans une zone protégée, dangereuse ou interdite ? Y a-t-il d’autres règles pour la navigation et le passage (horaires, points d’embarquement, saisonnalité) ?
Topographie : vérifiez le terrain et le relief autour. Est-ce que vous allez pouvoir accéder aux rives et pouvoir en sortir en sécurité ?
Météo : étudiez les températures et les précipitations de la région. Y a-t-il des variations saisonnières qui pourraient être dangereuses comme des fortes pluies (moussons, typhons) ou d’autres conditions (glace, sécheresse, crues) qui vous empêcheront de naviguer ? Essayez de trouver les débits de la rivière si possible.
Création d’itinéraire
Plongez au cœur du sujet ! Si après vos recherches vous n’avez pas trouvé de descriptif précis, mais que vous êtes toujours motivés et rassurés sur le fait que la descente est possible, il faut passer à une préparation plus spécifique et technique. Grâce à la facilité de transport du packraft, des itinéraires nouveaux ou pensés autrement sont désormais possibles. Voici une méthodologie très résumée qu’il faudra bien approfondir avant de prendre le départ ! Notons que cette méthodologie s’applique également à un itinéraire connu et renseigné, pour que votre préparation soit parfaite !
1) Longueur et pente moyenne
La longueur de la section envisagée sera nécessaire pour estimer la durée de navigation. Pour la trouver, divisez la distance par votre vitesse moyenne. Un packraft monoplace avance à environ 4 km/h sur le plat, il faudra additionner la vitesse de l’eau pour se projeter. Toutefois, toute section technique nécessitant des repérages ou portages vous ralentira énormément : laissez-vous une bonne marge, même sur une rivière déjà parcourue.
La pente moyenne peut donner une idée approximative de la difficulté de la rivière, bien que la pente locale et les obstacles déterminent la véritable difficulté. Il s’agit malgré tout d’une information intéressante : plus la pente augmente, plus vous pouvez vous attendre à des mouvements d’eau ou des chutes. Elle s’exprime en mètres descendus par kilomètre : pour la déterminer, mesurez la hauteur du point de départ et celui d’arrivée sur une carte, faites la différence et divisez par la distance à parcourir.
2) Points d’intérêt
Il s’agit de localiser tous les éléments déterminants pour votre navigation. Pour les trouver, faites appel aux images satellite et à la cartographie sur le net (Google maps, Apple maps, OSM). N’hésitez pas à croiser les images et informations entre elles. Voici une liste des points à vérifier :
- Dangers : vérifiez la présence de barrages, seuils et autres constructions humaines (canaux, grilles). Notez aussi s’il y a des embâcles, sachant qu’ils peuvent bouger.
- Rapides : identifier les rapides importants et les éventuelles cascades. Notez-les (vous pouvez leur donner des numéros) et assignez-leur une longueur et idéalement une estimation de la difficulté.
- Pente : il est parfois possible de déterminer le changement de pente, ou simplement de noter le début d’une section plate ou plus agitée. Cette information permet de mieux planifier votre rythme.
- Échappatoires et accès à la rive : il faut parfois abandonner en cours de descente. Si vous savez à l’avance où sortir ce sera beaucoup plus simple ! Inversement, il est aussi crucial de savoir à partir de quel point on entre dans une gorge ou une section engagée.
- Sites pour bivouaquer, magasins ou sources d’eau : savoir qu’il vous reste seulement 5 minutes pour un bon spot où planter la tente peut être réconfortant !
- Repères : localisez les ponts, en les listant, ou d’autres éléments facilement identifiables (falaises, courbes) qui permettront de vous situer pendant la navigation. Pensez que le paysage environnant peut être caché par les arbres et les rives surélevés. Faites l’exercice : entraînez-vous au repérage sur une rivière connue et confrontez ensuite vos informations avec la réalité. Ceci permet de s’améliorer en lecture d’image et de carte.
3) Débit
Le débit d’une rivière déterminera la difficulté mais aussi le plaisir de navigation. Suivant la rivière, trouver le débit en temps réel peut être compliqué (y compris en France !). Certaines applications ont commencé à rassembler les données (ex : RiverApp). N’hésitez pas à aller sur les sites de météo nationaux, les gestionnaires du réseau hydroélectrique ou les sites de pêche. Les moyennes mensuelles vous permettront de mieux planifier la date en amont. Si vous partez en exploration, privilégiez les débits bas, quitte à y retourner après repérage. Une rivière en crue peut complètement changer d’aspect.
Sur l’eau
Après avoir collecté toutes ces informations, vous pouvez créer une carte et noter toutes les informations importantes pour votre sortie.
- La solution numérique, avec les fichiers préparés préalablement en format .gpx ou .kml et téléchargés sur le smartphone. En utilisant le GPS vous pourrez vous retrouver à tout moment avec la possibilité de rajouter des photos des passages compliqués. Pensez à bien protéger l’appareil ou prendre un modèle étanche. Autre détail : au fond de gorges, le GPS est parfois plus capricieux !
- Sans électronique : vous pouvez noter la liste des éléments sur une carte et l’imprimer sur un papier imperméable et/ou le mettre dans une pochette.
Pour les voyages plus importants, Il est souhaitable d’utiliser les deux méthodes, en fonction de la difficulté de la section et la durée.
Boucler la boucle
Souvent, lorsqu’on navigue une rivière, relier le point de sortie avec celui de départ reste un exercice ennuyeux ou dépourvu d’intérêt. Cela n’est pas le cas en packraft ! Il y a plusieurs façons de boucler la boucle.
- Les transports en commun : en Europe, les réseaux de communication (routes et trains) suivent souvent les vallons, au plus proche des rivières.
- Le bikeraft. Si la difficulté de la rivière demeure modérée, c’est une manière très esthétique d’inventer de boucler !
- À pied. Le poids réduit et la compacité permettent de marcher facilement avec l’ensemble de son matériel. Si l’on remonte la rivière à pied, on en profite pour la repérer avant navigation.
Astuce : commencez par rechercher les possibilités en transport en commun, qui vous permettront ensuite d’intégrer un itinéraire à pied ou à vélo.
Le bikerafting
Né de la contraction de bikepacking et de packraft, le bikerafting consiste à les conjuguer au sein d’un même voyage. Ce combo permet d’envisager des boucles esthétiques combinant les plaisirs de rouler et de naviguer, tout en continuité : le packraft accroché au vélo et inversement. Le récit en page 48 en est une parfaite illustration 😊. À la journée ou sur plusieurs mois, le potentiel est immense ! Tentons de répondre aux principales interrogations.
Pour quel type de vélo ? Tous ! VTT, gravel, vélo pliant… tout biclou peut convenir. Seul accessoire qui pourrait être gênant : les garde-boue. Selon la taille du vélo, on retire une ou deux roues (voire aucune pour un vélo pliant). L’essentiel étant de limiter ses bagages pour qu’ils puissent se loger sur/dans le packraft.
Ça abîme le vélo ? Non ! D’abord, le vélo reste principalement hors de l’eau. Ensuite, s’il est aspergé régulièrement voire immergé très temporairement, eh bien ce n’est absolument pas grave : les vélos sont prévus pour vivre dehors, dans la boue, la poussière, la pluie… Seul détail qui nécessite de l’attention : régulièrement graisser sa chaîne et rincer soigneusement tout son matériel au retour s’il s’agit d’eau salée. Un peu comme si vous rouliez en Écosse !
Pour quelles navigations ? Pas toutes ! Un packraft chargé est plus difficilement maniable et moins rigide. On se contentera donc de rivières relativement calmes, peu manœuvrantes. En effet, le vélo dépassera obligatoirement de part et d’autre de l’embarcation, ce qui l’expose aux rochers, à la végétation… et peut modifier votre trajectoire de manière incontrôlée.
Comment s’y prendre ? Il n’y a pas de technique unique, tout dépend de la géométrie du vélo et du packraft.
Voici quelques conseils :
- Nul besoin de surprotéger le packraft : tout bon modèle supporte sans difficulté un vélo. Éviter simplement que le pédalier ne se frotte aux boudins. Et de manière générale, ce qui a été dit dans le paragraphe sur l’entretien s’applique : portez attention à tous les objets potentiellement saillants : câbles, accessoires (porte-bagages)…
- Accrocher solidement le vélo : il doit être parfaitement solidaire du packraft. Petites sangles et boucles de type Voile straps font très bien l’affaire. Mention spéciale à ces dernières qui, sans être ultralégères, sont très rapides à installer.
- Essayer toutes les positions (je parle du vélo) ! Avec ou sans les roues, dans un sens, dans l’autre… À vous de trouver la forme la plus compacte et le meilleur placement : le plus proche possible de vous, sans qu’il ne gêne le pagayage.
- Mémoriser : une fois que vous avez trouvé la bonne position, trouvez des repères pour vous en souvenir.
- Utiliser un packraft de bonne taille : s’il est trop petit, vous risquez d’être gênés pour pagayer, ce qui est particulièrement handicapant lors de longues navigations. Ou il faudra placer le vélo trop loin devant.
Où naviguer ?
Même en se limitant à l’Hexagone, les idées de destinations fourmillent ! Citons-en déjà une dizaine qui valent tous le détour : Ardèche, Allier, Dordogne, Drôme, Durance, Gardon, Loire, Loue, Rhône, Tarn, Verdon… Attention toutefois, il convient de bien se renseigner : chacun de ces cours d’eau comporte des sections plus ou moins sportives ! Je ne saurais que recommander des ouvrages comme Rivières Nature en France de Laurent Nicolet, une riche source d’informations pour préparer de telles navigations.
Et si l’on sort de nos frontières, les possibilités sont infinies ! Pour n’en citer qu’une : la Slovénie, véritable paradis de l’eau vive !